Grosse affluence, ce mercredi soir, en la salle De Kreun, à Courtrai. Et pour cause, l’Alcatraz Club Show a programmé U.D.O., une grosse pointure du Heavy Metal. Suite à un virage musical opéré par Accept en 1987, son fondateur et chanteur Udo Dirkschneider quitte le navire et fonde un groupe qui portera son nom, U.D.O.. Des vieux de la vieille à qui il ne faut certainement plus la raconter. Immersion dans les champs de bataille du Heavy Metal.
La progression dans les tranchées commence dès que je pénètre dans la Cité des Eperons d’Or. Manque de bol : la kermesse foraine annuelle squatte la Place du Conservatoire, me contraignant à rechercher une place de parking dans les environs. Après avoir tourné, tourné et encore tourné, je parviens enfin à dénicher une aire de stationnement. Résultat : dix minutes de retard par rapport au timing prévu. Je parviens enfin à rejoindre ma destination, surpris par la belle affluence. Vu le nombre de tempes grises croisées, les enfants sont restés à la maison.
Quatre hommes longuement chevelus squattent l’estrade, vêtus de pantalons en cuir, denims et t-shirts ou gilets sans manche. Du haut de leur stature de conquérants typés old-school, headbanging de rigueur, les membres de Garagedays ont insufflé un premier souffle de Heavy pêchu et rentre-dedans. Pendant quarante minutes, les Autrichiens, responsables de deux opus studio, ont effectué un premier tour de chauffe des metalheads présents, fans des sonorités du triton de la première heure. ‘We had fun tonight, it’s now time to drink some beers with you’, lance Marco Kern à l’auditoire, avant que l’ensemble du groupe ne le salue tout en promettant de revenir bientôt.
Changement de décor, à l’exception de la batterie qui reste en place. Deux roll-ups sont placées de part et d’autre de la scène, représentant un squelette drapé, mains jointes et tenant sous le coude un obus sur lequel est inscrit : ‘God forgives… I don’t’. Tout un programme ! Les musiciens prennent petit à petit place sur l’estrade. Yeux maquillés et t-shirt déchiré à l’effigie du groupe, le bodybuildé batteur (de remplacement, apparemment) du band prend place derrière ses fûts, suivi du géant suédois Andreas Strandh et de Jimmy Hitula, respectivement bassiste et guitariste de Sister Sin. « Food for Worms », titre d’ouverture de leur dernier elpee, « Black Lotus », démarre par la même occasion ce set et Liv Jagrell, toute de cuir et de résille vêtue, opère son entrée et agrippe son pied de micro. Quelle voix et quelle hargne ! Un show dense d’une quarantaine de minute de Heavy musclé et percutant, auquel le public répondra très favorablement. ‘Fight Song, Fight Song’, lance un spectateur, quelque peu invasif, entre chaque morceau. Un titre qu’il finira par obtenir à la fin du show, avant que Liv s’en aille rapidement en coulisse afin de prendre son téléphone portable et faire un selfie avec la fosse. La setlist s’ouvre et s’achève par des titres de leur dernier opus, « Sail North », clôturant cette prestation haute en couleurs des Suédois. Un très bon moment et une agréable découverte (photos ici)
A peine les dernières notes de sa partition exécutée, le guitariste de Sister s’empresse de déposer son matériel et de déplier le roll-up à l’effigie du groupe, qui le suit. Tout doit être rapidement prêt pour accueillir les icônes de ce soir, U.D.O.. Un podium aménagé pour l’occasion tel un baraquement militaire, du filet camouflage recouvrant les murs et les planches sur lesquelles est posée l’impressionnante batterie de Sven Dirkschneider, qui n’est autre que… le jeune fils de 21 ans d’Udo, vocaliste et fondateur du band. Comme quoi, il n’y a pas que Max Cavalera qui recrute au sein de sa famille… Côté mise en scène, c’est la première fois que sont installées des barrières Nadar entre la ‘stage’ et le public. Et c’est bien dommage, car ce dispositif n’avait pas été dressé lors des deux show précédents. Pourquoi établir cette distance, quand on sait que le Heavy pratiqué par Udo, certes pourtant direct et puissant, n’invite pas spécialement à se lancer dans le crowd surfing ?
Bière à la main, les nombreux spectateurs sont à présent plongés dans le noir. Des spots bleus tournoient dans les airs et des bruits de sirène mêlés aux vrombissements d’avions de guerre envahissent l’espace sonore. Le fils Schneider prend possession de sa batterie et flagelle ses cymbales, sous les éclairs des stroboscopes aveuglants. Le guitariste Kasperi Heikkinen et le bassiste Fitty Wienhold (plus ancien du band, actif depuis le break de la formation entre 1992 et 1996), montent sur le podium et occupent la moitié gauche de la scène, Andrey Smirnov, second guitariste, s’appropriant celle de droite. Harrison Young, également nouvelle recrue d’U.D.O., siège derrière son clavier, à côté de la batterie. Une proximité apparemment autant physique qu’affective, car les deux nouveaux venus vont prendre un malin plaisir à se taquiner tout au long du concert. « Speeder », titre d’ouverture de leur dernier opus, publié au début de cette année 2015, lance les hostilités. Udo Dirkschneider fait son apparition –veste, pantalon et chaussures militaires de rigueur– et vient se planter à droite, en retrait. Place qu’il ne quittera guère, car manifestement, ce n’est pas le type de frontman à arpenter l’espace scénique pendant le show. Une disposition des artistes quelque peu atypique, mais bon, why not ? Petit par la taille mais réellement impressionnant par sa puissance vocale, Udo fait claquer sa voix rauque et aigue. Du haut de ses soixante-deux balais, l’homme respecté du Heavy Metal n’a rien perdu de sa superbe. Il suffit d’observer les chanteurs pendant leurs concerts pour se rendre compte que quelques-uns ont fréquemment besoin de sprays ou autre remèdes magiques pour pouvoir tenir le coup. Udo, quant à lui, n’aura recours pendant son set (de plus de nonante minutes) qu’à… deux gorgées d’eau. Respect !
