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Grégory Escouflaire

Grégory Escouflaire

mardi, 30 mai 2006 05:00

Repartir, comme à quarante

A force d'attendre la lune, les Tindersticks ont mis pour l'instant leur carrière en veilleuse… L'occasion pour leur chanteur Stuart A. Staples de se lancer à corps perdu dans de nouvelles aventures, cette fois en solitaire à la poursuite de ses propres démons. Alors qu'il fête cette année son quarantième anniversaire, le crooner à la voix si suave s'interroge quant à son existence. Que laissera-t-il derrière lui pour rebondir de plus belle, après quinze ans (déjà) de sursauts musicaux ? Si ces fans le savent (quelques disques superbes, une trace indélébile au pays des mélodies altières), Staples, lui, préfère encore douter. C'est ainsi qu'on avance, et notre Anglais l'a bien compris. 

Deux albums solos en un peu plus d'un an… Faut-il l'interpréter comme une parenthèse en attendant un nouveau Tindersticks ?

J'ai juste besoin d'air en ce moment, surtout depuis la tournée qui a suivi la sortie de « Waiting for the Moon »… Dès qu'on avait une petite pause j'en profitais d'ailleurs pour bosser dans mon propre studio, pour enregistrer les idées qui me trottaient dans la tête. C'était important pour moi d'expérimenter davantage, au niveau des textures… D'approcher la musique de manière différente, selon différents angles, tout en recentrant mon écriture sur le songwriting. Il y a deux ans, je savais déjà que je sortirai un album solo, voire deux.

Cette idée de te lancer dans une carrière solo, c'est un vieux rêve ?

J'ai toujours composé des chansons de mon côté, mais le groupe passait en premier. Aujourd'hui j'éprouve vraiment le besoin d'appréhender ce qui m'entoure de manière différente… J'espère qu'on retrouvera l'envie de composer ensemble, mais pour y parvenir il faut qu'on le désire de manière collective. Je pense que nous sommes arrivés à un point où la routine s'est installée, et c'est devenu de plus en plus… (il hésite). Ce n'est pas que je n'éprouve plus de satisfaction en compagnie des Tindersticks, mais je pense qu'on a peut-être perdu cette étincelle qui nous maintenait en vie…

Comment les autres membres du groupe considèrent-ils tes escapades en solo ? Les voient-ils d'un mauvais œil ou sont-ils contents pour toi ?

Je pense que nous sommes arrivés à un point où chacun se doit d'accepter le fait que tu puisses avoir envie de faire autre chose. Et c'est valable pour tout le monde : David (Boulter, claviériste du groupe) compose aussi de son côté, tout comme Dickon (Hinchliffe), qui écrit pas mal pour le cinéma. Nous avons tous besoin d'aller voir ailleurs.

Te sens-tu à l'étroit au sein des Tindersticks ?

Il ne s'agit pas de ça… C'est juste qu'au cours des dernières années je me suis souvent posé la question de savoir si je faisais de mon mieux chez les Tindersticks, et la réponse était non. Je n'avais donc pas le choix : il fallait que je reste sincère avec moi-même… Mais ce choix n'a rien à voir avec les personnalités de chacun : je continue à voir les autres, à discuter avec eux du futur de Tindersticks. Ce n'est pas fini, que tout le monde se rassure !

D'une certaine manière, ces deux albums solos représentent donc pour toi une période de transition ?

Oui, c'est clair, même s'ils incarnent déjà le passé, puisqu'ils ont été enregistrés il y a plus de six mois, et composés il y a plus de temps encore… Je ne sais pas très bien pour l'instant vers où je vais et ce que je vais faire, mais ça me convient.»

As-tu bossé sur cet album de manière différente que pour le premier ?

Oui, l'approche était différente. Pour cet album, tout est parti des mots. Il y a longtemps que je n'avais plus travaillé ainsi, mais tout ici est basé sur l'écriture, les textes. « Lucky Dog… », c'était davantage une affaire d'expérimentation, de tâtonnement : il fallait que je trouve une nouvelle manière d'exister, en dehors des Tindersticks…

Tu parles de mots… La littérature t'inspire-t-elle, par exemple ?

Non, et d'ailleurs je n'écris jamais rien sur papier. Tout est dans ma tête… Et il y a toujours une mélodie qui accompagne ces idées. L'inspiration, elle vient du fait que je pense être arrivé à une période de ma vie où j'ai besoin de changement. Quelque chose a changé, je le sens… C'est de ça dont parle l'album : de ce combat intérieur. J'ai envie de ce changement, mais en suis-je vraiment capable ? Tu sais que ce changement en vaut la peine, mais pour cela tu dois laisser plein de choses derrière toi, d'où le titre de l'album. C'est la raison pour laquelle quand j'ai commencé à écrire, je ne pouvais plus m'arrêter : il fallait que ça sorte. Ce sentiment, je ne l'avais plus ressenti depuis le deuxième Tindersticks !

Ne s'agirait-il pas de la fameuse crise de la quarantaine ?

Peut-être bien, oui… On peut l'interpréter comme une envie de se positionner différemment, par rapport à toute cette routine qui au fil des années s'installe dans ta vie, et qui t'empêche d'appréhender sereinement l'avenir… Et je n'aime pas ce sentiment ! J'ai besoin de trouver de nouvelles façons de penser, de réfléchir, de comprendre ce qui m'entoure. C'est de là que sont nées ces nouvelles chansons.

On sentait en effet, en écoutant les deux derniers Tindersticks, que tu éprouvais certaines difficultés à te réinventer en tant que songwriter…

Sans doute, et ces deux albums-ci ont été également difficiles à écrire… Mais pour celui-ci je suis arrivé à un point où je me sens vraiment exister musicalement. J'ai composé chaque chanson sur une guitare acoustique. Ce qui s'est révélé le plus dur, c'était de traduire en musique ce qui me trottait dans la tête, mais je pense y être arrivé, même s'il m'a fallu beaucoup de temps pour trouver les arrangements que je désirais leur coller.

As-tu reçu de l'aide pour traduire tes pensées en musique, au niveau de l'orchestration par exemple ?

Oui. Terry Edwards m'a donné un coup de main pour les cuivres, et Lucy Wilkins pour les cordes. Je les connais depuis longtemps (il s'agit en effet de deux fidèles collaborateurs des Tindersticks) : ils sont toujours très patients, et ils savent mieux que personne comment traduire mes désirs en musique. On bosse à trois en discutant beaucoup : c'est comme une conversation, en somme.

Tu parles de musique 'dans ta tête', d'existentialisme musical,… Y penses-tu sans cesse, 24h/24, comme si c'était ton oxygène ?

Elle se manifeste à moi par vagues obsessionnelles. Pour l'instant je n'ai pas trop envie d'y penser, parce que ça demande beaucoup d'investissement et de souffrance… Et en ce moment je suis content de laisser les choses se faire, de rêver. Parce que dès que je bosse sur un disque, j'y pense tout le temps, et ce n'est pas bon pour ma vie de famille.

Quand tu chantes 'I keep the path under my feet/Cos I know it's the only one' (« There is a path »), c'est dans ce sens-là : la famille, à savoir la seule chose qui finalement en vaille la peine ?

Oui, c'est une chanson très romantique, qui parle du fait qu'il faut préserver sa famille, ses proches. C'est le plus important.

L'amour… a toujours été ta principale source d'inspiration, non ?

(sourire) : Comme pour tout le monde, non ? Je ne pense pas que ce soit quelque chose d'étrange à ressentir… C'est ce qui nous donne envie de vivre ! (rires)  

Parce que tu chantes surtout les sentiments amoureux, et ce depuis tes débuts chez les Tindersticks… Pourrais-tu écrire des chansons sur autre chose ?

Je ne choisis pas les sujets qui m'inspirent, ce sont eux qui me choisissent. C'est ça l'inspiration, peu importe ce que cela signifie. Si l'amour est un sujet de « Leaving Songs », il y en d'autres, et surtout celui de laisser certaines choses derrière soi pour rester libre. Pareil concernant les albums des Tindersticks, même si en les réécoutant j'y trouve aussi beaucoup de regrets et de ressentiment… A l'époque je n'aurais sans doute pas été capable de le déceler, mais avec le recul je comprends mieux ce qui nous poussait à écrire.

En regardant dans le rétroviseur, y a-t-il quelque chose que tu voudrais changer à ta carrière ?

Non, parce que chaque événement correspond à un moment précis de ton existence, à des émotions que tu captures à un instant précis. Si le temps permet d'y poser un regard critique, tu ne peux rien y changer…

Est-ce facile pour toi de réécouter tes anciens disques ?

Non, mais c'est arrivé il n'y a pas longtemps : ma femme avait retrouvé des vieilles cassettes des deux premiers albums des Tindersticks, qu'elle a passées dans la voiture. Je les ai écoutées en entier, et je me suis dit : « Ok, maintenant je pige ce qui s'est passé.

As-tu éprouvé du plaisir en les réentendant ?

Oui… Ces deux premiers albums reflètent une époque où tout allait parfaitement bien… Pendant deux/trois ans c'était comme si on flottait, comme si la musique jaillissait de nous sans heurts, en toute liberté, sans prise de tête ni batailles d'ego. C'était un sentiment merveilleux, et c'est pourquoi ils sonnent de façon si spéciale…

Peux-tu nous en dire plus sur tes duos avec Lhasa et Maria McKee ?

Pour « This road is long » j'ai cherché pendant des mois quelqu'un qui pouvait la chanter comme je le désirais, c'était vraiment problématique… Puis un jour, alors que je me promenais dans les rayons d'un disquaire, je suis tombé sur un album de Maria McKee, et d'un coup j'ai su que j'avais trouvé la personne qu'il me fallait. En réécoutant sa musique, sa voix, tout s'est mis en place immédiatement, et c'est alors que je lui ai envoyé une maquette de la chanson. Elle m'a répondu directement, m'écrivant qu'elle adorait ce titre et qu'elle acceptait de chanter dessus. C'était comme un cadeau tombé du ciel !

D'où te vient cet amour pour les duos ?

J'ai toujours aimé cette formule. Elle se prête bien à ma manière d'écrire… Parce que j'aime bien écrire en partant d'un autre point de vue que le mien, comme si d'une certaine manière j'étais en conversation avec moi-même.

Pourrais-tu envisager un jour un duo avec un autre chanteur ?

(du tac au tac) : Oui, bien sûr. J'y ai souvent pensé, mais je n'ai pas encore trouvé la personne qui pourrait s'y prêter…

Si tu pouvais en choisir un, là…

Probablement Louis Armstrong, mais ça va être difficile ! De toute façon c'est la chanson qui détermine mon choix, pas l'interprète. C'est comme si tu devais absolument trouver la voix qui va avec, et pas une autre.

vendredi, 30 juin 2006 04:00

L'oreille de l'orfèvre.

Il y a deux ans sortait « Homesongs » d'Adem, les histoires domestiques d'un Anglais habitué aux bruits lancinants du frigo, et de son 'autoharpe' achetée aux puces. Aujourd'hui c'est à plus grande échelle que notre homme compte émouvoir le quidam, même si la recette n'a pas changé d'un poil. Une voix, une guitare, du bidouillage en mode veille pour ne pas réveiller le voisinage : Adem est le gendre idéal. Rencontre, bis.

J'ai lu sur ton site que tu considères « Love And Other Planets » comme un album-concept sur l'espace, la chose cosmique…

Oui, tout à fait. A l'instar de « Homesongs », c'est de nouveau un disque conceptuel : je l'ai remarqué après avoir écrit 4/5 titres, qui parlaient tous de la même chose. Au début je pensais que c'était juste de la parano, mais il faut croire que j'avais envie d'en parler ; alors j'ai décidé d'explorer davantage ce thème… Et je me suis rendu compte que c'était déjà présent sur « Homesongs », dans « These Are Your Friends » par exemple, où je parle d'espace. Faut croire que c'est quelque chose qui trottait dans ma tête depuis un bon bout de temps, donc…

Et tu sais pourquoi ?

