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Concerts

Windsor For The Derby

En route pour la quatrième dimension...

'A chilly night' au Nijdrop d'Opwijk, une maison des jeunes s'improvisant presque toutes les semaines salle de concert. Au programme de cette soirée à l'ambiance résolument feutrée : Nona Mez, alias Geert Maris, de Leuven, et Windsor For The Derby, combo américain à géométrie variable, lointain cousin de This Heat, PIL et Tortoise.

Nona Mez et son « Songs of Leaving » nous avait scotché fin de l'année dernière, avec une recette pourtant maintes fois ressassée : une guitare acoustique, un clavier et une voix vaporeuse, susurrant de mornes complaintes sur l'amour et ses dérives. De dérives, il en était fortement question ce soir, à cause d'une maladresse qui fit perdre la patience de notre jeune ami, puis, rapidement, la nôtre. Une guitare qui tombe, et voilà que le tatillon Maris s'énerve et bâcle ses compos, pourtant fort belles… Et la méticulosité, en concert, ça saoule : à force de vouloir réaccorder sa guitare pendant une plombe à chaque fin de morceau (pire : pendant), Nona Mez nous aura fait oublier l'essentiel : que son disque est fort joli. Comme quoi, le live n'est pas une cure pour les timides et les maniaques.

Heureusement, Windsor for the Derby était là pour sauver la mise, avant que la soirée ne soit rebaptisée « A boring night » : leur post-pop entre L'Altra et The Sea & Cake au placard le temps d'une heure, c'est sous les traits soniques de chevaliers de l'Apocalypse noisy-punk-funk que l'on a pu apprécier, ravis, ces Américains au look impeccable. Une tornade de rythmes binaires hypnotiques, de riffs en boucles, de paroles ânonnées avec grâce : Windsor for the Derby nous aura cloués sur place. Comme l'acid rock à la Grateful Dead, le minimalisme à la Terry Riley et le punk incisif à la Wire, Windsor for the Derby nous aura embarqués dans une quatrième dimension que seuls les grands groupes arrivent à traverser, sans se brûler les ailes. Une fois les dernières notes retentissant dans la salle, le choc avec la réalité fût rude : la marque des grands groupes, assurément.

Couch

Shoegazing...

Pendant tout un week-end, les Allemands de Notwist ont pris d'assaut l'AB avec tous leurs copains, pour deux soirées spéciales autour du groupe : films, clips, merchandising, DJ-sets, et surtout des concerts, de Notwist (en apothéose) et de leurs side projects (Console, Lali Puna, Ms John Soda, Tied & Tickled Trio, Couch). The Notwist, c'est donc une nébuleuse, une constellation : autour du groupe gravitent plusieurs formations qui ont toutes en commun cette propension à mixer indie pop et électro (de l'indietronica), émotion et technologie, impro et refrains chantés. En cela, The Notwist est une petite entreprise qui fonctionne plutôt bien : la « scène » dont le groupe s'est retrouvé fer de lance connaît un beau succès d'estime, en témoigne ce soir une AB bien remplie, alors qu'au début l'événement était prévu dans l'ABBOX.

C'est Couch qui ouvre les festivités, un trio rappelant Add (N) to X (une femme, aussi, aux claviers) et ces groupes de post-rock qui malmènent leurs guitares sans dire un mot. Les riffs sont répétitifs et la batterie reste calée sur le même rythme, provoquant chez leurs géniteurs une transe solitaire qui n'emporte que très peu de spectateurs. Une heure de concert, ce fût long, malgré quelques bons moments.

Arrive alors Lali Puna, qu'on a rarement le plaisir de voir en concert. Valerie Trebeljahr chante timidement, tandis que Markus Acher (chanteur-guitariste des Notwist) reste courbé sur sa guitare, l'air concentré ou l'esprit ailleurs. Des nouveaux morceaux, et quelques perles de « Scary World Theory », leur dernier album en date, un véritable petit joyau. En rappel, une reprise de « 40 Days » de Slowdive, qu'on retrouve sur la compile « Blue Skied An' Clear » du label Morr Music.

