En se plongeant dans la musique électronique lors de leurs deux albums parus le même jour, c'est-à-dire ce 29 septembre (« Snowflake Midnight », sous une forme matérielle, et le second, « The Strange Attractor », uniquement téléchargeable via leur site), on se demandait comment Mercury Rev allait transposer cette nouvelle orientation en ‘live’. La réponse en Belgique était donc attendue pour ce 24 novembre. A l’AB de Bruxelles. Et honnêtement, après avoir écouté ces deux opus, j’imaginais un spectacle réduit à des synthés, des boucles, boîtes à rythmes et autres gadgets électroniques. Le tout, bien sûr balayé, par la voix de Jonathan Donahue. En fait, hormis les parties vocales assurées Jonathan, c’est le reste de mes préjugés qu’il a fallu balayer…
Un zeste d’électro à la Terry Riley envahit l’espace sonore, et le supporting act monte sur les planches : Howling Bells. Un quartet impliquant une très jolie chanteuse. A la chevelure couleur de jais : Juanita Stein. Douée d’une très belle voix, pure, cristalline, évoquant tantôt Karen O des Yeah Yeah, Yeahs, tantôt Polley Harvey, tantôt Nina Persson des Cardigans. Egalement préposée à la guitare rythmique. Le line up est complété par un guitariste, un bassiste et un drummer. La formation est de nationalité australienne, mais s’est établie en Angleterre. Eponyme, leur premier elpee est paru en 2006. C’est même le producteur de Coldplay, Ken Nelson, qui l’avait mis en forme. Le prochain opus est prévu pour l’an prochain. Plutôt britock, mais dans l’esprit shoegazing, leur musique ne manque pas de charme, même si les mélodies sont plutôt mélancoliques, voire ténébreuses et inquiétantes. Plutôt doué, le soliste s’autorise l’un ou l’autre périple dans un psychédélisme rappelant Wedding Present ; et en fin de parcours, la chanteuse vient apporter sa contribution percussive sur un tom basse. Régulièrement, le bassiste et le guitariste enrichissent la solution sonore de claviers (ou de synthés, selon !) ; quant au tempo il est souvent susceptible de se convertir à la new wave. On a même droit à une compo hypnotique, réminiscente d’« I want you (she’s so heavy) » des Beatles (NDR : si, si, le dernier et long morceau de la première face d’« Abbey road »). En une petite demi-heure, le quartet a ainsi démontré un potentiel particulièrement ample, même si les enchaînements manquaient parfois de fluidité. Probablement les risques inhérents à une première partie. Signe qui ne trompe pas, quand même, le combo assure ce supporting act pour toute la tournée mondiale du Rev…
20h55, les lumières s’éteignent et les premières images sont projetées sur l’écran, sis à l’arrière du podium. On annonce l’un ou l’autre test. Puis soudain, un film en noir et blanc (NDR : pas d’époque, mais bien imité), sonorisé par une musique charleston nous est proposé. Et dans la foulée, alors que les hauts parleurs diffusent le « Lorelei » de Cocteau Twins (NDR : qu’on a envie de reprendre en chœur), défilent devant nos yeux des reproductions de pochettes (Nico, Dylan, Drake, Cohen, Elliot Smith, etc.) ; mais également des images de maîtres de la littérature (Kerouac, Miller), de films culte (« Paris, Texas ») ou encore des clichés immortalisant le passé du groupe. Et sous les acclamations, Mercury Rev entre en scène. Outre le trio de base, on y retrouve la solide et très efficace section rythmique qui les accompagne en tournée depuis maintenant quelques années.
A première vue, en matière d’innovation instrumentale, on ne remarque la présence que d’une batterie électronique fixée au dessus des claviers. Jonathan porte une écharpe autour du cou et déjà lampe une gorgée de la bouteille de vin rouge qu’il a emportée avec lui, avant de la ranger soigneusement près des drums. Et à laquelle il viendra s’abreuver régulièrement. Le son et puissant. Très puissant même. Ce n’est pas nouveau, mais j’ai l’impression qu’il l’est encore plus que la dernière fois. Et je dois avouer que dès le premier morceau, « Snowflake in a hot world », un extrait du dernier opus, j’ai été littéralement scotché sur place. Et que dire de cette explosion presque atomique produite au milieu du set. Les murs de l’AB doivent encore en trembler. Pendant tout le show, les images vont défiler. Souvent relatives à l’univers, à l’atome, aux océans ou à la nature. Parfois ponctuées de citations. Entre autres d’Aldous Huxley, de Vincent Van Gogh et bien d’autres. Dès le deuxième titre, Jonathan empoigne sa guitare. Et vivifiante, l’électricité se met déjà à crépiter. Chaque fois qu’il va reprendre la râpe pour conjuguer ses échanges avec Grasshopper, les morceaux vont littéralement cracher des flammes. Une lueur brille constamment dans les yeux de Jonathan. Son falsetto fragile, caressant, limpide est susceptible de vous plonger dans un océan de mélancolie douce. Il allie le geste à la parole, caricaturant le rôle d’un chef d’orchestre, le vol d’un oiseau, d’une ballerine, d’un bodybuilder ou encore mime celui d’un humain qui aurait le monde dans sa main… Enfin, ce soir, c’est plutôt le public qu’il a mis dans sa poche… En outre, lorsque la foule applaudit, Donahue sourit. Aux claviers, Jeff Mercel se réserve l’une ou l’autre intervention jazzyfiante, plusieurs interludes ‘ambient’ et puis dynamise de ses interventions aux drums électroniques le percutant et hallucinant, « Dream of a young girl as a flower », un morceau sculpté sur un tempo post house/techno. Impressionnant ! L’ovation en fin de set l’est tout autant. Le groupe applaudit pour remercier son auditoire et quitte les lieux en laissant un fond sonore couvrir les acclamations.
Quelques minutes plus tard, le quintet revient sur le podium et nous livre une fin de parcours somptueuse : « Diamonds », « Goddess on a hiway », le symphonique et intense « The dark is rising » ainsi que l’obsessionnel « Senses of fire ». Nouvelle clameur monstrueuse et nouvelle marque de gratitude de la part de la formation. Qui ne reviendra plus. Heureux, mais assommé, on décide alors de reprendre la route. Il est 22h20. L’horaire a été scrupuleusement respecté. Vu les conditions météorologiques, la prochaine fois, on pourra peut-être emprunter les services des chemins de fer…
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