La Belgique ne se distingue pas particulièrement pour ses étés caniculaires. Il faut pourtant reconnaître que c’est une chape de plomb qui recouvre le plat pays en ce début du mois de juillet. Je débarque devant le Magasin4, ancien hangar reconverti en salle de spectacle, notoire pour sa programmation alternative. Ses grandes portes de couleur beige lui confèrent un aspect plus qu’anonyme. Seule une petite ouverture au niveau des yeux permet de discerner les lieux.
Je sonne, on m’ouvre. J’explique qu’une interview est prévue en compagnie de Mike IX Williams, le chanteur d’EyeHateGod. Apparaît alors la ‘tour manager’ du band. « Je suis vraiment désolée mais ce ne sera pas possible de voir Mike maintenant… Pour l’instant, il dort », me signifie-t-elle. « Mais si c’est OK pour toi, le reste du groupe est d’attaque…’ Pas de bol, la majorité de mes questions se focalisaient sur la personnalité du vocaliste. Il va falloir improviser.
Je la suis au milieu de la salle de concert encore vide, contourne le bar et arrive dans une petite pièce aux murs jaunis par le temps, éclairée par quelques néons, conférant à la pièce un air plutôt glauque. Quelques tables, sur lesquelles reposent des paquets de chips vides, meublent la pièce. Trois divans occupent la gauche de l’espace. Sur l’un d’eux, Jimmy Bower, paquet de cacahuètes à la main, me lance un regard interrogateur. La ‘tour manager’ lui explique le but de ma présence. Le fondateur et guitariste d’EyeHateGod pose dès lors son précieux sachet, agrippe le dos d’une chaise à proximité et la fait glisser jusqu’à mes pieds. Je m’exécute et pose mon micro sur la table, à côté de ses arachides. Les autres membres du band s’approchent également, formant un cercle autour de l’enregistreur.
Il y a aujourd’hui un peu plus de vingt-sept ans qu’EyeHateGod arpente les scènes du monde entier. Mais la motivation est-elle restée la même depuis le début ? « Tu sais, depuis le temps, on a tous pris de l’âge et on a évolué… Mais au fond, rien n’a vraiment changé. La seule différence c’est d’avoir une plus grand liberté de faire ce qu’on veut et d’accorder davantage de shows aujourd’hui qu’hier…», explique Jimmy Bower. Et si le combo existe depuis aussi longtemps, sous un line-up quasi inchangé (à l’exception du poste de bassiste et de la disparition tragique il y a deux ans du, Joey LaCaze), c’est certainement grâce à leurs inspirations musicales communes. « On écoute tous un peu la même la chose… ce qui explique que lorsqu’on compose ensemble, le processus vient toujours très naturellement. Nous sommes tous des grands fans des Melvins, de Black Flag ou encore de Black Sabbath. Mais on apprécie également les Meteors ou encore Louis Armstrong. Nous disposons tous de collections importantes de vinyles et de disques à la maison, sans lesquelles EyeHateGod ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui et ne sonnerait pas de la même façon ».
En plus d’être une source d’inspiration, Louis Armstrong et le quintet américain partagent un autre point commun : la Nouvelle-Orléans. Ces terres, qui ont vu grandir ces artistes, sont apparemment également propices à la création musicale. « Tu sais, on est tous nés là-bas », explique Jimmy. « La Nouvelle-Orléans est vraiment une terre de musique et spécialement de rock’n’roll. On a vraiment baigné dans différents types de cultures musicales depuis qu’on est gamins. On a grandi en assistant chaque année aux Mardi Gras et aux Praise Parties (Jimmy mime les gestes d’un contrebassiste). On a vécu toute cette intensité musicale et son groove dans notre vie de tous les jours. Je pense que c’est vraiment un avantage d’avoir connu cette richesse musicale depuis qu’on est gosses… », poursuit-il.
