Dans la mythologie lettone, Austra est le nom de la Déesse de la Lumière. Originaire de la rive orientale de la mer Baltique, Katie Stelmanis, la chanteuse qui dirige la formation canadienne, mélange à la perfection cette lumière nordique et l'obscurité, le côté sombre des émotions et des atmosphères. Après avoir récolté un véritable triomphe au Vk*, en juin 2012, et accordé une prestation intimiste à Gand, au cours du même mois, mais un an plus tard, Austra revient ce soir dans une salle, comble, celle de l'Orangerie du Botanique, pour défendre son nouvel opus, "Olympia".
La scène est plongée dans une lumière bleutée. Des parasols blancs sont disposés à différents endroits du podium : éclairés de l'intérieur, ils constitueront l'élément de light show le plus notable, à côté de l'image de montagnes reproduisant celle de la pochette d'"Olympia », projetée à l'arrière-plan.
Sur les accords de "What We Done?", les musiciens entament donc le set. Ils sont tous habillés de blanc, sauf Maya Postepski, vêtue d’une blouse dorée. A côté de Katie Stelmanis, on reconnaît le bassiste et membre permanent Dorian Wolf ainsi que le claviériste Ryan Wonsiak. Grande surprise, les jumelles Sari et Romy Lightman qui assurent, en général, le rôle de danseuses et chanteuses 'backing vocals', sont absentes. Stelmanis avait prévenu qu'elles ne participeraient pas à toute la tournée, vu leur implication au sein de leur projet indie-folk Tasseomancy. Malheureusement, cette défection va se faire cruellement sentir tout au long de la prestation. Leur look très particulier de gitanes en costumes folk alternatifs et surtout leur présence scénique constituait, en effet, un atout incontestable lors du spectacle octroyé au Vk*. Un nouveau musicien figure par contre au sein du line up : un tromboniste ; sans doute Ewan Kay, qui a participé aux sessions d’enregistrement d’"Olympia".
La setlist est consacrée, à parts égales, aux deux long playings du combo. "Painful Like" et "Forgive Me", deux singles issus d'"Olympia", apportent une jolie impulsion de départ et Stelmanis est resplendissante dans sa robe blanche en satin. Elle glisse spontanément du micro, placé à l'avant de la scène, à son clavier Nord Stage, en virevoltant comme une petite fille. Elle l'a souligné dans une interview, les concerts de ce nouveau périple incluent beaucoup plus de parties interprétées en live, la programmation en Ableton leur permettant de modifier avec une plus grande flexibilité les séquences et les interventions des différents musiciens.
D'une façon générale, le son est bien équilibré et la batterie est assez discrète dans le mix, laissant une large place à la voix de Stalmanis. Celles des soeurs Lightman sont prises en charge par Maya Postepski, soutenue circonstanciellement par les backing tracks. Après "The Choke", un autre extrait du premier elpee déclenche les premières réactions d'enthousiasme au sein du public : "The Villain". Encouragée, Stelmanis vient s'agenouiller au-devant de l’estrade. Très concentrée sur son chant, elle accompagne chaque phrasé par des gestes des bras et des mains ; une technique qu'elle doit à sa formation. Rappelons que dans son jeune âge, elle a suivi des cours de piano classique et appartenait au Chœur d'Enfants de l'Opéra canadien. Malheureusement, au fur et à mesure que le concert évolue, on constate des problèmes de justesse, surtout sur "Lose It". Mais je me suis laissé dire qu'elle était malade, ce qui excuse tout à fait ces petites imperfections. De plus, elle a précisé en interview que sa voix est aujourd'hui légèrement plus grave qu'auparavant : elle devrait peut-être chanter "Lose It" un ou deux tons plus bas?
La belle ballade "Home", très bien accueillie par le public, ouvre le volet central, plus calme, de la prestation. Pour ceux qui ne la connaissent pas, la musique d'Austra est d'une intensité rare, croisement entre le lyrisme noir et mélancolique de Stelmanis et les rythmes tour à tour electro-dance, trance ou expérimentaux. Pour la voix, on pense à Kate Bush, Björk et Natasha Khan de Bat For Lashes, mais aussi aux chanteuses 'dark' comme Zola Jesus, elle aussi américaine originaire d'Europe de l'Est, Chelsea Wolfe ou Florence Welsh. Les arrangements évoquent tour à tour à New Order, Glasser, Anne Clark, Radiohead ou The Knife.
Les deux dernières compositions du set permettent au groupe de faire remonter la pression: "Lose It" déclenche des cris dans le public, surtout au moment où Stelmanis effectue la vocalise lyrique qui a rendu ce titre reconnaissable entre mille. Enfin retentissent les premiers sons électro de "The Beat And The Pulse" et par déduction, on imagine que la fin de parcours sera chaude... En effet, les fans sont en extase, les mains en l'air, pendant ce hit électro –en version longue– qui a cartonné sur les dance floors alternatifs du monde entier. Regardez la vidéo de ce moment unique ici
Lors du rappel, Austra ne nous réservera pas "Annie (Oh Muse, You)" comme indiqué sur la setlist, mais bien l'excellent "Spellwork", suivi du lancinant "Hurt Me Now".
En quittant l'Orangerie, un sentiment mitigé nous envahit. Car la prestation a été, dans l'ensemble, moins puissante, moins irrésistible que celle accordée au Vk*, notamment à cause de l'absence des soeurs Lightman et surtout, de la nature, moins electro, de beaucoup de nouveaux morceaux. Austra n'en reste pas moins une formation exceptionnelle, offrant une musique d'une beauté désarmante, en tous points magique.
(Voir notre section photos ici)
La première partie était assurée par Crime, un duo berlinois composé de Mika Risiko (Sissters) et Sarah Adorable (Scream Club). Leur synth-pop expérimentale s’appuie sur leur Ep "Epiphany". Sur les planches, la carrure transgenre de Risiko impressionne. Sa voix, sorte de croisement entre Alison Moyet et Brian Molko, est étrange. Adorable est plus discrète. Tant aux claviers qu’au chant. Mais révèle, lorsqu’elle en a l’occasion, un joli timbre. Une prestation décalée, résolument originale, qui a autant intéressé les uns que franchement déçu les autres… (Et pour les photos, c'est là)
Organisation: Botanique