Derrière la caméra, la belle Amélie a communiqué sa joie de vivre aux abords de Montmartre. Dans la réalité, mademoiselle Poulain a changé la vie de milliers de cinéphiles et indéniablement, celle d'un musicien: Yann Tiersen. En 2002, le multi-instrumentiste a trouvé sa muse, porte-drapeau musical véhiculé en douceur par les irréprochables images de Jeunet. Actif dans le petit monde musical depuis 1995, Yann Tiersen recevait enfin l'acclamation populaire qu'il mérite. Et depuis, l'évocation du nom de l'artiste ne suscite plus des réactions de grenouilles éberluées. Oui, Yann Tiersen est devenu un personnage emblématique du paysage musical français et international. Aux quatre coins d'Europe, ses concerts complets témoignent de ce nouveau statut. Nouveau statut, nouvelle bande originale pour un classique: "Good Bye Lenin", en 2003. Une fois encore, c'est l'ovation. Plutôt réservé, Yann s'acoquine alors de la discrète Shannon Wright pour accoucher d'un disque rêche, enlevé et pour le moins atypique. Après cette escapade, l'artiste avait besoin de se retrouver, de se ressourcer. L'île bretonne de Ouessant sera ce lieu de pèlerinage artistique, nouveau foyer d'accueil pour un Tiersen en quête d'inspiration. Aujourd'hui, les amateurs célèbrent en grandes pompes "Les Retrouvailles" en compagnie du maître. D'emblée, l'auditeur retrouve la touche Tiersen: de timides clavecins, le chant incantatoire d'une fée nommée Elizabeth (Liz Fraser de Cocteau Twins), une valse chavirante à l'accordéon ("La Veillée") et tous ces instruments qui ont guidé le musicien vers son fabuleux destin. Chez Tiersen, il n'est pas question de mélancolie: c'est une tension positive déchirée, une inondation de larmes de joie. Mais ce disque est aussi l'histoire du barbec' de Ouessant et de ses sympathiques convives: Stuart A. Staples (Tindersticks) pour une lumineuse "Secret Place", Jane Birkin jouant la funambule sur les cordes de "Plus d'Hiver". Domique A et Miossec chantent "Le Jour de L'ouverture" en se partageant un dernier verre devant les braises de ces émouvantes retrouvailles. Le titre est sublime, imprégné d'une aura rédemptrice. C'est dans ce bain de quiétude que Yann reprend les instruments pour déverser "La Boulange", chanson violente et tourmentée comme une vague frappant violemment les rives rocheuses de Bretagne. C'est indéniable: le type dispose d'un talent extraordinaire, d'un don naturel pour les choses élémentaires. Comme ces cloches de l'église de Lampaul qui tintent sur "7:PM". Au final, on ne remerciera jamais assez Yann Tiersen de nous avoir proposés cette somptueuse "Traversée" (DVD bonus retraçant les plus beaux moments des "Retrouvailles" Tierseniennes) en sa compagnie.