La révolte de Bagdad Rodeo...

Le premier single extrait de « Quatre - L'album sans Fin - Part 1 », le nouvel album de Bagdad Rodéo, « Révolution Vendetta », nous plonge dans les racines du groupe, de son combat, celui de la liberté à tout prix et de l'esprit critique qui font de Bagdad…

logo_musiczine

Musiczine recherche des collaborateurs.

Tu as une très bonne connaissance musicale et tu souhaites participer à l’aventure Musiczine.net ? Tu es passionné, organisé, ouvert, social, fiable et appliqué ? Tu as une bonne plume ? Alors n’hésite plus : rejoins-nous ! Vu l’ampleur prise par Musiczine et…

Trouver des articles

Suivez-nous !

Facebook Instagram Myspace Myspace

Fil de navigation

concours_200

Se connecter

Nos partenaires

Grégory Escouflaire

Grégory Escouflaire

vendredi, 31 décembre 2004 04:00

L attitude Ghinzu

Ghinzu nous revient après plus de trois ans d'absence flanqué d'un album qui transpire le sexe et le rock'n'roll. Loin de John Stargasm (chanteur) l'idée de caresser l'auditeur dans le sens du poil : le rock, c'est d'abord une affaire de couilles. Pas de perruques ni de frontières linguistiques. Pour " Blow ", Ghinzu prend donc le risque de ne pas plaire à tout le monde. Il se pourrait pourtant bien que cet album fasse un carton… Car ce qu'il fait (du rock solide et mélodieux, sans cesse sur le fil du rasoir), il le fait bien. John nous explique tout, sans langue de bois. C'est ici, mot pour mot, sur Musiczine.

Qu'est-ce qui a changé pour vous depuis " Electronic Jacuzzi " ?

Techniquement, la formation a changé : Sanderson, notre contrebassiste, ne joue plus avec nous (même s'il a joué sur l'album), et Kris Dane a participé en jouant de la guitare, des claviers et en faisant des chœurs. Un autre changement, c'est notre rapport à la musique en termes d'investissement personnel : l'album nous a conduit à vivre encore plus notre musique, à vraiment plonger dedans jusqu'à s'y perdre… Et puis il y a le fait qu'entre les deux albums on a fait beaucoup de scène, beaucoup de promotion. Tout cela fait qu'aujourd'hui, nous ne sommes plus les mêmes…

Quoi qu'il en soit, ça fait plaisir d'avoir enfin de vos nouvelles ! Trois ans, c'est long, non ?

On a pris notre temps, c'est clair ! On a beaucoup plus travaillé sur cet album : c'était 30 morceaux, 20 mixés, 11 qui figurent sur l'album, sans parler de tous les mixes qu'on a jeté à la poubelle ! La différence par rapport au premier album, c'est qu'on voulait que le travail et la matière soient quelque chose d'acquis, pour qu'après on ait le luxe de faire l'album qu'on voulait avec la matière qu'on avait. On a voulu un album pas trop confortable, dont les chansons peuvent être piano-voix ou punk. Y en a marre des albums d'une seule couleur…

On sent une certaine rupture par rapport à " Electronic Jacuzzi " : celui-ci est plus brut, plus tendu, plus rock'n'roll.

C'est vrai qu'il y a des passages où on s'amuse à casser les mélodies… Mais d'un autre côté c'était dur de travailler plus d'un an et demi sur cet album, sans tomber dans le piège d'avoir quelque chose de surproduit. C'est pour ça qu'on a volontairement décidé de mettre une batterie plus vicieuse, plus claquante… Des choses qui à la première écoute peuvent choquer, mais qui dans l'ensemble de l'album, une fois qu'on est rodé à l'écouter, se révèlent assez efficaces. Mais ce n'est pas un album 100% confortable : il y a des morceaux hyper différents, comme chez Blur où tu peux trouver un truc punk puis un truc plus pop ou world… C'est cet esprit-là qu'on aime : pouvoir voyager à travers différents univers, tout en imposant à travers nos chansons une certaine cohérence. C'est hyper cynique, violent, sexuel, mais cela reste toujours musical.

Il y a toujours cet équilibre entre la tension et la détente, entre le piano qui en partie rassure et les riffs de guitare qui se déchaînent.

Ce qui est sûr, c'est qu'on ne voulait pas faire un album de rock cliché ! On a voulu voyager dans des sonorités un peu rétro, dans un univers particulier qui soit légitime, intrinsèque au rock.

Justement, tout ce garage revival vous a-t-il servi d'inspiration pour la composition de " Blow " ? Le titre, déjà, semble révélateur…

On écoute du rock, donc forcément l'environnement rock a une incidence sur nous. Je ne pense pas que cet album-ci est plus garage que le premier : notre style est resté. On a un son qui reste le son " Ghinzu ". Quant au titre, " Blow ", c'est un mot qui peut exprimer à la fois un vent doux et une explosion. Une bombe et une pipe. C'est un mot qui s'intègre bien dans notre univers : douceur, violence, sexe. C'est un mot qui nous va bien.

Et le rock, c'est aussi l'absence de compromis, le risque perpétuel, le rejet - comme tu dis - de tout confort, de toute certitude. Sur ce deuxième album, vous prenez des risques, ce qui le rend d'autant plus important.

Tout le monde sait que le deuxième album en rock est l'exercice le plus redoutable qui soit ! Le deuxième album, t'es un vrai ou t'as juste été une poule aveugle qui est tombée sur un grain… Donc on ne l'a pas pris à la légère ! On a tous une culture rock : on a été voir des concerts, on est habitué à une attitude rock sur scène de la part des groupes, on est habitué au deuxième album de groupes, que ce soit les Melvins, Shellac,… On sait ce que c'est, un deuxième album de rock ! On sait qu'il faut savoir prendre des risques, que cela sonne avec énergie et spontanéité… C'est ça notre force.

C'est clair que vous auriez pu rogner les angles, sortir un album plus consensuel pour plaire au plus grand nombre…

On a pas mal de recul sur tout ce qui est " radio friendly ". On a fait l'exercice du single avec " Do You Read Me ", mais sans avoir l'impression d'être dans le compromis. Sans jouer les emmerdeurs, je crois qu'on est dans une musique que tu aurais du mal à écouter pendant que tu bouffes… Il faut y être attentif : une fois que tu rentres dedans, tu peux même t'y perdre ! Parce qu'il y a de la folie.

Un morceau comme " Until You Faint " exprime de fait une certaine révolte ! On sent clairement que vous n'avez pas envie de caresser l'auditeur dans le sens du poil…

C'est une chanson qui parle d'un gars qui baise et qui a décidé de la faire jusqu'à ce que sa partenaire tombe dans les pommes… C'est une spirale, un truc qui ne s'arrête pas. L'intérêt, c'est que ça sonne hyper frais par rapport au rock qui se fait aujourd'hui. Ce n'est pas formaté.

Tu fais référence à la spirale : d'autres morceaux comme " Blow " et " 21st Century Crooners " sont aussi construits de cette manière. Ca crée un effet hypnotique.

On fonctionne pas mal à l'impro quand on compose, ce qui fait qu'on tourne souvent sur le même thème tout en le transformant. Le côté crescendo, ce n'était pas spécialement une idée pour " Blow " : on voulait plutôt faire 3 morceaux en 1, mettre 3 morceaux parallèlement et les faire écouter en même temps… Quant à " 21st Century Crooners ", c'est plutôt une sorte de western romantique : Rondo Veneziano vu par l'œil de David Lynch. Mais c'est vrai que des morceaux qui ne font que monter, comme " High Voltage Queen ", c'est plus fort que nous !

Vous venez de jouer à l'Ancienne Belgique à guichet fermé en compagnie de Sharko et de Girls in Hawaii : qu'est-ce que représente pour vous le fait de jouer à l'AB, temple musical flamand, et d'en plus faire sold out un mois à l'avance ?

Honnêtement, je pense que c'est le concert le plus important qu'on ait jamais fait, et peut-être qu'on ne fera jamais. Je n'ai pas envie en tout cas de transformer cet événement en une histoire politique : c'est une des plus belles salles d'Europe, elle est sold out un mois à l'avance, point barre, quoi ! C'est fabuleux pour nous. On n'en a même pas rêvé, même dans nos rêves les plus mouillés. On est super contents !

Le succès, c'est une dimension importante à vos yeux ?

C'est super relatif, le succès. Ca peut se compter en notoriété, en nombre d'albums vendus,… Mais à partir du moment où tu te donnes à fond, la reconnaissance est quelque chose d'essentiel. Le succès, on a forcément envie de le caresser. Si on vend 100.000 plaques, on sera plus qu'heureux ! Mais le plus important, c'est d'avoir la " gnak " !

Et vos perruques dans tout ça ? Ne penses-tu pas que votre accoutrement ait pu créer par le passé un certain malentendu ? Il y a sûrement des gens qui connaissent plus Ghinzu pour leurs perruques que pour leur musique… L'image est-elle à ce point importante ?

De nouveau si je reviens sur ma culture rock, j'ai eu des trips quand j'étais gamin où je voulais n'écouter que du live pendant six mois. Pas un album chez moi, pas la radio : rien que du live. J'ai baigné là-dedans. J'aime ça. Moi je pense que ce qui nourrit le rock, c'est forcément la compo, mais aussi l'attitude, l'image. Je ne suis pas un artiste : je fais du rock. Je n'ai pas envie de rentrer dans ces clichés de l'artiste " vrai ", plein d'inhibitions, etc. Ca me gave le cul, quoi ! Moi, je fais du rock. J'aime bien les shows, quand la lumière s'éteint : il y a une réalité qui se crée. Moi je trouve que, graphiquement, voir cinq mecs débarquer coiffés de perruques ou quoi que ce soit, avec des dégaines comme ça, c'est génial ! Sans être les Gauff aux Suc. L'idée de la perruque, pourquoi ceci, pourquoi cela,… C'est juste du spectacle ! Ca fait partie d'un univers esthétique, d'une image, et faut pas avoir honte de ça.

La pochette ?

J'avais envie d'un truc assez pur visuellement, que quand tu la regardes il y ait une sorte d'évidence inattendue. C'est simple mais en même temps tu ne l'as jamais vu ! J'adore l'univers de Tim Burton.

C'est une référence à " Sleepy Hollow " ?

Ouais, sublime ! La force de Tim Burton, ce ne sont pas ses histoires, mais la logique de son univers : c'est tellement logique que c'est vrai. Quand j'ai vu le film, je me suis dit : " Evidemment ! ".

Il n'est pas encore trop tard pour les résolutions de nouvel an… Alors, que souhaites-tu à nos chers lecteurs ?

Je ne suis pas très… résolution. Désolé de tomber à plat, hein ! Mais les résolutions, c'est si on regrette quelque chose. Moi, je ne regrette rien. Je trouve même qu'à chaque fois qu'on fait une connerie, on en sort grandi. Donc ce serait ça mon conseil : faites des conneries ! Ca te va, ça, comme réponse ? (rires)

 

mercredi, 31 décembre 2003 04:00

Un ami qui vous veut du bien

Le troisième album d'Hank Harry, " Far From Clever ", est une petite merveille de " pop sentimentale " et sucrée, qui parle d'amour sur un tapis doré de cuivres élégiaques et de guitares sautillantes. Parce qu'" il n'y a rien de plus important au monde que l'amour ", Hank Harry se sert des mélodies qu'il a dans sa tête pour séduire la fille de ses rêves. Grâce à l'aide précieuse de Thomas Van Cottom (ex-Venus) et d'Aurélie Muller (Melon Galia), sa musique se pare joliment d'oripeaux délicats, de soupirs d'enfance… Un univers fragile et décalé, mais d'une épatante générosité. Parce que même si Hank Harry est un grand timide, il aime se donner à qui prendra la peine d'entrer son petit monde bercé de jolies notes et de refrains mutins. Rencontre.

Hank Harry, c'est qui au juste ? Est-il fort différent du Christophe en civil ? Est-ce un personnage que tu t'es construit pour surpasser ta timidité, concrétiser certains fantasmes ?

C'est un peu ça, oui… La réponse est dans ta question ! Se cacher derrière un pseudonyme, un personnage, fait déjà plus rêver les gens… Et puis ça permet peut-être d'être encore plus soi-même. C'est comme quand tu vas à une soirée déguisée : si personne ne te reconnaît, t'as l'impression de pouvoir te permettre plus de choses, donc d'être plus naturel.

Cela masque donc bien une certaine timidité?

Oui, bien sûr. J'ai du mal à aller vers les gens. C'est dans ma nature. Ce sont les gens qui viennent me voir après un concert. Je fais la démarche de monter sur une scène, ce n'est déjà pas si mal… C'est un peu courageux, si on veut… Mais après, c'est bien parce que les gens viennent me parler. Cette manière de sociabiliser est beaucoup plus facile pour moi.

Mais tu t'es lancé dans ce genre d'aventure avant tout pour la musique, je suppose?

C'est venu naturellement, en fait. Petit à petit, j'ai trouvé un peu de matériel. Et surtout, l'envie de faire quelque chose qui ne ressemble qu'à moi.

Peux-tu nous raconter l'histoire d'Hank Harry ?

Quand j'étais adolescent, comme tout le monde j'ai voulu monter un groupe de rock. J'ai acheté une basse et j'ai essayé de faire du rock'n'roll à la Rage Against The Machine, Biohazard, le genre de trucs assez durs que j'écoutais. Mais au bout d'un moment, je me suis rendu compte que ce genre ne m'amusait plus trop. En fait, j'avais l'impression qu'il ne m'épanouissait plus. Donc j'ai complètement laissé tomber. Ensuite, j'ai rencontré Miam Monster Miam, qui vient aussi de Liège, et je me suis rendu compte qu'il était possible de travailler seul en utilisant un 4-pistes. Chez soi. Sans te soucier de quoi que ce soit d'autre : juste effectuer des expériences, essayer plein de trucs. Quelque temps plus tard, je me suis retrouvé avec pas mal de matière. Et " Les Beaux Disques ", un petit label bruxellois, m'a proposé de sortir un album. A l'époque, il n'y avait pas l'envie directe d'enregistrer un disque : juste l'envie d'écrire des chansons dans mon coin. Je devais en avoir une bonne quarantaine. On en a sélectionné 18. A partir de là, tu te rends comte que c'est possible, et tu fais plus les choses dans l'optique de faire un disque. Donc il y a un deuxième, puis maintenant celui-ci, où la démarche est différente puisque j'ai travaillé en compagnie d'Aurélie (Muller, Melon Galia) et Thomas (Van Cottom, ex-Venus). L'idée était qu'ils produisent l'album dans le sens où, à partir des enregistrements que j'avais faits, ils accentuent mon univers. Comme je suis un peu limité musicalement, ils m'ont apporté du savoir-faire, et du recul. Toute une sensibilité qui est à eux mais qui ressemble à la mienne.

