A la suite d’un accident, « Wallis Bird » a perdu partiellement l’usage de la main gauche. Née gauchère, elle a néanmoins continué à jouer de la guitare. Par la force des choses, la jeune Irlandaise exilée à Londres est donc contrainte d’utiliser une gratte de droitier dont les cordes sont naturellement inversées. Singularité coupable d’un jeu peu conventionnel.
La rage de vaincre, particulièrement palpable en concert, n’échappe pas à la presse nationale. Les critiques dithyrambiques pleuvent (The Guardian, Daily Express, The Sun…) et gratifient rapidement la jeune britannique de 26 ans de ‘future star nationale’. Illustration du sentiment de bravoure suscité par l’artiste ou opinion axée exclusivement sur la qualité intrinsèque de sa musique ? Seul le charme cosy du Witloof bar pouvait nous apporter la réponse.
Véritable phénomène anglo-saxon, Wallis Bird décide d’exporter ses mélodies folk vers le Continent. Quelques bulles sonores soufflées d’une voix chaude et puissante. Un son rock et un groove énergique qui explorent généreusement la musique folklorique, le blues et le funk. Très dynamique, l’auteur-compositeur-interprète foule inlassablement les planches avec l’énergie et l’enthousiasme de l’enfance. Un monde rose alternant ballades soft-folk (« Travelling Bird ») et rock plus excité (« To My Bones »). Bref, une musique adolescente qui ne craint pas la naïveté et frise l’insignifiance.
Un set frais, léger, rythmé mais cruellement anodin. Sans la moindre aspérité. Un moment agréable qui se déguste Guinness chaude à la main. Sans réfléchir. La musique n’a-t-elle pas la prétention unique de divertir ? Wallis Bird l’a bien compris et nous offre un moment d’insouciance. Un rafraîchissement sans gueule de bois. Une bande-son idéale pour la campagne publicitaire d’un tour-operator irlandais. Un vol musical ‘low cost’ offrant un city trip imaginaire qui inviterait l’auditeur à pousser toutes les portes des pubs d’Irlande.
Tableau d’une adolescence qui peine à entrer dans le monde adulte et préfère se réfugier dans l’univers invariablement innocent de « LaLa Land ». Un titre funky aux paroles ingénues: ‘The world will love you // Elephants of memory // An alphabet of chemistry // All of these things have made me // Roscoe and Beenie, laughter and no TV// I've got punch lines and feisty cars // And tons and tons of love…’ Wallis Bird le crie d’ailleurs haut et fort : ‘Just because I’m wearin’ a dress doesn’t mean I’m a lady now’. Quant à « All For You », il se farde d’un poignant sentimentalisme digne des plus mauvais épisodes de ‘Plus Belle La Vie’.
Trêve de paraphrases ! Les ambiances Wallis Bird, on les aime ou pas. Tout simplement. Pas de défaut particulier. Ni qualité particulière. Aucun sujet à critique. Seulement une soirée sous le signe de la sincérité et de la compassion réservée à un public cible.
La vraie sensation de la soirée viendra du support act brillamment assuré par les Bruxellois d’I’m Big In Japan. Un homme : Didier Van Wambeke (chant-guitare). Une femme : Ingrid Van Wambeke (claviers). Pourtant, la musique n’a pas été écrite par Francis Lai (NDLR : souvenez-vous du film de Claude Lelouch, projeté sur les écrans en 1966), mais bien par un duo frère-sœur qui nous régale d’une expression sonore ingénieusement minimaliste. Une peinture syncrétique teintée de pop, de post-rock et surtout de néo folk dont les traits délicatement esquissés relèvent manifestement de la culture européenne. Une voix et une guitare surfant aisément sur de nouvelles vagues du style, incarnées par des groupes comme Musée Mécanique ou encore Junip. Un clavier Nord Stage et un micro Korg tissent des textures de musique électronique minimale et ambient (The Album Leaf, Perfume Genius…) Une atmosphère délicate maîtrisée par une claviériste de formation classique qui donne de l’âme aux compos. L’ensemble reste néanmoins sous la haute surveillance de Tom Waits qui sommeille en filigrane.
Un binôme surprenant qui distille un folk-pop moderne subtil et élégant. Une harmonie fraternelle qui se lie de mélodies intimes aux arrangements luxuriants. Sous cette nouvelle configuration, deux concerts auront suffi. Une formation belge en perpétuelle mutation à suivre de près, de très près.
(Organisation Botanique)