21h. La salle est en effervescence. Il faut croire que la majorité des spectateurs n’en a cure des critiques assassines, assénées sans répit par Pitchfork, aux quatre Californiens, depuis leurs débuts. Difficile de s’en départir pourtant. Elles résonnent, cinglantes et sans appel. Les Cold War Kids ne feraient donc que du ‘pastiche poli qui insulte l’intelligence des amateurs d’indie-rock’? Du son de ‘boy-scout’ ? Du ‘storytelling superficiel’ ? De quoi s’étonner d’une telle hargne alors que les rumeurs accompagnant la sortie de « Robbers and Cowards » (2007) préconisaient la révélation de l’année. En outre, le Botanique les affichait déjà ‘sold out’ et l’album trônait dans la majorité des tops de fin d’année. Autant dire que le paradoxe, comme la salle de ce soir, est à son comble.
L’entrée est explosive. Sans un mot, le micro est saisi pour plonger à tue-tête dans les meilleurs morceaux du premier album. Même crié plus que chanté, même répété inlassablement sur le même ton, « Hang me up to dry » emporte instantanément nos esprits éméchés. On n’en mène pas large. Aucune résistance non plus sur « Used to vacation », toujours aussi implacable. La familiarité des premiers morceaux introduit en douceur ceux de « Loyalty to loyalty », un deuxième album aux mélodies moins indélébiles et plus décousues, mais finalement peut-être aussi plus matures et décomplexées. « Something Is Not Right With Me » séduit par son rock endiablé. « Welcome To The Occupation » par ses exercices de style différents, condensés en un morceau. Il aura fallu une minute, un instant peut-être, pour conquérir. Un signe de tête, une confirmation instantanée pour que le public semble unanime. C’est bien là, l’accord implicite qui est conclu : une heure et demie d’énergie sans compromis. Du coup, il faut aimer cette voix poussée à l’extrême dans les aigus; s’accommoder de cette allure brouillonne et chiffonnée, de ce côté touche-à-tout de l’accent blues du terroir, de ce riff de rock crasseux. Accepter que Nathan Willett pousse le son à l’extrême sans vraiment consulter nos oreilles déjà en feu. Mais puisque c’était dans le contrat, c’est accueilli sans réserve. La folie devient incontrôlable dès les premières notes de « Hospital beds ». Qui se soucie de savoir qu’aucun des Cold War Kids n’a jamais vraiment connu les heures glauques des soins intensifs ? Tout le monde est d’accord de mettre le feu ‘Put up the fire, don’t stop don’t stop, put up the fire on us’. Peu importe qu’on finisse tous en ‘fish and chips’ ; on est en sueur. L’énergie est carrément contagieuse et les refrains se vident de leur contenu pour imposer leurs formes, bousculer les endormis, rappeler à la vie. Laquelle ? On ne sait pas très bien s’il s’agit de celle que les Cold War Kids prêchent en invoquant Dieu par-ci ou par là ; mais puisque c’est ardemment prêché, on se fond dans cette ébullition salutaire. Bénie, en rappel, par le fascinant « Saint John ».
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