Comment les as-tu rencontrés ?

J'ai rencontré Aurélie à une soirée. On a sympathisé. Quand je suis venu m'installer à Bruxelles, on s'est revu par hasard, puis régulièrement, à des concerts, à des fêtes,… Un beau jour, alors que j'étais occupé de travailler sur mon deuxième disque (il n'y avait personne alors qui s'intéressait à ce que je faisais), elle m'a proposé d'assurer la première partie de Melon Galia, et d'apporter de petites choses sur leurs chansons. Et en échange, eux m'accompagneraient sur certains de mes morceaux. Beaucoup de titres de mon deuxième album ont ainsi été enregistrés en compagnie des musiciens de Melon Galia… Qui ont insufflé cette énergie de groupe. C'est un album qui était assez sombre au départ ; mais qui grâce à leur collaboration, a pris beaucoup plus de couleurs, y compris les morceaux que j'ai concoctés tout seul.

Et Thomas ?

Nous étions forcément amenés à se voir avec Aurélie (NDR : Thomas et Aurélie filent le parfait amour), et donc de temps en temps je lui faisais écouter mes morceaux. Plutôt que de bêtement jouer les instruments, ils m'ont alors proposé de s'occuper de l'album à partir de la matière que je leur donnais.

Jouaient-ils, en quelque sorte, le rôle d'arrangeurs, de " peaufineurs " ?

C'était plus que ça : je leur donnais un matériau assez brut, enregistré sur un 8-pistes, et quelques notes d'intention. Pour qu'ils aient une idée assez claire de ce que j'avais en tête… Puis ils se sont vraiment réapproprié les morceaux. Ils ont apporté leur sensibilité, certaines mélodies aussi, qui sont propres à eux.

D'où est venue cette idée de " Lovely Cowboys Orchestra " ?

C'est une idée de Thomas. Comme Aurélie et lui s'occupaient de toute la partie musicale, on se doutait bien qu'on allait devoir jouer les chansons en concert. Thomas est donc allé à la recherche de gens susceptibles de jouer les différents instruments présents sur le disque ; et qui en même temps étaient ouverts et disponibles pour le projet. Bref qui pouvaient consacrer du temps et de l'énergie à un projet qui au départ n'est pas du tout lucratif. Pour l'instant, le Lovely Cowboys Orchestra accomplit ce rôle par amour de la musique. C'est de la pure générosité ! Le côté humain était très important : il fallait qu'on travaille avec des gens qui soient sympathiques, ouverts, curieux, qui acceptent de vivre l'aventure jusqu'au bout.

Tu ne joues donc jamais d'un instrument sur scène ?

Je suis capable de toucher un peu à tout, mais ici on s'est dit que pour les concerts je n'allais jouer d'aucun instrument pour être libre de mes mouvements et me concentrer vraiment sur le chant. Plutôt que de faire deux choses à moitié, j'avais envie de n'en faire qu'une seule, mais très bien.

Vous accordez une place importante au visuel, à l'imagerie… Pourquoi des cow-boys ?

Encore une fois, c'est une idée de Thomas : elle colle bien avec " Hank Harry ", un nom qui fait un peu cow-boy. Et puis sur scène, elle donne une image forte : c'est un peu comme attaquer quelque chose, comme aller au front. Monter sur une scène demande quand même une énergie assez forte. Ce n'est pas comme se rendre au supermarché… C'est quelque chose, quoi : t'as le trac, t'as des gens devant toi, à qui il faut tout donner. Moi ce qui me plaît chez les cow-boys, c'est ce côté légendaire, les films de John Wayne,…

Ton univers, de fait, est assez singulier… Et fort empreint d'une certaine fragilité.

Musicalement, il n'a rien à voir avec de la country : c'est pour le show, qu'il se passe quelque chose sur scène. Parce que ce qui m'intéresse moi, musicalement, c'est de toucher aux sentiments. Toucher les gens dans ce qu'ils ont de plus intime, de plus intérieur. C'est la raison pour laquelle, lorsqu'on me demande ce que je fais, je parle souvent de " pop sentimentale ", dans le sens où elle doit toucher à la sensibilité. Et du coup, cette définition permet une variété énorme au niveau du style musical : certains morceaux par exemple expriment une certaine colère, comme " Hot Summer " où je hurle… C'est presque heavy metal ! Moi ce qui me plaît, c'est de pouvoir aller piocher dans tous les styles, y compris dans les choses un petit peu honteuses… comme la variété italienne des années 80. Il y a énormément de références, de clins d'œil.

" My Clock " par exemple, c'est une ode à la fille de tes rêves ?

Oui, tout à fait. Ce que j'ai voulu faire des deux versions - " My Clock (10:30am) " et " My Clock (10:30pm) "- est une déclaration d'amour. En imaginant, dans la version du matin, la déclaration d'amour qui est faite très tendrement, sur l'oreiller, chuchotée à l'oreille. Mais en même temps être amoureux, c'est aussi euphorique, d'où la version rapide. Il y a plusieurs façons d'envisager l'amour, comme la rupture d'ailleurs : il y a la rupture super triste qu'on vit très mal, comme dans " Lily of the Valley ", et puis il y a la rupture quasi euphorique d'" Anyway ", où je dis " Excuse-moi, je m'en vais, je respire enfin, je revis ".

L'amour occupe une place centrale dans ton univers?

Ah oui, je ne parle que de ça : de l'amour, sous toutes ses coutures. J'aime bien creuser et voir les différentes façons de vivre les choses et de les exprimer. Sur l'album une moitié des chansons parle de l'amour, des rencontres, du fait d'être heureux et d'être amoureux, et l'autre moitié d'être seul, de mal vivre une histoire, de ne plus la vivre, d'être content ou pas que ce soit fini,… C'est ce qui est le plus important parce que ça touche ce qui a de plus intime en nous. Pour moi, il n'y a rien de plus important que l'amour.

Es-tu toujours à la recherche du grand amour ?

Oui, en permanence. C'est mon Graal à moi ! En même temps, c'est quelque chose de vraiment particulier. On naît seul et on meurt seul… Donc il y a toujours cette envie de partager cette vie avec quelqu'un et de vivre plein de choses avec elle. C'est de ça que je veux parler dans mes chansons. C'est une manière pour moi d'y voir aussi plus clair, par rapport à qui je suis, à comment je vis les choses.

Ton univers musical, par sa douceur, sa fragilité, évoque parfois les contes de fées, Lewis Carroll, les BO de Danny Elfman…

L'introduction, c'est " La Nuit du Chasseur ", un de mes films préférés. J'aime bien l'idée de parler de choses très vraies et très sérieuses, mais de les mettre dans un environnement particulier. Parce que l'idée, c'est quand même de faire rêver les gens, les faire voyager par la musique. Donc le contexte est important.

Est-ce que l'arrivée de Patrick Carpentier comme " scénographe " (NDR : avant chez Venus) vous a-t-elle aidée dans la mise en place scénique de cet univers ?

Ce n'est pas un metteur en scène qui nous dit ce qu'on doit faire… L'idée est que ce soit joli sur scène, mais de rester surtout nous-mêmes. Son travail consiste donc à faire en sorte que le public soit dans le concert autant que nous. Et donc il y a des choses à ne pas faire pour ne pas ennuyer le spectateur : je n'ai pas envie que les gens viennent pour un morceau ou deux, puis aille boire une bière, discuter et revenir. J'ai envie que ce soit comme un film : que du premier au dernier morceau, ils ne s'ennuient pas une seconde. D'où ce besoin de variété dans les morceaux, que chacun ait une position, un habillement, une manière de bouger particulières, sans parler du décor… J'aurais presque envie de faire des choses en plus dans la salle et en dehors. Que les gens vivent les chansons, pénètrent vraiment dans notre univers.

Vous venez d'être sélectionnés pour représenter la Belgique francophone au Printemps de Bourges 2004. Qu'est-ce que cela représente pour toi ?

Cette sélection crédibilise surtout notre projet. Le légitime. En outre, je suis très touché parce qu'on a eu à la fois le prix du jury et celui du public. Personnellement, j'ai encore plus de confiance en ce projet : maintenant je sais que ça ne tient plus qu'à nous, qu'une multitude de gens le soutient et va nous aider. Elle nous rend à la fois beaucoup plus forts et plus enthousiastes.

C'est la première consécration d'un véritable parcours du combattant ! Je me rappelle vous avoir vus distribuer des badges à Dour, coller des affiches, sans même être sûrs de voir ce disque un jour distribué… C'est formidable de voir tant de persévérance, de courage, de volonté de se faire entendre.

Nous, notre idée, est de créer une musique qui nous tient à cœur. Qu'on trouve belle ! Qui nous plaît ! Mais qui n'est pas forcément une musique que les médias ont envie de programmer, parce que c'est un peu particulier. Comme on sentait qu'on n'allait pas avoir un soutien énorme des radios, on s'est dit qu'on allait enregistrer un single à distribuer gratuitement aux gens, pour que tout le monde puisse l'écouter… J'ai l'impression que les radios sous-estiment leurs auditeurs : cette façon de les nourrir de choses très digestes mais dans le fond un peu fades… Moi ce que j'ai envie, c'est de leur donner du foie gras ! Donc si on ne passe pas par les médias, on va trouver directement les gens nous-mêmes.

Cette victoire, c'est donc aussi celle de la musique sur les préjugés façonnés par les médias, sur le consumérisme aigu, sur la médiocrité ambiante (je m'emballe, là ?) ?

Oui, c'est un peu ça… Nous étions vraiment très émus par cette victoire. Ce que je retiens surtout, c'est qu'on nous fait confiance. Il ne nous reste plus qu'à continuer à faire du bon travail ! Peaufiner notre univers, gagner en force, en assurance. Garder à la fois tout ce côté spontané et naturel tout en évitant de devenir le " groupe bizarre " de service. Il faut quelque chose de vraiment solide.

Le mot de la fin ?

Le plus important, c'est de faire ce qu'on aime et de le faire bien. D'être généreux. Les musiciens qui jouent avec moi sont là par générosité, et moi sur scène j'ai vraiment envie que les gens passent un bon moment. Quelqu'un m'a dit après avoir gagné qu'il était important que, pour une fois, on mette en avant un groupe généreux. Et ça, on en a vraiment besoin.

mercredi, 31 décembre 2003 04:00

En attendant la lune...

A l'occasion de la sortie du nouvel album de Tindersticks, " Waiting for the moon ", nous avons rencontré le pianiste du groupe, David Boulter. A la fois compositeur de certains titres et faux frère de Stuart Staples, David Boulter n'aura de cesse, pendant cette interview, de clamer son bonheur. Pour lui, cet album pourrait bien être le meilleur des Tindersticks, après les débâcles qu'a connues le groupe il y a quelques années (à l'époque de " Simple Pleasure "). Aujourd'hui soudés comme jamais, les six Anglais s'avouent satisfaits et sereins. A l'écoute, ces sentiments se traduisent par une certaine lumière, filtrée par la voix de Stuart et par son écriture, libre et aventureuse, par moment même presque guillerette. Un mot reviendra sans cesse pendant cette rencontre : " naturel ". Comme si David Boulter et ses collègues voulaient à tout prix nous convaincre que cet album avait été enfanté, non pas dans la douleur, comme ce fût déjà le cas par le passé, mais dans une atmosphère parfaitement détendue. Les Tindersticks se lâchent enfin : ça fait du bien…

Avant de parler de " Waiting for the moon ", peux-tu nous raconter ce qu'a vécu Tindersticks au cours de ces deux dernières années, depuis ce dixième anniversaire célébré ici, au Botanique, il y a deux ans ?

Nous avons beaucoup joué pour promouvoir " Can Our Love… ", qui paraissait au même moment, puis nous avons bossé presque plein temps… Cette tournée était assez imposante, avec l'orchestre, les cordes, les chœurs, … Mais au lieu de nous reposer et de calmer le jeu, nous nous sommes directement attelés à la composition d'un nouvel album.

Ce fut un processus difficile ?

Pas vraiment difficile, mais long, parce deux d'entre nous avons maintenant des enfants, ce qui fait qu'on ne pouvait pas se concentrer à 100% sur l'album… Il y eut pas mal de pauses. Sans cela, on aurait pu le terminer l'été dernier.

" Can Our Love… " possédait une tonalité très soul, avec des chansons qui s'entremêlaient, se fondaient l'une dans l'autre. Pour celui-ci, c'est encore autre chose… Une constante, finalement, dans l'histoire du groupe.

C'est vrai. Il y a quelques idées sur " Waiting for the moon " qui datent de " Can Our Love… ", mais qui ne correspondaient pas vraiment à la texture générale de l'album, qui n'auraient pas pu s'épanouir dans le canevas qu'on avait mis en place. Quand nous avons commencé à composer ce nouvel album, nous voulions vraiment faire un album cohérent de bout en bout, sans baisses de tension, ce qui était trop le cas avec " Can Our Love… " et " Simple Pleasure ". Le problème avec ces deux disques, c'est qu'on a l'impression que certaines chansons manquent ou que d'autres sont tellement fortes qu'elles éclipsent le reste. Pour celui-ci, on était tous d'accord pour essayer d'éviter cela. Et surtout, que tout le monde soit cette fois-ci sur la même longueur d'onde : il est fini le temps où chacun suggérait une idée et désirait la retrouver sur le disque, en dépit d'une certaine homogénéité.

