On pourrait qualifier la pop baroque et mélancolique de Get Well Soon, de trop sophistiquée et cultivée. Un univers hermétique architecturé par Konstantin Gropper qui serait réservé aux intellos frustrés et déprimés. Il bâtit avec une dextérité improbable une musique hyper référencée d’écrivains et de peintres inconnus comme Henry Darger (coupable d’avoir publié un récit épique et mélancolique, illustré de quelque 15 143 pages !), mais également de cinéastes tels que Wim Wenders (‘Palermo Shooting’) ou Roland Emmerich (NDR : notamment réalisateur d’‘Indepedence Day’ et de ‘The Day After Tomorrow’). On pourrait aussi prétendre que le chant de Gropper serait aussi obsédant que celui de Casper le gentil fantôme, à mi-chemin entre un Patrick Wolf après une dépression nerveuse et un Thom Yorke se gargarisant. Venez l’écouter sur scène et vous changerez certainement d’avis.
Le jeune compositeur et multi-instrumentiste allemand élabore une atmosphère particulière. Sa pop lyrique à l’architecture foisonnante est issue d’un cerveau ingénieux et créatif. Ici, tout semble aller plus loin. Le jeune Berlinois de 30 ans use à l’envi de ses différentes expériences (conservatoire, cinéma, théâtre, philosophie et lettres...) et conjugue les genres pour explorer le nouveau. Une musique hybride qui relève davantage du génie que de la masturbation intellectuelle.
Une suggestion pour rater infailliblement la première partie d’un spectacle à l’Ancienne Belgique, un vendredi soir ? Rendez-vous y en voiture… Ce supporting act est assuré par David Lemaitre, un artiste prometteur qui pratique un electro-folk lo-fi. Sur les planches, il se produit sous la forme d’un trio. Fragile, éthérée et rêveuse, sa voix se promène quelque part entre Beirut et Bon Iver. Ce jeune Bolivien, Berlinois d’adoption, est parfaitement à l’aise dans son style. C’est même un virtuose. Empreint de délicatesse, son jeu de guitare est légèrement troublé par des vagues electronica douces et sautillantes. Un artiste à suivre dont vous pourrez découvrir l’univers sonore, lors de la sortie de son premier album prévu pour le début de l’année 2013.
Place ensuite à Get Well Soon. Deux ans après avoir accordé un excellentissime concert à l’AB Club, Gropper envahit à nouveau l’espace. Il est accompagné de 4 musiciens pour hausser le ton et donner plus d’étoffe ; pour apporter une dimension musicalement plus riche à son répertoire. Les ondes se modulent, montent et descendent, ne laissant pas le temps aux cœurs de réfléchir. Une vraie orfèvrerie pop gothico-baroque, puissante, romantique et ténébreuse. Une œuvre qui ne tombe cependant jamais dans le piège facile et pathétique du poète maudit en continuelle lamentation stérile.
Un set où l’apocalypse est omniprésente. « Let Me Check My Mayan Calendar » coule d’un fleuve instrumental, easy-listening, sur fond de voix en lévitation (backing vocals et violon assurés par Verena Gropper, la sœur) et vient s’écraser sur les forêts électriques hargneuses de "You Cannot Cast Out The Demons (You Might As Well Dance)" lors d’un final noisy en déluge sonique. Tandis que, soudainement descendu de la canopée, le groove de "Courage, Tiger!" vient nous surprendre. D’abord discrète ("Prologue" et "The Last Days Of Rome") comme une ombre, la setlist se met à gronder comme une marche militaire balisée par ses voix déployées et son matraquage orchestral. Get Well Soon explose les carcans et fait virevolter leurs débris au sein d’un cyclone symphonique étourdissant. Un concert où le son paraît s’ériger comme un moment au mille lambris dont chaque morceau s’emplit d’une atmosphère singulière, toujours dense, lyrique et tragique. L’impression crispante que le sort sonore pourrait se briser à tout moment.
Un excellent concert qui se terminera sur les couleurs vives du premier album, par "I Sold My Hand For Food So Please Feed Me". Get Well Soon, toujours un grand moment pop !
Organisation Ancienne Belgique