Le Zénith Arena de Lille était bien trop petit, le week-end dernier, pour accueillir les fans d’une bande de jeunots comptant cinquante balais passés qui composent LE groupe rock/pop français par excellence, Indochine. Formation portée sur les fonts baptismaux, début des eighties, par les frères Sirkis, le band a collectionné les triomphes et trusté les récompenses en tous genres, au cours de leurs trente années d’existence. Il y a maintenant plus de deux lustres que Nicolas est seul à la barre de ce paquebot des ondes et ce, depuis le départ bien involontaire de son frangin Stéphane. Depuis qu’un single virevoltant a chanté la gloire d’un héros de roman à deux sous, Bob Morane, ce cargo transporte des containers entiers de hits, voguant sur les eaux multicolores de la musique pop et emmenant dans son sillage des générations de passagers. Ce soir, ils sont tous là, les enfants (parfois très jeunes), leurs grands frères ou grandes sœurs et même leurs parents. Faut dire que depuis 1981, les fans de la première heure ont enfanté à leur tour des petits fans et c’est donc en quelque sorte à une grande réunion de famille qu’on assiste quand Indochine se produit sur les planches.
Ce soir, ils sont plus de sept mille à avoir fait le pied de grue, des heures durant parfois, afin de chanter, danser, faire la fête en compagnie de leurs idoles. Mais les déçus sont encore bien plus nombreux. Dix fois, quinze fois même le Zénith aurait pu afficher complet tant la demande était incroyable. Un succès qui ne se dément pas malgré les années qui passent. Incroyable ! Qu’est-ce qui nous attend en 2020 ?
Dès la sortie du dernier opus, « Black City Parade », Indochine gratifiait ses fans d’une tournée. Las, celle-ci se déroulait dans des salles où n’entraient à tout casser que 2 000 aficionados. Les veinards laissaient derrière eux un monstrueux cortège de mécontents, déçus et désabusés. Et c’est peu dire. Heureusement, Nicolas avait promis que cette ‘mini-tournée’ serait suivie d’une autre aux dimensions bien supérieures. Ouf !
Le Zénith de Lille qui avait vendu les 14 000 places en moins d’un quart d’heure affichait donc plus que complet pour ce week-end festif (6 décembre : St Nicolas !)…
Pour l’anecdote, c’est Airbag One qui est chargé de chauffer le public. Mission difficile, voire impossible pour ce trio qui tente malgré de très mauvaises conditions sonores de se faire connaître. La foule n’en a cure et n’a d’yeux et d’oreilles que pour les vieux de la vieille. Allez ouste les jeunes !!! Nicolas ! Nicolas ! Nicolas ! vitupèrent des milliers de gorges déployées.
Quelques minutes pour débarrasser définitivement le plancher et… obscurité totale…
Les prémices de « Black City Parade » retentissent à peine que la foule se soulève comme un seul homme et dégage illico une énergie insoupçonnée (?). Des dizaines de bâtons d’encens plantés sur le pourtour du podium et un jeu de lumières principalement axé sur le rouge et le blanc donnent le ton : en route pour un voyage planant tout en couleurs… « Traffic Girl » qui suit la plage inaugurale submerge la fosse de confettis, ce qui rend encore l’ambiance plus chaleureuse et festive. Tout le monde hurle, tout le monde chante, tout le monde danse. Délire total, paradis pour tous ! La bonne humeur est de mise et ne quittera plus l’auditoire durant les deux heures trente de concert. « Belfast », troisième titre consécutif du dernier elpee, démontre qu’Indochine n’a rien perdu de sa valeur au fil des siècles (ben oui, ils ont débuté au XXème !)
« Kissing my Song » et « Salome » déclenchent la machine à remonter le temps. A priori, seuls les plus anciens sembleraient à même de fredonner des vieux airs. Que nenni ! Les gamin(e)s d’à peine 8/10 ans s’en donnent à cœur joie, démontrant à qui l’ignore que la mémoire ne se travaille pas (seulement) à l’école… mais surtout dans l’affectif. Nicolas joue l’alternance pour la grosse demi-heure suivante, enchaînant le récent et le moins récent, « Memoria », « Little Dolls », « Miss Paramount », un fantastique « Wuppertal », superbement mis en images grâce à un écran géant contournant le public subjugué par le pas de danse d’Alice Renavand, le magique « J’ai demandé à la lune ». Puis un « Tes yeux noirs » de derrière les fagots donne le tournis et des crampes aux plus âgés dont je suis. Mais ce soir, rien ne pourrait arrêter cette folie contagieuse, même pas quelques courbatures.
Pour calmer un peu le jeu, Nicolas se la joue défenseur des opprimés, des discriminés en attaquant le très controversé « College Boy » et son clip honni par les médias du monde (francophone) entier. Pour l’occasion, les ballons blancs style marche de la même couleur font leur apparition et le message passe beaucoup mieux.
Trois minutes de calme, de réflexion et c’est reparti ! « Alice and June » n’ont aucune pitié de mes vieilles articulations qui vont sans aucun doute rendre l’âme sur les mesures d’un medley de la meilleure veine. « Canary Bay », « Des fleurs pour Salinger », « Paradize », « Play boy », « 3ème sexe » s’entremêlent, s’entrechoquent pour achever ceux qui résistent encore. Le coup de massue viendra lors du super hype « Trois nuits par semaine » balancé juste après une « Maryline » vieille de dix ans.
Heureusement, Nicolas a pitié de votre serviteur (des autres aussi) ! Seul au piano, il entame la séquence ‘émotion’ en chantant « The Lovers », en hommage aux victimes des Philippines et à Nelson Mandela, décédé la veille.
« Le manoir » et surtout « A l’assaut » emboîtent le pas à ce relatif moment de douceur. Ils sont un peu dépoussiérés pour l’occasion ; et à cet instant, j’en vois quelques-uns qui hésitent sur les paroles car ils ne connaissent pas cette dernière. L’honneur est sauf…
Enfin, non mais des fois, vont pas tout nous bouffer ces gamins hein… Déjà qu’ils étaient pas nés pour les trois quarts du répertoire, faut quand même pas rigoler !
Par contre, « L’aventurier », tout le monde connaît, même ceux qui sont encore dans le ventre de leurs mères présentes ce soir. Dingue ce groupe ! C’est bien sûr l’heure de finir en beauté. Place donc aux feux d’artifice et au lâcher de ballons dans le public. Le père Sirkis y va de quelques shoots bien calibrés et s’amuse lui aussi comme un gosse (qu’il est toujours, soit dit en passant).
L’arrêt cardiaque nous guette, il est temps que cette soirée de folie s’arrête. Mais la mort est si douce lorsqu’elle est librement consentie !
Allons-y donc pour deux rappels. « Le fond de l’air est rouge » annonce la fin d’une soirée mémorable, pleine d’une intensité plus que palpable, sans temps mort et sans aucune lassitude ressentie. Quelle forme, quelle énergie !
‘Je pars, je n’reviendrai jamais…’ seront les derniers mots chantés ce soir, « Pink Water 3 » mettant un point final à deux heures trente de plaisir, d’euphorie, de folie.
Chapeau ! Rideau ! Dodo !
(Organisation Vérone Productions)
Voir aussi notre section photos ici