Pourtant on sent encore une fois cette volonté d'expérimenter, notamment avec ce " Just a dog " aux consonances country…

Je crois qu'il est très important pour nous de toujours essayer un tas de choses différentes… On a toujours voulu se départir de cette habitude qu'ont les journalistes de nous coller l'étiquette " rock ". Je pense qu'avec ce disque, nous avons essayé de revenir à un son plus expérimental, de tenter encore plus de choses… Même si c'est toujours ce que nous avons fait par le passé, genre utiliser un tas d'instruments plus différents les uns que les autres. Ca nous vient plutôt naturellement, en fait !

Il n'empêche que les chansons de cet album semblent plus évidentes qu'auparavant.

Comme tu disais, les chansons de " Can Our Love… " ressemblaient plus à des jams, qui se chevauchaient… Ici, la plupart des chansons sont davantage écrites : nous savions exactement quelles directions elles devaient prendre, avec de vrais couplets-refrains. Je pense aussi que les arrangements de cordes sont les meilleurs que nous ayons faits jusqu'ici.

Et puis il y a ce duo, une autre constante chez vous… Qui est cette femme qui chante sur " Sometimes It Hurts " ?

C'est Lhasa de Sela, une chanteuse québecquoise aux origines mexicaines. Elle chante en français et en espagnol. Ian Caple, notre producteur, avait déjà travaillé avec elle par le passé, et comme elle a une sacrée voix, il nous a passé ses disques pour qu'on se fasse une idée. C'est toujours intéressant de collaborer avec des personnes extérieures au groupe, surtout pour Stuart (NDR : Staples, le chanteur), parce qu'il écrit souvent des chansons comme des histoires, qui se prêtent bien à ce genre de duos.

Comment l'avez-vous rencontrée ?

Nous l'avons tout simplement appelée, et elle fut directement intéressée. Elle est donc venue nous rejoindre à Londres pendant quelques jours.

Elle a une drôle de voix… Peut-être à cause de ses origines !

Quand tu écoutes ses propres albums, sa voix est vraiment au centre de la musique. Et le fait qu'elle chante en français et en espagnol renforce encore ce côté atypique, surtout pour nous qui ne comprenons pas ces deux langues… Sa voix sonne comme un instrument à part entière : c'est bien plus que quelqu'un qui, simplement, chante. Nous avons aussi fait beaucoup de duos avec des gens qui au départ n'étaient pas nécessairement des chanteurs, comme Isabella Rossellini. C'est très excitant de collaborer avec des personnes qui ont de fortes personnalités… Mais c'est vrai que ça fait parfois du bien de travailler avec quelqu'un qui possède une vraie base musicale, qui sait comment chanter.

Justement, concernant les voix et les duos, on a l'impression que Dickon Hinchliffe, votre violoniste, chante davantage sur ce disque. Il y a de plus en plus un équilibre vocal entre Stuart et lui.

Oui, et il écrit de plus en plus de paroles aussi… C'est pour cela qu'ils chantent davantage ensemble. C'est vraiment génial que deux personnes du groupe écrivent des chansons, même si ça rend parfois caduque l'équilibre de Tindersticks… Je ne sais pas (hésitant)… On verra bien ce qui va se passer… Ses chansons sont en tout cas très belles, très Tindersticks. Il s'investit de plus en plus dans le chant en tout cas, ça c'est clair, surtout depuis " Can Our Love… ". Mais c'est vraiment la première fois qu'il signe lui-même certaines des compositions.

Comparé à vos précédents albums, il y a vraiment un dialogue entre eux deux, comme un jeu de questions/réponses.

Oui, je suppose… Ce fût très difficile à faire : nous avons passé toute la période de Noël à tenter de faire fonctionner les chansons les unes avec les autres. Les gens voient souvent Stuart comme quelqu'un qui aime chanter avec un partenaire… Je ne sais pas… C'est assez étrange !

" Waiting for the moon " sonne assez relax, tout en étant très (bien) produit. Quelle fût l'importance de Ian Caple dans l'étape de production du disque ?

Cette fois, Ian et Stuart ont plus travaillé à quatre mains. Mais dans un certain sens, les chansons n'avaient pas besoin d'être fort produites. Elles possédaient une sorte de feeling naturel qui se suffisait à lui-même. Stuart a quand même beaucoup investi de son temps et de son énergie pour peaufiner ces chansons, dans le home studio qu'il s'est construit chez lui. Quant à Ian, je pense qu'il comprend très bien ce vers quoi nous voulions tous tendre. Il arrive toujours à trouver ce qui manque quand nous-mêmes nous n'y parvenons pas.

C'était donc davantage une collaboration, cette fois, entre lui et Stuart ?

On travaille avec Ian depuis si longtemps maintenant que je ne le vois même plus comme notre producteur. On est vraiment sur la même longueur d'ondes : il sait ce qu'on veut, quel son nous correspond, surtout au moment de l'enregistrement. Il est plus comme une sorte d'ingénieur du son en fait ; le genre à travailler avant tout sur les sonorités qui nous conviennent, contrairement à ce qu'il peut faire avec d'autres groupes.

Que signifie le titre de l'album, " Waiting for the moon " ?

C'est juste le titre d'une des chansons, celle qui donne le plus à l'album ce sentiment de naturel : on sent que c'est un morceau qui a été enregistré à la maison, puis sur lequel Stuart est venu poser sa voix, tranquillement… C'est ce feeling qui primait vraiment pendant toute la conception du disque… Il n'y a jamais eu de grandes discussions quant aux titres à donner à nos chansons : ça vient naturellement, quand on le sent. C'est un peu ça le message.

Et " 4.48 Psychosis ", alors ! ?

Cela vient d'une pièce de théâtre de Sarah Kane, qui s'est suicidée il y a quelques années.

Ce qui explique le fait que Stuart parle, monologue, au lieu de chanter ?

Exact. Nous avons donné des concerts au Royal Court de Londres, où il n'y a jamais de concerts, seulement des représentations théâtrales, et surtout d'auteurs contemporains. C'est là qu'on a entendu parler de Sarah Kane. Et puis jouer là, c'était comme un défi qu'on avait envie de relever.

Ca vous arrive de composer pour le théâtre ?

Non, mais dans ce cas-ci, Stuart se sentait proche de Sarah Kane. Elle était gravement dépressive, tu le sens quand tu lis ses pièces… C'était vraiment pour elle une sorte d'échappatoire, d'exorcisme. C'est la même chose quand Stuart écrit des chansons : il essaie de faire sortir des sentiments profonds, de les extérioriser.

Vous vous êtes ici inspirés d'une pièce de théâtre, mais vous avez aussi composé pour le cinéma (NDR : " Nénette et Boni " et " Trouble Every Day " de Claire Denis). Comment ça se passe exactement ?

Je pense que c'est différent pour chaque groupe qui a la chance de travailler sur la musique d'un film. Je crois que Stuart n'est influencé par rien en dehors de ses propres démons intérieurs. C'est un peu la même chose avec Claire Denis. Travailler avec elle fût très étrange, parce que tout le monde s'attendait à ce qu'on fasse une BO. Tout le monde a toujours qualifié notre musique de " cinématographique "… C'est pour cela qu'on s'est jeté dans l'aventure, comme si c'était naturel, tout en sachant qu'on ne voulait pas faire une BO traditionnelle…

Deux BO pour Claire Denis : est-ce que c'est une collaboration que vous aimeriez prolonger ? Vous sentez-vous proches de son univers ?

Je pense que sa manière de faire des films est similaire à notre manière de faire de la musique. Comme je le disais, ça vient de l'intérieur. Une fois qu'elle a une idée dans la tête, elle essaie par tous les moyens de l'exprimer à l'image. Nous aimons vraiment l'esthétique de ses films, surtout " Trouble Every Day ", que beaucoup de gens ont pourtant détesté à cause de sa violence et de son histoire (NDR : une romance sanguinaire entre deux cannibales, interprétés par Vincent Gallo et Béatrice Dalle). Pourtant c'est vraiment un truc à voir ! La manière dont elle filme est simplement incroyable, vraiment.

L'image, c'est important pour vous ?

Au début ça l'était. Maintenant beaucoup moins. Je pense qu'on en est venu naturellement à cette situation de tous porter des costumes, d'avoir ce look… C'est la même chose concernant les cordes, les violons… Peut-être que les gens croient toujours que Tindersticks est un groupe à orchestre ; mais c'est vraiment une image qu'on essaie aujourd'hui de briser. Pour la prochaine tournée, on essaiera juste d'être nous-mêmes… Je ne pense pas qu'on doive de toute façon se créer une identité pour exister : juste être naturel.

Dommage : c'est super branché en ce moment de jouer en costumes…

Je suppose que quand on a commencé, c'était pour marquer le coup. Jouer, c'est comme sortir un vendredi soir : tu veux être classe. Aujourd'hui, c'est juste devenu naturel, ça ne m'ennuie pas.

Je me suis toujours demandé comment vous pouviez supporter ces costumes en plein concert… Vous mettez du déo, au moins ?

Je me rappelle la première fois que nous sommes allés à New York, c'était en plein été, il faisait terriblement chaud, et on portait ces costumes… Tout le monde était en short et nous regardait de travers ! Pourtant, à cette époque, ça faisait du bien de se sentir différent. Je pense que nous sommes différents, mais maintenant on ne ressent plus le besoin de le montrer à quiconque. C'est comme ça, et voilà.

" Waiting for the moon " est en tout cas le genre de disque parfait à écouter un dimanche d'été ! Il donne envie de se la couler douce.

Je suppose que c'est dû au fait que la plupart des gens considèrent notre musique comme étant sombre : cela a sans doute affecté notre manière de composer cet album, de manière plus légère et reposante. Je pense qu'au fil des années, le chant de Stuart est devenu plus naturel. Il se bonifie avec le temps. Mais notre intention n'était pas de faire des chansons enjouées : c'est juste venu comme ça. Je pense que ça a beaucoup à voir avec le fait qu'on voulait tous faire un disque qui soit écouté par le plus de monde possible, et qui soit, surtout, composé dans une ambiance sereine.

Tindersticks, ce sont toujours les mêmes six personnes ?

Oui. Je pense qu'on est passé par des périodes difficiles, durant lesquelles certains se sont un peu perdus… Mais avec cet album, l'entente entre nous est à nouveau au beau fixe !

Une dernière question, pour la route : il y a deux ans, vous avez fêté vos dix ans de carrière ici, en Belgique. Pourquoi ce choix ?

On avait été approché par le Botanique, qui voulait organiser plusieurs soirées en notre honneur. Comme nous ne voulions pas seulement jouer trois ou quatre soirs d'affilée, on s'est dit qu'il fallait faire quelque chose de plus intéressant, dont les gens pourraient vraiment se souvenir. On a commencé à réfléchir à une expo de photos et de matériels, et petit à petit cette idée est devenue une occasion pour nous de célébrer notre anniversaire en grandes pompes ! On avait déjà réalisé plus ou moins la même chose à Londres, mais nous nous étions limités à des concerts ; et puis Londres, ça faisait un peu trop " autochtones ", genre " c'est d'ici que nous venons, que vient notre musique "… Je pense que nos fans ne sont pas typiquement anglais, mais viennent de tous les pays d'Europe : la Belgique, par son emplacement central, se prêtait donc bien à ce genre d'événement.

 

 

 

 

mercredi, 31 décembre 2003 04:00

La fureur du dragon

On les croyait voués à battre le fer kitsch rock de la tribu Tricatel, les voilà devenus un vrai groupe, avec une chanteuse, Natasha, et un album, " Spanked ". AS Dragon pourrait même être la meilleure chose qui soit arrivée au rock français depuis bien longtemps. Nous les avons rencontrés en plein milieu d'une tournée qui confirme, après celles des plages, de Burgalat et de Chamfort, leur excellence scénique. Où tout fût question d'attitude, de confiance et de persévérance.

Racontez-nous la genèse de cet album.

Hervé Bouétard (batterie) : On a rencontré Natasha en janvier 2002. Peu de temps après, on s'est mis à composer, en essayant les nouveaux morceaux en concert avec Bertrand Burgalat… Ca nous a permis de les roder, puis après on les a terminés à l'arrache au studio. Ca s'est fait très rapidement : cet album, c'est un peu une photographie de ce qu'on incarnait il y a un an. Certaines sont issues de jams, d'autres ont été apportées individuellement puis arrangées par le groupe ou bien composées ensemble… En fait notre méthode de travail est multiple. On essaie toutes les pistes possibles. C'est un vrai travail de coopération : il n'y a pas de leader. On est tous à même de composer, même si on n'est pas des foudres de guerre ! Mais il n'y a pas de dictature.

Avant l'arrivée de Natasha, on avait l'impression que vous étiez un peu le " groupe de studio " de Tricatel, le backing band de Burgalat ou de Houellebecq…

Michael Garçon (claviers) : On était un peu plus que ça, en fait. On ne se contentait pas de jouer ce qu'on nous demandait de jouer. On apportait déjà notre touche. C'est vrai que le groupe s'est soudé très rapidement autour de Michel Houellebecq… Mais si on fonctionnait bien en faisant notre travail de backing band, il nous arrivait aussi de travailler comme arrangeurs. A cette époque on commençait déjà à composer des petits trucs… On savait déjà qu'on pouvait composer, arranger. Donc le tournant s'est fait très facilement.

Hervé : On savait qu'on allait finir par devenir un groupe à part entière, avec nos compos, et puis on a rencontré Natasha, et là tout s'est accéléré. Le fait de trouver quelqu'un pour chanter nous a permis de canaliser nos compos… C'est à partir de là qu'on est devenu un vrai groupe.

Dans quelles circonstances vous êtes-vous tous rencontrés ?

Michael : Bertrand Burgalat cherchait un groupe pour accompagner Michel Houellebecq. En fait, au départ il voulait un groupe qui existait déjà, des gens qui se connaissaient entre eux. Il a d'abord demandé à Eiffel de participer au disque, mais vu qu'ils avaient une carrière à gérer, ils n'ont pas suivi… Comme la tournée de Houellebecq se préparait, Bertrand a donc dû lui-même monter un groupe. Il a récupéré Hervé et Stéphane (Salvi, guitares) du groupe Montecarl, moi qui venais de la musique électronique avec Kojak, et Fred Jimenez à la basse, qui avait proposé ses maquettes à Tricatel et dont le jeu lui a tout de suite plu. Il y avait aussi Peter Von Poehl qui travaillait beaucoup en compagnie de Bertrand, qui était un peu son bras droit. Puis Peter est parti au moment où Natasha est arrivée, et Fred en septembre 2002. C'est David Forgione qui le remplace.

