Après être passé deux jours de suite, à l'Ancienne Belgique de Bruxelles, ces 12 et 13 juin, Wilco se produisait à l'Aéronef de Lille, ce mardi 19 du même mois. Au cours des deux dernières années, le différents musicos se sont consacrés à leurs projets parallèles, et tout particulièrement Tweedy qui non seulement a gravé trois elpees solo, mais également accompli une tournée en solitaire. On attend, impatiemment, la sortie d'un nouvel opus de la formation pour cet automne ; cependant, ce soir, la setlist ne proposera pas de morceaux inédits, mais une sélection de compos puisée au sein de sa large discographie...
Il revenait à Ken Stringfellow d’ouvrir le bal. Pas un néophyte, car non seulement c’est un membre des Posies, mais il a apporté sa collaboration à REM, aussi bien sur disque qu’en tournée, participé à la reformation de Big Star, et bossé en compagnie de tas de bands ou d’artistes, dont Neil Young, Mercury Rev, Thom Yorke, John Paul Jones, Patti Smith, Damien Jurado, Nada Surf ou encore Mudhoney. Responsable de plus de 200 albums à ce jour, si on tient compte des différents projets auxquels il a participé, il compte également une carrière solo. C’est donc en solitaire, qu’il grimpe sur le podium de l’Aéronef. Armé de sa gratte ou assis derrière son piano, qu’il joue un peu à la manière d’Elton John, il chante d’une voix bien timbrée et en général haut-perchée. Minimalistes, ses compos sont bien construites. Mais il y manque un groupe ou au moins un musicien (NDR : un compagnon de cordes ?) pour le soutenir afin de donner la pleine mesure de son talent. La chanteuse Holly vient bien le rejoindre à mi-parcours. Elle a une voix veloutée, mais les harmonies vocales souffrent d’un certain déséquilibre, probablement dû à des balances imparfaites. N’empêche ce Stringfellow a démontré qu’il n’était pas né de la dernière pluie… et les applaudissements recueillis auprès de l’auditoire le confirme…
Pas de décor sur l'estrade, comme lors des concerts exécutés à l'AB, en octobre 2016, mais simplement les musicos, leur matos et le light show. Devant une foule estimée à plus ou moins 800 âmes, dont de nombreux néerlandophones.
Jeff Tweedy n'a physiquement pas changé ; barbu, il porte toujours des lunettes et est coiffé de son inséparable stetson. En outre, Zen, il fédère littéralement son équipe. Seul le claviériste affiche un nouveau look. Il est également chaussé de grosses lunettes et s’est enfoncé une casquette sur le crâne, un couvre-chef probablement récupéré dans la garde-robe de son arrière-grand-père.
Le concert s'ouvre par la ballade "You are my face", une chanson, qui met déjà en exergue les superbes harmonies vocales échangées entre Tweedy, le bassiste Pat Sansone et le multi-instrumentiste John Stiratt... Subtilement tapissée de claviers vintage, elle s'électrifie alors progressivement. Mélancoliques, les premiers morceaux sont d'ailleurs amorcés sous cette forme, Jeff alternant entre gratte acoustique et électrique –geste qu'il va répéter toute la soirée, sauf pour la valse ivre "Humingbird" (ce piano !), une chanson cabaret au cours de laquelle il se concentre exclusivement sur son micro– alors que Nels en change carrément et pratiquement pour chaque titre. Après le tango "How to flight loneliness", le remesque "Box full of letters" agrège superbement mélodie et électricité. La setlist nous réserve deux titres country & western issus de l’album « Mermaid avenue », fruit de la collaboration entre Wilco et Billy Bragg, et dont les textes sont signés feu Woodie Guthrie. Tout d’abord "California stars", une plage infiltrée de claviers rognés, comme chez le Band de Dylan, au cours de laquelle Nels est passé à la pedal steel et Pat au banjo. Et ce dernier ne le lâche pas pour le suivant, "Hesitating beauty". Groovy, complexe et fiévreux, "Bull Black Nova" libère une intensité déchirée entre la prog et l’alt rock de dEUS. Une intensité que prolonge le morceau atmosphérico-psychédélique "Laminated cat", une compo de Loose Fur, projet annexe de Tweedy. Climat qu'on retrouve encore sur "Born alive", un morceau au cours duquel Nels traite sa gratte à la slide, alors que Glenn Kotche se déchaîne sur ses fûts. Mais également tout au long du crazyhorsien "At least that’s what you said". D'une voix écorchée, proche de Mark Oliver Everett (Eels), Jeff interprète le tendre et romantique "Reservations". La synergie bringuebalante entre les trois grattes rappelle les Eagles tout au long d'"Impossible Germany", Nels en profitant pour nous servir un solo digne de Carlos Santana. Et le public de ponctuer son envol d'une énorme acclamation. D’ailleurs à partir de cet instant, ses exercices de style vont déclencher un même enthousiasme au sein de la fosse et inciter Jeff à soulever son chapeau en le désignant de la main. Toujours aussi humble, Cline s’incline devant la foule, en joignant les mains, pour la remercier. Le combo n'en oublie pas le groovy (cette basse !) et beatlenesque "Someone to lose", qu'on a envie de fredonner avec Tweedy. Avant de clore le set par l'americana "The late greats", il remercie l’auditoire, en français…
Le premier rappel s'ouvre par "Misunderstood". La voix de Jeff est légèrement vocodée (NDR : pas vraiment indispensable), mais les drums y sont particulièrement percutants, la compo virant au rock'n’roll en changeant carrément de tempo au milieu de parcours, tout comme lors d’"I got you (at the end of the century)". C'est par une formidable ovation que s'achève "Random Name generator", un titre entraînant, contagieux et groovy", suivi de "Red eyed and blue", moment choisi par Jeff pour siffloter.
Nels entame la ballade "Jesus, etc." à la pedal steel. Et après le très pop "Heavy metal drummer", le concert s'achève par "I'm the man who loves you", une compo teintée de blues au cours de laquelle les harmonies vocales et les 3 grattes électriques vont s'en donner à cœur joie…
On n’en n’oubliera pas pour autant les traits d’humour de Jeff et puis la capacité de Wilco à donner un coup de fraîcheur à chaque compo interprétée, que ce soit un standard ou une plage moins connue. Bref, un des meilleurs concerts de l’année pour votre serviteur… même si on aurait aimé voir Ken Stringfellow rejoindre le sextuor sur les planches, pour une cover, par exemple, histoire de marquer d’une pierre blanche, cette superbe soirée…
(Voir aussi notre section photos ici)
Setlist
You Are My Face, I Am Trying to Break Your Heart, War on War, I'll Fight, You and I, Handshake Drugs, Hummingbird, How to Fight Loneliness, Box Full of Letters, California Stars (Billy Bragg & Wilco cover), Hesitating Beauty (Billy Bragg & Wilco cover), Bull Black Nova, Laminated Cat (Loose Fur cover), Reservations, Impossible Germany, Someone to Lose, Born Alone, At Least That's What You Said, The Late Greats.
Encore 1 : Misunderstood, Random Name Generator, Red-Eyed and Blue, I Got You (At the End of the Century)
Encore 2 : Jesus, Etc., Heavy Metal Drummer, I'm the Man Who Loves You
(Organisation : Aéronef)