Le Persistence Tour est une des plus grandes tournées annuelles européennes consacrée à des groupes de Hardcore. Cette édition 2015, transitant pour l’occasion par le Brielpoort de Deinze, se focalisait principalement sur des formations proposant un style old-school. L’occasion de (re)voir les stars new-yorkaises incontestées de Sick of it All, mais également Ignite, Walls of Jericho, Ryker’s, Turnstile, All for Nothing et Broken Teeth. Quelques heures de prestations de haute qualité, le tout dans un esprit de fraternité propre au Hardcore. Une belle réussite.
C’est en présence d’une salle à moitié vide que résonnent pourtant les premiers riffs de Broken Teeth. Autant certaines premières parties laissent parfois à désirer –ou laissent entrevoir encore un manque d’expérience de la scène– autant les Anglais placent tout de suite la barre assez haut. Deux morceaux s’écoulent et le tee-shirt du frontman est déjà de trop. C’est Hardcore, c’est viril et c’est sans concession. Il faut dire qu’il n’y a pas de temps à perdre ; toutes les formations ne bénéficient que de trente minutes pour faire leurs preuves, à l’exception des deux derniers noms. Les fans du combo sont bien présents, répliquant quand le micro leur est tendu. C’est d’ailleurs une des caractéristiques des concerts Hardcore : la grande proximité avec le public. Une symbiose entre la scène et la fosse à coups d’encouragements virils, de refrains et de cris.
Le drapeau à leur effigie est hissé depuis l’ouverture des portes ; c’est à présent à All For Nothing de prendre le relais. Les Hollandais pratiquent un Hardcore assez traditionnel ; mais se signalent par une spécificité : la présence d’une fille au chant. On pourrait croire naïvement que la première apparence virile et violente de ce style pourrait repousser la gente féminine. Au contraire ! Le band en profite au passage pour égratigner la montée du racisme en Europe, en hissant dans les airs un majeur évocateur. L’extrême droite et la xénophobie sont indissolubles dans ce style de musique. Et les artistes ne manquent jamais de le rappeler. Les gens commencent à affluer et le traditionnel demi-cercle autour de la scène commence à se former, laissant la place aux moshers pour se défouler. Les morceaux s’enchaînent, où la hargne des lyrics passionnés est contrebalancée par des passages mélodiques. On regrettera néanmoins parfois un étirement en longueur de certaines compositions.
La formation quitte l’estrade, laissant un quart d’heure aux roadies le soin de préparer le terrain pour les Nord-américains de Turnstile. L’organisation est à marquer d’une pierre blanche : les timings ont été respectés au poil ! Il ne faut pas attendre la fin du second morceau pour que Brendan, vocaliste du band, saute du podium, grimpe sur les barrières et propose le micro à la foule. Les corps foncent vers le frontman, se jettent l’un sur l’autre afin de pouvoir s’époumoner en compagnie du band. Pas de doute, l’ambiance est montée d’un cran et les t-shirts commencent à coller au corps. Actif seulement depuis 2010, Turnstile pratique un Hardcore old school influencé par Madball et Breakdown. Dans le genre, il fait preuve d’une grande maîtrise en ‘live’ et parvient sans problème à entraîner le public dans son sillage.
Une ambiance parfaite pour accueillir Ryker’s. Le décor prend des teintes rougeâtres, des bruits d’hélicoptère l’envahissent. Les cinq Allemands déboulent et de suite le ton est donné : un set sans concession de Hardcore largement influencé par la scène new-yorkaise. Quand Kid-D ne hurle pas, c’est un grand sourire qui illumine son visage. Le band semble content d’être présent et cette bonne humeur est communicative. Très vite le chanteur, dégoulinant de sueur, vient rejoindre les coreux agglutinés contre les barrières, alors que leur show ne vient que de commencer. Il lui suffit de prononcer le mot ‘circle-pit’ pour que les gens s’exécutent et commencent à tournoyer à l’unisson. Le groupe observe, partagé entre amusement et fierté. Inlassable, c’est sur « Hard to the Core » que Kid-D redescend dans la fosse, mais pour cette fois se mêler directement à la foule. Les fans l’entourent, chacun d’eux recevant à leur tour le micro pour hurler le refrain du morceau. C’est sur « Emergency », tiré de l’Ep studio « A Lesson in Loyalty », que Ryker’s achève en beauté ce set tout en puissance.