Vers 22h30, les Notwist entrent en scène. Il y a plus d'un an qu'on ne les a plus vus, depuis ce passage raté à Werchter, avec Arne Van Petegem en remplacement de Micha Acher et son plantage sur « Pick up the phone » (un grand moment). Cette fois, le groupe est au complet. Les hits y passent, surtout ceux de « Neon Golden » (à part un « Chemicals » un peu fade), plus quelques morceaux plus noisy, traces un peu crasses de leur passé d'ados tourmentés (les premiers albums). C'était là qu'en effet, le bât blessait : peut-être à cause d'un manque de répétition, d'une cuite à la bière belge ou d'un gros rhume chopé pendant le voyage, les quatre Allemands semblaient à côté de leurs pompes quand il s'agissait de jouer ensemble et de jongler avec les crescendo. Pendant ces morceaux rock, de longues plages de silence, avant l'explosion, cassaient tout rythme, et toute ambiance (n'est pas Mogwai qui veut). Un peu comme si on avait coupé le courant pendant quelques secondes (« Mais qui a éteint la musique ? », était la réaction la plus fréquente), avant de rebrancher les prises et de laisser les quatre Allemands faire leur boucan en totale discordance. Bizarre qu'après un an de tournée, deux albums excellents, The Notwist soit encore victime de telles imprécisions. A tel point qu'après trois-quarts d'heure de concert, l'attention du public n'était plus que polie (il était tard aussi), et l'ambiance de partir en couilles comme un vulgaire plat de nouilles. Pas glop.

 

Supergrass

Dans leur bulle...

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Auteur d'un chouette album l'an dernier (« Life on other planets »), Supergrass fait un peu bande à part au sein de la scène britpop. Alors que la plupart de leurs contemporains rêvent un jour de détrôner Blur, Oasis ou Radiohead (NDR : faudra bientôt ajouter Coldplay !), le trio d'Oxford n'en finit plus de revisiter l'histoire de la pop britannique. A sa manière, il faut le reconnaître. C'est à dire avec talent, attitude (ce look !) et beaucoup d'humour.

Pour son dernier album, la formation s'est mise à l'heure du glam. Mais sur les planches de l'Aéronef, il n'a guère été question de glam. Au cours de vingt première minutes, le combo nous a ainsi asséné une version très musclée de son répertoire. Sans les harmonies vocales (NDR : toujours aussi limpides et savoureuses !), on se serait cru à un hommage à ACDC voire à Metallica. Et pourtant, la formation vient d'accueillir un  nouveau membre : Rob Coombes, c'est à dire le frère aîné de Gaz. Aux claviers. Mais on ne remarquera vraiment sa présence que lorsque la musique deviendra moins métallique. Car les interventions qu'il y injecte fluidifient les chansons. Le groupe va alors enchaîner ses classiques avec beaucoup d'application ; ne concédant qu'une seule cover : « The loner » de Neil Young. Si Danny Goffey est bien le fils spirituel de Keith Moon, le drummer du défunt Who, Gaz et Mickey semblent vivre dans leur bulle. Gaz remercie poliment le public, après chaque salve d'applaudissements ; mais ne donne pas l'impression de vouloir communiquer avec lui. Une nouvelle chanson et deux titres concédés en rappel plus tard, Supergrass nous disait au revoir… Et à la prochaine. C'est à dire le 26 juin prochain, lors de la nouvelle édition du festival de Werchter.

Jane Birkin

Un parfum d'Orient...

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Le concert que Jane Birkin accordait à la Maison de la Culture de Tournai, ce samedi 15 février, était bien sûr sold out depuis quelques jours. Pourtant, le public partagé entre jeunes et surtout moins jeunes était prévenu : à l'instar de son denier album (« Arabesque » (Kachalou/EMI), l'Anglaise préférée des Français allait revisiter les compositions de Gainsbourg à la sauce orientale. Et pour y parvenir, elle s'appuie sur une solide formation constituée de Fred Maggi au piano, d'Aziz Boularoug aux percussions, d'Amel Riahi au luth et de Djamel Beneylles au violon. Egalement responsable des orchestrations, ce dernier est également le leader du groupe algérien Djam & Fam et un collaborateur régulier de Jacques Higelin, Khaled ou encore Florent Pagny.