Je ne sais pas, c'est une question qui m'a toujours interpellée ! (rires) Et puis après « Homesongs », qui est un disque composé d'un point de vue très personnel, j'avais envie d'emprunter dans d'autres directions, d'expérimenter de nouvelles perspectives. Sur cet album-ci le point de vue est quasi démiurge, comme un regard jeté sur la Terre à partir de l'univers, même si j'y parle toujours d'amour… Sauf qu'ici je voulais insister sur le fait qu'on est tous pris dans un mouvement bien plus massif qu'on ne l'imagine, et qu'en même temps de petits détails peuvent changer le cours de nos existences. Peu importe le contexte global dans lequel on baigne, une poignée de mains peut avoir autant de conséquences sur nous que deux galaxies qui entrent en collision !

N'est-ce pas flippant, en tant que terrien, de se savoir si minuscule ?

C'est clair, mais cette peur de l'immense nous encourage aussi à nous serrer les coudes. Parce que rester seul fout forcément la trouille. Mais nous ne sommes pas seuls dans ce monde : nous sommes tous là les uns pour les autres.

Et ce titre, « Love And Other Planets » : signifie-t-il aussi que l'amour est une planète à part entière, qu'il nous faut explorer ?

Oui, bien sûr. Cela signifie, entre autres, que l'amour est comme un astre que tu peux regarder à l'aide d'un télescope : tu sais qu'il existe, mais tu ne peux pas l'atteindre. Ou que c'est mécanique, comme une planète : ses mouvements s'avèrent régulés, répondent à certaines lois, comme celle de la gravité. 

Euh, et les hommes sont issus de Mars et les femmes de Vénus ?

(rires) Ouais, je connais le bouquin (NDR : signé John Gray) mais je l'ai jamais lu ! En fait je pense que les hommes et les femmes viennent de la planète Terre, et peu importe qui habite Mars et Vénus ! On a déjà assez de problèmes à résoudre ici-bas… 

As-tu produit ce disque de la même manière que son prédécesseur ?

Sur « Homesongs » les silences étaient très importants. Ici je ne voulais pas reproduire la même chose, mais au contraire pondre un disque plus dense, avec plein de choses qui se passent en même temps… Quand tu écoutes « Homesongs » encore et encore, ça roule, ça tient en place. Ce que je voulais pour « Love And Other Planets », c'est qu'à chaque écoute l'auditeur découvre de nouveaux détails : il y a bien plus d'instruments et d'arrangements sur celui-ci, et tout s'y trouve pour une raison précise. Ecoute-le donc au casque ! 

Il t'a demandé plus de boulot, je suppose, surtout au mixage.

C'est sûr. Mais j'ai beaucoup appris depuis « Homesongs », en tant que songwriter, que performer, que chanteur et que producteur. Et c'est ce que j'ai voulu prouver sur ce disque. Pour « Homesongs » j'ai vraiment cravaché comme un dingue pour arriver à ce que je souhaitais. Pour chanter correctement. Et il n'était pas question que je lâche la pression au moment d'envisager son successeur. Je ne me suis pas dit : 'Oh, maintenant je sais chanter, c'est bon' : j'ai vraiment bossé dur. Ce que j'ai tenté de réaliser, c'est un disque très touffu et travaillé, mais facile d'écoute, qui sonne de manière très naturelle... 

Et que tu as enregistré une nouvelle fois tout seul, ou presque ?

Oui, chez moi, comme pour « Homesongs ». Avec cette fois l'envie d'avoir un son plus massif, plus ouvert, capable de suggérer l'univers, l'immensité qui nous entoure. Il y a davantage de tension qui sous-tend l'écriture, parce que mes textes parlent d'espoir, du potentiel en chacun de nous, de ce qui peut nous arriver. Ou pas. C'est l'un des thèmes de l'album. J'y parle aussi d'amour, d'humanité, mais pas forcément dans le bon sens du terme : l'espoir peut s'avérer un sentiment très pathétique… Il ne sert à rien, par exemple, d'espérer quand la situation est sans espoir. C'est le sujet du dernier titre de l'album (NFR : « Human Beings Gather Round ») : la fin du monde arrive, mais il reste des hommes qui espèrent être sauvés, alors qu'ils vont y passer comme tout le monde… (un ange passe) Mais ça n'a rien de cynique. Il reste de l'espoir. Je crois en l'être humain. 

En live tu joues quasi en sourdine, sans trop d'amplification. S'agit-il d'un choix mûrement réfléchi ?  

Oui, mais rien ne dit que mon prochain album ne sera pas électrique ! J'aime laisser toutes les pistes ouvertes… Pareil pour ce disque, même s'il est clair que je ne voulais pas de sons qui émanent d'instruments amplifiés. Je n'ai pas fini mon exploration de la chose intimiste. 

La musique acoustique symbolise-t-elle pour toi le genre suprême pour traduire une certaine idée de l'intime, de l'intérieur, du profond ?

Peut-être… Mais j'ai récemment écouté le « Master & Everyone » de Bonnie Prince Billy, et c'est le même genre d'émotion, avec une basse et une guitare électriques ! Je ne sais pas… Moi je préfère ce qui n'est pas amplifié, c'est ainsi. Et les instruments que j'utilise, l'autoharpe, le glockenspiel, le clavecin, vont dans ce sens. Je pense que beaucoup de musiciens qui jouent de la musique intimiste le font avec des instruments acoustiques parce qu'ils y sont habitués, point barre. Mais s'ils se mettaient tout d'un coup à la guitare électrique, ça marcherait toujours, j'en suis sûr ! 

Tu sais de toute façon de quoi tu parles : tu jouais dans Fridge ! Rien à dire à ce sujet ?

On y travaille. On espère sortir un nouveau disque début 2007. C'est très excitant parce qu'on se connaît depuis qu'on a 12 ans (NDR : Sam Jeffers, Kieran Hebden et lui), mais ces dernières années on n'a pas eu le temps de se voir, et le fait de relancer la machine va nous permettre d'y remédier. C'est vraiment cool. Et c'est une bonne excuse pour reprendre contact ! 

C'est amusant : on parle de musique acoustique, et ton pote Four Tet (Kieran Hebden) vient de sortir un disque en compagnie de Steve Reid (« The Exchange Session ») sur lequel on trouve un morceau intitulé « Electricity And Drum Will Change Your Mind »…

Oui c'est vrai, et d'ailleurs j'aime beaucoup ! Il y a plein de trucs hyper électriques qui me touchent, de la musique de laptop qui me fait fondre en larmes… L'important n'est pas l'instrument, mais la sensibilité avec laquelle on en joue ! 

Que pensent Kieran et Sam de ta musique ?

Ils me soutiennent depuis le début, et ils l'aiment beaucoup. Kieran m'aide au mixage, parce que je suis sourd d'une oreille. 

Vraiment ?!?

Oui ! Je n'entends rien de l'oreille gauche, donc la stéréo… Je ne sais pas ce que c'est ! C'est pourquoi lors du mixage de mes disques, j'ai fait appel à Kieran ; car il est très difficile pour moi d'appréhender le son en tant qu'espace, les balances… 

S'agit-il d'un accident ?!?

Non, c'est congénital. Le nerf relié au cerveau ne fonctionne pas comme il devrait… Il y a de la friture sur la ligne, si je puis dire ! Mon oreille fonctionne, mais l'information n'atteint pas le cerveau. 

Penses-tu que ta carrière de musicien, ton amour de la musique, en est la conséquence ?

Je ne sais pas… Il y avait bien un piano à la maison, mon père était pianiste… Mais  je pense que ma passion pour la musique vient surtout de ma rencontre avec des gens comme Sam et Kieran, à l'adolescence… Ils m'ont beaucoup inspiré, et vice-versa : on traînait tout le temps ensemble à écouter des disques, à s'exciter les uns les autres à propos de tel ou tel artiste qu'on venait de découvrir, ce genre… 

Donc, tu entends, si je puis dire, en mono ?

Si on veut, oui, mais c'est même encore pire puisque quand j'écoute de la musique au casque, je n'entends que d'un côté ! Je ne reçois que la moitié de l'information, en somme.

Et sinon, comment s'est passé ta rencontre avec Vashti Bunyan ? Tu as collaboré à son deuxième album, « Lookaftering », sorti l'année dernière…

En fait je la connaissais depuis un certain temps déjà, mais quand elle a découvert qu'elle était devenue la nouvelle icône de la coolitude et qu'elle allait devoir donner un gros concert à Londres, elle a eu un peu peur. C'était son premier spectacle en 45 ans, à peu de choses près, et elle m'a demandé de l'accompagner sur scène, avec Kieran. Quand on s'est rencontrés elle était très timide, et vraiment apeurée. Elle est venue chez moi, on a discuté. Elle nous a raconté son histoire, c'était incroyable ! Je me rappelle qu'elle ne voulait pas quoique ce soit ; puis à la fin de la soirée elle a quand même changé d'avis, et c'était grandiose : imagine, Vashti Bunyan qui chante dans ta cuisine ! Depuis lors on est devenus amis, on discute beaucoup de l'industrie du disque, parce qu'elle n'a pas beaucoup d'expérience en la matière. Quand elle m'a demandé si je voulais jouer sur son disque, j'ai accepté directement, évidemment ! Ce qu'elle a fait avec Max Richter (NDR : à la prod) est vraiment brillant, d'autant qu'il y a plein de stars qui ont participé, Devendra Banhart, Joanna Newsom,… Ils sont arrivés malgré tout à garder le contrôle et à faire sonner le disque comme un disque de Vashti Bunyan. 

De là, la discussion prend des allures de débats à la Nick Hornby… Où il est question de Grizzly Bear, d'Alice in Chains, de Jeff Buckley (sa cover de « Mojo Pin », sur l'album-tribute « Dream Brother – The Songs of Tim & Jeff Buckley »), de Hot Chip (« Leur premier album est bon aussi »), de The Verve, de musique sérielle, de Quickspace Supersport, de Stereolab, de Nirvana, de l'Elysian Quartet, d'Alexis Murdoch (« Un songwriter à suivre ! ») et de ses disques d'île déserte. Il y en à quatre, et ce sera le mot de la fin :

« Blue » de Joni Mitchell, « Music For 18 Musicians » de Steve Reich, « A Love Supreme » de John Coltrane et « Gish » des Smashing Pumpkins ! 

samedi, 31 décembre 2005 01:00

Le mythe du paradis perdu

Telles deux rescapées d'un monde où l'amour serait roi et l'inconscient une valeur politique, les sœurs Casady croient encore que notre civilisation peut être sauvée, par l'imagination. Un fantasme, une aberration, peu importe : leur musique est là pour panser nos plaies, laissées béantes à force d'être seulement soignées par notre vaine certitude. De qui, de quoi ? L'homme est trop sûr de lui-même, et c'est ce qui l'oblige, un jour, à ravaler sa fierté de travers et mourir, seul. Aucune rédemption possible ? Pour prévenir l'agonie on écoutera « Noah's Ark » et « La Maison de Mon Rêve » en boucle : c'est comme du yoga, en version 'folk hip(pie)-hop'. Hip hip hip hourra ?!? Et advienne que pourra. Mais qu'en pense Sierra Casasy, une des deux CocoRosie ?

En l'espace d'un an vous êtes devenues des stars de l'Internationale folk. Qu'est-ce qui explique selon vous cet intérêt soudain pour CocoRosie ?

