Jeudi 1er novembre, je me remets à peine de la quasi-overdose de barbituriques ingurgités la veille. Il est à peine 9 heures, et mon téléphone m'arrache des bras de Morphée :
- Bernard ? Ici Bernard.
- Qu'est-ce qui me vaut ?
- Tu m'as énervé, l'autre jour, à l'assemblée des actionnaires du magazine, à me répéter pour la énième fois que le rock français était mort depuis la disparition de Fred Chichin...
- Ouais, et alors ?
- Alors ? Pour ta peine, tu iras photographier Dionysos, ce soir à l'Ancienne Belgique...
- .....
- Tu es toujours en ligne ?
- Ouais, ouais, je sniffais un rail de coke pour me réveiller un peu....
- Alors, ta réponse ?
- Dois voir avec ma patronne, tu sais bien.... Chououou, Dionysos, tu aimes ?
- J'aime bien les titres qui passent à la radio, pourquoi ?
- Bernard, tu vois que le rock en France est mort, ma femme aime bien ton groupe à la noix.
- M'en fous, tu emmènes ta femme, ta maîtresse, ton chien ; c’est pas mon problème. Mais tu y vas et tu me ramènes des images...
Il raccroche le téléphone. Faut pas l'énerver, le rédac’ chef, il a un de ces caractères... Et il n'aime pas que les actionnaires assistent défoncés à ses conseils d'administration....
J'appelle des potes, ils sont partants, c'est pas sold out, ils pourront acheter des tickets ce soir. Au moins, si je m'emmerde comme je l'imagine, je pourrai descendre des bières au foyer, et dépenser ainsi le défraiement honteux que je réclame pour mes services.
On mange un morceau vite fait, les festivités démarrent tôt ce soir, le groupe est annoncé à 20:30 sur les planches de l'AB. Pas le temps de chercher un peu de crack pour me mettre en forme ; tant pis, j'assisterai presque sobre à ce concert, ça me changera...
Je m'attends au pire, et de fait, dès les premières notes, j’aperçois un guignol monter sur les planches affublé d’une tête d'oiseau. Il est accompagné de gentils garçons propres sur eux. Ils sont vêtus de noir (chemises, costumes), une cravate rouge du plus bel effet bien nouée autour du cou. Il est inscrit en backdrop la mention "Bird 'N' Roll". Et en grand ! Ça rocke, les oiseaux, peut-être ? Et la petite ballerine qui s'installe sur la droite de la scène, elle joue du rock’n’roll, elle ?
Me demandez pas ce que j'ai pensé des 3 premières chansons, j'étais tellement à l'affût d'un rayon de lumière blanche qui n’est jamais venu qu’il ne m’en reste qu’un souvenir vague. Ben oui, on a beau être un déchet humain, on n'en n'est pas moins pro quand on shoote, chez MusicZine.
Je rejoins mes potes et ma tendre moitié qui ont déjà un sourire comme une banane, et j’écoute. Ça balance pas mal, mais il y a trop de titres down tempo à mon goût. Heureusement, les Français assènent en milieu de parcours leurs titres les plus connus de leur répertoire ; et l’inculte que je suis doit reconnaître que ça commence à envoyer pas mal. "Miss Acacia", "Mc Enroe's Poetry", "Tom Cloudman" et "Song for Jedi" balancés à la suite, ça dépote, je l’admets. La petite Babet parvient rapidement à faire oublier son mini gabarit et impose sa présence sur le podium ; et Mr. Malzieu, quelques bains de foule plus tard, libère enfin toute son énergie. Après avoir invité quelques filles sur l’estrade pour leur apprendre le fameux "Bird 'n' roll", le combo calme quelque peu les esprits avant de se retirer symboliquement quelques instants et de revenir un sourire jusqu’aux oreilles, enfin aussi large que ceux aperçus autour de moi.
Mathias présente le groupe ; ce qui permet à chaque musico de faire son numéro : ici une petite blague, là un solo de perceuse, etc. Et c’est durant ce rappel que Mathias, complètement barge, crowdsurfe jusqu'au balcon. Il s'y fait hisser, et lorsqu’il atteint le haut des gradins, un porte-voix l'attend opportunément. Après avoir concédé quelques paroles, il redescend, emprunte le balcon latéral, et bien entendu atterrit dans la foule... Pile poil sur ma tronche. Trop heureux, Bernie...
Le concert se termine comme il a commencé, Mathias réenfilant sa tête d'oiseau. Le show a duré presque deux heures, et j’avoue m’être laissé emporter dans l'univers rock et surréaliste de Dionysos. Le rock français, mea culpa (NDR : j'imagine le sourire sadique de mon tortionnaire de rédac'chef), a encore de beaux jours devant lui ; et en particulier grâce à ces allumés de première classe.
Setlist :
Intro
Bird'n'Roll
June Carter en slim
Tais-toi mon cœur
Dreamoscope
Le Grand Cheval aux yeux gris
Coccinelle
Le jour le plus froid du monde
Miss Acacia
Mc Enroe's Poetry
Tom Cloudman
Song for Jedi
Can I
Spidergirl blues
Dark side
Platini(s)
Wet
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(Organisation Live Nation)