A peine le temps de boire une mousse que le prochain band se met en place. Les spectateurs commencent à se serrer pour accueillir comme il se doit Walls of Jericho qui, soyons honnêtes, pourrait également être tête d’affiche de ce genre de show. Sept longues années que le quintet n’a plus sorti d’album… et force est de constater que cette carence n’a pas entraîné l’érosion du nombre de fans ! La salle est plongée dans l’obscurité, l’intro composée de distorsions de guitare devient oppressante et les membres prennent petit à petit leur place sous les acclamations de la foule. Finalement, débarque Candace Kucsulain, chanteuse de la formation, plus musclée que jamais. Cette dernière pratique en effet le powerlifting (un dérivé de l’haltérophilie visant à soulever des charges plus lourdes mais en adoptant des mouvements plus réduits). Homme ou femme, peu de personnes ce soir-là auraient pu faire de l’ombre à sa musculature, c’est dire le côté impressionnant du personnage. « The Ministry », titre d’ouverture de leur dernier opus « The American Dream », ouvre le set. La scène s’enflamme à l’instant. Une bonne trentaine de personne se mettent à mosher. « A Trigger Full of Promises » vient ajouter quelques degrés supplémentaires dans la fosse. Le groupe bénéficie d’un très bon son, décuplant la force des morceaux. Entre les compositions les plus connues, vient se glisser un « Relentless », nouvelle chanson qui devrait figurer sur le prochain elpee des Américains. Une ambiance qui atteindra un sommet lorsque non seulement la chanteuse mais également le bassiste décident de descendre du podium pour rejoindre un public survolté et acquis à sa cause. Trente minutes de prestation, période bien trop courte, qui se clôturent par un « The American Dream », entonné en chœur par un public désormais conquis.
Après un rafraîchissement plus que nécessaire, c’est au tour du Punk-Rock-Hardcore d’Ignite de prendre possession du Brielpoort. Une parenthèse dans cette programmation où le style résolument plus calme de la formation viendra un peu ‘casser’ l’ambiance crescendo alimentée depuis maintenant un peu moins de quatre heures. Détonnant par son chant clair, le groupe s’identifie distinctement comme socialement engagé et soucieux de la préservation de l’environnement. ‘Pendant que nous sommes ici réunis à faire la fête, des milliers de personnes sont actuellement dans la pauvreté la plus totale en Syrie ou encore en Afghanistan. J’ai parfois du mal avec ma conscience quand je me retrouve dans mon bus de tournée comportant tout le confort nécessaire. Je ne veux pas plomber l’ambiance mais soyez en conscient’, lance le chanteur Zoli Teglas. Compte tenu du nombre de refrains chantés en chœur, il semblerait que bon nombre de personnes s’étaient déplacées pour l’occasion.
Une bulle de quiétude réconfortante qui permet d’économiser les forces restantes pour apprécier le show des icônes new-yorkaises de Sick of it All. En quasi trente années de présence, la bande des frères Koller est parvenue à s’imposer comme une référence du monde Hardcore. Armé de leur vingtième album (!), « Last Act of Defiance » –sorti en septembre de l’année dernière– les Américains ont accordé un show survitaminé d’une heure, montre en main. Ouvrant par « Good Loonkin’ Out », les hommes du Queens ont directement taillé dans le gras. Affichant une forme olympique, bassiste, guitariste et chanteur ne cessent de changer de place. Mention spéciale au gratteur Pete Koller qui enchaîne les sauts toute la soirée, qu’ils soient sur place, à reculons ou en exécutant le grand écart. Le tout, évidemment, en ne cessant de jouer. ‘Vous voulez du nouveau son ?’, interroge le frontman Lou Koller. Pas le temps de répondre que retentit déjà « Sound the Alarm », le morceau d’ouverture de leur nouvel LP. « Get Bronx », « Outgunned », « DNC » et « Road Less Traveled » de ce même disque figurent dans la setlist, et le reste des morceaux sont piochés, çà et là, dans l’impressionnante discographie du combo. Ce n’est pas le choix qui manque !
‘C’est la dernière date de cette Perseverence Tour, j’aimerais que vous nous fassiez le plus grand circle-pit possible en passant jusque derrière la console de son’, lance le chanteur. Aussitôt dit, aussitôt fait. Un immense cercle de plus de la moitié de la salle se met à courir sur le rythme effréné des guitares et de la batterie. Quelques chansons plus tard et c’est un ‘wall of death’ qui se forme. La salle se divise en deux, chaque côté du public s’apprêtant à allègrement se rentrer dedans. Tous, sauf deux irréductibles hippies (dixit Lou Koller) et le vocaliste de Ryker’s, descendu dans la foule pour l’occasion et tous trois situés à égale distance des deux camps, prêts à recevoir de plein fouet les coreux en transe. « Us VS Them » clôture la prestation de Sick of it All, qui comme à son habitude, n’a pas manqué de punch et n’a surtout pas failli à se réputation de maître du genre. Les planches seront finalement envahies par une partie du public, invité à rejoindre le groupe afin de fêter, en famille, cette dernière date de la tournée.
(Organisation : Heartbreaktunes)
Pour les photos du Persistance Tour, c’est ici