Eh bien… La réalisation de notre premier disque (NDR : « La Maison de Mon Rêve ») a été  pour nous une surprise totale. Même en plein enregistrement, on avait du mal à imaginer sa concrétisation : qu'il atterrisse dans les mains du public, et même qu'il existe, tout simplement ! Il est arrivé si vite et de manière si spontanée que même une fois l'album terminé on se sentait… Comment dire… C'est comme s'il menait sa propre existence, sans l'aide de personne, comme s'il avait une âme. Et bien que je l'adore, j'étais très surprise que tant de gens y trouvent leur compte et s'y reconnaissent. C'est quelque chose que je peux très bien comprendre, mais pas expliquer ! Peut-être est-ce dû au fait qu'en ce moment l'humanité connaît une mauvaise passe et ressent le besoin de revenir à quelque chose de plus primal, d'originel, qui touche au plus profond de son être et de son cœur. C'est palpable en ce moment au niveau artistique. Ce retour aux sources, à l'état primitif. Peut-être peut-on même parler de spiritualité. En fin de compte on espère que notre musique est un acte d'amour, qui libère l'imagination.

C'est vrai que votre musique dégage beaucoup de spiritualité, et touche en cela notre conscience collective. Tous ces bruits du quotidien qu'on y décèle renvoient à la nature et aussi à l'enfance. C'est comme un retour aux origines, d'avant les remords et les désillusions de l'âge adulte.

Je pense que les enfants sont très innocents, et qu'à travers cette innocence ils s'avèrent capables d'embrasser le monde de manière quasi mystique. Quand ils racontent une histoire ils parviennent ainsi à révéler la vérité qui la sous-tend, sans tomber dans les préjugés et les préceptes sur lesquels bute l'adulte. Nous avons tellement de bagages, d'a priori et de frustrations… Je pense que les adultes ont peur, et c'est la raison pour laquelle on raconte nos histoires comme si nous étions restées des gosses, dans le but de révéler en même temps la lumière et les ténèbres.

Quand on écoute la musique CocoRosie, on se sent réconforté. Elle nous rappelle l'utérus, la quiétude amniotique, quand l'être humain s'avère encore intact, sans peurs et sans reproches.

(NDR : belle comme un soleil, elle sourit encore) Oui… Je ne sais pas… Il est difficile d'être objective tout le temps ! (NDR : elle rit) Mais je vois très bien ce que tu veux dire. L'important pour nous, en tant qu'artistes, c'est d'évoluer dans un espace qui déborde d'humanité. Nos histoires abordent ce sujet, sans trop d'arrière-pensées… L'humain, c'est l'essentiel.

Sur la pochette de « Noah's Ark » on peut voir des licornes, qui durant le Moyen-âge étaient le symbole de la pureté et de la virginité… Tout se tient !

(NDR : grand sourire.) Exactement ! On accorde beaucoup d'importance aux créatures mythologiques, et on adore les animaux ! Pour nous la mythologie s'apparente à une manière de vivre, à une sorte de médium qui permet la remise en question, la transformation, la recréation. C'est comme une renaissance.

Pourquoi l'une d'entre elles saigne ?

Elle pleure. Des larmes sacrées de tristesse. 

Mmm, quelles jolies bêtes ! Et les oiseaux, les chats, les chevaux,… On en entend plein sur vos deux disques ! Pourquoi donc ?

On aime les sons qu'ils produisent, c'est tout !

Avez-vous bossé différemment sur ce disque ?

Non, notre démarche s'est révélée plutôt similaire : on a pas mal improvisé, et fait confiance à notre troisième œil… La seule grande différence, c'est qu'au lieu d'avoir tout concentré dans une petite pièce, on a bossé partout, à tout instant. Comme on a beaucoup tourné ces derniers mois, on y réfléchissait aussi bien sur la route que backstage, quand on sentait que c'était le moment. C'est ça l'inspiration : elle peut aussi bien jaillir pendant la nuit dans une chambre d'hôtel qu'avant un concert, peu importe où l'on se trouve… Un peu comme les escargots, tu vois ? Qui portent leur maison sur leur dos ?

Euh… Oui, bien sûr ! Mais tous ces lieux de passage n'ont pas l'air de vous avoir tellement influencées : « Noah's Ark » ressemble fort à « La Maison de Mon Rêve », non ?

Oui, l'expérience reste avant tout très intime, et c'est ce qui est étrange : peu importe le fait qu'on voyageait tout le temps, on arrivait toujours à réinventer ces mondes de créativité et de musique dans lesquels on se sent si à l'aise… Même si partir en tournée s'avère un véritable challenge. Parce que c'est fatigant et qu'à un moment t'as envie de tuer tout le monde ! Nous avons vite réalisé qu'il était tout à fait possible de préserver notre propre univers… Grâce à notre imagination.

Cela signifie-t-il que rien ne peut vous émouvoir en-dehors de votre propre psyché ? Que la musique vous sert avant tout d'échappatoire ? Que vous ne ressentez aucune volonté de confrontation avec la société qui vous entoure ? 

Oui, définitivement. Quand nous sommes en plein processus de création, nous évitons d'être en contact avec notre environnement immédiat. Je pense que notre musique se suffit à elle-même mais qu'au final elle exprime quand même bien la façon dont on appréhende le monde, et comment celui-ci nous affecte. L'environnement qui nous entoure, on ne s'y intéresse pas de manière littérale : c'est bien plus profond, bien plus fort et authentique…. On parle ici de connexion avec nous-mêmes, avec les gens qui nous entourent, d'une façon plus imaginative, quasi surréelle. C'est comme si on était en contact avec notre propre subconscient, et peu importe s'il nous échappe, si on ne comprend pas ! Parce que même pour nous c'est un mystère… Mais c'est après, une fois que le travail est fini, qu'on peut tenter d'interpréter les histoires qu'on raconte, les sentiments qu'on ressent, à travers la musique, les mélodies et les paroles. Et par là y déceler nos opinions sur la politique ou le monde actuel… Tu saisis ? 

Il y aurait donc chez CocoRosie une grande part laissée à l'inconscient, d'où le titre de votre premier disque, « La Maison de Mon Rêve » ?

Absolument ! Et je pense que cette perspective n'a rien à voir avec une quelconque notion d'échappatoire. Pour moi c'est comme si au contraire nous étions en osmose avec le monde qui nous entoure, avec l'humanité, son histoire et ses cicatrices ; et ce quelle que soit l'importance accordée à nos rêves et à notre inconscient dans le processus créatif. 

Dans le livret du cd promo on peut lire que votre musique est 'connectée au passé, et vague à propos du futur'. Donc quoi ? Vous avez peur du futur ? La maison de vos rêves ne ressemble-t-elle pas, en fin de compte, à une prison dorée ?

(NDR : interloquée) Ce n'est pas ce qu'on a voulu dire ! Je n'étais même pas au courant ! Il est difficile de superviser tout ce qu'on écrit sur nous, il y a tellement de gens qui bossent pour CocoRosie… 

Tu n'es donc pas d'accord avec cette assertion ?

Je pense qu'il y a intégration de l'histoire dans notre musique, pour autant qu'elle nous affecte émotionnellement… Mais il est certain qu'on ne peut imaginer l'avenir, c'est quelque chose qui reste pour nous un mystère… Et c'est justement ce que nous chérissons ! 

Et que penses-tu de cette soi-disant nouvelle scène folk à laquelle on vous affilie, en compagnie de Devendra Banhart, d'Antony, de Vetiver, de Joanna Newsom, de Ben Chasny et j'en passe ?

A vrai dire on s'en fiche ! Elle ne nous dérange pas. On s'y est fait. Mais quand on lisait les premières reviews de « La Maison de Mon Rêve » on se sentait quand même offensées… En quoi notre art, dans tout ce qu'il symbolise de personnel, a-t-il à voir avec un 'genre' ? Ca n'a aucun sens ! Mais on s'y est habitué, et finalement c'est bien d'être comparées à des artistes qui sont avant tout des amis… »

Vous les connaissiez avant que le succès et la médiatisation n'arrivent ?

Devendra, c'est un vieux pote. Quant à Antony, nous sommes d'abord tombées amoureuses de sa musique avant de le connaître… 

C'est lui qui chante sur « Bisounours » ?

Non…

Ah bon, on dirait que c'est lui ! Il chante même en français.

Tu veux parler de Spleen ? (NDR : rappeur et 'human beatbox' français qui les accompagne sur disque et en tournée).

Ah, euh, c'est-à-dire non, je… Tu en es sûre ?

C'est moi !

Soit. Vous aimez donc la culture française ?

Cette culture est si poétique ! Et romantique, même si c'est cliché de le dire… On aime beaucoup Rimbaud, Jean Genet : leurs œuvres nous parlent, de façon spirituelle. 

Peux-tu m'en dire plus sur le titre de l'album, « Noah's Ark » ?

(NDR : soudainement, elle s'émeut et sa voix se fragilise) On tente de trouver le chemin qui nous mènera vers un monde nouveau… Vers une nouvelle vie. Notre monde touche à sa fin, tu ne crois pas ? 

Mmmm ?

Oui. Notre monde. Les gens.

Pourquoi poses-tu cette réflexion ?

Ne penses-tu pas que l'humanité agonise ? 

Yep, mais ce n'est pas nouveau. C'est ainsi depuis la nuit des temps, non ?

Oui, mais je pense qu'en ce moment c'est de pire en pire… 

L'humanité est en danger !

Oui… (NDR : de plus en plus émue, pensive). Il vrai que ce n'est pas nouveau. Le profit, le matérialisme, la corruption, l'obscurantisme,… Ces notions existent depuis toujours, elles vivent au cœur de notre humanité et sont très destructrices... Enfin bref… La mort est inhérente à l'humanité, et sur « Noah's Ark » on essaie de comprendre comment on en est arrivé là… L'Apocalypse approche ! C'est la raison pour laquelle il faut prendre le large, vers le nouveau monde…  (NDR : un ange passe)

L'arche du titre, c'est la passerelle qui relie l'ancien monde et le nouveau ?

Oui, c'est comme un pont entre ce monde-ci et celui de notre imagination. 

Tu penses donc qu'il est plus facile de capitaliser sur notre imagination, sur nos mondes intérieurs, plutôt que sur le monde dans lequel on vit ? Si on suit ton avis, on n'est pas dans la merde !

Bon, je suis sûre que les gens peuvent changer… Et je pense qu'il est très important de croire en ses rêves et en ses idéaux, parce qu'ils révèlent ton identité. C'est le mythe auquel il est nécessaire de croire, et il se passe ici, maintenant ! Il n'a donc rien à voir avec le fait de fuir notre monde : il faut juste parvenir à vivre à fond son propre mythe personnel, tant qu'il est encore temps !

mardi, 06 juin 2006 05:00

There's a magic in everything !

Il y a deux ans paraissait le fabuleux « Flashlight Seasons », d'un dénommé Nick Talbot, alias Gravenhurst : du folk mélancolique aux couleurs mortifères, chanté d'une voix hantée sur une guitare en berne. Quel pied : on n'était désormais plus tout seul à déprimer les jours de grisaille, et la biture existentielle de devenir notre sport quotidien. Qu'elle se pare d'oripeaux électriques ne changera pas la donne : « Fire in Distant Buildings », troisième album de Gravenhurst, sonne dès lors comme le témoignage pressant d'un homme qui n'a plus rien à perdre. L'esprit échaudé par la tournure maligne que prend notre société, Nick Talbot fait péter les guitares et cite My Bloody Valentine. Rencontre.

Ce troisième album révèle de nouvelles directions, moins acoustiques que prévues...

Oui, il n'y a plus autant d'éléments acoustiques qu'auparavant, même s'il en subsiste... Je n'avais pas envie de reproduire le même schéma que sur mes deux premiers albums. On va peut-être perdre quelques fans à cause de ce changement, mais on espère en gagner d'autres ! En fait il s'agit pour moi d'une sorte de retour aux sources, puisque avant de fonder Gravenhurst j'avais un groupe rock, Assembly, et d'ailleurs « Down River » date de cette époque : j'ai écrit cette chanson en 1998. Le fait d'avoir gagné un peu d'argent avec Warp m'a permis d'entrer dans un vrai studio et d'enregistrer le disque rock que je voulais faire... S'il m'avait fallu rester coincé dans ma chambre à composer à l'aide d'un micro et un 4-pistes, j'aurais sans doute encore sorti un album folk… Tout dépend des circonstances, en fin de compte ! En fait mes racines musicales sont à chercher du côté de l'indie rock : Joy Division, The Cure, Sonic Youth, ce genre de trucs. Je me suis mis au folk bien plus tard, à l'instar de Nick Drake, Bert Jansch,... Les seuls trucs folk que j'écoutais petit, c'était les Simon & Garfunkel de mes parents ! J'ai vraiment découvert le folk après My Bloody Valentine...

