La Finlande est un grand pourvoyeur de rêves. Non seulement, c’est le pays où habite le Père Noël, mais c’est aussi celui où est né Nightwish. Ce soir, Forest National se met à l’heure du Pôle Nord en accueillant le meilleur du Metal Symphonique.
Ceux qui espéraient voir en Indica la nouvelle sensation du Metal Gothic finlandais au féminin, en sont pour leur frais. Indica a autant sa place en première partie de Nightwish que Lordi n’avait la sienne à l’Eurovision. Jonsu, la chanteuse de ce groupe entièrement composé de filles –disque de platine chez lui, mais totalement inconnu dans nos contrées– avait été choisie par Tuomas Holopainen (NDR : le claviériste et compositeur principal de Nightwish) pour chanter une version finnoise du titre « Last of the wilds (Erämaan viimeinen) » pour un single tiré de l'album « Dark Passion Play » ; ce qui explique probablement pourquoi nous les retrouvons en ouverture de la soirée. Pour la petite histoire, toutes les chansons d’Indica (NDR : 4 albums au compteur) ont été enregistrés en finnois, mais internationalisation de la tournée de Nightwish oblige, les titres interprétés ce soir ont dû être complètement réécrits en anglais.
Il est 20 heures pile, Forest National presque rempli réserve un accueil poli aux 5 demoiselles qui, si elles sont plutôt jolies, pratiquent une pop rock un peu trop acidulée. Une fois passée l’agréable surprise causée par la vue de leur joli minois, les 20 minutes que dure le concert semblent étrangement longues.
Pain, c’est l’autre groupe du légendaire Peter Tägtgren, leader du groupe de death metal suédois Hypocrisy et mythique producteur, propriétaire des Studios Abyss. De death metal, il n’en est pas question ici. Comptant 6 albums à son actif, Pain pratique un melting-pot de Metal Electro-Industriel. En studio, Pain est un one-man band, Peter se chargeant personnellement d’enregistrer tous les instruments. Pour matérialiser sa musique sur scène il a fait appel à une machine et 3 musiciens mercenaires.
Dès leur entrée sur la scène de Forest, on comprend qu’on n’est pas venu pour rigoler. Le show commence par « I’m going in » le morceau d’ouverture de leur dernier opus en date, « Cynic Paradise ». On est bien loin des ‘jolies ballades’ d’Indica. Place à l’adrénaline pure. Les vocaux de Peter, à cent lieues de ceux qu’il pratique dans Hypocrisy sont toutefois plus sauvages sur scène que sur disque. Les morceaux de Pain, aux refrains facilement mémorisables sont taillés pour le ‘live’ et l’on se met a ‘headbanger’ au son des « Save our soul », « Just hate me » ou « Shut your mouth », compos caractérisées par un son de clavier qui semble directement issu du Bontempi de mon enfance. Un petit regret pour « Follow me ». Sur l’album il est chanté en duo en compagnie d’Anette Olzon (la chanteuse de Nightwish). Ce soir, il n’est interprété que par des voix masculines. Trente petites minutes de concert seulement, mais quelle intensité !
Nightwish est un groupe unique. L’originalité de sa musique procédait, croyait-on, du timbre de son ancienne chanteuse, Tarja Turunen. En effet, qui d’autre que Nightwish pouvait se targuer d’avoir une vraie chanteuse d’opéra en son sein ? Des groupes impliquant une vocaliste à la voix lyrique, il y en a des tas : Within Temptation, Epica, Tristania pour n’en citer que quelques uns ; mais une vraie chanteuse d’opéra, il n’y avait que Nightwish. Aussi, lorsque le combo s’est séparé de Tarja, plus grand-monde n’aurait osé parier un pennik sur leur futur. Pourtant, quelques années plus tard, Nightwish se produit en tête d’affiche, dans un Forest National plein à craquer ; preuve s’il en n’est que l’âme de Nightwish ne réside pas dans une voix, mais bien sa musique.