Jane monte sur scène vêtue de noir, pantalon et top (NDR : mais avec manches longues). Elle est vraiment belle et toujours aussi frêle. Et arbore un sourire jusqu'aux oreilles. Pas de trace de l'orchestre, mais simplement de son pianiste. Elle entame son répertoire par de nouvelles chansons, de cette voix fluette, sans grand registre, mais tellement chargée de grâce et d'émotion ; des chansons qu'elle a écrites et puis une compo de Zazie. Toutes sur ce mode minimaliste. On n'échappe évidemment pas au poème de Prévert, « Les feuilles mortes ». Histoire de faire la transition et de faire place à son orchestre. L'éclairage passe à l'orange, et on entre dans le monde oriental. Enfin, tantôt à coloration algérienne, andalouse, un peu gitane ou même sud américaine pour « Couleur café ». Jane aligne ses classiques : « Elisa », etc. Elle est ravie et parle entre chaque interprétation, autant qu'elle ne chante. Puis échange un remarquable duo avec le chanteur Moumen, avant de disparaître pour laisser la formation jouer l'instrumental « She left her ». Lorsqu'elle revient, c'est vêtue d'une longue robe rouge et chanter le très évocateur « Les dessous chics ». Jane est toujours aussi hantée par l'esprit de Serge Gainsbourg. Elle parle toujours autant de lui. Même sur scène. Moment d'émotion intense, lorsqu'elle récite un poème du fils de son frère, décédé suite à un accident de circulation, en compagnie de tout son groupe. Le temps semble passer à une vitesse folle. Pour « Les clefs du paradis », Jane se met à danser. Ce qui n'est pas nécessairement une réussite. M'enfin le rythme on l'a ou on ne l'a pas dans le sang. Et en plus pour une Anglaise… Elle remercie plusieurs fois ses musiciens (NDR : qu'elle embrasse affectueusement, à plusieurs reprises, tout au long du set), ses collaborateurs, les éclairagistes, le public… presque les nuages… Mais c'est dit avec une telle sincérité qu'on ne peut que craquer. Elle félicite la Belgique pour sa position dans la question de l'Irak. Et puis, c'est le moment de « Comment te dire adieu ». La salle est debout ! Les applaudissements nourris la décident à remonter sur scène, pour interpréter deux derniers titres, dont « La javanaise » a cappella, au cours duquel le public l'accompagne. Rideau. L'homme à la tête de chou aurait été très fier de Jane…

Miam Monster Miam

A vous couper l'appétit...

Benjamin Schoos est un petit marrant, même si sa musique, elle, n'est pas drôle (« Forgotten Ladies », son nouvel album). Un soupçon de Venus et de Don Corleone (l'abat-jour et le fauteuil, la gomina et la grosse caboche), un zeste de Ry Cooder et de Tindersticks (le trio en backing band – Jacques Stotzem, André Klenes, Phil Corthouts – et l'air emprunté de Miam), un léger parfum de belgitude (l'accent liégeois, le surréalisme des paroles – trois mots, à toutes les sauces, love despair sadness) : circulez, y a rien (de neuf) à voir ! ! ! Benjamin, en plus, est aussi à l'aise sur scène qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine : une blague belge, une blague belge, une blague belge ! Eh bien non, pas de blague… même si ce concert de Miam Monster Miam en fût une. Les musiciens, eux, étaient parfaits. Dommage que Benjamin n'a pas la classe d'un Stuart Staples, et qu'il ferait mieux de chanter en français. « When I was a ninja », pop-song idiote dédicacée à Bruce Lee, clôturera ce concert raté, même si livré avec plein de bons sentiments. Miam Miam Miam ! ? Non : pas glop.

Après un concert si « délicieux » (dixit plein de gens venus en bus de la cité ardente), Nicolai Dunger (Suède), la vraie tête d'affiche de ce concert, n'aura bien sûr pas trop retenu l'attention. Pas de chance pour lui : c'était pas son show-case. « Va voir à Seraing si j'y suis ! ». Pourtant, son americana composée à quatre mains avec Will Oldham (excusez du peu) valait bien qu'on s'y attarde. Du sax, de la flûte, des guitares rugissantes, et surtout cette voix, râleuse et raclante, comme rôdée à l'alcool et au vieux tabac. Un Dunger vaut mieux que deux Miam tu l'auras, comme on dit. Pour les fans d'alternative country… Pas nombreux dans la salle, il allait sans dire.

John Cale

Comme le bon vin, John vieillit bien...

Pour la clôture de sa saison, l'Ancienne Belgique accueillait John Cale, épicentre d'une soirée exceptionnelle durant laquelle lectures, vidéos et film mettaient en scène l'ex-Velvet Underground, avant un concert divin qui marqua le grand retour du musicien sur le devant de la scène. Malgré un accoutrement plutôt indigne de la part de notre dandy touche-à-tout (un training pantacourt, des baskets pourries et une vieille chemise), le spectacle fût d'une intensité rare, beau mélange de nouveaux morceaux et de grands classiques, la plupart du temps remis au goût du jour.