Il y a deux ans au Pukkelpop ton concert était de fait très noisy, et puis tu es revenu à l'AB Club, seul à la guitare. Ca n'avait rien à voir !

Pendant tout un temps je ne pouvais pas me permettre financièrement d'emmener avec moi tout un groupe, mais quand c'était possible, forcément j'avais envie de faire péter la sauce ! Ta réflexion est marrante, parce que l'autre jour on jouait à Londres en première partie de John Parish, et il y avait cette fille au premier rang qui n'arrêtait pas de gueuler : 'J'ai écouté ta musique sur Internet, c'était vraiment joli et calme, pourquoi tu ne joues plus ça ?!?'... C'est d'autant plus amusant que la même semaine sortait dans les bacs ce documentaire sur Bob Dylan (« No Direction Home »), où tu vois tous ces folkeux réac' qui le traitent de Judas parce qu'il se met à jouer électrique... Bordel ! Rien n'a changé depuis les sixties ! C'est comme s'il n'y avait jamais eu le Velvet Underground, c'est n'importe quoi !

Tu évoques ton premier groupe, Assembly... Existe-t-il des enregistrements ?

Non, nous n'avons jamais réussi à choper un contrat avec une maison de disques... Il y a juste un live qui circule sur le net. A l'époque on a donné quelques showcases à Liverpool. On a même eu une review dans le NME... Mais au moment où on a commencé à prêter un peu plus attention à notre sort, Luke, notre bassiste, est décédé dans un accident de voiture... C'était pas de bol, et comme j'avais pas de blé je me suis mis à jouer de la musique plus calme, seul dans mon coin.

Qui sont les autres membres de Gravenhurst à l'heure actuelle ? Des potes ?

Dave (Collingwood), le batteur, joue avec moi depuis des années. Je le connais depuis 7-8 ans. Pour le reste le line-up a souvent changé, mais ce qui est sûr, c'est que Gravenhurst est aujourd'hui un vrai groupe : c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il ne s'appelle pas Nick Talbot ! Parce que j'ai toujours voulu chanter dans un groupe, avoir cette dynamique. De ce point de vue, le jeu de Dave est phénoménal, et son influence est énorme sur la manière dont sont écrits les arrangements. Il bénéficie même d'une partie des royalties, c'est dire...

Ce qui frappe à l'écoute de cet album, c'est son énergie, sa puissance. S'agit-il d'un enregistrement live ?

Oui, nous avons enregistré toutes les guitares et la batterie ensemble, dans la même pièce, au studio Toybox de Bristol. Ce studio est incroyable. Il appartient en partie à John Parish. Il n'empêche qu'il coûte cher d'y bosser. C'est pouquoi j'ai dû continuer à chipoter à la maison, notamment pour les lignes de basse. Mais un morceau comme « See My Friends » n'aurait pas pu être enregistré autrement qu'en live : il suffit d'écouter Dave, qui pète un câble à la fin, c'est démentiel !

Et l'on décèle également un peu plus d'éléments électroniques aux détours de certains titres... Etait-ce une volonté de ta part d'offrir à tes fans quelque chose de nouveau ?

Absolument ! Quand j'ai signé chez Warp pour mon deuxième album « Flashlight Seasons », Steve Beckett voulait savoir comment je voyais l'avenir, et j'étais bien forcé de lui répondre que je n'avais pas envie de m'enfermer dans un seul style. Que ce soit de l'acid folk, du rock à la Sonics, à la Velvet, à la Spaceman 3 ou des trucs à la Stereolab, peu importe ! Et c'est ce qui est formidable chez Warp : ce label te laisse le champ libre à l'expérimentation. C'est pourquoi j'ai signé chez eux.

Et le fait que la réputation du label prenne souvent le pas sur le reste, ça te gêne ?

En fin de compte, tout le monde chez Warp s'en tape : il semblerait qu'il n'y ait que le public et les médias qui y accordent tant d'importance... Les gens s'avèrent, ma foi, fort conservateurs ! C'est la dictature de la génération IDM, qui pense qu'Autechre est le fin du fin… J'ai lu des réactions assez comiques sur certains forums, quand Warp venait de me signer. Un songwriter folk, et puis quoi encore ?!? Les mecs qui me cassaient n'avaient même pas encore écouté ma musique (rires). Brillant !

N'empêche que c'est plutôt nouveau chez Warp, cette tendance au crossover... On sent dans ta musique l'influence du post-rock et du krautrock, par exemple.

Oui, c'est vrai qu'il y a un lien avec toutes ces musiques noisy, basées sur le drone... Ca n'a rien à voir avec « Flashlight » en tout cas, mais il y avait déjà ce genre d'influences sur « Black Holes in the Sun » (le EP 6 titres sorti en 2004) : ce mélange d'idiomes folk et noisy. C'est pareil pour ce disque.

A cet égard, peut-on considérer « Black Holes in the Sun » comme un disque de transition ?

Oui, c'est un disque qui montre une certaine progression, mais j'ai toujours écouté une grande variété de styles. Dans ma discothèque il y a autant du Sandy Denny que du Whitehouse ! Je ne fais pas de distinction : c'est de la musique, point barre !

Parlons de l'album : sur « Down River », le morceau d'ouverture, on dirait qu'il y a de la reverb sur ta voix. Pourquoi cet effet ?

J'avais envie d'un gros son bien spatial à la Talk Talk, de bosser à fond là-dessus, que ça dégage de la puissance. Pareil pour « See My Friends », où je voulais qu'il y ait de la distorsion sur ma voix. Que ça soit bien dantesque ! Il y a pas mal de conservatisme dans le music business, mais ce n'est pas toujours la faute des musiciens eux-mêmes... Le problème, c'est qu'une fois qu'un groupe signe un contrat avec une maison de disques et que son premier album rencontre un certain succès, il subit pas mal de pression pour le suivant. Les fans veulent réentendre le même truc, la maison de disques aussi, et il devient difficile de se remettre en question et d'oser faire quelque chose de différent... Une fois que cette activité devient vraiment ton gagne-pain, tu finis donc par te faire entuber, et c'est le bordel. Mais moi ça ne m'a pas affecté outre mesure, parce que de toutes façons je ne vends pas de disques ! (il se marre) Pour des artistes qui vendent plus, cette situation doit par contre être pénible... A part peut-être pour Jack White, qui peut sortir ce qu'il veut sans s'inquiéter, puisque depuis le début il se fait passer pour un non-conformiste...

Ce qu'il fait sonne pas mal, mais son discours sur la musique est par contre assez regrettable. Quand il déclare fièrement qu'« Elephant » a été enregistré sans l'aide d'aucun ordinateur, c'est un peu pathétique, non ?

Ouais, tout le monde s'en fout ! Son discours conservateur, réac', technophobique, c'est n'importe quoi ! Il s'enlise dans une espèce de théorie mystique sur les bienfaits du rock à l'ancienne, tsss... Tu crois que mon disque, je l'ai enregistré sur un 4-pistes ou un ordinateur ?

C'est absolument impossible de le savoir. Ca ne s'entend pas ! En fait on l'a enregistré sur bandes, puis on a musclé le tout sur ordi. Si tu me fais écouter n'importe quel disque, je ne pourrais pas te dire s'il a été enregistré sur bandes ou sur ordinateur. Ce fétichisme du tout-analogique, c'est une vaste connerie ! Prends le « Blue Lines » de Massive Attack, un putain de classique : il a été enregistré de manière analogique, et franchement qui l'eût cru ? Il sonne pourtant comme un disque super sophistiqué ! J'ai du mal à piger des types comme Jack White, ça me fait bien marrer...

De quoi parle « The Velvet Cell » ? Tu chantes que 'pour comprendre un tueur, il faut le devenir'... C'est une référence au « Dragon Rouge » de Thomas Harris, à « Element of Crime », le film de Lars von Trier ?

Oui, c'est dans le même ordre d'idées. Si tu veux comprendre quelque chose, c'est mieux de te l'approprier, et quand c'est le cas ça commence à t'affecter, à t'influencer... Il y a par exemple cette histoire d'un flic qui s'est fait passer pour un sympathisant du British National Party, le parti extrémiste, et qui devait rendre des comptes au gouvernement. A force de jouer le jeu, inconsciemment il s'est senti influencé par l'idéologie raciste qui sous-tend la politique du BNP... C'est pareil pour ces types qui écrivent des bouquins sur les criminels et les psychopathes. Ce qui est incroyable, c'est que ça te met dans une position où tu n'es plus capable d'avoir un regard critique. Or il s'avère essentiel d'avoir du recul pour émettre un jugement moral. La chanson parle de cette tension palpable.

Pourquoi y a-t-il une reprise instrumentale, plus loin dans le disque, de cette même chanson ?

Parce qu'elle déchire ! Tu l'as écouté au casque ? Fume un pétard, mets le volume à fond, et tu comprendras ta douleur ! Stereolab a fait la même chose, et j'aimais bien l'idée. Les Beatles aussi, sur « Sgt Pepper's »... En fait, pour être honnête, j'avais envie de pousser Dave dans ses derniers retranchements. La version initiale durait plus de 10 minutes : mon but, c'était de le torturer !

On a l'impression que la plupart des plages de l'album pourraient subir ce genre de traitement...

Oui, d'autant qu'il y a pas mal de ruptures de rythme dans des titres comme « Song From Under The Arches » ou « See My Friends », qui laissent la place à ce genre de délire. Ca peut alors durer des plombes, mais tout dépend de l'état mental de Dave... J'adore ça ! Parce qu'il n'y a rien de pire que voir des groupes qui jouent sur scène leur musique comme sur leurs disques... J'aime quand t'as l'impression que les musiciens vont se planter, qu'ils sont au bord de l'implosion, de l'évanouissement : tu n'es pas sûr qu'ils vont s'en sortir, et c'est ce genre de tension que je recherche. Parfois ça fonctionne et c'est terrible, parfois c'est pompeux à mort et vaut mieux en finir. Ca dépend des jours, en fait.

Comme l'écrivait Salinger, 'la plus courte distance entre deux points est un cercle parfait' !

C'est intéressant, tiens, sauf que ça veut rien dire du tout ! La plus courte distance entre deux points, c'est une ligne droite, mmm ? Je ne vois pas trop ce que Salinger a voulu dire par là, mais c'est sûr que ça sonne bien !(rires)

Peux-tu nous en dire plus sur le titre de l'album, « Fire in Distant Buildings » ?

Il vient d'un article que j'ai lu sur Brian Wilson. En pleine paranoïa et tandis qu'il composait une chanson sur son piano, il alluma sa télé et contempla stupéfait qu'un immeuble près de chez lui était en train d'être détruit par les flammes. Comme il était un peu loin dans sa tête, il arriva à la conclusion que c'était sa chanson qui avait provoqué l'incendie... J'y ai vu une belle métaphore de notre société moderne, où tout le monde se sent un peu responsable des merdes qui pourrissent notre civilisation. C'est comme si l'humanité se rendait compte qu'elle avait foiré, mais qu'en même temps elle savait bien qu'elle ne pouvait rien y faire. D'où ce thème de la paranoïa qu'on retrouve sur le disque : on culpabilise, mais en fin de compte c'est de notre faute.

Dans ce contexte, quel est le rôle de la musique ? Peut-elle changer, selon toi, les mentalités ?

