Votre serviteur avait assisté, pour la première fois, à un concert de Ben Harper, en 1998. C’était à Torhout (NDR : dans le cadre du festival jumelé Torhout/Werchter). Etonnant que près de 20 ans plus tard, il soit toujours dans le circuit en compagnie de ses vieux comparses, The Innocent Criminals. En 2015, la troupe s’était à nouveau produite à Werchter ; et cette année, elle est repartie en tournée mondiale, un périple baptisé « Call It What It Is », soit le titre du nouvel opus. Il transitait donc par les Hauts-de-France, et plus précisément le Zénith de Lille, ce jeudi 20 octobre. Retour sur un concert très très bien ‘roadé’…
The Jack Moves est prévu en supporting act. Malheureusement, malgré un départ de plus de 2h30 avant le début de sa prestation, je ne suis parvenu à assister qu’aux remerciements adressés par Zee Desmondes et Teddy Powell, à la foule. ‘What a pity !’ Il faut cependant souligner que le concert de Ben Harper a suscité un énorme engouement dans le Nord de la France. Ce qui explique la véritable cohue, autour du Zénith Arena. Le parking est blindé, la fosse pleine à craquer, et les gradins se remplissent à une vitesse vertigineuse.
21h05 les lumières s’éteignent. Le show peut commencer. La foule est déjà survoltée. Les premiers rangs sont carrément compressés contre les barrières. Le personnel de la sécurité est particulièrement à cran. La nervosité, vraiment palpable.
Représentée par une immense cible, le décor est inspiré de l’artwork du long playing « Speak Out-A Bluegrass Tribute ». Un oiseau en bois surplombe un petit meuble ; et un tissu coloré à motifs psychédéliques pend négligemment le long du clavier.
Chapeau vissé sur le crâne, Ben Harper grimpe sur l’estrade. Il est accompagné de ses Innocents Criminals. Il y a une telle ferveur dans les acclamations qu’elles en deviennent impressionnantes. Issu de « Fight For Your Mind », « Oppression », ouvre les hostilités. De quoi ravir l’auditoire. Le concert va alterner les genres, depuis la soul au blues en passant par le rock et le folk, sans oublier le reggae.
Aux percus, Leon Mobley affiche une maîtrise stupéfiante. D’abord sur le plus reggae « Finding Our Way ». Puis lorsqu’il s’autorise un solo en avant-scène pour « Burn One Down ». Mais encore lors d’un trio qu’il partage en compagnie du bassiste Juan Nelson et du gratteur Michael Ward, sur « Don’t Take That Attitude To Your Grave ». Mais en général, ce dernier semble quelque peu absent. Quant à Jason Yates, malgré son look de vieux corsaire, il se révèle plutôt discret. Le musicien qui brille vraiment de mille feux, c’est Juan Nelson. Il épate par sa technique et sa capacité à suivre (ou précéder) Ben Harper. Pendant « Fight For Your Mind/Them Changes », lui et Ben exécutent un long passage instrumental. Aussi, fascinée, la foule l’ovationne pour l’encourager. Après ce morceau, Haper va même plaisanter en déclarant : ‘Je ne peux pas le suivre !’.
Ben Harper est un excellent communicateur. Que ce soit vis-à-vis de ses musiciens que de l’auditoire, qu’il remercie à maintes reprises, parfois la main sur le coeur, comme s’il était submergé par une certaine émotion.
Il tend aussi le micro vers la foule pour l’inviter à chanter sur « Finding Our Way », l’incite à frapper dans les mains en rythme ou à les lever « With My Own Two Hands ». Sous les lumières du Zenith Arena rallumées pour la circonstance, tout le monde s’exécute, des premiers rangs aux derniers gradins du fond de la salle, pour ce long moment de communion.
Outre sa technique remarquable affichée, notamment lorsqu’il se sert de la slide, le Californien Ben Harper possède une excellente voix. Et son interprétation a capella et sans micro d’une partie de « Morning Yearning » a de quoi clouer le public sur place. La performance subjugue, et l’assemblée l’écoute religieusement avant de l’applaudir longuement.
Ben Harper rappellera aussi The Jack Moves sur l’estrade pour interpréter « Under Pressure », en hommage à Freddy Mercury et David Bowie, avant de terminer ces deux heures de concert par un solo acoustique sur « Waiting On An Angel ». Il est alors seul sur les planches face à un auditoire ébahi…
Donc le concert était génial. Pour être honnête, il ne m’a pas totalement convaincu. Pourtant, le son était nickel. Et la technique des musicos, irréprochable. Je vais encore me faire des amis, mais soit… En fait, j’ai eu l’impression d’assister au spectacle d’une véritable machine de guerre. Tous les rouages étaient parfaitement huilés. C’était même digne d’un show permanent à Las Vegas. A aucun moment, je n’ai ressenti une réelle émotion dans ses propos ou ses gestes ; que ce soit le poing levé ou la main sur le cœur. Tout semblait calculé comme dans une production hollywoodienne. Aucune place n’a été laissée à la spontanéité. Même le rappel et les reprises étaient savamment arrangés. Il y a fort à parier que si vous assistez à deux shows de cette tournée, vous retrouverez la même selist, les mêmes clins d’œil adressés au public, les mêmes attitudes censées communiquer des émotions… finalement, il ne changerait peut-être, que de t-shirt…
Quel dommage de voir un tel artiste se laisser bouffer par le système –et il n’est pas le seul– dans l’unique objectif de privilégier la rentabilité ; alors qu’il a le talent pour improviser à travers des jams mémorables… qui le rendraient célèbre… C’est un choix !
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(Org: FLP + Divan Production)