Et puis, musicalement, on dira ce qu’on voudra, ses chansons ont quelque chose de touchant.
Pas renversantes, mais justes. Sans esbroufe. A l’image de cette petite fille aux multiples tatouages (plus Rock & Roll que camionneurs) qui se tient sur scène devant un parterre conquis et heureux. Des visages ébahis.
Des sourires multiples et des paroles qui s’articulent sur les lèvres des (très) jeunes au (beaucoup) moins jeunes.
Et des milliers d’étoiles. Comme celles qui brillaient dans les yeux de ma fille ce soir.
Bien des raisons de dire : ‘Merci Béatrice Martin’.
Effectivement, c’est elle que toutes et tous sont venus admirer ce soir.
Mais en public poli et bon enfant, l’assistance fait un accueil jovial à Monogrenade, groupe québécois fort sympathique dont le pop/folk suspendu aux cordes (deux violons et un violoncelle) s’agite sous une brise tantôt légère, tantôt tempétueuse.
Desservi par un son inégal, la formation a néanmoins soulevé l’enthousiasme et retardé l’impatience de ces centaines de cœurs qui trépignaient d’impatience.
Quelques sonorités émanant d’un ampli Fender, par le jeu de quelques pédales du meilleur effet, n’ont d’ailleurs pas laissé insensible votre serviteur, plutôt rôdé à d’autres ambiances que celle de ce soir.
Dans une atmosphère somme toute très différente de celles auxquelles je suis habitué, l’attente s’installe. Fébrile. L’excitation est palpable. Surtout chez les enfants présents.
Car ils sont nombreux ce soir.
Cœur de Pirate, c’est un peu le Tintin de la musique. Son auditoire s’étend de sept à septante-sept ans.
Cette réflexion peut paraître anodine, pourtant, elle prouve au moins deux choses : la première, c’est que sous leur aspect propre et lisse, ces chansons recèlent différents degrés de lecture. La deuxième, c’est que je ne serais pas là si je n’avais pas une fille de huit ans, complètement fan.
Parce que très franchement, je vais avoir du mal de vous parler de ce concert. Oh, pourtant, la prestation très professionnelle de ses musiciens était appréciable. Enceinte, l’interprète assume courageusement cet enchaînement de dates, vaille que vaille. La tendresse de ses chansons se dévoile comme les pages du journal intime d’une jeune fille en fleurs (parfois fanées) ou le comique d’une pause pipi intelligemment chorégraphiée en cours de spectacle. Mais, tout simplement, parce que toute mon attention était rivée sur ma fille qui rêvait éveillée une soirée attendue depuis si longtemps.
Une petite fille parmi d’autres petites filles, des moins grandes aussi (voir des plus vielles), et aussi des garçons ou même des papys, mais une petite fille au sourire rayonnant et qui m’émouvait à chaque fois qu’elle s’en allait d’un grand signe de main pour attirer le regard de son idole, à peine à quelques centimètres d’elle.
Une idole généreuse qui ne manquait aucune occasion de renvoyer sourires et gestes, remerciements sincères et ‘je vous aime aussi’ en retour.
Et si ma description vous paraît nunuche et vous renvoie au fantôme de Chantal Goya, détrompez-vous !
Musicalement, son spectacle tient absolument la route.
La voix est juste et transfère l’émotion au-delà du spectre lumineux d’un light show sobre et parfaitement calibré.
Le son swingue quand il le faut, le piano se fait intime quand la femme enfant aux bras de marins (les tatouages, pas les muscles !) appose ses mains délicates sur ses touches d’ivoire.
Fort judicieusement balancé, ponctué de ses hits (« Francis », « Comme des Enfants » ou « Adieu ») et agrémenté d’interventions échangées avec l’auditoire, ce concert était parfaitement calibré, en évitant le piège de la mise en scène stoïque.
Cœur de Pirate ne peut pas plaire à tout le monde mais ne dérange personne.
Et surtout, ses albums semblent apporter un certain bonheur à ceux qui y trouvent écho, aussi bien dans les paroles douces amères que dans les notes qui s’égrènent comme la mélancolie aux vents.
Elle n’est pas bien grande mais elle affiche une grandeur d’âme qu’elle communique à son public. Béatrice Martin est un sacré bout de femme et ma fille en est fan.
Alors je ne peux que crier haut et fort : ‘Vive Cœur de Pirate !’
(Organisation Live Nation en collaboration avec Asterios Spectacles)