Je n'en sais foutre rien, vraiment ! Pour moi la musique, c'est comme un truc transcendantal, parce que de toute façon je suis athée... Je lis énormément d'essais politiques, c'est très stimulant intellectuellement, mais au final ça ne m'apporte aucune paix intérieure – et c'est là qu'intervient la musique. J'ai eu une éducation très rationaliste, ce qui m'empêche de croire en une quelconque religion, et la musique, même si elle n'explique rien, me permet d'accéder à une sorte de stade primal que je ne connais pas via la religion ou que sais-je... En fin de compte, le monde, pour moi, reste un mystère, et j'aime bien cette idée. C'est la raison pour laquelle j'essaie d'écrire mes paroles de manière la plus ambiguë possible, pour laisser place à ce mystère, qui symbolise pour moi une espèce de puissance ancestrale. C'est ce qui donne un sens à ma vie...

On retrouve en effet cette thématique dans les titres et les paroles de tes chansons : ce sentiment de perte, d'abandon, d'ensevelissement...

Oui, prends « Cities Beneath The Sea » par exemple : il s'agit sans doute du morceau le plus optimiste de l'album, qui traite du fait que les pires choses peuvent nous arriver, il y a toujours cette espèce de mystère qui nous sauvera du marasme. Je ne pense pas que l'humanité soit en soi importante : même si la race humaine était rayée de la terre, le monde aurait toujours un sens. Je pense qu'il existe un sens intrinsèque au monde, même sans êtres humains. Il n'y a certes pas de preuves tangibles à cet argument, c'est juste une idée transcendantale... 'No matter how bad the world seems, there's a magic in everything !' 

McLusky : trois types qui font du punk-rock sans trop se prendre la tête, mais sans non plus passer pour des couillons. Des guitares qui crissent et des refrains qui crispent. L'un des groupes les plus explosifs de ces dernières années. En plus, ils savent trousser de sacrées mélodies. " Les Pixies, les Nirvana du pauvre " ? Balivernes : McLusky est le secret le mieux gardé d'Angleterre. Ils nous expliquent tout, ici, maintenant. Sans langue de bois. Et en maniant un humour qui frise la mauvaise foi. " Fuck McLusky " ? C'est eux qui le disent, mais on leur pardonne.

Je vois que vous avez un nouveau batteur... Que s'est-il passé avec l'ancien ?

Andy Falkous (chanteur, guitariste) : On l'a viré pour des raisons personnelles, mais tant que la musique reste bonne, qu'est-ce que ça peut foutre ? Il ne voulait plus jouer du rock, voilà tout. Il essayait d'incorporer des trucs 'dance' dans notre musique, et ça ne marchait qu'une fois sur un million… Ce type est vraiment bizarre : le genre de gars qui, s'il est malheureux, reste dans son coin et ne dit rien. Nous aurions du le virer déjà avant… Mais il n'est pas facile de virer quelqu'un. On n'est pas dans un groupe pour jouer aux méchants.

Vous n'êtes donc plus très amis ?

A.F. : Pas vraiment, non ! Je ne l'ai plus vu depuis longtemps, mais je n'ai plus envie de revoir sa face de rat. En ce qui me concerne, il a essayé de nous baiser, et ça je ne peux pas lui pardonner. Même s'il avait une super coupe de cheveux.

Cette histoire a-t-elle interféré dans la réalisation de ce nouvel album ?

A.F. : Après l'avoir viré, tout est rentré dans l'ordre, et on a commencé l'enregistrement en décembre dernier. C'était de nouveau une expérience amusante. Nous nous sommes bien marrés. Même si ce n'est pas vraiment ce qu'on peut appeler un album " gai ", sur lequel tu peux danser avec les gosses dans ton jardin… Mais il a été composé par trois types heureux, même s'il est plein de rage. La colère est en nous : on ne peut rien y faire. On ne s'assied pas en se disant 'Et maintenant mettons-nous en colère ! ! !' : on joue de la musique, et elle sonne ainsi. On n'est pas du genre méchant… Sauf quand Newcastle perd un match.

D'ailleurs on retrouve sur cet album des refrains plus pop.

A.F. : C'est exact, même si c'est bien plus compliqué qu'on imagine : les paroles, elles, restent plutôt obscures et sarcastiques ! Mais peut-être qu'elles nous aideront à élargir notre public. Cet album est plus éclectique. " Do Dallas " était plus carré, plus violent.

Tu parles des textes : comme d'habitude, on n'y comprend pas grand chose… Et ces titres à rallonge… Rien qu'avec ça, vous essayez déjà de transmettre quelque chose ?

A.F. : Pour être honnête, la grande différence entre McLusky et la plupart des autres groupes, c'est qu'avec eux tu ne dois même pas réfléchir quand tu lis leurs titres de chansons. Je ne suis pas en train de dire que tu dois être diplômé en sciences cognitives pour piger nos paroles et nos titres, mais la plupart des albums de rock n'ont pas de titre ou bien les chansons s'appellent " Going Home ", " Winter ", " Daddy "…. C'est n'importe quoi ! Et puis nos textes ne sont pas si difficiles à capter : c'est du littéral. Et c'est plutôt marrant. Peut-être que certains sont prétentieux, mais peu importe : être dans un groupe, c'est prétentieux. Ce n'est pas comme si c'était hyper naturel…

C'est drôle en effet. Vous pratiquez avec aisance l'humour à l'anglaise, ce bon vieux " non sense " cher aux Monty Python…

Jon Chapple (bassiste, chanteur) : Grandir en Angleterre sans avoir été influencé par les Monty Python est presque impossible.

A.F. : Parfois ça peut paraître un peu abscons, mais il serait malhonnête de notre part d'y changer quoi que ce soit pour devenir plus populaires. Je pense de toute façon que tu peux apprécier nos chansons sous différents angles, que tu sois un gosse qui aime pogoter, que tu nous apprécies pour les paroles, que tu aimes les deux, que tu préfères les mélodies ou bien que t'aies perdu ton portefeuille et que tu te retrouves par hasard à l'un de nos concerts… Tout peut arriver, mon vieux !

Vous arrivez à garder un parfait équilibre entre ironie et sérieux. Est-ce pour vous un comportement naturel ?

A.F. : Tout dépend du moment : tu ne peux pas être constamment sarcastique. T'as des mecs qui ne disent jamais rien d'intéressant parce qu'ils sont trop occupés à vouloir tout le temps être cyniques. Je pense qu'il faut avant tout se rendre compte que faire partie d'un groupe, c'est en fin de compte complètement ridicule. Même si c'est important pour certaines personnes, ça ne veut pas dire grand-chose… Il faut rester conscient de la futilité du truc, plutôt que de croire que t'es le centre de l'univers parce que tu joues de la guitare.

" Fuck This Band " va dans ce sens ?

A.F. : C'est presque un avertissement que tu te donnes à toi-même. Si te foutre des autres t'amuses, tu dois également savoir te foutre de ta propre personne. C'est comme un mécanisme d'autodéfense, si tu vois ce que je veux dire ! (rires)

C'est sans doute plus facile à concevoir quand on est entouré de groupes comme Starsailor ou The Darkness, non ?

A.F. : C'est clair qu'il est plus facile d'avoir de l'inspiration quand t'es entouré de toute cette merde ! Si nous étions entourés de groupes comme The Fall, les Pixies ou Fugazi, ce serait déjà vachement plus difficile ! Il est plus facile d'être inspiré par ce que tu n'es pas.

Quelle est la pire critique qu'on pourrait émettre à votre égard ?

A.F. : Qu'on soit des côtelettes pleines de sauce tomate servie avec une soupe par Gina Lollobrigida dans une station stellaire si lointaine que même mentionner son nom équivaudrait à mourir par manque d'oxygène. (ils se marrent comme des baleines)

? ! ? Euh !… On n'a pas encore parlé de ce type, là, comment déjà ?, Steve Albini… Pourquoi avoir choisi de travailler à nouveau avec lui ?

A.F. : Parce que c'est un putain de producteur, voilà tout ! Son studio est dément. Son équipe est sympa. On ne pouvait pas imaginer travailler avec quelqu'un d'autre. Mais ça pourrait changer dans le futur… Ou non.

J.C. : La vérité, c'est qu'il nous a dit : " Si vous ne revenez pas, je vous retrouverai et je vous tuerai ! "

A.F. : Il a kidnappé ma mère et pété ses jambes avec un marteau en gueulant : 'Si vous ne rappliquez pas tout de suite, je vais vous transformer en cendrier humain !' Et tu sais quoi ? Avec le regard qu'il avait, je l'ai cru jusqu'au bout… Ce type est un malade !

A vrai dire tout le monde enregistre aujourd'hui avec Steve Albini… D'ailleurs on se demande si c'est vrai ou si ce n'est pas juste comme un " label déposé " : t'achètes son nom, pour l'imprimer sur un sticker que tu colles ensuite sur ton disque. Et les ventes explosent.

J.C. : C'est uniquement la raison pour laquelle on a fait appel à lui.

A.F. : Plus sérieusement, c'est un vrai problème… Parfois tu fais des interviews, mais les journalistes, en fin de compte, ne veulent pas t'interviewer : ils veulent interviewer Steve Albini. La réputation du bonhomme importe plus que le disque. C'est vraiment débile, mais les gens ont besoin de ce genre de références. Comme quand on parle de nous et des Pixies… Fuck that ! Mais il y a une raison à cela : on a fait une chanson qui sonnait un peu comme les Pixies, et depuis on nous bourre le mou avec cette histoire… Mais les gens ont besoin d'un cadre de référence, parce qu'il est difficile de parler d'un disque. Ok, d'accord ! Mais une chose est certaine : Steve Albini n'a pas composé les chansons de ce disque ! ! !

L'année dernière vous avez sorti un maxi comportant un inédit intitulé " Undress For Success "… Pensez-vous que votre musique est " inadaptée au succès " ?

A.F. : Un plus large public serait fantastique, même si je pense qu'on ne sera jamais un groupe de masse, à cause de la musique que l'on joue… On est pourtant sacrément bons ! (rires)

Seriez-vous prêts, par exemple, à faire des compromis dans ce sens ?

A.F. : Notre musique ne changera pas d'un iota, point barre. Même si notre attitude signifie ne jamais rencontrer de succès… A vrai dire on s'en tape. Et puis de toute manière, aussi ridicule que cela puisse paraître, il y a plein de kids en Grande-Bretagne qui ont découvert à travers notre musique les Pixies, Gang of Four, The Fall, Shellac,… Et ça c'est déjà une victoire, parce que ce sont vraiment des bons groupes, qui méritent d'être plus connus.

Le garage-punk revival de ces trois dernières années vous a quand même pavé la voie vers davantage de reconnaissance, non ?

A.F. : Un petit peu. " Do Dallas " est sorti juste au moment où notre aventure commençait à prendre une plus grande envergure. Mais pour être honnête, tout ce revival, c'est du pipeau. Ce n'est pas bien méchant. Juste du rock'n'roll bien traditionnel joué par des types aux coupes de cheveux intéressantes. Rien de très spécial… Je pense qu'on est un peu en dehors de toute cette mode, et qu'on n'y sera jamais vraiment intégrés. Mais encore une fois, qu'est-ce que ça peut bien foutre ?

Dernière question, toujours la plus stupide : quel est, en tant que groupe, votre vœu le plus cher ?

A.F. : D'enfermer Witney Houston dans une tour, avec des citrons comme seul moyen de subsistance. A chaque heure pile, elle devrait pousser un " Laaa ! " ou un " I ! ! ! ", et puis la fermer, jusqu'à l'heure suivante, où elle crierait un autre truc : " Will ! "… " All… ! "… " Ways ! "….. " Love ! "….. " Youuuu ! ! ! ". (Ah ! Ils rient de bon cœur, les salauds !).

vendredi, 31 décembre 2004 03:00

Histoires domestiques

Derrière ses petites lunettes, Adem Ilhan n'a l'air de rien, et pourtant il vient de sortir un bon disque, « Homesongs », 10 comptines de l'intime qu'il a écrites tout seul. La solitude, le souffle au milieu du silence, et cette croyance en l'homme, même s'il est minuscule au milieu du cosmos : Adem parle de ces petites choses qui bouleversent nos vies, mais sans frimer comme Philippe Delerm. Rencontre.