D'entrée, Cale attaque avec trois nouvelles compositions, augurant du meilleur (un album est prévu pour septembre, et l'EP " 5 Tracks " vient de sortir) : " Over Her Head ", " Lament " et " Waiting For Blonde " impressionnent par leur structure mélodique (sophistiquée mais évidente). Retour en arrière avec les fameux " Do Not Go Gently Into That Good Night " et " The Endless Pain of Fortune " (de " Paris 1919 "), séparés par un quatrième inédit, " Verses " (de " 5 Tracks "), avant un " Venus In Furs " de toute beauté. Voir jouer un classique du Velvet par un de ses membres fondateurs procure toujours un bonheur insatiable : le violon électrique n'a rien perdu de sa verve, et déchire le silence (religieux) de ses stridences aujourd'hui rentrées dans l'histoire. Emotion. " Set Me Free " et " Things (You Do In Denver When You're Dead) " (du film du même nom) détendent l'atmosphère après telle plongée en arrière, dans ce passé sulfureux qui marqua toute une génération (et même plusieurs) d'apprentis musiciens et d'amateurs de pop music. Mais les surprises n'étaient pas terminées : aux premières notes de " Fear Is A Man's Best Friend ", le public exulte, et Cale sourit. Sa version de " Fear " se montrera pourtant bien différente de celle de l'album, Cale s'épargnant les cris du refrain en les remplaçant par de légères digressions pianistiques. " E is Missing ", autre inédit, fit un peu retomber la sauce (malgré sa bonne tenue), avant une dernière demi-heure rock'n'roll de haut vol, avec un Cale au devant de la scène, la Gibson blanche en bandoulière et le regard droit et enflammé : " Model Beirut Recital ", " Gun " et " Pablo Picasso ", avant un premier rappel et cet " Heartbreak Hotel " d'une intensité remarquable. John Cale vieillit bien, comme le bon vin.

Le public, conquis, en redemande : John Cale revient, seul, et interprète avec grâce un " Wilderness Approaching " de toute beauté. Qu'il rocke, qu'il expérimente ou qu'il roucoule, John Cale surprend par sa justesse de ton et son goût de l'aventure. Bref, il en jette toujours, sans forcer le trait. Vivement l'album !

Joe Jackson

Retour aux sources...

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Mary Lee's Corvette se résume à un duo. Une formule originale, puisqu'elle est partagée entre un bassiste et une chanteuse/guitariste (NDR : dans le registre acoustique !). Mary Lee possède une superbe voix, une voix cristalline dont le timbre me fait parfois penser à Joan Baez ; mais ses chansons manquent cruellement de relief. Et ni les efforts produits par son bassiste pour dynamiser la solution sonore, ni les interventions épisodiques de Mary à l'harmonica, ne parviendront à y changer quelque chose. Ce n'est qu'en fin de set, lorsqu'elle élèvera le tempo, qu'on se rendra compte du réel potentiel dont elle dispose, pour s'extraire du folk traditionnel. Et qu'elle exploite trop rarement…

Dans la foulée de la sortie de son nouvel album, « Vomume IV »,  Joe Jacskon est donc parti en tournée. En compagnie, bien sûr, des musiciens qui ont participé à l'enregistrement de cet opus ; et non des moindres, puisqu'il s'agit de ceux qui l'entouraient à ses débuts, soit Gary Sanford à la guitare, Dave Houghton aux drums et son fidèle bassiste Grahm Maby. Un périple qui transitait par l'Aéronef de Lille. Vêtu d'une redingote noire, Joe monte sur les planches flanqué de ses potes. Et avant d'entamer son set, il les présente. En français. Tout au long de la soirée, il fera l'impossible pour s'exprimer dans la langue de Voltaire, et en particulier pour introduire ses chansons. En n'oubliant pas d'y injecter une bonne dose d'humour… Le concert démarre sur les chapeaux de roue. « One more time », « Take it like a man : awkward age », « Fools in love », « Fairy dust », etc. Groove, funk et new wave font ici bon ménage. Showman, Joe donne de l'effet dans sa voix, tout simplement en variant la distance qui le sépare de son micro. Lorsqu'il s'assied derrière ses ivoires, c'est pour nous délivrer quelques chansons romantiques, dont un « Is she really » que le public reprend en chœur. Les sonorités dont il est capable de sortir de son instrument portable sont bourrées de feeling. Alors, j'imagine que lorsqu'il joue derrière un piano à queue, elles doivent vous transpercer. Les musiciens se sont effacés, pour laisser Joe interpréter quelques titres plus intimistes, plus minimalistes ; et ne particulier un « Steppin' out » de toute beauté. Pour le retour du groupe, on entre dans le monde de la New Orleans avec « Dirty Martini ». Joe en profite pour jouer du flugelhorn. Il embraie par « Thugs'r'us' », un titre ska issu de son dernier album ; et l'ambiance monte d'un ton. Qu'amplifie le funk blanc « Sunday papers », à la finale échevelée. Joe a maintenant ôté sa veste et clôture son spectacle par quelques titres plus enlevés encore, permettant même à ses musiciens de se libérer. Moment choisi par l'artiste pour s'éclipser, sans avoir oublié de prendre congé du public. Après dix minutes d'applaudissements, le groupe réapparaît. Graham Maby est passé au chant pour « Diff'rent for girls » ; mais Joe met la cerise sur le gâteau : il empoigne les maracas et nous accorde son célèbre « Beat crazy » et une version très punk d'« I'm a man ». Quelle soirée !

