Très branché sur la musique orientale, Robert Plant a donc choisi Orange Blossom pour assurer le supporting act d'une partie de sa tournée en France. Une formation cosmopolite établie à Nantes qui pratique une musique résolument tournée vers l'Orient (NDR : l'Egypte en particulier) tout en y incluant des éléments électro et tzigane. Fondée en 1995, son line up actuel date cependant de 2001. Partagé entre un violoniste, un drummer, un percussionniste et une chanteuse, ce quatuor ne se débrouille pas trop mal sur scène. Dans le style, cet ensemble me fait penser à Transglobal Underground, lorsque Natacha Atlas était encore présente au chant ; mais en plus frénétique. Leïla Bounous possède un joli timbre velouté, onctueux, qui sied bien à leur solution sonore d'inspiration tribale. En outre, au cours de son set le groupe parvient à libérer un excellent groove propice à la danse. Evidemment, vu le monde en présence, on voit mal comment le public aurait pu remuer davantage que les doigts de pieds et la tête…
Les lumières faiblissent, la sono joue le remix « Shine it all around » à fond la caisse. Le public scande 'Robert' à tue-tête. Mais il faudra attendre la fin de cette intro pour voir apparaître Plant et son groupe : The Strange Sensation. En l'occurrence Clive Deamer aux drums (ex Portishead), John Baggot à la basse ou à la contrebasse (ex Portishead, ex Massive Attack), Skin à la première guitare (l'ancien guitariste de Cast) et Justin Adams, un musicien qui avait milité dans les groupes de Sinead O'Connor, Jah Wobble ou Wayward Shakes, à la seconde gratte. Le public est déjà très chaud et acclame cette entrée en scène. En ouverture, Plant se la joue blues et semi-acoustique, un titre des plus trompeurs, car la suite sera dominée par un son très rock, même si les influences arabisantes demeureront omniprésentes durant la quasi intégralité du set. Pour le second titre, le bassiste a déjà abandonné son imposant instrument à quatre cordes pour une contrebasse. Au gré des titres proposé, il va ainsi jongler entre ces deux instruments et une guitare électrique, pour répondre au riffeur de service, Justin Adams, un Justin dont les prouesses guitaristiques évoquent parfois un certain Jimmy Page, même si le comparse de Plant possède une réelle personnalité et surtout affiche un jeu absolument fascinant. Plant commence à frapper des mains en invitant le public à le rejoindre : c'est « Freedom fries », une composition davantage contaminée par la world. Et puis, le combo attaque le « Black Dog » du Led Zep, un des titres phares de l'album de « l'homme au fagot de bois ». Bien qu'ayant conservé toutes ses caractéristiques hymniques seventies, cette compo a subi un fameux lifting, particulièrement au niveau de son institutionnel riff de guitare, absolument méconnaissable. A tel point que certains fans ne réalisent pas de suite qu'on est bien en présence d'une version réactualisée et moins féroce d'un classique parmi les classiques. Plant nous parle du Pays de Galles. Une région de l'ouest de l'Angleterre qu'il aime tout particulièrement. C'est d'ailleurs là qu'il avait enregistré « No quarter », en compagnie de Page, en 1994. Pendant ce temps, les deux solistes de service ont empoigné respectivement une sèche et un banjo. L'émotion est particulièrement forte au sein de l'Aéronef bondé, tant l'organe vocal de Plant a conservé toute sa chaleur. Son timbre tant imité mais jamais égalé a à peine subi l'érosion du temps. Certains affirment même que sa voix a encore gagné en maturité. Place ensuite au single « 29 palms ». Le seul extrait de l'album « Fate of nations ». Un single encore régulièrement programmé sur de nombreuses stations radiophoniques, également proposé dans une version totalement remodelée. La play list continue à surprendre, même les fans les plus assidus ! Percussif, hypnotique, « Another tribe » nous donne l'occasion de découvrir l'immense talent et le jeu créatif du drummer charismatique Clive Deamer. Visiblement, Plant ne recrute pas chez les manchots, c'est le moins que l'on puisse écrire. De nouveaux claquements de mains et un tempo espagnol conduisent l'épatant « Four sticks ». Un climat fiévreux enrobe « Tin pan valley », une chanson du dernier album, une compo soutenue par des effets électroniques bouillonnants et balayée d'explosions extatiques. « Gallows pole » est incontestablement un des grands moments du concert. Le public enflammé par cette version très alternative du Led Zep se laisse alors transporter par l'ombre d'un dirigeable incontrôlable, alimenté par les sonorités ambiguës d'un folk psychédélique qui enivre et touche les âmes. Et pour clôturer le set proprement dit, Plant et sa bande reviennent au blues. Un blues au départ intimiste, mais qui graduellement va gagner en intensité.
Le rappel était attendu et il ne s'est pas fait (trop) attendre. Le groupe l'entame par « Shine it all around », un extrait du dernier elpee, « Mighty rearranger ». Cosmique, presque floydien, cette chanson place les claviers à l'avant plan. A cet instant, le light show sobre mais efficace balaie toute la salle. Tout au long de cette plage à la fois planante et énergique, nostalgique quoique résolument moderne, le public est à genoux et n'a d'yeux que pour l'icône vivante qui semble prendre plaisir à lancer des vannes dans la langue de Molière dès qu'une bonne occasion se présente. Il fallait donc une apothéose. Ce sera le final. Un long medley incluant le standard du blues « Hoochie coochie man », une chanson en arabe et l'inévitable « Whole lotta love ». A cet instant, on se rend compte que la rythmique n'a rien perdu de son côté heavy. Au contraire ! Le refrain est scandé par une foule entièrement dévolue à la cause de ce géant du rock'n roll, qui a réussi à se renouveler tout en gardant une totale intégrité et puis à séduire près de quatre générations, sans jamais sombrer dans la facilité ou dans le piège de la médiatisation. Nonobstant son statut, Robert Plant et sa troupe remercient chaleureusement le public de leurs longs applaudissements. Et puis rideau ! Le temps de regarder sa montre, et on se rend compte que le set n'a duré qu'une heure quarante. Un moment de bonheur intense, mais trop bref à notre goût. Ils se produiront à Werchter cet été…
Organisation : France Leduc Production