Le titre que tu as choisi pour ton album, « Homesongs », reflète-t-il une envie de te mettre à nu ? C'est comme un journal intime.

C'était clairement une décision de ma part de vouloir offrir quelque chose de très intime et de très personnel. Quand j'ai commencé à écrire des chansons, j'ai rapidement remarqué qu'elles tournaient toutes autour de certains thèmes : pas la maison, le lieu d'existence à proprement parler, mais plutôt la famille, les amis, les gens qui te sont proches, et que tu quittes ou que tu retrouves. Au fur et à mesure que l'album prenait forme, j'ai décidé de creuser ces thématiques. 

Etait-il important pour toi d'enregistrer un disque aussi introspectif ? On est très loin de Fridge, d'un point de vue musical.

Exact, c'est un disque très introspectif… Mais au départ, c'était un accident ! J'étais occupé de flâner dans une brocante, et je suis tombé sur cet instrument incroyable… Je m'amusais à frapper ces cordes avec un stylo, et le son qui en sortait était vraiment magique, d'un apaisement total ! J'ai alors commencé à écrire des morceaux en utilisant ces sonorités comme colonne vertébrale, et il en est sorti une première version de « Statued », le morceau d'ouverture de l'album. C'est à ce moment-là que je me suis dit : ce disque sera constitué de chansons ! Tout était basé sur ce son, et je voulais m'y tenir, parce que ça donnait aux morceaux une couleur très rassurante, intimiste. Je voulais que l'auditeur ait l'impression d'être assis à mes côtés. 

Quel est cet instrument ?

C'est une 'autoharpe' (http://en.wikipedia.org/wiki/Autoharp), en fait une sorte de cithare qui donne un son très aérien, naturellement magique ! Dès que je l'ai essayée, je me suis dit : 'Wow ! C'est charmant !'

Magique, romantique, dépressif ?

Il est vrai que ces chansons sont un peu déprimantes, mais j'espère qu'elles distillent également un sentiment d'espoir ! Il faut garder l'espoir, c'est ça le truc : peu importe si les choses vont mal, il y a toujours un endroit où retrouver sa famille, ses amis, les personnes que tu aimes. Voilà le concept : il existe un endroit dans lequel chacun d'entre nous peut se sentir bien… Mais il est clair que tout n'est pas rose, on ne peut pas le nier. La plupart des titres de « Homesongs » s'inspirent d'évènements qui sont arrivés à des potes ou à moi, et qui ne sont pas forcément folichons. En faire des chansons permet de se dire qu'aujourd'hui tout va bien, qu'avec le recul ce n'était pas si grave. 

Te trouvais-tu dans un état d'esprit particulier au moment d'enregistrer ce disque ?

Clairement, mais ça ne se situe pas forcément au niveau émotionnel. J'ai tout enregistré pendant la nuit, à la lumière des bougies, chez moi, dans le silence le plus complet, où le moindre murmure résonnait comme un cri. Je me suis plongé dans un état particulier. Ce qui donne une atmosphère si intimiste au disque. 

Etait-il impossible pour toi de le concevoir en mode diurne ?

J'étais obligé, à cause des voisins du dessus, et parce que j'habite juste à côté d'une usine. Il y a tellement de bruits en journée qu'il est impossible d'enregistrer ! Mais au fur et à mesure, enregistrer la nuit s'est imposé de façon naturelle : ça collait bien avec l'émotion que je voulais rendre sur le disque. 

Tu as tout fait tout seul ? Ca sent la solitude.

Ouais ! J'ai tout enregistré moi-même, et c'était assez bizarre comme expérience parce que j'ai l'habitude de bosser avec plein de gens… Mais pour une fois c'était très excitant de pouvoir faire ce que j'avais envie, d'expérimenter, de laisser aller sans retenue mon imagination. Il m'est bien sûr arrivé de demander à mes proches ce qu'ils en pensaient, mais au moment de l'écriture et de l'enregistrement, il n'y avait personne d'autre que moi ! Et ça se sent à l'écoute du disque, comme tu dis…

C'est dans ce sens (l'expérimentation) que tu t'es mis à chanter ?

Il m'a fallu pas mal de temps avant que je ne me considère comme un chanteur à part entière. C'est seulement maintenant que je peux le dire sans rougir ! Ca fait du bien d'être seul face à soi-même, en toute liberté, et d'essayer des trucs. C'est ainsi que tout a commencé : j'ai pris une guitare, en chipotant deux-trois paroles, une mélodie, et puis soudain, tes idées se mettent en place ! Et le reste suit. Lorsque plein de monde t'entoure, c'est plus difficile, parce que tu ne sais pas forcément quoi dire… Dès que j'ai composé la base de « Statued », je sentais qu'il manquait quelque chose, mais je ne savais pas quoi : je suis avant tout un producteur. J'ai alors eu l'idée de rajouter ma voix, et ça a fonctionné ! Les gens autour de moi ont commencé à réagir, estimant que c'était une bonne idée, donc j'ai poursuivi dans cette voie… Ce qui m'a donné confiance en moi.

Ta première idée était donc de continuer à créer de la musique instrumentale ?

Je compose de la musique en solo depuis des années, mais jusqu'ici je n'avais jamais ressenti la nécessité de la rendre publique. J'ai toujours tâtonné pour savoir ce que j'avais vraiment envie de faire : j'ai écrit chez moi beaucoup de tracks techno, ambient, mais je n'y mettais pas mon cœur. Ici c'est différent, j'y crois vraiment, et ça fonctionne.

Tu as comme point commun avec ton pote Kieran Hebden (Four Tet, et donc Fridge) de te servir des bruits du quotidien pour enrichir ta palette musicale. Y a-t-il dans ton écriture une place laissée aux accidents ?

Oui, tout à fait ! J'ai enregistré la plupart des chansons en une prise, pour donner cette impression de naturel, en gardant les erreurs, les aspérités… Même les oiseaux qui gazouillent et les camions qui passent ! Mais ce qui m'intéresse au niveau de la production, c'est de trouver le bon son. Au départ, ce n'est pas l'instrument qui prime, parce qu'il n'émet pas forcément le son que je recherche. Je peux par exemple le trouver en frappant une table avec un oreiller… Si j'utilise une guitare, j'imagine tout de suite le son qu'elle pourrait faire si je la plonge dans l'eau ou si je gratte les cordes. J'essaie de voir de quelle manière n'importe quel objet peut donner des sons qui sortent de l'ordinaire… Parce que tout objet est intéressant en soi, que ce soit une pièce de monnaie ou un jouet ! Une cuillère peut autant servir d'instrument de musique qu'une batterie. 

C'est quasi de la musique concrète !

Absolument ! Avec une sensibilité de songwriting… Tous ces sons que j'utilise doivent avant tout servir la chanson : c'est la grande différence. 

Tu travailles donc essentiellement à l'aide de collages ?

Je joue de tous les instruments, à part sur certains titres sur lesquels des amis m'ont secondé. Mais tout est live. Il n'y a pas de samples, même si j'ai tout enregistré sur ordinateur… En fait beaucoup de gens parlent de 'folktronica', et je dois dire que je ne suis pas d'accord ! C'est juste parce que j'utilise un ordinateur, mais bon je suis avant tout un producteur ! En vérité je passe plus de temps à bosser sur les détails que sur le songwriting : comment doit sonner tel accord, tel mot, tel souffle,… J'ai beaucoup chipoté sur ce genre de détails, mais s'ils sont là c'est pour servir avant tout la chanson ! C'est ce qui donne cette dimension intimiste au disque, même si cela reste très subliminal. Il y a beaucoup de choses qui se passent à l'arrière-plan, mais ça reste très subtil. 

N'y a-t-il pas là une légère contradiction ? Tu dis avoir laissé la place aux imperfections, mais en fin de compte tout est sous contrôle !

(Grand sourire.) Ouais, c'est un peu cynique, je suppose… Mais pour moi le travail de production n'est pas fort différent de celui de jouer de la guitare pendant des heures pour trouver la mélodie parfaite. Il y a toujours un peu de triche, comme le fait de calculer les blancs entre chaque titre. Rien n'est laissé au hasard ! Ces blancs, j'y ai réfléchi pendant longtemps, et je ne pense pas que la démarche soit fort différente de celle d'un chanteur qui refait dix fois la même prise vocale pour arriver à la 'juste émotion' ! Tout ça, c'est de la performance ! 

A part ça, as-tu été influencé par des songwriter folk ?

Oui, bien sûr. Rien que le fait d'être sur Domino m'a permis d'écouter plein d'artistes-maison du back catalogue, et je pense que ça s'entend. J'aime aussi les singers songwriters du début des années 70, comme Tim Buckley, Donovan, Nick Drake,… Mais j'écoute aussi Björk, Steve Reich, peu importe ! Comme j'écoute plein de trucs, tu peux retrouver dans ma musique des références à Joni Mitchell, mais aussi à Alice Coltrane, ce genre… Je n'ai pas essayé de copier qui que ce soit, mais plutôt de transmettre à l'auditeur les émotions que moi je peux ressentir quand j'écoute ces artistes. Comme une conjuration.

C'est marrant que tu cites Björk, parce que « Pillow » m'y fait penser, justement ! Et l'intonation que tu prends sur « There Will Always Be » aussi…

Oui, tout à fait ! En fait, sur « There Will Always Be », je chante comme elle : c'est une sorte d'hommage, parce que j'adore ce qu'elle fait. Elle sait vraiment bien s'entourer, et déborde d'idées. Quel courage d'oser faire un show avec pour seul instrument une harpe, ou des verres… Ca m'inspire ! C'est vraiment ce que j'ai envie de faire moi-même en live : que les spectateurs ne sachent pas à quoi s'attendre, que ce soit toujours une jolie surprise. 

Qu'est-ce qui t'inspire le plus ? L'amour, l'espoir, le désespoir, la mort ?

Ce qui m'arrive, ce qui se passe autour de moi, des histoires qu'on me raconte… Mais il s'agit davantage de détails, d'instantanés de vie, de petites expériences : rien de massif ni d'extraordinaire ! Tout le monde sait ce que rompre avec sa copine entraîne de la souffrance. Par exemple : ce sentiment de solitude, chacun peut l'appréhender… Je crois que tout le monde peut s'identifier à mes chansons parce qu'elles évoquent ce genre de thématiques à hauteur d'homme, et c'est ce qui est le plus important.

 

vendredi, 31 décembre 2004 04:00

Boenox, 100 points.

Boenox est un quatuor anversois qui fait de la musique pop avec des instruments classiques, et non l'inverse : un voyage sonore non identifié, qui s'adresse davantage aux jambes qu'aux neurones. Un comble pour des types qui ont fait le Conservatoire ! Heureusement, Boenox se fiche bien des puristes, et revendique son envie de créer une musique hors normes et hors mode ; bref à part. Nous les avons rencontrés pour tailler une bavette, avant leur passage à l'AB dans le cadre du festival Domino, le lundi 5 avril.

Tout d'abord, comment a débuté l'aventure Boenox ?

Dimitri Brusselmans : On s'est rencontré lors d'un stage d'orchestre au Conservatoire… Un jour on était bien saouls en jouant au scrabble, et j'ai inventé le mot " BOENOX " parce que je n'avais pas d'autre idée… Les autres ont accepté !