Et Natasha ?

David Forgione : C'est Michael, qui sort beaucoup, qui l'a rencontrée. Et quand AS Dragon s'est mis en quête d'une chanteuse, il nous l'a présentée, et ça l'a fait tout de suite.

Michael : Elle ne connaissait ni Tricatel ni AS Dragon. Elle a écouté, et par politesse je pense, a dit qu'elle trouvait ça bien. Le lundi d'après, je l'ai appelé et dans la semaine on faisait déjà une télé et un concert.

Hervé : Depuis le début de cette aventure on a eu beaucoup de chance. Ca a fonctionné tout de suite.

A ce moment aviez-vous déjà des compositions toutes prêtes ?

Hervé : En fait on a quasiment tout repris à zéro, parce qu'on est parti du principe qu'avec Natasha il fallait une refonte : pas qu'elle colle à notre truc, mais qu'on fasse tout vraiment ensemble. Il a fallu qu'elle écrive plein de textes. Du gros boulot ! Mais on aime bien travailler dans l'urgence, saisir l'instant. On n'a fait aucune maquette, aucune pré-production : on a enregistré directement plutôt que de remachouiller des morceaux pendant des mois. C'est un peu la façon de Tricatel de bosser, et on s'y est fait. C'est assez créatif et surprenant.

Mais ne craignez-vous pas en même temps d'être vite catalogués " Tricatel " ?

Hervé : Ouais… Mais on a l'impression que depuis qu'on est là, son image a un peu changé : pour beaucoup c'était un label élitiste, parisien, easy listening,… Je pense que nous lui avons insufflé - mais sans prétention ! - un truc nouveau, un peu plus rock, un peu plus urbain, un peu plus spontané. On n'est pas du tout second degré, kitsch… Même si je pense que Tricatel ne l'a jamais vraiment été ! Puis on préfère être sur un label indépendant que sur une major : il n'y a pas de sous, mais il y a plein d'autres avantages.

En live, votre structure rythmique est impressionnante. Vous êtes, techniquement, le groupe français le plus imposant sur scène… Sans pour autant être labellisés " Made in France ". Comment vous positionnez-vous dans le paysage rock français ?

Natasha : On écoute plus de musique anglo-saxonne que française.

Hervé : On n'est pas du tout influencé par la scène française, même s'il y a des groupes en France qu'on apprécie beaucoup, mais…

Natasha (l'interrompant) : Si, on aime tous Gainsbourg, mais on essaie d'éviter de le dire parce que c'est tellement évident… A part ça, c'est vrai que le rock français, ce n'est pas vraiment notre source d'inspiration.

Hervé : Les seuls groupes intéressants en France, ils ne vendent aucun disque, et on ne parle jamais d'eux. Nous on aime bien les Married Monk, ce genre… Mais on n'est pas très " chanson française ".

Vous estimez ne pas être influencés par la chanson française, mais en même temps certains de vos titres sont chantés en français. Qu'est-ce qui vous attire dans la langue française ?

Natasha : Les quotas ! (rires) Plus sérieusement, si le morceau peut fonctionner en français, c'est un plus parce que c'est notre langue. On s'exprime forcément plus directement en français, même si musicalement c'est plus facile en anglais… Mais il ne faut se priver ni de l'un ni de l'autre, même s'il est difficile de faire sonner un texte en français, surtout en rock, sans tomber dans un truc grossier. C'est compliqué parce qu'on ne peut pas se permettre d'être aussi simpliste en français qu'en anglais… Mais si ça passe bien, c'est finalement plus révélateur du groupe que ce qu'on fait en anglais.

En cas de problème, il y a toujours Baudelaire (le morceau " Un Hémisphère dans une Chevelure ") !

Natasha : La poésie du XIXe et le rock actuel, pourquoi pas ? Si ça peut fonctionner, tant mieux !

Et les poètes maudits sont assez proches des rockeurs d'aujourd'hui...

Natasha : Mais carrément !

Hervé : Ce sont toujours des gens qui ont du mal à supporter leur époque. A travers le temps on se retrouve… C'est le point commun.

C'est vrai que vous sonnez très rock'n'roll… Très soul aussi.

Hervé : Ben c'est notre tronc commun à tous : la soul, la musique black des sixties et des seventies,… Mais on aime bien aussi la new wave, le punk rock, la musique jamaïcaine, enfin de tout, quoi.

D'où les reprises de " Tears of a Clown " avec Burgalat, et ici, de Betty Davis ?

Natasha : On y est venu très vite parce qu'on s'est retrouvé sur scène 4 jours après notre rencontre, donc forcément… Betty Davis, c'est une espèce de challenge : avant d'arriver dans le groupe, je n'avais jamais vraiment chanté.

Sans blague ! ?

Hervé : On a vu directement qu'elle avait du potentiel… Mais depuis elle a beaucoup travaillé !

Natasha : Ce que j'ai amené surtout, c'est la fraîcheur, parce que je n'avais aucune expérience, et en même temps je suis assez spontanée, je me jette pas mal à l'eau. C'est ça qui a plu, au groupe et au public. C'est ça, en fin de compte, la définition du rock : le fait de se mettre en danger.

 

mercredi, 31 décembre 2003 04:00

Les paysages sonores cinématographiques de M83

En prélude à leur concert aux Nuits Botanique (le samedi 27 au Cirque Royal), nous avons rencontré les deux jeunes gens de M83, fans de noisy rock mais aussi d'Iron Maiden, auteurs d'un album excellent, " Dead Cities, Red Seas & Lost Ghosts ", mélange improbable d'électro, de shoegazing, de krautrock et de cold wave. Bizarre, mais jouissif : imaginez-vous sur une plage déserte battue par un vent glacial, perdu dans ce coin de terre où votre écho se noie, à des milliers de kilomètres de la moindre âme qui vive. Imaginez-vous sur une autre planète, rouge et sulfureuse, à dormir dans votre caisson en attendant la délivrance. Au dehors, des bruits lointains ricochent sur votre sarcophage. Il fait chaud, et des voix sans corps vous bercent de leurs ululements craintifs. Rêve ou cauchemar ? C'est ça, l'effet M83.

Qu'est-ce qui a changé pour vous entre la sortie de votre 1er album et de ce deuxième ?

Nicolas : Le premier album (M83) était quand même différent. Il était beaucoup plus ambient. Sur celui-ci on a essayé un truc plus noisy, plus rock.

Avez-vous du faire face à une certaine pression ?

N. : Ouais, mais juste dans le sens de vouloir faire mieux, tout simplement ! C'est une pression positive, constructive : on voulait essayer de garder le même son tout en le faisant évoluer.

Combien de temps avez-vous travaillé sur cet album ?

Anthony : Pareil que pour le premier : un an, de la composition au mixage puis à l'enregistrement. Ce n'est pas énorme…

Comment vous êtes-vous rencontrés ? Est-il exact que vous êtes issus de la Côte d'Azur ?

N. : Ouais ! D'Antibes. On s'est rencontrés au lycée. Et on est devenu potes parce qu'on écoutait le même style de musique. On a alors fondé un petit groupe de noisy rock qui a vécu pendant 2-3 ans, et puis après on s'est mis à l'électro.

Antibes, c'est un peu la ville ennuyeuse, où les jeunes se mettent à la musique parce qu'il n'y a rien d'autre à faire, pour créer leur propre amusement ?

N. : Je ne sais pas… Moi je fais de la musique depuis que je suis super jeune, donc je ne me suis jamais posé cette question ! (rires)

A. : On ne s'ennuie pas à Antibes ! C'est cool, il y a la mer, le soleil. C'est sympa !

On a du mal à déceler vos influences : ok, il y a le noisy rock, la pop, l'électro,… Mais du métal aussi, non ?

N. : (agréablement surpris) Ca fait plaisir que tu parles de métal, parce qu'on est des fans de Judas Priest ! (rires) Même si on écoute aujourd'hui plus de noisy, de pop, d'électro et de krautrock… Je pense que notre musique mélange le tout.

Comment composez-vous ? Exclusivement par ordinateur ou bien utilisez-vous également des instruments live ?

A. : En fait, pour la composition, on n'utilise pas d'ordinateur… On utilise que des machines, des synthés, des boîtes à rythmes, des trucs ainsi… De la guitare aussi. Mais on n'a pas de logiciels.

Et en live ?

N. : En live, on a maintenant un batteur et un bassiste, et donc c'est un peu plus noisy, plus rentre dedans, plus rock en fait… Et puis on voulait montrer autre chose. En fait, je pense que cette nouvelle tournure colle mieux au deuxième disque.

Votre musique est un peu fantomatique, comme le suggère le titre de l'album… On dirait qu'elle a été composée sur les " ruines d'une civilisation perdue ". Les voix, par exemple, sont comme fossilisées.

A. : Ouais ! C'est notre son à nous. On voulait incorporer un peu plus de voix par rapport à notre premier disque, et les utiliser de façon originale, " fantomatique ", comme tu dis. Ca fait partie de notre son : empiler des synthés, des boîtes à rythmes, de la batterie, et les mixer comme un mur de sons.

Ces voix, d'où viennent-elles ?

A. : Ce sont de vraies voix. Elles ont été enregistrées en compagnie d'amis musiciens, qui appartiennent plus ou moins au même label que nous, Gooom. Nous avions envie de travailler avec eux, parce qu'on partageait les mêmes affinités musicales. Cela s'est fait naturellement.

Des noms ?

N. : Il y a la chanteuse de Cyann & Ben, Benoît de Villeneuve (qui va bientôt sortir quelque chose sur Gooom), deux copines à lui, et Montag, un Québécois qui fait de la musique électronique. Il s'est chargé des pistes de violon.

Gooom est une structure assez atypique dans le paysage musical français, comme votre musique. Comment vous positionnez-vous par rapport à la scène électro française ?

A. : On ne se pose pas trop la question, en fait… On n'essaie pas de ressembler à tel ou tel groupe ou de faire partie de la même mouvance musicale. On fait juste notre musique comme on la sent.

On parlait d'Antibes tout à l'heure : on a l'impression que votre environnement influence directement votre travail. Votre musique est assez cinématographique, remplie de " paysages sonores ", si vous préférez…

A. : C'est vrai qu'on regarde beaucoup de films, des vieux, des plus récents, des films SF,… Ce côté spatial, atmosphérique vient sans doute de là. Les images évoquent pour nous de la musique.

Vous avez composé la musique d'un film, justement !

N. : Ouais ! D'un documentaire… Sur la PAC, la " politique agricole commune " : c'est vachement excitant, c'est super rock'n'roll ! (rires) Mais c'était un reportage de la BBC. Il colle bien à notre musique, parce qu'il recèle beaucoup de paysages.

Votre musique, en tout cas, est difficile à décrire, mais s'accorde bien en effet à l'élément spatial… Dans quel état d'esprit l'avez-vous composé ?

A. : Dure comme question… Tout dépend du moment, du temps qu'il fait dehors. En fait, c'est assez bizarre.

Bizarre, vous avez dit " Bizarre " ? Nicolas et Anthony nous auraient-ils trompés sur leurs origines terrestres ? Des fans de Judas Priest ! ? Rendez-vous aux Nuits pour en avoir le cœur net, avec à l'affiche également : " rinôçérôse ", The Eternals et Zongamin.

 

 

En Suède, Fireside est un groupe de rock plutôt connu, qui arpente les scènes en compagnie des Hives et des Hellacopters, des amis d'enfance et de tournée. Ici, la réputation du quatuor est encore à faire : si on parle souvent de " feu " pour les décrire, c'est de feu d'allumettes, d'un incendie qui peine encore à s'embraser… Mais " Get Shot ", un sixième album bourré de chansons faciles à chanter et de refrains malins, devrait changer la donne. " Allô, les pompiers ! Y a la maison qui brûle ! " : avec son rock énervé mais pas minet, Fireside met le feu à nos tympans. Les jeux de mots faciles, ça nous connaît… Encore un : " Il n'y a pas de fumée sans feu ". Autrement dit : derrière ce rock enlevé se cachent sûrement des types bien, qui ne demandent qu'à mieux se faire connaître. Nous avons voulu en avoir le cœur net, direction… Leuven, pour une interview-vérité. Juste avant un concert furibard, le bassiste Frans Johansson a répondu à nos questions. Et révélé que malgré cette violence qui sourd de leur musique, ils sont d'adorables personnes. Et de sacrés buveurs de bières.

Votre nouvel album est fort différent des précédents : il sonne davantage comme un mélange de pop, d'EMO, de folk et de rock psychédélique… Qu'en penses-tu ?

Oui, je suis d'accord… Sauf en ce qui concerne l'EMO ! Je pense qu'il est le résultat d'un bon mélange de pop songs et d'éléments plus rock… Tu sais, on écoute autant les Beatles que les Stones, même si les gens pensent qu'on écoute des trucs plus violents…

C'est clair qu'il y a toujours une tension dans votre musique, entre calme et violence, mélodies pop et passages plus colériques. Comment faites-vous pour garder cet équilibre ?

Je ne sais pas… On écrit juste des chansons : c'est assez simple, en fait… L'un d'entre nous vient avec un riff, par exemple, et on essaie de créer une chanson autour, de développer une idée. Le principal, c'est que la chanson soit bonne. On ne pense pas à cet équilibre dont tu parles… Si elle sonne bien, c'est OK : on garde le titre… Suivant ! On ne se dit jamais avant de se lancer dans l'écriture d'une chanson : " Essayons de faire sonner ce morceau comme ceci ou comme cela ", on vient chacun avec son truc, et puis tout le monde y va de son commentaire, on rajoute une ligne de basse, un couplet, de la voix par-ci par-là, … Rien de très révolutionnaire !

