Le cynisme devient-il une forme d'honnêteté lorsqu'il est assumé ? Cette question pourrait concerner Andrew Eldritch, le leader de Sisters of Mercy. Originaire de Leeds, Eldritch a créé l'histoire dans les années '80, en jetant les bases du rock gothique. Mais depuis plus de 20 ans, il ne produit (quasi) plus rien de neuf et se contente d'enchaîner tournée sur tournée pour entretenir la nostalgie de sa période glorieuse.
Il y a quelques années, cette démarche était clairement mal vue. Les 'puristes' estimaient que le chanteur cultivait la formule pour se faire de l'argent. Entre-temps, la vague du '80s revival' est arrivée et nombre de formations, dont The Cure, Gary Numan, Front 242 et même Chameleons Vox, repartent en tournée pour y dispenser exclusivement leur ancien répertoire. Et paradoxalement, Eldritch apparaît aujourd’hui comme un visionnaire, cohérent dans sa démarche. Times are changin' !
De toute façon, on était prévenus : The Sisters of Mercy est une expression tirée d'une chanson de Leonard Cohen qui désigne une congrégation de bonnes soeurs mais surtout les femmes 'de mauvaise vie'... On comprend mieux la démarche hautement vénale de ces tournées 'tiroir-caisse'.
En dehors de ces considérations extramusicales, il faut reconnaître que les concerts des 'Sisters' attirent encore et toujours la toute grande foule. Ce soir, l'Ancienne Belgique affiche sold-out et le public est constitué presque exclusivement de quadragénaires et de quinquagénaires, en majorité venus du nord du pays. Comme d’habitude, le cadre est constitué d’échafaudages, derrière lesquels sont placés trois laptops. Mais l'élément le plus important du décor, ce sont les fumigènes, dont le groupe a coutume d'abuser. C'est donc en traversant un épais halo qu'Eldritch prend possession de la scène sur l'intro de « More ». Cette fois, il ne porte pas un provocant t-shirt jaune fluo mais bien une veste noire très élégante. Il arbore une barbichette grisonnante et a chaussé ses inséparables lunettes noires.
A ses côtés, les deux guitaristes Chris Catalyst et Ben Christo. Grâce à eux (ou à cause d'eux), les titres prennent une dimension beaucoup plus 'metal' sur les planches. A certains moments, les grattes couvrent même le chant, obligeant Eldritch à s'époumoner pour se faire entendre.
Le premier moment fort est incontestablement « Alice » : ce grand classique est ici interprété à la perfection : le mix est impeccable et le light-show impressionnant. Le public chante toutes les paroles et quand Eldritch tend le micro pour le final, tout le monde crie ‘Alice, Don't Give It Away...’ Regardez ce moment sur la vidéo ici
Ensuite, l'ambiance retombe et nous vivons la partie la plus faible du concert. Les titres sont moins connus (« Still », « Crash And Burn ») et on a même droit à une reprise de Red Lorry Yellow Lorry, « Gift That Shines ». Après la classique ‘pause cigarette’, Eldritch revient sans sa veste pour un final tout en puissance, surtout dans « Flood II » et « This Corrosion ». Il y a moins de fumigènes et Eldritch est étonnamment actif sur l’estrade. Il bouge beaucoup, communique avec le public et on aurait même l'impression qu'il est heureux d'être là...
Les deux rappels sont exécutés dans une excellente ambiance. « Lucretia... » et « Vision Thing » sont parfaits et « First And Last And Always » déchire tout. Regardez la vidéo là
Ensuite, The Sisters of Mercy attaque la reprise du "Misirlou" de Dick Dale & The Del Tones, un instrumental à la guitare datant de 1963, qui a connu une deuxième vie grâce à ‘Pulp Fiction’. Son tempo très élevé constitue une introduction parfaite pour le titre phare des Sisters, « Temple of Love », exécuté dans sa version courte.
Dans l'ensemble, on doit reconnaître la performance puissante et en tous points convaincante. Une communion sans artifices autour de chansons qui resteront à jamais dans nos mémoires. Après de nombreuses années de léthargie, les Sisters connaissent un regain de vigueur et c'est tant mieux !
En première partie, Losers, une formation anglaise partagée entre musiciens australiens, américains et écossais, nous a réservé un show intéressant. Elle pratique un electro-rock vs prog-metal élaboré et très mélodique qui évoque tour à tour Nine Inch Nails, The Rasmus voire Porcupine Tree. A découvrir !
(Voir aussi la section photos ici)
Setlist The Sisters of Mercy
More
Ribbons
When You Don't See Me
Blood Money
Alice
Crash and Burn
Gift That Shines (Red Lorry Yellow Lorry cover)
Still
Amphetamine Logic
Arms
Dr Jeep / Desolation Boulevard
Top Nite Out
Valentine
Flood II
This Corrosion
Encore 1
Kiss the Carpet
Lucretia My Reflection
Vision Thing
Encore 2
First And Last And Always
Misirlou (Dick Dale cover)
Temple of Love
(Organisation : Live Nation)