Stoffel de Laat : Ca ne veut rien dire mais ça valait beaucoup de points ! (rires)

D. : On avait donc le nom mais pas encore la musique…

S. : C'est alors qu'on s'est dit qu'on allait jouer ensemble, parce qu'il n'y avait pas de musique pour nos instruments (NDR : le hautbois, la contrebasse, le basson et le violoncelle). On a cherché en bibliothèque, mais on n'a jamais rien trouvé d'équivalent ! Et puis on avait déjà arrangé un concert, donc il fallait aller au plus vite ! On a demandé à un copain de nous composer quelques morceaux, et on s'est lancé dans l'aventure.

D. : Au début, c'était très difficile, parce que nous jouons tous des instruments d'orchestre, et pas du piano, de la guitare ou des percussions…

Il n'y a aucune œuvre, dans le répertoire classique, qui réunit vos quatre instruments !?

D. : Il y a bien Michael Haydn, mais c'est pour clarinette, violon, violoncelle et contrebasse…

S. : Et comme notre bassoniste a aussi un diplôme de clarinette…

D. : Sinon on a fait une reprise d'" Only You " ! Mais ça c'est plutôt rock.

Vous écoutez aussi du rock ?

D. : Pour moi c'est évident d'aussi écouter du rock, et même d'en jouer… Mais au Conservatoire cela reste plutôt rare.

S. : J'ai aussi joué dans des groupes de rock et de blues, mais c'est vrai que nous sommes un peu des exceptions !

C'est mal vu de dire qu'on aime la musique populaire quand on étudie le Conservatoire ?

S. : Ce n'est pas vraiment mal vu, mais les gens qui font le Conservatoire sont en général des puristes de musique classique…

D. : Et puis c'est vrai qu'il y a tellement de compositeurs fantastiques en musique classique : Mozart, les musiques de chambre,…

S. : Le répertoire est très riche.

Ce n'est pas justement difficile de se positionner par rapport au public ? D'un côté il y a les amateurs de rock qui trouveront votre musique peut-être trop " classique ", et de l'autre les amateurs de musique classique qui la trouveront sans doute trop " rock " !

D. : C'est ça qui est intéressant !

S. : C'est un peu un voyage de l'un à l'autre, du classique à la pop. Et ça nous plaît !

Le public à vos concerts est donc mélangé ?

D. : Oui. On a joué aussi bien au Pukkelpop que dans des églises, sans amplification.

Mais comment expliquez-vous que le public " rock " s'avère réceptif à votre musique ?

S. : … (un ange…) C'est une question difficile, ça ! (…passe) C'est venu comme ça. On ne s'est jamais vraiment dit qu'on allait toucher tel ou tel public. On fait notre musique, point barre.

On vous sent assez proches d'un groupe comme DAAU, par exemple…

D. : Peut-être, oui… Ils ont aussi fait le Conservatoire.

S. : Le fait qu'on mélange le classique au rock nous rapproche sans doute d'eux, mais notre style est quand même différent : leur musique est plus " folk ", la nôtre reste plus " classique ".

Le fait d'avoir choisi quatre instruments d'orchestre ne vous limite-t-il pas au niveau de la composition ?

S. : C'est à nous qu'il revient d'explorer (d'exploser) ces limites, pour voir ce qui est faisable ou pas… Et pour changer aussi : ce n'est pas toujours la basse qui doit jouer la basse ! Il faut sans cesse explorer, d'autant que rien n'a jamais été écrit avec ces quatre instruments.

D. : C'est une musique qui bouge.

C'est le cas de le dire, puisqu'on y entend aussi des beats ! Vous êtes aussi des amateurs de musique électronique ?

S. : Ca remonte à l'époque où j'avais une console Atari ! Et puis on a suivi des cours de musique électronique au Conservatoire, parce que ça nous intéressait…

D. : Même si on n'utilise pas toujours le laptop en concert, parce que s'il crashe, on ne peut plus rien faire ! Ca nous est déjà arrivé.

A cet égard, le morceau " Tic Tac " ressemble un peu à du Red Snapper… Avez-vous réalisé les beats tout seuls, ou bien avez-vous bénéficié d'une aide extérieure ?

D. : Pour ce morceau justement, on a travaillé avec Yannick Fonderie de Technotronic… Tu vois, " Pump up the jam " ? (rires)

La classe… Mais sinon, qu'écoutez-vous en musique classique ?

D. : Moi j'écoute beaucoup de musique contemporaine et de musique de chambre…

S. : Moi plutôt Beethoven (la symphonie n°7) et Brahms… Katelijn les suites de Bach et Edwin Shostakovitch.

Finalement votre musique pourrait amener les jeunes à se tourner davantage vers la musique classique…

S. : Ce n'est pas le but, mais pourquoi pas ?

D. : Ce qu'on fait nous semble normal. Couler de source. C'est Boenox, quoi…

Justement : comment définiriez-vous la musique de Boenox à quelqu'un qui ne vous connaît pas ?

D. : Ce n'est pas de la fusion en tout cas ! Je déteste ce mot.

S. : C'est entre la musique pop et la musique de chambre : c'est de la " pop de chambre " !

 

 

vendredi, 31 décembre 2004 04:00

L éther du milieu

En l'espace de trois ans et deux albums, le duo britannique Archive est devenu le nouveau fer de lance d'un rock progressif mâtiné d'électronique, aux ambiances plaintives et suffocantes. Le genre de groupe qu'on préfère écouter seul chez soi plutôt qu'avec sa copine, pour éviter toute démission affective et crêpage de chignons. Et même si Darius Keeler et Danny Griffiths s'en défendent, c'est la pure vérité : écouter 'Noise' et cet unplugged en charmante compagnie, c'est risquer la migraine : 'Pas ce soir, j'écoute Archive'… En cette période de course aux cadeaux, mieux vaut donc éviter d'acheter l'unplugged d'Archive à sa petite copine : un bon best of de Britney Spears ferait bien mieux l'affaire (quoique…)

" Il est vrai que ce disque est un bon cadeau à offrir à ton ex ! ", se marre Danny Griffiths, tête blonde et barbe de trois jours. " Toutes nos chansons parlent de rupture, de cette souffrance qu'on ressent à chaque fois qu'une relation part en couilles… Mais je reste persuadé que notre musique est positive. Elle ne véhicule aucun message misérable, et puis de toute façon écrire des chansons joviales ne nous intéresse pas, c'est bien trop facile ! ". N'empêche qu'à l'écoute de cet unplugged, qui reprend des titres des deux derniers albums d'Archive, difficile de croire que les jérémiades de Craig Walker (leur chanteur) donnent envie de taper du pied et des mains comme si on était au cirque. Un titre comme 'Fuck You' (ici en ouverture) ne respire décidément pas la joie de vivre, et celui qui dit le contraire ferait bien d'arrêter les Xanax et de se mettre vite fait au feng shui. " Ce titre évoque la frustration et la colère qu'on peut ressentir en vivant en Angleterre ", explique Griffiths. " Quand on l'a écrit, on en avait vraiment marre de tous ces politiciens véreux qui n'arrêtaient pas de promettre des choses mais ne proféraient que des mensonges… Tony Blair, Bush… Si je les rencontrais je leur mettrais ma main sur la gueule : ces types n'ont rien dans le cerveau ! Mais le plus amusant, c'est que chacun peut interpréter les paroles comme bon lui semble, y mettre son propre vécu : en Grèce par exemple, plein de gens demandent aux animateurs radio de passer 'Fuck You' à l'adresse de leur ex… T'y mets ce que tu veux, et c'est ça qui est cool ! ". Cool… ? Mais à quoi bon s'évertuer à ressasser ses rancœurs quand il est déjà assez difficile de les mettre au placard, et de continuer à vivre et être heureux, coûte que coûte ? 'La réalité, c'est ce qui refuse de disparaître quand on cesse d'y croire', disait Philip K. Dick, et là est sans doute le vrai message de cette chanson pleine de fiel et de ressentiment. Darius Keeler, le moins sanguin des deux, semble acquiescer entre deux gorgées de bière : " Je comprends ce que tu veux dire… ", lâche-t-il d'un sourire en coin en regardant son collègue. " Il a raison, ce n'est pas très positif comme chanson… ". Et Griffiths de rétorquer : " Tu sais, l'idée au départ était de composer une belle musique majestueuse, pleine de cordes, mais avec des paroles violentes, parce que le contraste rend la chanson plus puissante ". Toujours est-il que dépouillées de leurs oripeaux électr(on)iques, les chansons d'Archive sonnent encore plus mélancoliques… Et donnent ainsi l'impression d'avoir été composées 'à l'ancienne', sur un piano ou une guitare acoustique. Verdict : " On compose surtout au laptop, et il est clair qu'entendre tous ces titres fonctionner en version acoustique est surprenant ! ", déclare Darius Keeler. " Parce qu'on n'a jamais écrit de chansons de cette manière : on préfère expérimenter et triturer les sons… A vrai dire écrire des chansons de façon traditionnelle ne nous intéresse pas : on n'est pas Bob Dylan ! ". Alors pourquoi cet unplugged ? " On n'avait rien prévu ", insiste Keeler. " On était occupés d'enregistrer 'Noise' à Paris, et comme il nous restait du temps à la fin, on s'est dit qu'il serait sympa de mettre sur pied un concert acoustique pour nos fans… Le résultat a plu à notre maison de disques, qui nous a proposé de le sortir dans le commerce. Ce fût très spontané ! ". Danny : " C'était amusant… Mais si on n'avait pas eu le temps, jamais on n'aurait pensé faire ce genre de truc ! D'ailleurs on n'a répété que deux fois : le résultat aurait pu être catastrophique ! (Il se marre) Heureusement on a choisi les titres les plus adaptés à ce genre de reconversion… Un morceau comme 'Pulse', par exemple, n'aurait pas du tout fonctionné… ". La preuve qu'Archive n'est pas seulement un groupe de bidouillages, puisque ses chansons ne perdent rien de leur puissance émotionnelle une fois désinhibées, jouées dans leur plus simple appareil. Seul bémol évoqué à l'écoute de cet unplugged : le chant de Craig Walker, à la limite du pompiérisme. Chez lui la tristesse n'est pas murmurée mais hululée, comme si l'emphase se révélait la condition sine qua non pour traduire les maux du cœur, si sclérosés soient-ils… D'où cette cover de 'Girlfriend in a Coma' des Smiths, l'écrin parfait pour Craig Walker et ses vocalises de Castafiore défoncée aux antidépresseurs. " Il s'agit d'un des groupes préférés de Craig ", explique Darius Keller. " Il voulait absolument la chanter alors on l'a laissé faire… Et on adore le résultat ! ". Parmi les autres surprises, figure cette chanson du groupe français Santa Cruz ('Game of Pool'), l'un des secrets country-folk les mieux gardés d'Outre-quiévrain : " On les a vus jouer à Paris dans un club, et comme on aimait bien leur musique on a proposé à Bruno (NDR : voix) de venir au concert chanter un de leurs titres, avec Craig aux backing vocals ", précise Darius. Une sorte de juste retour des choses, la carrière d'Archive étant fort tributaire du succès rencontré en France depuis la sortie de ce premier album, 'Londinium', il y a plus de 5 ans…

Alors qu'en Angleterre le public et la presse continuent injustement à bouder le groupe, jugé… 'trop progressif'. " La Grande-Bretagne est un pays très porté sur le rock, et Archive n'est jamais rentré dans ce moule ", s'attriste Darius Keeler. " Mais c'est mieux que d'essayer bêtement de rentrer dans le jeu, juste pour plaire au plus grand nombre ", renchérit Danny Griffiths. " Le problème, en fin de compte, est qu'il y a de moins en moins de gens qui prennent le temps d'écouter un album, et notre musique s'apprécie avant tout dans la durée. En Angleterre, il existe cette espèce de culture pop kleenex : on écoute puis on jette. C'est de la consommation frénétique, et la musique d'Archive ne rentre pas dans ce schéma. Ici les gens prennent plus le temps : ils écoutent plus attentivement, ils analysent… C'est sans doute la raison pour laquelle on se sent plus à l'aise sur le continent. C'est étrange quand même, non ? ".

vendredi, 31 décembre 2004 04:00

La métaphore de la métaphore

Pas bavard, le Rob Crow… Après une nuit mouvementée à écumer les bars louches de Bruxelles, il est devant nous, les yeux mi-clos et la barbe de trois jours. On est venu lui parler de ce nouvel album, " Summer In Abaddon "… De quoi, de qui, comment ? Sous ses airs d'ours mal léché, Rob Crow semble être un grand sentimental. Sympathique, même… Quoique si on avait su, on lui aurait sorti notre questionnaire Star Wars (paraît qu'il est fan). La prochaine fois. D'ici là, plongeon du côté obscur de Pinback. Et obscur, ça rime avec biture. Donc acte !

