La salle ‘Henry Leboeuf’, au Bozar, est comble pour accueillir Declan Patrick MacManus, aka Elvis Costello, âgé de 69 ans, et son inséparable bras droit, Steve Nieve. Nieve a milité chez The Attractions et The Imposters, deux des fidèles backing groups qui ont soutenu Elvis, pendant de nombreuses années. C’est la cinquième fois, en 45 ans, que votre serviteur voit son idole. Et à chaque fois, la configuration orchestrale est différente. Mais le concert le plus marquant remonte au 30 mai 2012. Pour la circonstance, le public gérait une setlist de 45 titres à l’aide d’une roue de la chance. Inoubliable !
Impossible de recenser les points forts de l’œuvre de Costello, tellement ils sont nombreux. Ses 32 albums studio embrassent une grande variété de genres. « The Songs Of Bacharach & Costello », un coffret de luxe célébrant sa collaboration avec le regretté compositeur Burt Bacharach, est paru en mars dernier. Il recèle cependant un inédit, le nouveau single « You Can Have Her ». L’an dernier, les deux hommes s’étaient encore produits ensemble, et à deux reprises, sur les planches de l’OLT Rivierenhof, épaulés par le reste des Imposters (NDR : Costello et le band avaient publié « The Boy Named If », en janvier 2022).
A 20h05, les baffles diffusent une sorte de muzak. Les lumières s’éteignent dans la salle. Elvis Costello et Steve Nieve débarquent sur la scène. Costello est vêtu d’un costume trois pièces de couleur noire et coiffé de son éternel chapeau brun. Il s’installe à droite du podium où l’attendent son siège, son ampli, trois guitares électriques et deux semi-acoustiques ainsi qu’une machine qui de temps à autre va dispenser des sonorités de basse et de percus. Il s’assied, empoigne une sixcordes électrique devant un micro vintage. Un autre microphone du même modèle est planté au milieu de l’estrade. Steve campe à gauche face à son piano à queue. A gauche, ses claviers font face à la foule. Il s’empare immédiatement d’un mélodica.
Le set s’ouvre par « When I Was Cruel No. 2 ». Surprise en milieu de morceau, Steve entame le « Dancing Queen » d’Abba aux ivoires.
« Waiting For The End Of The World » embraie. Pas entièrement convaincant. Les sonorités du clavier sont trop lisses pour soutenir idéalement la chanson. Costello résout ce problème en demandant au public de chanter et d'applaudir à la fin. De quoi mettre un peu d’ambiance.
En conteur résolu, Costello explique la manière dont Nieve devait jouer sur des pianos faits maison ou à moitié fonctionnels au début des Imposters, avant d’attaquer « Shot With His Own Gun ».
Elvis raconte l’histoire de « Veronica », une compo qu’il a co-écrite en compagnie de Paul McCartney, mais une toux sévère l’interrompt et il doit reprendre le fil de ses idées. Il dépeint également ses aventures vécues avec Bob Dylan et John Mellencamp. Le public apprécie ces anecdotes et applaudit, alors que certains spectateurs poussent des cris à l’écoute des noms de ces artistes. Le loungy et jazzyfiant « Tolède » rend hommage à Burt Bacharach, décédé cette année, avec qui Costello avait collaboré à plusieurs reprises. Un moment intéressant, même si les cuivres et les chœurs féminins manquent cruellement. Cependant, Costello semble alors avoir retrouvé sa superbe voix de crooner.
Car lorsqu’il s’éloigne légèrement du micro, sa voix semble usée, fatiguée. Il a pourtant toujours ce timbre caractéristique et un style de chant très exigeant, qui se reconnaît entre mille. Nieve a également droit à sa standing ovation lorsqu’il se met à chanter.
Elvis parle beaucoup entre les morceaux, il lâche des vannes, mais parfois son discours tire en longueur.
L’instrumentation s’avère un peu trop dépouillée, surtout lorsqu'Elvis abandonne sa guitare et que Nieve est seul pour l’assurer.
« Watching The Detectives » (l’un des morceaux qui a marqué la prime jeunesse de votre serviteur) adopte un format trip hop. Un pari risqué, même si Nieve souffle dans son mélodica. Et si on reconnaît la mélodie et les accents jamaïcains, ce concept de relecture n’est franchement pas toujours respectueux de la version originale. Mais surtout, il manque un backing group pour faire la différence. Portant, la reprise du « She » de Charles Aznavour va fortement émouvoir l’auditoire. De quoi vous flanquer des frissons partout. D’ailleurs la foule applaudit longuement, à l’issue du morceau.
Nieve prend part aux vocaux pour « (What's So Funny 'Bout) Peace, Love and Understanding ». Le touche-à-tout démontre ainsi qu’il sait également lancer la mélodie. Mais le moment magique arrive lorsque les deux compères reprennent un long et obsédant « I Want You ». De toute beauté ! Sans micro, Costello chante divinement. Et on l’entend distinctement dans tous les coins de la salle.
Après un set de près de 2 heures 30, Costello revient pour interpréter « Alison », dans le public. Puis il déclenche l’hilarité générale lorsqu’il replie sa guitare de couleur verte, avant de recevoir une standing ovation. Ce sera une des rares fois que l’auditoire, plutôt amorphe, va se lever. Et avant de clôturer la soirée par « Over the rainbow », un morceau que Harold Arlen avait composé pour Judy Garland qu’elle avait interprété dans le film ‘Le Magicien d'Oz’, Costello va s’autoriser une cover de « The Wind Cries Mary » du mythique guitariste Jimi Hendrix.
Respect pour cet artiste qui malgré le poids de l’âge a encore de beaux restes.
Setlist : « When I Was Cruel No. 2 » (Elvis Costello cover) (With ABBA's « Dancing Queen »), « Waiting for the End of the World » (Elvis Costello cover), « Lipstick Vogue » (Elvis Costello & The Attractions cover), « Shot With His Own Gun » (Elvis Costello & The Attractions cover), « My Baby Just Squeals », « Pills and Soap » (Elvis Costello & The Attractions cover), « Veronica » (Elvis Costello cover) (acoustic), « What Is It That I Need That I Don't Already Have ? » (Elvis Costello cover), « All or Nothing at All » (Jimmy Dorsey and His Orchestra cover), « Toledo » (Elvis Costello with Burt Bacharach cover), « The Comedians » (Elvis Costello & The Attractions cover), « I Do (Zula’s Song) » (Elvis Costello cover)/ « Watching the Detectives » (Elvis Costello cover), « Accidents Will Happen » (Elvis Costello & The Attractions cover), « Isabelle In Tears » (Elvis Costello & The Imposters cover), « She » (Charles Aznavour cover), « I Still Have That Other Girl » (Elvis Costello with Burt Bacharach cover), « The Whirlwind » (Elvis Costello cover), « (What's So Funny 'Bout) Peace, Love and Understanding » (Brinsley Schwarz cover), « Shipbuilding » (Elvis Costello & The Attractions cover), « I Want You » (Elvis Costello & The Attractions cover), « Couldn't Call It Unexpected No. 4 » (Elvis Costello cover).
Rappel : « Alison » (Elvis Costello cover), « The Wind Cries Mary » (The Jimi Hendrix Experience cover), « Over The Rainbow » (Harold Arlen cover).
Organisation : Greenhouse Talent