Il n'empêche que cet album marque une cassure, non ? Vous étiez plus " hardcore " dans les années 90…

C'est vrai que de 1992 à 1995-96, on nous rattachait à cette scène hardcore… Mais ce n'est pas de notre faute ! Il s'agit d'un amalgame : en Suède cette scène était très vivace, et comme on jouait dans le même circuit de salles, on nous a rapidement catalogués " hardcore "… Même si cette étiquette ne nous a jamais collés à la peau : on n'a jamais été un groupe " en colère ", ce genre, on voulait juste être considéré comme un groupe de rock ordinaire… Mais le fait de jouer fort, et voilà vous êtes hardcore !

Fireside existe donc depuis plus de dix ans…

En 1992, Kristofer (ndr : Astrom, le chanteur) et Pelle (Gunnerfeldt, le guitariste) ont fondé le groupe, et m'ont demandé de les rejoindre, tout comme Frederic (drummer à l'époque et remplacé depuis par Per Nordmark). C'était juste un hobby : on jouait ensemble pour le fun… Mais dès nos premières répétitions, la musique sonnait vraiment bien ! N'empêche, c'était juste pour se marrer : quand t'as 17/18 ans, que tu joues dans un groupe de rock, c'est vraiment le pied ! Que demander de plus ? (Il sourit comme un enfant)

Qui a produit ce sixième album ?

Kalle Gustafsson Jerneholm des Soundtrack of Our Lives. Jusque là, on produisait nous-mêmes nos albums, mais pour celui-ci on a voulu un vrai producteur, de manière à pouvoir davantage déléguer. Passer plus de temps à se relaxer et à essayer de nouveaux trucs… Kalle est un peu le cinquième membre du groupe, il vient avec des idées, et tout le toutim… Et puis c'est un bon ami, donc c'était vraiment sympa de travailler avec lui.

Vous êtes connus en Suède, mais beaucoup moins ici…

Oui, c'est exact : ici on joue en général devant 300/400 personnes… Mais j'espère que cet album va changer le cours des événements ! Mais ce qui est cool, c'est qu'ici les gens se lâchent beaucoup plus en concert. En Suède, c'est moins chaud, les gens ne bougent pas, sauf dans les festivals.

Pensez-vous profiter du garage-punk revival, et de la notoriété de vos voisins de palier, The Hives, The Hellacopters, Turbonegro,… ?

Je pense que c'est une bonne chose, même si je ne sais pas si on fait partie d'une quelconque " scène rock suédoise "… Il y a toujours eu des bons groupes rock en Suède. La seule différence aujourd'hui, c'est qu'ils sont maintenant en couverture des magazines anglais ! Ce revival a commencé en Suède en 1995/96, mais c'est seulement aujourd'hui qu'on en parle en dehors de nos frontières ! Les groupes que tu mentionnes sont nos amis. Je les aime bien. Certains sont meilleurs que d'autres, certains sont franchement mauvais… Turbonegro, par exemple, est un sacré bon groupe.

Pelle a produit The Hives, tu as joué avec The Soundtrack of Our Lives, et Kalle de ce même groupe a produit votre album… C'est clair qu'il y a une réelle entente entre vous ! C'est valable aussi pour les autres groupes ?

Oui, parce que la Suède est un si petit pays : tu finis par rencontrer tous les autres groupes… Evidemment tu t'entends plus avec certains qu'avec d'autres. Soundtrack of Our Lives, The Hellacopters : ce sont des groupes qui jouent depuis tellement longtemps… C'est normal qu'on les connaisse ! Bon, maintenant il y a toute une flopée de nouveaux groupes qu'on connaît un peu moins, mais il suffit en Suède de jouer dans un festival, et tu sais vite qui est qui ! (rires)

Et pas seulement en rock, mais aussi en country-folk, en électro, en nu-jazz…

Ouais, il y a beaucoup de ces songwriters folk-americana… Un peu trop à mon avis ! (rires)

Justement : Kristofer a sorti des albums solos beaucoup plus folk que ce qu'il écrit au sein de Fireside… Est-ce important pour lui de garder cette indépendance, d'avoir ce projet plus personnel ?

Il s'agit de deux choses complètement différentes. Il fait des trucs de son côté, et ça ne nous regarde pas. Fireside n'a rien à voir avec ses projets personnels. Nous sommes un groupe. Kristofer, c'est Kristofer, point barre.

De quand date cette carrière solo ?

1996/97. A cette époque on tournait tellement qu'il en a eu vraiment marre… C'est la raison pour laquelle il a entamé une carrière solo en compagnie de Hidden Truck (NDR : le nom du groupe qui l'accompagne). Pour faire un break. Je pense que ça lui a fait du bien… Il faisait ses trucs de son côté, et nous du nôtre.

Comment composez-vous au sein du groupe ?

Pelle et moi composons la musique, et Kristofer écrit les paroles.

Et Kalle, le producteur : avait-il vraiment un rôle primordial ?

Oui. Il était vraiment le cinquième membre du groupe. Il nous a vraiment secondés, en nous poussant à écrire les meilleures chansons possibles… Avec lui on les écoutait 500 fois, on y rajoutait des instruments, de nouveaux éléments, de nouveaux sons, etc. Et puis c'est toujours bien d'avoir un point de vue extérieur, et de pouvoir se concentrer uniquement sur ton boulot d'écriture. Ce qui n'était pas possible quand on produisait et enregistrait tout, nous-mêmes.

La chanson centrale de " Get Shot ", " I'm Coming Home ", surprend par sa mélancolie : voilà une chanson triste et lente au milieu de neufs hymnes pop rock bien enlevés. C'est délibéré ?

Oui. On voulait qu'il y ait une pause au milieu de l'album, sinon il aurait été trop rentre-dedans, constamment rentre-dedans… Un petit break, c'est bien : tu te relaxes, et puis ça repart ! (rires)

Cette chanson est assez proche des travaux solos de Kristofer…

Oui, je sais. Mais c'est Pelle qui l'a composée. Kristofer a juste écrit les paroles.

Ces textes semblent plus dépressifs quand il écrit pour lui, et parlent davantage d'amour. On a l'impression qu'il ne privilégie pas les mêmes thèmes selon qu'il écrit pour ses albums solos ou pour Fireside.

Chez Fireside, ce sont davantage des chansons punk-rock : les textes doivent être plus immédiats. Pour ses Hidden Truck, c'est plus passionné, désespéré. Mais je ne pense pas qu'il se dise " Je dois écrire comme ceci pour Fireside, et comme cela pour mes chansons solos "… Je pense qu'il écrit ses textes, et s'il les trouve bons pour Fireside, il les garde pour Fireside… De toutes façons, ce ne sont que des paroles !

La musique est bien plus importante ?

Non, mais les textes ne sont pas aussi importants.

Idem pour les titres ? Par exemple, " Swinging Sid's Chain Around " ne veut rien dire ?

Si, bien sûr ! C'est un hommage à Sid Vicious. Un jour il est entré dans une discothèque avec une chaîne, qu'il s'est mis à faire tourner au-dessus de sa tête, sur le dance-floor. Cela nous fait marrer ! Mais ce ne sont que des mots. On ne veut pas que les titres de nos chansons aient un rapport avec la musique. Du moment que le titre sonne bien, ça nous convient.

Et " Get Shot ", le titre de l'album ?

C'est une référence aux Happy Mondays.

Vous aimez les citations ?

Tu sais, on écoute vraiment de tout : d'Aphex Twin à Tchaikovsky…

En parlant d'électro, c'est un peu un des parents faibles de votre musique… Une option pour le futur ?

Pourquoi pas ? Même s'il y aura toujours de la basse, de la guitare et de la batterie ! Mais à l'aide de ce canevas, on peut faire ce qu'on veut, rajouter plein de trucs. En studio, on a l'habitude d'aller dans toutes les directions, d'expérimenter à tout va… Du moment que ça sonne bien, c'est tout ce qui compte.

La confection de cet album a nécessité beaucoup de temps ?

Un an rien que pour l'enregistrement ! Mais bon, c'est parce qu'on a fait pas mal de pauses ! (rires) Le seul problème qu'on a eu, c'est quand Kalle a dû nous abandonner pour partir en tournée avec The Soundtrack of Our Lives… On ne pouvait plus travailler sans lui ! (rires)

Les concerts, justement, c'est important ?

(redevenant sérieux) Absolument. C'est même la chose la plus importante. Tu rencontres tes fans, tu vois…

D'où vient l'idée de la pochette ?

Sympa, non ? On voulait qu'elle ressemble à ces pubs d'Absolute Vodka. La photo a été faite en une seule prise, sans retouches ni rien ! Et puis on voulait voir nos tronches chez les disquaires, parce qu'on ne s'était encore jamais montré en couverture de nos albums…

Merci Frans pour toutes ces précisions.

Y a pas de quoi.

Non, il ne s'agit pas du titre du nouvel essai de Norman Mailer. Ici, on a plutôt l'habitude de parler musique. Chez Hollywood P$$$ Stars, on est servi, d'autant qu'on n'a pas l'habitude d'entendre du vrai bon rock'n'roll en Belgique, à la sauce EMO (mais pas trop). En plus, Redboy et Anthony Sinatra ne sont pas nés de la dernière pluie garage revival : My Little Dictaphone pour l'un, Piano Club pour l'autre ; ces gars-là ne sont pas des novices. Mais cette fois, c'est donc du côté du rock le plus burné qu'on les retrouve. Hollywood P$$$ Stars qu'ils s'appellent : " ça claque ", comme dirait Anthony. Leur son aussi. Rares sont les groupes belges qui sonnent ainsi dans le rouge (leur couleur préférée), guitares en avant et tout le toutim. Ca fait du bien, comme s'envoyer un rail de coke la main au cul d'une starlette X… C'est une image, comme celle qu'affectionnent ces quatre Liégeois dont le premier EP, " All on the six ", vient de sortir. Entretien.

Quelle est l'histoire d'Hollywood P$$$ Stars ?

Redboy : Anthony (Sinatra, voix/guitare) et moi on se connaissait un peu de vue, parce qu'il organisait un festival à Liège, le 'Liège Rock', et qu'on se rencontrait régulièrement lors des concerts. Puis un jour, on est tombé sur une annonce pour participer au Concours Circuit. Mais il fallait rendre les démos deux jours plus tard… On s'est dit en rigolant qu'on ferait bien un truc pour le gagner, et voilà.

Anthony : Au départ on jouait déjà tous de la musique : lui dans My Little Cheap Dictaphone, moi dans Piano Club… Mais on écoutait aussi de la musique plus dure, et on avait envie de faire quelque chose qui aille plus dans ce sens.

R. : On a enregistré des morceaux en une après-midi puis on a rendu la démo et on a été sélectionné. Quinze jours plus tard, on accordait déjà notre premier concert pour le Concours, ce qui nous a obligé à trouver un bassiste et un batteur. Puis on a passé les éliminatoires jusqu'à la finale, qu'on a gagnée. Alors, tout s'est enchaîné super vite, et Hollywood a un peu pris le pas sur nos autres projets… Maintenant que c'est un vrai groupe, il constitue pour l'instant notre priorité.

Il n'empêche qu'au départ, c'était plus un défi entre potes.

R. : C'était un peu ça, mais on avait quand même la volonté et l'envie de faire un groupe plus rock à côté de nos groupes respectifs, avec des guitares électriques et tout le reste.

C'est vrai que vous sonnez résolument rock, et c'est finalement assez rare en Belgique pour le souligner… Il y a très peu de groupes en Wallonie et en Flandre qui sonnent ainsi " toutes guitares dehors ".

A. : C'est ce qu'on nous dit souvent. C'est vrai que lorsqu'on nous demande de nous comparer avec d'autres groupes en Wallonie, il y a clairement une séparation entre les groupes pop et tout ce qui est musique plus dure, genre hardcore/metal… Mais il n'y a pas de groupe rock, qui enchaîne mélodie et énergie. Pour trouver des groupes de ce style, il faut se tourner davantage vers l'étranger, les USA. Mais en Belgique, ouais !… Bon.

Vous parlez des Etats-Unis… Le rock US est une de vos principales influences ?

R. : En rock, on écoute quasiment que des groupes américains.

Anthony : On est très fan de la scène EMO, mais on n'a absolument pas envie de suivre ce chemin-là dans le sens où c'est vraiment un carcan duquel tu ne sors pas. On a toujours ces influences pop qui nous disent de mettre de la mélodie là derrière, même s'il y a beaucoup d'énergie. C'est très " guitares en avant ", mais on aime que ça reste des chansons avant tout, et que ça soit écoutable.

Quels groupes américains écoutez-vous ?

R. : Notre bassiste est un grand fan de Fugazi. Sinon Blonde Redhead, At the Drive In, Van Pelt, … Mais notre côté pop nous rattrape aussi ; et notamment des groupes comme les Strokes ou les Pixies. On n'est pas braqué : si on a envie de faire des morceaux plus calmes, on le fait. Comme les violoncelles sur " Apollo ". On n'a pas envie que les morceaux se ressemblent trop comme dans l'EMO : on essaie de se diversifier tout en gardant une ligne de conduite, une cohérence.

L'imagerie, le nom, les titres des chansons, … Ca va dans le sens de cette cohérence ?

A. : En fait, quand on a commencé le groupe, on avait deux idées en tête : la première, c'était le style musical, la deuxième, c'était le concept de l'image. On voulait un nom très fort parce qu'on savait qu'en Wallonie, si tu veux qu'on fasse attention à toi, il faut des choses qui claquent. Et on a voulu que ça claque dès le départ. Donc le nom " Hollywood Porn Stars ", qui semble un peu gros comme ça, c'est un peu un cliché du rock… Mais on aime utiliser les clichés du rock : les gros solos à plusieurs guitares, les cordes,… Même si on garde cet esprit de faire des chansons " sérieuses " : on n'est pas The Darkness.

R. : Ca peut être pris pour du second degré, mais on avait vraiment envie d'avoir un concept et une imagerie qui soient cohérents aussi bien au niveau du style que de l'attitude : les T-shirts, les morceaux, les pochettes,… On avait vraiment envie d'un tout homogène qui dégage une image forte et dont on se sent proche.

A. : Ce qui ne veut pas dire qu'on est à plat ventre devant les Etats-Unis, en suppliant d'y aller un jour. On n'est pas du tout dans ce trip-là. On aime juste une certaine idée de l'image et de l'esthétique américaines, sans pour autant en partager les idées politiques.