Qu’Anette Olzon (la remplaçante de Tarja) soit une excellente chanteuse, personne n’en doute. « Dark Passion Play », le dernier album studio du combo en est une belle démonstration ; mais la question que toutes celles et ceux qui comme votre serviteur n’ont pas encore vu Nightwish en ‘live’ depuis son arrivée est : ‘Comment va-t-elle reproduire sur scène les chansons immortalisées par l’incroyable Tarja ?’ Et bien, à l’issue du spectacle, la réponse est simple : elle ne le fait pas ! Non Anette ne reproduit pas le style de Tarja. Elle s’approprie les chansons.
On peut saluer ici le courage des membres de Nightwish qui auraient pu choisir la facilité en choisissant un clone de Tarja. A contrario, ils ont décidé de recruter une vocaliste au style complètement différent. Un pari qui, s’il n’était pas gagné d’avance, trouve toute sa justification ce soir. Bien sûr, il y aura toujours des gens pour préférer Tarja à Anette, comme il y a toujours des gens qui préfèrent Bon Scott à Brian Johnson ou Paul Di Anno à Bruce Dickinson, mais l’affluence au concert de ce soir est là pour le prouver, Nightwish a fait le bon choix.
C’est à 21h36 que résonnent les premiers accords du clavier de Tuomas Holopainen. A travers le rideau de fumigènes, les éclairages nous révèlent un décor somptueux. Tout d’abord, une ancre marine immense tournant sur elle-même, à l’avant de la scène, quelques rochers et comme échoué sur une plage, la carcasse d’un bateau dans laquelle sont casés les claviers de Tuomas. Après une courte intro, le groupe entre en scène au son de « 7 days to the wolves » l’un des 5 morceaux de « Dark Passion Play » qui seront joués ce soir. Les effets pyrotechniques sont impressionnants, au point que l’on a demandé à nos collègues photographes, pour raisons de sécurité, de ne pas entrer dans la fosse avant la fin du premier morceau. (NDR : ce qui n’a pas empêché notre ami Bernard Hulet de vous offrir de magnifiques clichés du concert dans la section ‘Live Photos’ de Musiczine). Le style d’Annette Olzon est à des années lumières de celui de Tarja, tant au niveau vocal qu’au niveau look. Blonde aujourd’hui, alors qu’elle était brune sur les clichés promo du dernier album, elle reste assez statique au début de ce concert ; ce qui tranche un peu avec l’attitude des autres musiciens du groupe, surtout Emppu Vuorinen, le petit guitariste blond. Il bouge tellement d’un bout à l’autre de la scène qu’on a parfois l’impression qu’il se dédouble. Issu de l’elpee « Century Child », « Dead to the world » est donc premier morceau de l’époque Tarja chanté par Anette. Première constatation, il est beaucoup plus heavy que sa version studio. Chanté en duo avec Marco Hietala, il passe comme une lettre à la poste ; si bien que l’on n’a même pas l’occasion de se demander si Anette chante aussi bien que Tarja. C’est encore vrai pour la chanson suivante : « The Siren », extrait de l’album « Once », l’autre album le plus représenté dans la setlist ce soir puisque pas moins de 6 titres en sont extraits. En bon capitaine, juché sur son bateau, Tuomas dirige le concert d’une main de maître. Bien sûr, il laisse le soin à Anette et à Marco de dialoguer avec le public, mais on le sent attentif au moindre détail. Principal compositeur du groupe, il impose la patte de Nightwish tout au long du concert et prouve que l’âme du groupe, c’est lui. Ses mélodies d’introduction des morceaux sont immédiatement reconnues par la foule. A l’instar d’« Amaranth », le morceau suivant. Extrait du dernier cd du groupe, il soulève l’enthousiasme du public. Un superbe morceau au cours duquel la voix d’Anette est vraiment magnifique (NDR : si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à jeter un coup d’œil sur le clip vidéo de cette chansons : une pure merveille !) Marco nous présente le titre suivant « Romanticide » qu’ils n’ont attaqué qu’une seule fois sur scène avant aujourd’hui. Les claviers de Tuomas sont moins présents ; ce qui lui donne un côté brut assez inhabituel chez Nightwish. Un moment choisi pour opérer le retour des effets pyrotechniques : flammes, feux