Benjamin Biolay

Une certaine idée de la variété française...

Le temps est maussade, on aurait préféré rester chez soi, blotti dans une couverture chaude à boire un bon thé. Mais il est vendredi soir, et Benjamin Biolay donne un concert à l'Ancienne Belgique. On aime bien Benjamin, qu'on a découvert à la télé, aux Victoires de la Musique… Il y chantait « Los Angeles » (enfin c'est fort probable), d'un ton emprunté qui nous rappelait Gainsbourg jeune. D'ailleurs, Benjamin fume aussi, et ses textes brillent d'une patine agréable, un rien bourgeoise. Sa musique, c'est un peu le charme discret de la bourgeoisie : marié à Chiara Mastroianni, Benjamin a donc pour belle-mère Catherine Deneuve. La Belle de Nuit, ici, c'était bien sûr Chiara, au chœur de presque toutes les chansons de son nouvel album, « Négatif ». Dans la pénombre, elle a les yeux qui tombent, comme si la vue d'un public si proche la liquéfiait. Benjamin, lui, est tranquille. Il chante et tire à ses clopes avec élégance, comme un dandy bohème qui aurait ses entrées dans le cercle très fermé des stars internationales du cinéma français. On parie qu'il mange tous les dimanches chez Depardieu, un gros poulet à la broche avec des frites. Benjamin est un peu seul dans la chanson française. Ni proche des Dominique A, Miossec et de toute la nouvelle génération rock fromage, ni proche des enfoirés foireux de la variétoche, Ben est dans son trip, Hollywood, Kennedy, Monroe. Los Angeles, toujours, les palmiers, les « privés », les producteurs véreux, les road movies, le rêve américain regardé par des millions de gens moyens sur leur télé couleur. Ben a sans doute rêvé d'être du clan Kennedy, comme Schwarzenegger. Chiara, c'est déjà pas mal. Sur scène, ils sont côte à côte, mais Benjamin reste zen. La musique avant tout. Il exhorte le public à encore l'applaudir. Il aime Bruxelles. Ses musiciens semblent eux aussi sortir d'un film de Robert Altman ou de Coppola : Ben devrait faire une BO ou même un film. Parce qu'il a la gueule, et la musique. Tendance Kyle McLachlan. Twin Peaks. Toujours le même trip. De « Rose Kennedy », il n'aura retenu que quatre chansons : « Novembre toute l'année » en clôture, « Les cerfs volants » en premier rappel, « Les roses et les promesses », et bien sûr « Los Angeles », dans une version dépouillée et cool, comme lui. Du nouvel album, beaucoup de titres, presque tout : « Billy Bob a toujours raison », l'amusant « Chaise à Tokyo », « Des lendemains qui chantent », le bouillonnant « Négatif », ainsi qu'une chanson inédite et la reprise d'un titre de Valérie Lagrange (« Fleuve Congo »), dont il a composé partiellement le dernier album. C'était bien. De bons musiciens. Une Chiara timide piquant de sa féminité trouble les titres de son Ben de mari. Et un Biolay en grande forme, généreux, parfois rigolard, mais avant tout, classe. Un concert agréable et joli, qui nous réconcilie avec « une certaine idée de la variété française ».