R. : Les textes, comme celui d'" Apollo ", parlent d'une façon désabusée de l'industrie musicale, du star system. " Betty " parle de Betty Page, la pin up un peu trash des années 50… Tout est un peu lié à ça… Mais c'est ainsi qu'on ressent le groupe depuis le début.

Vous êtes signés sur Soundstation, un label basé à Liège. Etait-ce un choix évident pour vous, vu que vous venez de la région ?

A. : Les affinités qu'on a avec la Soundstation, c'est surtout au niveau de nos choix musicaux.

Redboy : Et puis tous les gens dans le milieu rock indé à Liège se connaissent. Fabrice (NDR : Lamproye, boss du label), on le connaît bien via l'Escalier et la Soundstation, les deux principales salles de concert rock à Liège.

A. : Ca nous plaisait bien de travailler avec lui. Au niveau de la proximité et de la communication, c'est beaucoup plus facile de discuter avec des gens qu'on voit tous les jours que de venir à Bruxelles et essayer d'y organiser une réunion… Enregistrer près de chez nous, c'était une idée qui nous plaisait.

Depuis quelques années se développe à Liège une nouvelle scène rock, vivace et prometteuse, dont vous faites partie. D'où vient le fait selon vous qu'il y ait tant de (bons) groupes à Liège ?

R. : On est tous des passionnés de musique. On se voit souvent, on sympathise, et c'est ainsi qu'on a envie de faire de la musique ensemble, parce qu'on partage des points de vue, on va aux mêmes concerts,…

A. : Il y a aussi cette idée de collectif (NDR : le collectif Jaune Orange), où les groupes travaillent l'un pour l'autre, dans le sens où chacun se pousse. Il n'y a pas de jalousie. On essaie de faire en sorte que les groupes évoluent, s'entraident.

Peut-on parler d'une " nébuleuse " rock à Liège, au niveau des groupes, des associations, des médias, du public ?

R. : Notre bassiste écrit dans Nameless. Le gars qui fait nos lights aussi. Tout est lié : ce sont toujours les mêmes personnes, les fans de rock indé à Liège.

Anthony : En fin de compte, c'est la proximité des gens et des affinités musicales qui fait qu'à Liège ça bouge.

mercredi, 31 décembre 2003 04:00

Un très long mais beau voyage...

Nada Surf vient de sortir un live, enregistré à l'AB le 31 mars 2003. Nous y étions (voir notre rubrique " reviews "), et nous avions même interviewé Matthew Caws (chanteur/guitariste) lors de leur passage à Dour, en été dernier. L'occasion de revenir sur la genèse de " Let Go ", un des albums pop rock de 2002, et sur la carrière de Nada Surf, un des groupes les plus mésestimés de sa génération.

Votre album est sorti maintenant il y a quelques mois… Il marche plutôt bien, non ?

Matthew Caws : On est très content et très surpris ! Et très occupé aussi : on n'a pas arrêté de tourner depuis le 1er septembre (2002)… Ca n'arrête pas ! En tout ça fera 15 mois. C'est l'année la plus chargée de notre carrière. Ce qui est bizarre parce que les gens nous voient comme le groupe d'un seul tube… Mais en ce moment tout marche très bien : le public vient nous voir en masse. Nous sommes enfin acceptés pour ce que nous sommes vraiment : un groupe de plusieurs chansons, pas d'une seule.

Vous êtes donc en train de vivre votre période la plus active… Mais que s'est-il exactement passé avec " The Proximity Effect " ?

C'est une histoire très classique, à savoir que cet album est sorti au moment où c'était la fin d'un genre. " Popular " était tombé au bon endroit au bon moment, et notre maison de disque - une major - voulait un deuxième " Popular "… Il faut savoir qu'en 1998, toute cette ère de richesse alternative prenait fin. D'où la panique de notre maison de disque. 'Il nous faut un tube énorme', et bla bla bla : tu vois le genre… Quand on leur a fait écouter " The Proximity Effect " - un disque dont on était très fier et qui aurait bien marché, je crois -, ils l'ont mis au placard. On aurait pu faire semblant de rien et continuer notre chemin… Mais on voulait que ce disque sorte ! Donc on a attendu pour le sortir nous-mêmes. Et il nous a fallu un an et demi pour racheter les droits…

Ce fut une période d'intense frustration, je suppose ?

Absolument. Mais cet épisode nous a rendus aussi plus forts. Il nous a même permis reprendre une vie normale. Pendant deux ans, j'ai travaillé chez le disquaire du coin, tout en sortant tous les soirs avec des amis. Une période de ma vie assez relax et sans ambition, que je n'aurais jamais pu avoir avant. Parce que si je n'avais pas joué dans un groupe, il m'aurait fallu choisir une carrière et la suivre… Or, comme il y avait Nada Surf, je préférais ne pas être trop occupé au cas où… Il me fallait juste tuer le temps ! Et même si d'un côté cette transition peut être rapidement déprimante, elle était aussi une manière d'un peu ralentir les choses. Ce qui explique pourquoi " Let Go " est écrit du point de vue du type qui a une vie normale. Mais maintenant nous sommes repartis pour la vie surréaliste ! Nous habitons dans des autobus et des hôtels… Mon appartement et mon job de disquaire me manquent un peu !

Est-ce que cette période de ta vie a eu une incidence sur la manière de composer " Let Go " ? On vous sent plus unis que jamais…

C'est exact ! Tu connais l'expression : " Ce qui ne te tue pas te rend plus fort ". On prend un plus grand plaisir à jouer. Et puis c'était mieux que personne n'attende ce disque. Tu sais, moi, le matin, j'avais l'habitude de consulter mes mails pendant cinq minutes, pour me rappeler que j'avais un groupe : " Ah oui ! Il y a des gens qui nous adorent et attendent qu'on fasse un disque ! ". Puis je devais aller boulotter… Mais à part ça, il n'y avait pas grand monde qui se souciait encore de nous… Et c'est la raison pour laquelle on a pu faire ce disque si naturellement. Pour " The Proximity Effect " il y avait pas mal de pression, mais pas pour celui-ci. Maintenant par contre…

Pourquoi avez-vous choisi d'ouvrir l'album par une ballade toute simple, sans batterie ni basse (" Blizzard of 77 ") ? Pour marquer le coup, comme un nouveau départ ?

Tout à fait. Et aussi parce ce qu'elle ne dure seulement que deux minutes, et qu'on ne savait pas comment débuter l'album ! Et puis j'aime bien le fait que ce soit juste une guitare, parce que dès le deuxième morceau la basse et la batterie arrivent … C'est comme une ascension.

Et la chanson " Là pour ça " ? C'est la première de Nada Surf en français.

C'est Daniel (Lorca, le bassiste) qui l'a écrite. On avait accompli une très longue tournée en France, en compagnie de deux membres d'AS Dragon, et comme Daniel est plus francophone que moi, il a écrit cette chanson d'une traite, de manière très naturelle… On l'a repris sur le disque parce qu'on aime bien une certaine variété. Elle figure même sur les versions US et anglaise.

Ce qui surprend à l'écoute de ce titre, c'est qu'il semble couler de source : comme si le fait de ne pas être des francophones d'origine vous sauvait des tics du langage. D'où cette spontanéité qui fait plaisir à entendre… Et qu'on ne retrouve plus forcément dans la chanson ou le rock français d'aujourd'hui.

Ah ben c'est cool ça, je suis content ! Personnellement, je suis intimidé par la langue française. J'aime bien Gainsbourg, mais il est bien trop fort pour qu'on tente de s'y mesurer ! Comment veux-tu écrire en français après ce qu'il a fait ? Mais merci pour le compliment !

Quand Daniel chante " Vive la marée haute et vive la marée basse mais surtout vive la différence ", qu'est-ce qu'il veut dire exactement ?

Ben c'est la vie, quoi. Et le voyage entre les deux, c'est ce qu'on fait tous les jours.

C'est vrai que du premier album à celui-ci, ce fût un long voyage…

Un très long voyage, mais un beau voyage. Je crois en fait qu'on collectionne les clichés à la Spinal Tap : les camions qui tombent en panne, les managers de gros bizness, le tube, la chute, le come-back,… Ira (Elliot, batteur) et moi on a même fait de la taule au Texas pour détention de drogues ! Portant des uniformes à lignes noires et blanches, comme dans " O Brother Where Are Thou ? " (rires)

Comment t'es venue l'idée de la chanson " Blonde On Blonde " ? Comme tu le chantes : t'étais dans la rue, t'écoutais Dylan… et voilà ?

Oui, exactement : c'est une chanson très simple. Il pleuvait, je marchais, les autres gens marchaient plus vite… Mais ce que je ne dis pas dans la chanson, c'est que je traversais une période difficile dans ma vie. Mais j'avais un bon imperméable, et un de mes disques favoris dans mon discman, et tout à coup j'étais heureux. Ce n'est même pas un hommage à Dylan. C'est juste une berceuse. Même si j'adore " Blonde On Blonde " de Dylan, et que je l'adorerai toujours. Et chaque fois que je l'écoute, je ressens quelque chose de nouveau.

Lors de votre dernier concert à l'AB (dont est tiré le disque live qui vient de sortir), il était difficile de ne pas ressentir un certain décalage entre vos fans et votre musique (cfr review du concert). On dirait que vos fans ne grandissent pas en même temps que vous, comme si Nada Surf souffrait encore du malentendu " Popular ". D'autant que cette chanson est très ironique ! Il s'agit d'un double malentendu, en fait ?

Mouais, c'est vrai… Mais ça ne nous gêne pas. Le malentendu avec " Popular " au départ, c'était que les gens critiqués dans la chanson l'adoraient ! Les footballeurs, les cheerleaders, tous ces gens étaient présents dans le public lors de notre première tournée ! C'était marrant, mais en même temps assez flippant. Mais heureusement ils ne sont jamais revenus après ça ! Quant au fait que notre public soit jeune, c'est un fait… Mais il vient pour entendre les chansons de " The Proximity Effect " et de " Let Go ".

Vous pourriez pourtant aisément toucher un public plus mature ?

J'admets, mais ça vient. Lentement mais sûrement. Tu sais, notre nom sonne un peu californien, jeune. Même si sa signification est toute autre : " Nada ", c'est le rien. " Surfer sur le rien ". Sur le vide. Cela dire… (un temps) qu'on est des rêveurs. Comme si on n'était pas là, parfois. Au pire. Nous sommes plutôt déconnectés. Surtout quand on est en studio et qu'on écoute de la musique. L'explication est un peu embarrassante, mais en même temps elle nous fait passer pour des gens qui restent secrets, et j'aime ça. Tu peux continuer à découvrir des trucs en écoutant Nada Surf. C'est un peu le côté " culte " des choses. Mais le public plus âgé commence à venir, et c'est tant mieux.

Danger, danger ! High Voltage : les six malades d'Electric Six sortent enfin leur premier album, un concentré jubilatoire de rock'n'roll, de disco, de garage et de funk. Yeah ! Leurs riffs éjaculatoires, leur dégaine de rockeurs insomniaques, leurs textes hilarants : ça pète dans tous les sens, pour le plaisir des yeux et des oreilles ! Leurs 13 chansons boutent le feu au dance-floor, c'est l'apocalypse électrique, c'est Electric Six ! Ces phrases sonnent comme des slogans publicitaires, mais pour une fois c'est vrai : le produit est de qualité. Les journées promo doivent être exténuantes pour ces jeunes stars montantes du show business, qui voient défiler devant eux des journalistes à la chaîne, comme les bières dans leur gosier. A 18h, au Falstaff de Bruxelles, c'était le tour de Musiczine : après avoir cuvé leur blanche pendant des heures, Dick Valentine et Surge Joebot auraient pu lâcher l'affaire, envoyer paître ce petit con et ces questions débiles. Mais non : Dick, le frontman extraverti aux faux airs de méchant, et Surge, le guitariste chauve à la voix graveleuse, se sont prêtés au jeu avec joie, buvant leur blanche cul-sec et se tenant la barbichette, " le premier qui rira aura une tapette ". Action !

Alors les gars, dites-moi, qui sont vraiment les Electrix Six ?

Surge Joebot : Juste six types de Detroit qui tentent de survivre, de se battre, de faire leur trou…

Dick Valentine : … d'inscrire leur musique sur la grande tapisserie du rock.

?… Et cette histoire de complot sur votre site, de ‘sélection naturelle’ dont le groupe serait à l'origine ! ?

S.J. : Tout le monde est impliqué dans une sorte de complot géant sans vraiment savoir ce que c'est… Il n'existe pas de preuves ! Ce n'est pas inscrit dans la réalité, pour autant qu'on le sache. C'est un des webmasters qui nous l'a dit. Entre-temps, il a été viré.

D.V. : Nous avons beaucoup trop de webmasters qui s'occupent de notre site : on ne sait jamais ce qu'ils vont écrire… On ne contrôle rien, mec ! Les gens pensent maintenant qu'on est des gens tarés, qu'on dit des trucs cools, mais ce n'est pas vrai ! Une fois que la tournée sera finie, on s'occupera de ces types… Ils n'auraient pas dû dire ça.

Comment vous connaissez-vous ?

S.J. : Nous sommes allés au même lycée, mais ce n'est qu'après qu'on a commencé à travailler ensemble. Au départ, on s'appelait The Wild Bunch, mais on a dû changer de nom à cause d'une sombre histoire de copyright. Un Dj nous a menacés de poursuite judiciaire…

Un Dj trip hop de Bristol (NDR : les futurs Massive Attack) ?

S.J. : Ouais : un Dj, c'est quand même la dernière personne par qui on a envie d'être poursuivi… Et donc on a changé de nom ! C'était aussi l'occasion pour nous de faire table rase du passé, ce qu'on a fait, et voilà : bingo !

Comment définiriez-vous votre musique ?