d’artifices, fumigènes. Esthétiquement magnifique, mais, musicalement un peu en-dessous du reste de la setlist. « Dead Boy’s Poem » est l’unique extrait de « Wishmaster » joué ce soir. Une superbe ballade où Anette est magnifique mais cependant un peu moins que ne l’était Tarja. Cette petite déception est vite compensée par « The Poet and the Pendulum », un des meilleurs morceaux du dernier album et un des meilleurs morceaux de Nightwish tout simplement. Une plage épique de plus de 13 minutes au cours de laquelle Tuomas affiche toute la maîtrise de ses instruments. Magnifique et époustouflant ! Les parties vocales de Marco, d’une puissance incroyable tranchent avec la douceur de celles d’Anette. Marco, chanteur et bassiste, géant à la barbe tressée comme un viking est un vrai chanteur de Heavy Metal et une vraie bête de scène. Agé d’une dizaine d’années de plus, il est aussi le leader du groupe finlandais Tarot, depuis 1986. Issu de « Nemo » « Once » s’enchaîne à « Sahara », un superbe morceau de « Dark Passion Play » où la guitare de Emppu Vuorinen se fait tellement heavy qu’on à l’impression d’entendre un Metallica période « Black Album », rehaussé de claviers ‘arabisants’ du plus bel effet. Après avoir été plongé quelques instants dans l’obscurité, nous retrouvons Marco, Emppu, et Tuomas assis à l’avant de la scène pour nous interpréter, en version acoustique, le magnifique « The islander », une ballade entièrement chantée par Marco, Annette assurant quelques backing vocaux en retrait, assise près du kit de batterie. Un moment magique où Marco nous démontre l’étendue de son registre vocal. Retour aux ténèbres propices à quelques effets pyrotechniques pour permettre au groupe de reprendre sa configuration normale et d’entamer « The Escapist », un morceau datant des sessions de « Dark Passion Play » disponible en face B d’un single et en bonus sur le nouvel album live « Made in Hong Kong : & in many other places ». Nouvel extrait de « Once », « Dark Chest Of Wonders », le podium illuminé par des roues de feu d’artifice derrière la batterie de Jukka Nevalainen (NDR : mais où vont-ils chercher des noms pareils ?) Une fois de plus, il faut faire abstraction de la version de Tarja pour pouvoir vraiment profiter de la prestation d’Anette. Trop tard, c’est déjà la fin. Nightwish se retire. Il est 22h55.
La fin ? Non, on ne va pas les laisser partir ainsi. Après nous avoir fait poireauter quelques minutes, le groupe revient sur les planches interpréter le magnifique « Ghost Love Score », une compo de plus de minutes extraite de « Once » et balancée à grand renfort d’effets pyrotechniques et de canons à confettis (NDR : du feu et du papier, c’est pas dangereux ça ?) Un final magnifique, auquel Nightwish nous rajoute, en bonus, même un petit « Wish I had an Angel » très judicieux avant de nous souhaiter bonne nuit à grands coups de ‘merci, vous êtes les meilleurs’ et d’embrassades.
Et alors, si tout était si bien, pourquoi suis-je un peu déçu ? Tout d’abord, le son. De l’endroit où j’étais, la batterie était tellement mise en avant que parfois on n’entendait pas les claviers ; ce qui pour un groupe comme Nightwish est vraiment dommage. Anette ensuite. D’accord, elle s’est approprié toutes les chansons qu’elle a interprétées, mais en même temps, elle n’a pas abordé les plus difficiles du répertoire de Tarja. La setlist ensuite : probablement pour ménager les cordes vocales d’Anette, un tas de classiques du groupe n’ont pas été retenus. On aurait aimé entendre des morceaux comme « Wishmaster », « Sacrament of wilderness », « The pharaoh sails to Orioh », « Kinslayer » voire « Phantom of the Opera » ou même que Marco nous interprète sa magnifique adaptation du « High Hopes » de Pink Floyd, dans le style de celle réservée au Dvd « The End of An Era », par exemple. Enfin, pourquoi nous avoir imposé Indica si ce n’est pas pour interpréter « Last of the wilds » avec Jonti ?
Bon, ne soyons pas négatifs, ce soir Nightwish a donné un concert magnifique et, ce n’est pas vraiment de leur faute si j’en attendais un magique.
Indica + Pain- + Nightwish
Organisation Live Nation