Je crois qu'il est important que les gens soient informés. Ainsi, personne ne reste dans l'ignorance, et on évite les malentendus. Et les bagarres.

Que peux-tu donc nous dire sur ce troisième album ? Fût-il difficile à réaliser ?

Ouais, parce que Zach et moi, on a des avis complètement divergents sur la manière dont on veut jouer, et on n'a pas les mêmes goûts musicaux.

C'est le conflit qui vous inspire ?

Il est clair, nous avons toujours fonctionné de la sorte. Et c'est pour ça que c'est chouette… Parce qu'on ne s'attend jamais à tel ou tel résultat, c'est tout à fait aléatoire, du genre : " Wow, c'est bizarre ! ". C'est cool, j'aime bien ! (rires)

Et à part la composition de cet album, qu'avez-vous fait ces deux dernières années ?

On a tourné un peu partout, travaillé sur d'autres projets, et je me suis marié.

Il paraît que tu envisages une collaboration avec Chino Moreno des Deftones… Sans blague ? ! ?

Ouais, c'est vrai ! J'étais à Sacramento il y a quelques semaines, je bossais sur un truc en compagnie de ce type qui joue de la batterie dans Hella, un de mes groupes préférés avec Lightning Bolt. Chino Moreno était dans le coin et il m'a proposé de chanter sur un de ces nouveaux projets ; et j'ai accepté… Il s'appelle Team Sleep. Mais j'ignore s'ils vont conserver ce que j'ai fait ! (il se marre) D'ailleurs je n'ai jamais écouté les Deftones.

Parlons de ce nouvel album, " Summer In Abaddon "… C'est beau, c'est limpide.

Livide ?

Non : Limpide !

Ah, merci !

C'est aussi votre album le plus mélancolique.

Merci beaucoup. On aime bien être mélancoliques. C'est ainsi qu'on se sent, en général.

Vous êtes plutôt dépressifs ?

Je suis tout le temps déprimé, mon vieux… Mais je parle pour moi, là : je ne sais pas pour Zach… D'ailleurs je ne sais même pas où il est et ce qu'il fait en ce moment ! (rires) J'espère qu'il va bien en tout cas.

Avez-vous composé tous les morceaux de cet album en duo, comme d'habitude ?

C'est à chaque fois différent : l'un d'entre nous apporte une idée, l'autre aussi ou bien improvise dessus… Mais l'écriture, ce n'est rien que nous deux. En live on a un groupe, mais Pinback c'est Zach et moi.

Est-ce important pour vous de travailler ainsi ?

C'est clair, parce que s'il y avait d'autres personnes, ils finiraient sans doute par se suicider ! (il se bidonne, semble-t-il mal remis de sa cuite de la veille)

Est-ce le signe que vous n'aimez pas vous ouvrir à l'influence d'une tierce personne, d'autres musiciens ?

C'est déjà assez difficile rien qu'à nous deux, parce qu'on n'arrête pas de se prendre la tête. On n'a besoin de personne d'autre ! Depuis le début on s'est toujours dit que cette formule fonctionnerait mieux ainsi : à deux, on se débrouille plutôt bien, on sait tout faire… A part le mastering, pour lequel on est vraiment des manches ! (rires)

Où trouvez-vous l'inspiration pour vos textes ? Parce que votre écriture s'avère très impressionniste… et parfois hermétique.

Chaque phrase peut être interprétée sous différents angles, mais mises bout à bout elles prennent tout leur sens… C'est vrai que d'un premier abord c'est un peu abscons, mais si tu les assembles, elles forment un tout… C'est difficile à expliquer. Chaque phrase est une métaphore d'une métaphore et ainsi de suite… Tu piges ?

Exemple. Quand tu chantes : " It's too late/I see no sign of fortress ", c'est quoi la métaphore de la métaphore ?

C'est une phrase de Zach, donc je ne peux pas vraiment te répondre… Mais sache que c'est sans doute une des phrases les moins abstraites de l'album ! Elle évoque simplement un sentiment de frustration : parfois c'est dur de se sentir à l'aise, quand t'as pas dormi (NDR : tu l'as dit…), que t'es à la masse, quand t'es loin de chez toi… C'est ça, l'idée.

Ressens-tu souvent ce sentiment ?

Ouais, en ce moment ! (rires)

C'est quoi le problème ? ! ?

Ca n'a rien à voir avec toi, rassure-toi ! Le fait de parler à des gens, justement, ça me réconforte… C'est juste que je suis loin de chez moi, et que j'ai peur que mon avion crashe au retour ! (rires) Ce n'est pas toujours gai de se barrer de chez soi si souvent. T'as juste envie, parfois, de dormir dans ton lit, et pas dans des hôtels…

En formant Pinback, tu pouvais pourtant t'y attendre…

Je l'ai toujours espéré, mais j'ai toujours cru que personne n'en avait rien à caler de ma musique ! Je ne pensais pas qu'un jour on s'intéresserait tellement à moi ! (rires)

N'es-tu pas heureux que des gens apprécient ce que tu fais ?

Evidemment, c'est énorme ! C'est vraiment super. Sauf que ma femme me manque.

Alors l'amour t'inspire pour écrire des chansons ?

Non ! (rires) Je n'en ai pas besoin pour me sentir inspiré… L'amour est un sentiment que j'arrive à exprimer sans effort : c'est pourquoi je n'éprouve pas le besoin d'en parler via ma musique.

Par contre vous faites souvent référence à des villes dans les titres de vos chansons… Pourquoi donc ?

Quand on a commencé la composition on sauvait toutes nos idées sur ordinateur, et comme il fallait nommer chaque fichier, Zach s'est amusé à pointer des noms de ville sur une carte d'Europe accrochée au mur… " Pourquoi pas Tripoli ? ", " Vendu ! " : voilà toute l'histoire.

C'est très décevant…

Merci ! (il se marre)

Et les photos des pochettes, alors ? Les éléments naturels semblent vous intéresser.

Exact ! C'est une manière pour nous de rendre l'écoute de Pinback aussi pure que possible.

Mais encore ?

Le naturalisme. C'est difficile à expliquer… Je ne sais pas ! (rires)

" Abaddon ", c'est quoi ? Un endroit, une ville ?

Juste un état d'esprit. Rien chez Pinback n'est à prendre au sens littéral…

Alors que signifie la référence de la métaphore de la référence à " Abaddon " ?

Plein de choses ! Une expérience cathartique. Un job d'été. Une balade en ULM. Jouer de la batterie dans un groupe de reprises de Venom…

Pour toi la musique est cathartique ?

Clairement… Si elle ne l'était pas je n'en ferai pas !

Péterais-tu un câble si tu ne jouais pas de musique ?

Bien sûr. Je ne saurais pas quoi faire de moi…

Une petite balle, entre les deux yeux ?

Non ! (rires) Mais je préfère jouer de la musique que faire quoi que ce soit d'autre, c'est clair !

Est-ce la seule chose qui compte, pour toi ?

Ouais… Sauf d'être avec ma femme, évidemment !

 

vendredi, 31 décembre 2004 04:00

Vole papillon, vole

Comme c'est étrange… Blonde Redhead, trio nerveux qu'on croyait coincé à la case noisy-rock, se voit pousser des ailes dans le dos et s'amuse à butiner sur les terres plus fertiles de la pop de chambre, le temps d'un nouvel album, l'épatant " Misery is a Butterfly ". Que s'est-il donc passé dans la tête de ces abonnés du riff tendu et du cri primal, alors que dehors s'agitent encore pas mal de jeunes détraqués, pour qui les Stooges et PIL semblent être l'issue de secours ?

" C'était quelque chose qu'on a toujours voulu faire ", s'exclame Kazu, cernée par la fatigue après d'incessantes interviews. " Un album avec de beaux arrangements, et plus de synthés ". On a beau chercher, on se demande en effet où sont passées les guitares, autrefois synonymes chez le groupe de colère et de rage. Le temps les aurait-il eues à l'usure ? " En fait elles sont là, mais elles sont bien cachées ! ", s'amuse la Japonaise. " Elles ressortent moins parce qu'elles sont davantage mixées aux autres instruments, surtout aux synthés ", confirme Amadeo, un des jumeaux, celui qui chante et qui joue de la… guitare, justement. Le synthé, donc, toute une histoire, qui nous rappelle parfois celle de Melody Nelson : " On adore Serge Gainsbourg ", répond d'ailleurs Amadeo, stoïque. Gainsbourg, Legrand, et même Bucharach, tant qu'on y est : pour la première fois, la musique de Blonde Redhead prend des allures de bande-son onirique d'un film couleur sépia, dont le scénario met en scène l'histoire d'un trio d'amis qui décide de changer de vie et d'apparence parce qu'il est dans l'impasse. 'Je t'aime moi non plus'? Sans doute, mais c'est encore ainsi qu'on les préfère : dans l'intimité de douces mélodies, au détour d'une pulsation érotique, à l'ombre d'un clavecin élégiaque, soupirant d'aise malgré leur passé tumultueux d'adolescents mal dans leur peau. Comme une chenille qui brise l'écorce brunâtre de sa chrysalide pour devenir papillon majestueux, Blonde Redhead a terminé sa mue, et vole maintenant haut dans la stratosphère, bien au-dessus de la mêlée. Comme l'explique si bien Kazu, de sa voix mutine, " Personne n'attend rien d'une chenille, mais beaucoup d'un papillon ".

On n'en attendait pas tant de Blonde Redhead, qui jusqu'ici ne nous avait jamais vraiment offert l'album parfait… D'autant que l'enregistrement de ce disque ne fut pas une sinécure : " Cela fait plus d'un an qu'on avait terminé l'album, mais on a eu pas mal de complications, explique Amadeo. D'abord notre producteur a perdu sa mère, ce qui fait qu'on a tout postposé, puis une fois de retour en studio, Kazu s'est cassée la mâchoire. Cerise sur le gâteau : on s'est fait éjecter de notre local de répétition, parce qu'à New York on n'aime pas trop avoir comme voisins des musiciens… ". Il en faut pourtant plus à Blonde Redhead pour se laisser abattre : au contraire tous ces tracas auront renforcé leur volonté de se renouveler et de tourner la page, d'où leur arrivée chez 4AD, label culte des Cocteau Twins et des Pixies. " Après tous ces problèmes, on avait vraiment envie de bouger, de prendre un nouveau départ. Au fond de nous, on ressentait un besoin de changement…", raconte Amadeo. "Changer de label, c'était pour nous une façon de changer d'air, de repartir à zéro. C'est comme quand tu ne te sens plus bien chez toi et que tu déménages, pas seulement pour changer de cadre de vie mais de vie tout court ".

Et il est vrai que la réputation vaporeuse du label anglais sied bien aux nouvelles aventures du trio new-yorkais, qui semble trouver ces ambiances surannées des plus confortables. Avec 'Misery is a Butterfly', Blonde Redhead vient d'accoucher d'un album splendide, chargé d'enivrantes émotions et de gracieuses mélodies. On dit souvent que les papillons ne vivent qu'un an, voire moins… Blonde Redhead devrait pourtant sans mal résister aux dommages du temps, grâce à ce disque hors modes, d'une beauté captivante.