D.V. : On essaie à tout prix de ne pas définir notre musique. Si tu cherches à vouloir décrire ce que tu fais, la meilleure chose à faire est de ne pas employer de mots… Parce que si on commence à parler de punk, de dance, de rock, alors c'est ce qu'on finit par être, et nous on veut être un tas de choses différentes ! Quand on s'assied pour écrire une chanson par exemple, on ne se dit pas " Voilà comment ça doit sonner " ou " On va faire un album comme ça "… Conneries ! On écrit toutes sortes de morceaux très différents, mais susceptibles d'être reliées sur un album par des thèmes communs : à la fin, tu te retrouves avec un album intéressant… " Fire " est le résultat de ce genre de réflexion.

S.J. : Si on planifie trop, il n'y a plus de place pour les surprises : on voit ce qui se profile à l'horizon, on réfléchit trop… Or il faut réfléchir le moins possible ! A dire vrai, nous ne sommes pas un groupe de grands penseurs !

Et si je vous disais ‘disco-punk’, ‘drunk garage’, ‘clit rock’ ?

D.V. : Clit rock ? !

Ouais ! ! ! C'est un terme inventé par votre amie Peaches pour décrire sa musique !

S.J. : Yeah, j'aime ça ! Parce que tout tourne autour de ça, du clitoris… " Rock the clit while you still can ! "

D.V. : C'est vrai : dès qu'on voit Peaches, la première chose à laquelle on pense, c'est le clitoris.

Vous avez collaboré avec elle…

D.V. : Elle a repris " Gay Bar ", et nous son " Rock Show ", c'était très sympa. Elle a fait du bon boulot.

Je dis ça parce qu'écouter votre musique, c'est un peu comme tirer son coup.

S.J. : C'est fantastique ! Vraiment, je pense qu'aucun groupe ne pourrait entendre plus beau compliment… C'est la meilleure chose à laquelle ta musique puisse être comparée ! (Dick acquiesce)

Y a pas de quoi, les gars… Mais changeons de sujet : vous venez de Detroit… A-t-elle une influence sur la musique que vous faites ?

D.V. : La ville peut-être, mais pas vraiment la scène ou tous ces groupes qui en ont fait l'histoire… On aime la plupart des groupes de Detroit, mais on ne sonne pas comme eux. Vivre à Detroit, c'est pas la joie : c'est froid, désolé et pluvieux, il n'y a pas de magasins ni de supermarchés, c'est pour cela qu'il faut créer son propre amusement, parce qu'il n'y a rien à faire et à acheter. C'est la raison pour laquelle il y a beaucoup de bons groupes à Detroit, parce qu'à la fin de la journée, il faut bien s'amuser : il n'y a pas d'endroits pour acheter des jeux vidéo, ce genre de trucs… Alors on fait de la musique.

Et ces noms ridicules, c'est aussi pour se marrer ?

D.V. : Tu sais, ce sont des choses qui arrivent : ta maman et ton papa se rencontrent, ils font un bébé et à un moment, ils décident de lui donner un nom. C'est comme ça que ça marche…

Sans rire, c'est ton Vrai nom : Dick Valentine ?

D.V. : Yep, aussi surprenant que cela puisse paraître…

S.J. : Je ne pense pas que les noms de scène soient nuls : je me suis toujours imaginé avec un nom de scène… Je le sentais comme ça. Et puis c'est une tradition dans le monde du divertissement, un paquet d'artistes ont des noms de scène : Jack White est un nom de scène, sans vouloir décevoir personne… John Wayne… Gene Simmons… Vin Diesel… Tous ces noms sont fabriqués. Ca arrive souvent dans le show business.

Johnny Hallyday ! ! !

D.V. : " John Weedee " ? ! ?

Johnny, quoi ! ! ! La plus grande star de l'histoire du rock'n'roll français !

D.V. : Me dis rien… Nous sommes américains ! Jamais entendu parler…

S.J. : Mon nom de scène vient en fait de Serge Gainsbourg. C'est un hommage.

Et concernant les titres de vos chansons ? 1/ " Dance Commander "… C'est un ordre ? Est-ce important pour vous de composer de la musique sur laquelle les gens peuvent danser ?

D.V. : Nous ne sommes pas sûrs de l'identité de celui qui donne cet ordre. Voilà de quoi parle cette chanson ! C'est un mystère : qui est vraiment ce " Dance Commander " ? On ne sait pas trop. Mais c'est très important de danser. On veut être reconnu comme un groupe dance, en plus d'être reconnu comme un groupe rock. Donc, danser, c'est primordial : on y pense tout le temps. Mais de là à savoir qui est le " Dance Commander "… On n'a pas encore trouvé ! Ca nous permet en tout cas d'envisager une suite : " Dance Commander : Part II ".

Tu pourrais être le ‘Dance Commander’ !

D.V. : Toi aussi ! Je n'en sais rien… L'un de nous doit être le " Dance Commander ", et un autre la taupe.

La taupe ?

D.V. : L'espion. Quelqu'un sait qui est le " Dance Commander ". Quelqu'un est le " Dance Commander ". Yeah.

2/ " Electric Demons " : l'un d'entre vous est peut-être le " Dance Commander ", mais qui sont ces " Electric Demons " ?

D.V. : Ce n'est pas nous : c'est une chanson sur le vaudou, en fait. Sur ces gens qui sont bons de cœur, mais qui se rendent compte que le mal est peut-être la voie à suivre. Ils ont une petite vie clean et confortable, mais à un moment ils se disent " Merde ! La vie est trop courte ! ", et ils se mettent au vaudou et à la sorcellerie pour obtenir ce qu'ils veulent. Voilà le concept.

Et " Electric Six ", " Electric Demons " : c'est quoi cette obsession de l'électricité ?

S.J. : Well, c'est partout autour de nous. Regarde autour de toi, tout fonctionne à l'électricité !

D.V. : Tu vois, quand t'es dans une pièce et que les plombs sautent… Quelle est ta première réaction ? " Putain ! ! ! Qu'est-ce que je vais faire ? ! "… Qu'est-ce que tu vas faire ? Ton webzine, sans électricité, personne ne peut le lire…

C'est vrai !

D.V. : Yep. La moindre des choses qu'on pouvait faire, c'était d'écrire quelques chansons à ce sujet…

Mais vous pourriez aussi composer des chansons acoustiques.

S.J. : Je ne sais pas comment jouer de la guitare acoustique… Jamais été bon à ça…

3/ " Naked Pictures (of Your Mother) " : encore du cul. Ca vous inspire ?

D.V. : C'est évident. C'est ce qui nous fait carburer. Cette chanson parle de chantage. Un mec fait du chantage pour baiser une fille, en utilisant des photos nues de sa mère. Yeah !

Bande de pervers… C'est une histoire vraie ?

D.V. : Non, c'est purement fictionnel. Cela ne nous concerne pas ! C'est juste une histoire… On est des amuseurs publics : on enfile nos costumes pour raconter des histoires… Nous sommes…

S.J. : … Des raconteurs d'histoires en costumes.

D.V. : C'est ça. C'est ce que nous sommes !

N'empêche, vous avez l'air de vouloir communiquer à vos auditeurs une sorte d'adrénaline… sexuelle.

S.J. : J'espère bien ! C'est notre boulot. C'est la raison pour laquelle on est là. On est content de faire partager cette idée, surtout si elle peut servir à quelqu'un...

Pourquoi ne jouez-vous pas à poils, alors ?

S.J. : Aaaah, je ne pense pas que quelqu'un veuille vraiment nous voir ainsi… Et puis si on le faisait, les filles ne voudraient plus nous raccompagner… Cela n'aurait aucun sens !

D.V. : Le sexe, c'est plus de la suggestion que de l'exhibition.

C'est vrai. 4/ " Danger ! High Voltage " : est-ce qu'Electric Six est un groupe dangereux pour la musique, pour le bon goût ?

D.V. : Je ne pense pas que nous soyons dangereux : on est des gentils. C'est juste une chanson à propos…

S.T. : … de faire du blé !

D.V. : Yeah… Qui parle d'un braquage : celui des charts ! On l'a écrit avec l'objectif d'en faire un hit, et on a réussi. C'est aussi simple que ça.

De quand date-t-elle ?

D.V. : De dix ans, environ. Le riff date de cette époque, et les paroles de trois ans, puis on l'a enregistrée. On aurait pu la sortir directement, mais on voulait qu'elle mûrisse lentement ; c'est pour cette raison qu'on l'a d'abord refilée en vinyle à des DJ's. La sauce a pris assez vite ; et cela nous a permis de signer un contrat avec une maison de disques, qui l'a poussée pour qu'elle devienne un hit. C'était bien planifié !

Je vous ai découvert, comme beaucoup de gens, sur la compile des 2Many DJ's… On peut donc affirmer que c'est la Belgique qui a lancé votre carrière !

S.T. : Tu sais quoi ? C'est tout à fait vrai ! Je réfléchissais l'autre jour à notre liste de remerciements, et je me suis dit qu'on aurait dû remercier ces deux types pour nous avoir réservé une place sur leur compile ! Donc, merci à eux, et merci à la Belgique !

Ce John S. O'Leary crédité aux chœurs, c'est Jack White ?

D.V. : Le véritable nom de John S. O'Leary est John S. O'Leary. Un mécanicien de Cleveland qui a remporté notre concours sur Internet pour chanter sur " Danger ! High Voltage ", point barre. Je sais que beaucoup de gens pensent qu'il s'agit de Jack White, et tant mieux pour nous : on vendra plus de disques.

Un mécanicien ? !

D.V. : Yeah. Il a une femme, des enfants… Il ne nous parle plus.

Pourquoi donc ?

D.V. : Après avoir enregistré le morceau, on est tous allés manger, mais aucun d'entre nous n'avait de l'argent, alors on l'a obligé à payer l'addition… Il est un peu en colère… Pourtant, il aurait dû nous remercier pour l'honneur que nous lui avons fait !

Il ne reçoit aucunes royalties pour cette chanson ? Il chante dessus quand même !

D.V. : On a brûlé toutes les preuves. Nous ne sommes pas toujours fiers de ce que nous faisons, mais bon…

5/ " She's White " : " I was born a dancer in your disco fire " ? ! ? C'est une métaphore sexuelle ?

D.V. : Non : juste un hommage à nous-mêmes. Ce " Disco Fire ", c'est nous. Tu connais Steve Miller, " Some people call me the space cowboy " ? C'est la même idée : si on peut de temps en temps s'autocongratuler, pourquoi rater cette occasion ?

6/ " I Invented the Night " : êtes-vous les seigneurs de la nuit à Detroit ?

D.V. : Plutôt les " juges de la nuit " : on s'assied, on cogite et on évalue chaque nuit.

Euh… 7/ " Gay Bar " : " I've got something to put in you at the Gay Bar ", " Let's start a nuclear war at the Gay Bar "… Vous êtes homophiles ou quoi ?

D.V. : Nous sommes totalement homophiles. Je ne chante pas " Start a nuclear war " au sens propre, parce que si tu lâches une vraie bombe dans un bar gay, tu souffles avec toute la ville. Soyons sérieux : une guerre nucléaire ne pourrait se limiter au bar… C'est plutôt une chanson sur la confiance en soi, genre " Ce soir, je vais faire péter le dance-floor comme une bombe nucléaire ". Ca n'a rien à voir avec le fait de tuer des gens, mais avec le fait d'être le centre d'attraction de la soirée. Dans un bar gay.

8/ " Nuclear War ", " Fire ", " Electric ",… Tous ces termes vous ont posé problème pour la sortie de l'album ?

D.V. : On a dû postposer la sortie du single " Gay Bar " à cause des références à la guerre nucléaire. L'atmosphère générale, surtout en Amérique, était trop tendue, parano. Mais nous ne sommes pas les seuls à avoir été victimes de la censure…

C'est ridicule ! Que pensez-vous de votre président et de sa façon d'agir ?

S.J. : Kill Bush ! ! !

D.V. : Ici on peut le dire. Si on gueulait ça chez nous, on irait directement en prison !

J'ai lu que votre premier concert date de 1996, précisément le jour de l'anniversaire des bombardements à Hiroshima et Nagasaki. C'était délibéré ?

D.V. : Non. On s'en est rendu compte après.

Est-ce que par la suite, cet événement a eu une influence sur votre manière d'écrire vos textes ?

D.V. : C'est juste une affaire de coïncidences. On ne s'est pas assis en se disant : " Et si on faisait une chanson sur la guerre nucléaire ? ". Je pense que ça fait partie de l'" infini cosmique ", tu vois, c'est astrologique. Moi-même je suis verseau.

D'accord, mais cette question du nucléaire… Seriez-vous la réponse atomique à tous ces groupes minables qui squattent aujourd'hui nos ondes et nos écrans ?

S.J. : Je pense qu'il y a pas mal de bons groupes en ce moment, à l'exception de Good Charlotte… Mais on n'a rien à prouver, à personne. On essaie juste de faire du bon rock, sans vraiment se soucier des autres. La seule chose qu'on puisse essayer de changer, c'est nous-mêmes.

9/ " I'm the Bomb " : encore cette obsession pour ce qui pète ?

D.V. : Ici encore, c'est une chanson à propos de la confiance en soi. C'est une expression populaire en Amérique : " I'm the Bomb ! ". Ce n'est pas un commentaire politique ou quoi que ce soit. Le protagoniste de cette chanson dit juste : " Voilà mes qualités, ce que j'ai à vous offrir ", même si le type est un beau parleur.

10/ " Improper Dancing " : une référence à la politique sécuritaire de l'ex-maire de New York, Giuliani ?

D.V. : Non. C'est à la fois de la fiction et la réalité. L'idée nous est venue lorsqu'un ami à nous s'est fait jeter d'un night club miteux de Michigan pour " danse inappropriée ". Il était en train d'effrayer les gens sur le dance-floor… On a juste transposé cette histoire à New York, parce que c'est plus chaud, avec toutes ces jolies pépettes qui se trémoussent… Si à New York la moitié de la population dansait de manière " inappropriée ", imagine le délire ! Mais il n'y a rien de politique dans cette chanson.

Alors, Electric Six, c'est le groupe dont vous rêviez ?

D.V. : On fait la musique qu'on a envie de faire, mais je ne dirais pas qu'Electric Six est le groupe de nos rêves… Nous sommes tellement tarés que pour être dans le groupe de nos rêves, il faudrait qu'il incorpore plein de trucs qui n'existent même pas ! N'empêche, on est super heureux de pouvoir faire ce qu'on veut. Certaines de nos chansons ont plus de cinq ans d'âge, et souvent on nous demande si on n'en a pas marre de tout le temps les jouer, et la réponse est " non ". Là on a deux semaines de break promo, et je n'attends que de pouvoir remonter sur scène.