Bien qu’actifs depuis bientôt trois décennies, les membres du band américain n’en sont pas pour autant productifs en termes d’elpees studio. « Mais ne t’inquiète pas, notre nouvel album ne mettra plus quatorze ans pour voir le jour », plaisante le fondateur du band, en se référant au laps de temps qui a séparé la sortie des derniers LP’s. « Nous tournons beaucoup pour l’instant, on a donc pas trop la chance d’être à la maison et de travailler sur de nouveaux morceaux… Mais bon, on a quoi… cinq ou six compos pour le moment. Il est probable qu’ils sortent prochainement sur des splits ou des 7inches », embraie Brian Patton, second gratteur, avant de poursuivre : « On a d’ailleurs gravé le mois passé un split avec Psycho (NDR : un live enregistré en 2011), un groupe de Punk issu de Boston ; et on espère prochainement en sortir un autre avec Blast ». Quoi qu’il en soit, les artistes confient qu’ils graveront une nouvelle plaque d’ici la fin de l’année, et prévoient de la publier d’ici le printemps ou l’été de l’année prochaine.
Des compositions qui prennent en effet parfois du temps à voir le jour ; chez EyeHateGod les membres ne composent pas chacun dans leur coin. « On part souvent d’une idée de Jimmy et puis on la travaille pendant un moment. On aime vraiment bien s’approprier un riff qu’on va ensuite jouer pendant 15 à 20 minutes, en cherchant à le rendre le plus lourd possible, jusqu’à ce qu’on se dise : ok, ça va, on le garde ! On est moins dans une optique de type logique mais plutôt dans le ressenti », admet le bassiste Gary Mader. « Mais bon, au début d’EyeHateGod, je dois avouer qu’on n’était pas spécialement originaux… On essayait plutôt de marcher sur les traces de Slayer, Black Sabbath, Melvins, Sabbat, Obsessed ou encore d’autres formations taxées de Stoner ou de Doom », précise Jimmy Bower en rigolant.
Une belle occasion de rebondir sur l’étiquette de ‘pères’ du Sludge qui leur colle à la peau, bien malgré eux : « Tu sais, tout cela, ce sont des étiquettes qui ne sont vraiment pas nécessaires… Bien sûr, il est flatteur d’être considéré comme au top d’un genre musical mais… ce n’est au final qu’un mot. On sait ce qu’on est et c’est de loin le plus important… » se défend Jimmy Bower. « On est juste un groupe de rock, c’est tout ! », enchaîne Gary Mader, avant de poursuivre : « Ces classifications ne décrivent jamais qu’une facette de notre musique, on ne peut pas résumer ce qu’on fait à un adjectif… On a même lu qu’on pratiquait du Doom auquel on aurait ajouté une dose de Sludge et du Stoner, etc. Bref, à la fin, ça ne veut plus rien dire… On est simplement un Heavy Rock’n’Roll band ! », clame-t-il en souriant.
Avoir Jimmy Bower en face de soi, c’est également l’occasion de s’intéresser au grand retour sur scène de Superjoint Ritual, formation qu’il avait fondée au début des nineties, en compagnie de Phil Anselmo (chant) et Joe Fazzio (batterie). Hybride de Groove Metal à la Pantera et de Hardcore, elle avait vu son élan brisé en 2004, suite à des différents entre Anselmo et Fazzio. Dix ans plus tard, il revient avec du sang frais : Stephen Taylor à la basse et Jose Gonzalez derrière les fûts. Son patronyme est en outre amputé de son ‘Ritual’, puisqu’il est sobrement rebaptisé ‘Superjoint’. « Ce changement de nom est tout simplement dû à un line up différent et puis le groupe est dans une nouvelle phase », justifie Bower. Un crochet est-t-il prévu bientôt par la Belgique ? « Figure-toi que cette tournée devait impliquer les deux groupes. EyHateGod et Superjoint. On était en fait supposé tourner ensemble. Mais le Hellfest a voulu se réserver l’exclusivité du premier concert de Superjoint sur le continent européen, le 21 juin dernier… »