 

 

Vive La Fête

Lune de miel...

Soirée branchée au Vooruit dédiée au couple le plus sexy de la scène belge : Els Pynoo et Danny Mommens, alias Vive La Fête. Une célébration haute en couleurs pour fêter comme il se doit la sortie de leur troisième album, « Nuit Blanche », un concentré gratiné d'électro-kitsch (« kitsch-pop », selon leurs propres dires) et de new wave curesque, « very fashion indeed ». Le gratin de la populace « aware » de Flandre dans la salle (de Tom Barman à Michel Gaubert de chez Colete, tous deux en DJ sets avant et après le concert) s'était donné rendez-vous pour venir applaudir les deux tourtereaux, en forme olympique. Tenue velcro pour Els, « made in Kortrijk », et maquillage 80's pour Danny le Rouge : le look « Vive La Fête » se veut « tendance »… Comme celui du public, bigarré : coupes iroquoises, badges has been et regards « m'as-tu-vu ». Une « Nuit Blanche », donc : prévus à minuit, Vive La Fête aura un peu de retard…

Els et Danny sont entourés d'un nouveau groupe : exit Jules de Borgher et Piet Jorens, les nouveaux comparses se veulent plus anonymes, quoique peinturlurés comme Danny, « à l'apache » (les yeux barrés d'une grosse ligne bordeaux). Peu d'anciens morceaux, puisqu'il s'agit d'une sorte de show-case : seuls « Tokyo » et un « Je suis malade » à rallonge auront été joués à l'emporte-pièce, comme si l'ancien Vive La Fête n'était qu'un vieux souvenir… Plus que jamais, le groupe se réduit aux deux amoureux, dont les regards complices ne laissent d'ailleurs aucun doute quant à la passion qui les unit. Malgré les poses, malgré les paillettes, ces deux-là savent rester sincères, envers eux-mêmes et envers le public. Les remerciements se veulent chaleureux, et l'ambiance bon enfant. Tout l'album sera passé en revue, avec quelques points forts : un « Touche pas » d'anthologie à la sauce hip hop (avec un invité rapper), deux reprises magiques (« Banana Split » et « I Feel Love », celle-ci susurrée pendant plus d'un quart d'heure (celui de la gloire) par des volontaires dans la salle, à qui Danny prêtait chaleureusement le micro), sans oublier ce « Maquillage » déjà connu des aficionados du groupe… Deux bides, cependant : les problèmes du micro d'Els à la moitié du concert, et ce jam déplacé de Danny avec Luc Devos de Gorki, en toute fin de prestation… Qu'à cela ne tienne, Els et Danny auront prouvé, une fois de plus, qu'ils savent mettre le feu ailleurs que sur les catwalks de Karl Lagerfeld, et « en français dans le texte », dames en heren !

Arab Strap

En voie de guérison...

On l'a déjà dit : Arab Strap n'est plus ce duo de vils alcooliques chantant d'une voix morne de tristes histoires de cul sur fond de folk malade et renfrogné. Depuis peu, Arab Strap écrit des chansons avec des violons (l'album « Monday at the Hug & Pint ») et reprend AC/DC. Sur scène, Malcolm Middleton et Aidan Moffat sont entourés de tout un groupe, avec même une fille dedans, qui joue au violoncelle. D'accord, on n'est pas encore chez Belle and Sebastian : même si les airs se font plus enjoués, Arab Strap parle toujours de trucs plus ou moins glauques, et le chant traîne encore un peu la patte. Il y en a qui préfère. Nous pas. Avant, se taper Arab Strap en concert faisait partie de ces expériences à ne pas trop réitérer sous peine de se tirer une balle. Maintenant, ça passe. Grâce à des titres comme « The Shy Retirer », « Fucking Little Bastards » ou ces reprises pétaradantes, avec Moffat et Middleton se prenant pour les frères Young. L'ambiance de ce concert était donc plutôt bonne, et le public content de voir que ses idoles savent aussi rire et raconter des blagues (voire imiter Justin Timberlake). Espérons qu'à l'avenir ils ne touchent plus le fond et ne nous reviennent avec un album pas drôle, parce qu'alors ça sera sans nous. Les concerts, c'est quand même fait pour passer une bonne soirée, même s'il y aura toujours des masochistes à crier au génie quand un artiste vous met face à votre propre merde, en live ou sur disque. D'accord, ça peut être utile, mais pas un samedi soir, avant d'aller danser et draguer des filles.