S.T. : Parfois on joue " Gay Bar ", et c'est comme si c'était la première fois ! C'est génial, parce que pris sous cet angle, on n'est pas prêt de s'emmerder !

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

En chœur : Yeah, Kill Bush ! ! ! (rires)

 

P.S. : Surge Joebot ne fait plus partie du groupe, tout comme Rock and Roll Indian et Disco. Ils ont été remplacés par Johnny Na$hinal, The Colonel et Frank Lloyd Bonaventure. Les raisons de ces démissions restent obscures : Dick aurait-il un ego démesuré, serait-ce une opération marketing pour attirer l'attention des médias et du public, Surge en aurait eu-t-il marre de jouer " Gay Bar ", se serait-il mis à la guitare acoustique, John S. O'Leary lui aurait-il pété la gueule après cette sombre histoire d'arnaque au resto ? Nous ne le serons sans doute jamais, c'est la loi du show-biz. Bon vent à toi Surge, et surtout, " Rock the clit while you still can " !

mercredi, 31 décembre 2003 17:10

L'exorcisme parfait

Depuis la sortie de son premier album, Cali est devenu notre meilleur ami, notre confident, notre défouloir et notre psy. Ses chansons d'amour écrites sans détours ni mensonges accompagnent nos humeurs changeantes et nos doutes quotidiens : dans ses mots qui cinglent nos certitudes on se love jusqu'au dégoût… Cet album, c'est la vie, et ça fait un bien fou. Rencontre avec un amoureux de l'existence, dont la sincérité nous aide à progresser et jouir, vaille que vaille.

Ton album débute par la chanson " C'est quand le bonheur ? " : est-ce qu'aujourd'hui tu te sens heureux ? Ou bien, malgré la reconnaissance, le succès, les rencontres, l'amour du public, tout reste relatif ?

Tu sais, c'est une question très conne, mais je l'assume… Pour moi le bonheur c'est ni le passé ni le futur, mais ces moments où l'on réalise ce qu'on vit sur l'instant. Des fois je me surprends à avoir des bouffées d'extase : ça dure 10-20 secondes, au volant de ma voiture par exemple et je ne sais pas d'où ça vient, mais je suis hyper heureux pendant 10 secondes. Puis ça s'arrête parce qu'on repense à des images du passé ou du futur, et c'est moins le bonheur… Ce que je trouve fort chez " C'est quand le bonheur ? ", c'est que je l'ai écrite en deux ans : les couplets deux ans avant le refrain. Mais dès qu'il est arrivé, le reste a coulé tout de suite : ce titre a été un tremplin idéal pour le reste de l'album.

Le bonheur… Penses-tu que les gens heureux en amour peuvent apprécier ton disque à sa juste valeur ? Comme s'il fallait avoir vécu ce que tu chantes pour vraiment te comprendre…

J'essaie de me persuader que tout le monde peut y trouver son bout de gras à grignoter ! Si tu l'as vécu ou si t'es malheureux, ça peut t'aider à te dire que t'es pas le seul… Un peu comme le journal de 20h, quand tu vois toutes les merdes qui se passent dans le monde, et que tu te dis qu'il y a pire que toi… Et puis les autres peuvent se dire : " Moi je ne vis pas ça, tant mieux ! ". Les deux sentiments peuvent donc être appréhendés, et je trouve ça bien.

C'est quand même bizarre de voir à tes concerts des gens qui chantent en chœur tes sombres textes, en souriant de toutes leurs dents… Ce n'est pourtant pas le Grand Jojo !

C'est le but ! J'aime par exemple l'idée que " C'est quand le bonheur ? " puisse être jouée lors d'un mariage, où tout le monde serait heureux et ferait une farandole… Alors que le texte en lui-même pourrait être lu lors d'un enterrement. J'aime bien cette dualité… " Je chante " de Trenet, par exemple : quand tu lis le texte, c'est terrifiant ! Mais quand tu l'écoutes comme ça en voiture, sans penser au texte, avec le vent dans tes cheveux, t'es heureux, quoi ! J'aime bien ces mariages un peu douteux. C'est comme avec ma violoniste, qui est très classique, alors que mon guitariste, lui, est fan de punk ! J'aime bien ce genre de conflit. C'est ce qui me fait avancer.

Voilà ce qui est intéressant : cette dichotomie entre tes textes, durs et déprimants, et ta musique, gaie et pleine d'allant.

Je crois que c'est plus fort quand tu plombes réellement le texte et que tu l'habilles de musique guillerette. Je me suis souvent essayé à écrire des textes très noirs en les accompagnant de musique très sombre, mais à la fin il ne te reste plus que la corde pour te pendre… C'est pas le but du jeu non plus, quoi !

La redondance n'aurait pas donné à ton disque cette violence… qui en fin de compte se veut salutaire.

Je crois de toute façon que la vie est comme ça. Quand tu discutes avec des amis tu te remontes le moral, tu rigoles, tu bois des coups, mais chacun traîne son boulet derrière lui… C'est ça l'idée, ouais.

Alina Reyes (NDR : grand écrivain qui s'est suicidée) a écrit un jour : " Où est l'amour sinon dans le mal brûlant du désir, de la jalousie, de la séparation ? "… Tu es d'accord ?

C'est peut-être sa vision de l'amour parfait. Pour moi il faut qu'il y ait de la violence. Pas physique, mais dans les pleurs. Ca peut aller très loin : le mal au ventre, les crises de nerfs, on se dit des choses qui vont trop loin et puis juste après il y a le calme plat, on essaie de se rattraper, de se pardonner, puis arrive le câlin, puis la mer se déchaîne à nouveau… L'idée c'est que le couple supporte ça tout le temps. Mais il arrive à un moment donné où la violence des mots, des situations ou même des silences… Quand il ne reste rien. Pour moi, l'amour parfait c'est ça : des très hauts et des très bas.

Un couple doit-il se déchirer pour mieux se retrouver ?

Je ne sais pas s'il doit le faire, mais il doit être capable de le faire.

Et quand on dit que les gens heureux n'ont pas d'histoires à raconter (le fameux " Happy people have no stories ") ?

Je crois que les gens les plus heureux sont ceux qui ne réalisent rien du tout. Quand on a la chance, ou le malheur, de réfléchir un petit peu, c'est là qu'on peut plonger dans le malheur total, oui…

Et quand tu dis que " Mourir d'amour n'est plus de ton âge ", ça veut dire quoi ? A chaque rupture on 'meurt', non ?

C'est une phrase d'un instant : j'ai dû l'écrire quand j'avais 72 ans. Ou 84. Mais quand j'ai à nouveau eu 35 ans ou 19, c'est revenu d'actualité, " mourir d'amour " ! (rires)

Tes textes sont écrits au masculin, avec la femme qui passe pour la méchante de service, et l'homme pour un couard qui n'a rien vu venir, et qui soit implore " quelques miettes de tendresse ", soit fait le gros dur… ou passe d'un état à l'autre en quelques secondes. La vie, quoi…

Je me suis souvent surpris à conjuguer des adjectifs au féminin quand j'écris mes textes, donc je crois que mes chansons peuvent être tournées dans les deux sens. Il suffirait de changer quelques mots pour que mon album puisse être chanté par une fille ! Mais comme je suis un garçon, la méchante de service c'est la fille. Si j'avais été une fille, c'eût été le contraire…

M'enfin c'est bizarre que…

Le panache est important. J'adore ça. C'est-à-dire : une chanson, tu sais qu'elle va être lue ou écoutée, donc tu frimes. Moi je suis un frimeur. Je frime en me faisant soit largué, soit en acceptant de partir… Mais avec le panache. Même si dès que la lumière s'éteint, je me retrouve seul avec mon malheur et ma tristesse, complètement désintégré. J'aime bien cette idée-là aussi : quand la lumière est allumée, on sourit, et puis… J'aime bien cette idée des scènes de théâtre, où des gens vivent des malheurs absolus et sont obligés de jouer. Ca me correspond bien.

Le pire, c'est quand tu crois connaître ton/ta partenaire, et que tu te rends compte que d'une minute à l'autre tout peut basculer : en l'espace d'un instant, elle/il devient une personne totalement étrangère… C'est un sentiment vraiment horrible.

C'est horrible. Horrible. Mais si tu te retournes sur ta vie, il y en a qui disent qu'ils ont perdu du temps, moi je suis plutôt du genre à me dire que j'étais tellement pur et vrai avec elle que j'ai plutôt gagné du temps sur ma vie… Mais c'est terrible, c'est clair. Mais quelque part il faut être honnête et quitter l'autre au moment où tu le veux. Il y a des personnes qui restent ensemble et puis t'arrives à tes vieux jours et tu te dis que t'as gâché ta vie ou celle de l'autre, parce que tu sais qu'elle voulait te quitter depuis toujours mais qu'elle ne l'a pas fait, ou vice versa. Il n'y a rien de plus terrible.

Tu racontes les maux du cœur avec crudité, sans pudeur ni politesse. Est-ce pour toi la manière la plus sincère pour parler de ce genre de choses ?

C'est la plus sincère pour moi. Ce sont les mots que j'emploie tous les jours. J'aime bien cette idée de ne plus mentir. Tu vois, j'ai 35 ans, j'ai vécu au sein d'autres groupes pour lesquels j'écrivais des textes beaucoup plus mystiques, beaucoup plus difficiles à comprendre : le sens était caché derrière les images, était très difficile à discerner. Là aujourd'hui j'éprouve de la jouissance absolue à me retrouver devant des gens et à leur dire tout crûment ce que je pense. Ca me fait vraiment du bien, quoi ! Tu vois les yeux des gens et tu leur dis " je, je, je " avec des phrases très crues… Mon petit challenge c'est de rester dans le format chanson et poésie, avec mes mots. C'est ça qui m'intéresse.

Es-tu fier en un sens de " toutes les ignominies que ta bouche peut déverser " ?

Si tu veux, oui. Mais si tu me vois à 6h du matin complètement saoul ou à 6h du soir complètement clean, je te parlerai pareil. On pourra avoir la même discussion au sujet de l'amour. C'est quelque chose de fort : ne plus mentir, ne plus être un imposteur… Parce que souvent on va à son travail et on est obligé de se cacher derrière son costard. Moi non : mon travail ma permet d'être moi-même 24h/24.

Se dire tout, ne rien se cacher, est-ce selon toi une condition essentielle à l'harmonie dans un couple ?

C'est clair ! Moi par exemple ma copine, je ne la vois pas beaucoup, mais quelque part elle se raccroche au fait qu'elle sait que je suis vrai, et que je sais qu'elle est vraie. Je ne vois pas pourquoi je ferai n'importe quoi en son absence… Tu sais, chaque mensonge est un boulet qu'on traîne derrière soi…

Concernant l'écriture de tes textes : on te sent proche d'une certaine démarche littéraire à l'américaine, basée sur l'oralité.

(surpris et ravi) Tu tapes dans le mille ! Ecoute, moi je suis très fan de Brautigan, de John Fante, de Bukowski, de Salinger… J'ai tout lu, même leurs romans pas traduits. Ce sont des gens qui me touchent vraiment.

" Il y a une question " contient une référence à " L'Attrape cœurs ", non (" NDR : Où vont les canards quand ils ont trop froid ") ?

A fond ! Et " mon chien stupide ", c'est Fante ! Ce sont des petits clins d'œil à mes héros…

Est-ce que le format de la chanson pop te semble la meilleure manière pour mettre en musique tes histoires ?

J'ai la chance que ma maison de disque me laisse faire ce que je veux : si sur l'album la plupart des chansons sont formatées, j'en ai plein en réserve qui ne le sont pas. La chanson pop pour moi, c'est faire monter un couplet jusqu'au refrain, pour le faire exploser. Pour moi le maître en la matière, c'est Arno : il arrive à faire des chansons pop ou punk absolues, et juste après il va te sortir une complainte interminable piano-voix ! Il n'a pas de limites : sa seule limite, c'est son imagination… Et puis il ne perd jamais son identité, parce que sa voix est toujours là. C'est l'exemple que j'essaie de suivre.

Dans ta musique aussi tu passes d'un genre à l'autre : on y entend une fanfare, des arrangements de cordes, des guitares rock… En fin de compte ça résume bien tous les états de la rupture : la colère, la tristesse, la désinvolture,…

Et la beauté. Ca peut être très beau, une rupture. C'est une horreur, certes… Mais une horreur qui peut être très belle. Il y a une descente aux enfers irrémédiable mais ça peut aller chercher en toi des choses insoupçonnables. Tu grattes le fond de toi-même… Donc la rupture, si c'est pas mortel, c'est majestueux.

Et c'est universel ! A cet égard quel rôle doit selon toi jouer l'artiste face à son public ? Comment te positionnes-tu par rapport à tes fans ?

Je me sens très profiteur. Quelque part, je me sers d'eux, de leurs sourires, de leurs yeux qui brillent… J'en profite, c'est pour moi, quoi ! Je suis heureux que ça leur fasse du bien, mais c'est à moi que ça fait du bien - de les voir comme ça ! Les gens c'est mon psy, ouais…

Ca fait parfois du bien de penser d'abord à soi, surtout quand tout va mal…

C'est clair. Moi j'ai une TV et je l'allume plus du tout. Et puis quand ça ne va pas bien je regarde le journal de 20h et, c'est hyper affreux ce que je vais dire, mais je me rassure en me disant que ma petite vie, finalement, n'est pas si mal. Le tremblement de terre il est dans mon cœur, mais je ne suis pas sous les décombres.

L'amour parfait, deuxième ?

C'est quand tu te réveilles et que tu vois ta chérie qui dort à côté de toi, et tu te dis : " C'est avec elle que je veux vivre toute ma vie ". Et quand tu sais que tu ne te mens pas à ce moment-là, c'est encore un moment de gagné sur la vie. C'est du bonheur, ça dure un court instant, mais tu recules le temps de la fin, quoi… C'est ça, pour moi, l'amour parfait.