A peine le premier morceau terminé que s’opère un brusque retour vingt-cinq ans en arrière, grâce à « Blitz of Lightning », tiré de « Faceless World », paru en 1990. Kasperi Heikkinen, fermement agrippé à sa gratte, ne cesse de fixer le public, en affichant un sourire mi-fou, mi-démoniaque (un peu à la Joker, dans Batman, vous voyez ?) et de pointer de son index toute personne le photographiant, n’hésitant pas à jouer le jeu en prenant des poses stéréotypées, au grand bonheur des photographes présents. On revient ensuite aux compositions contemporaines, et notamment « King of Mean » ainsi que « Decadent ». Le combo ne fait pas dans la dentelle. C’est lourd, c’est rapide et ça flaire le cuir et la testostérone. Tout est précis et calculé. Ces gars-là ne sont pas venus pour rigoler, non plus. Autant l’aspect visuel que musical reflète un aspect martial. Autre fait intéressant à remarquer : Udo Dirkschneider est un artiste qui vit sa musique. Quand il chante, c’est tout son corps qui se contracte sur lui-même, fermant la plupart du temps les yeux, comme pour procurer le max d’énergie à sa voix. Et quand il se tait, ce sont ses muscles du visage qui se contractent au rythme des riffs Heavy. A de nombreuses reprises, il va se planter auprès de ses musiciens, scrutant les va-et-vient sur les manches de guitare tout en effectuant des mimiques, telles que la déformation des traits de la bouche ou des plissements d’yeux on ne peut plus expressifs. Une complicité qu’il partage également quelquefois avec son fils, de manière quasi pudique, en lui envoyant notamment à la figure son bouchon de bouteille d’eau, provoquant l’hilarité des deux compères.
Les spots s’éteignent et deux pieds sont placés à l’avant de l’estrade, sur lesquels reposent deux guitares sèches. La scène se rallume dans un halo bleu et Harrison Young démarre au piano « Tears of a Clown ». Udo vient y poser une voix grave, calme et posée, démontrant par la même occasion une nouvelle facette de ses capacités vocales. Une parenthèse forte en émotions, véritable parenthèse sur le champ de bataille, accompagnée de douces mélodies à la guitare sèche. Et s’ensuit un second morceau plus calme, « Secrets in Paradise », profitant d’un switch justement dosé, signant le retour aux notes électriques.
Neuf long playings parmi les quinze que compte la discographie seront ainsi visités par les Allemands durant leur long set, passant en revue à la fin du show, « Pain », « Untouchable » et « Metal Machine ». Le groupe s’éclipse en coulisse et laisse le public le rappeler afin de lui accorder une dernière salve. Un rappel qui opère un retour dans le temps. Et tout d’abord, à travers « Break the Rules », issu de leur second LP, gravé en 1988. On aura ensuite droit à quelques reprises d’Accept, dont Udo, faut-il le rappeler, était le membre fondateur. Kasperi Heikkinen prend plaisir à se mettre à l’avant de la scène, démarrant chacune de ces compositions, entraînant à chaque fois une vive acclamation de la part de l’auditoire. « Princess of the Dawn », « I’m a Rebel » et « Fast as Sharks » viennent clôturer cette très belle prestation. ‘Thank you Belgium, you were amazing tonight’, proclame le vocaliste, en s’adressant à la fosse, avant de se pencher et de lancer un long cri aigu, venu de nulle part, en guise de signature d’icône du Heavy. L’emblématique et incontournable « Balls to the Wall » finira de mettre d’accord les fans d’old-school venus ce soir. Une prestation qui ne restera certes pas dans les annales pour son interactivité entre les musicos et la foule, mais bien parce qu’elle a brossé une carrière vertigineuse de vingt-neuf années, quasi sans interruption, de Heavy Metal dans toute sa noblesse. (photos là)
Setlist : Speeder, Blitz of Lightning, King of Mean, Decadent, Independence Day, Black Widow, Never Cross My Way, The Bullet and the Bomb, Under Your Skin, Tears of a Clown, Secrets in Paradise, Faceless World, Pain, Untouchable, Let Me Out, Metal Machine, Metal Eater, Break the Rules, Princess of the Dawn, I'm a Rebel, Fast as a Shark, Balls to the Wall.
(Organisation : Alcatraz Clubshows)