Direction Frasnes-lez-Anvaing pour assister au spectacle de Faon Faon, qui se déroulera au sein de la Cense de Rigaux, un ancien corps de ferme gracieusement réhabilité, avec goût et raffinement.
C’est la seconde fois que votre serviteur s’y rend. Si l’endroit est élitiste, il reste fort sympathique ! On y vient se détendre sur fond d’afterwork ! Une coutume bien contemporaine !
Le temps particulièrement venteux de cette fin février ne donne pas vraiment envie de prendre la route, d’autant plus que dans cette région du Pays des Collines, les sites boisés sont légion !
Pourtant, le jeu en vaut vraiment la chandelle ! Un duo qui répond au patronyme Faon Faon vient assurer la promotion de son Ep fraîchement sorti ; un disque qui a notamment bénéficié du concours d’Anthony Sinatra ou encore Rémy Lebbos. Du beau monde assurément…
Si dans le langage usuel, le mot ‘faon’ désigne le petit, chez différentes espèces, et tout particulièrement celui du cerf, du chevreuil, du daim ou du renne, il n’est pas ici question de doubler sa progéniture.
Derrière, ce drôle d’appellation, se cachent deux belles et jeunes demoiselles, Fanny Van Hammée et Olympia Boule.
La trentaine à tout casser, elles partagent un projet commun situé à mi-parcours entre électro tribale et folk poétique, naïve et sauvage !
L’histoire de leur rencontre est hasardeuse. En 2008, elles se découvrent au détour d’une jam à Ixelles. Fanny y fête son anniversaire. Olympia l’accompagne sur scène. Un moment intense et d’émotion s’empare alors de cet instant. La réunion fortuite se transformera en amitié sincère et durable.
L’une et l’autre défendent des projets artistiques et professionnels individuels. Puis, un jour, ce qui devait arriver, arriva… En 2014, elles décident de monter une aventure commune, pour le meilleur et sans doute pas pour le pire… Une sage décision au vu du succès critique et médiatique qui est le leur aujourd’hui !
Il est plus ou moins 21 heures 15, donc, lorsqu’elles montent sur l’estrade ! Les néons s’allument !
Fanny, d’un geste sûr, appuie sur l’interrupteur d’une étrange boîte sur lequel est indiqué le nom du groupe. En y regardant de plus près, il s’agît d’un bricolage fait maison ! Elles ont de l’idée dans la caboche ces deux donzelles !
Déjà les interjections et les applaudissements fusent de toutes parts sous les feux des projecteurs. Faut dire qu’elles ont récemment assuré les premières parties de Puggy, Jain ou encore de l’Honnellois de souche et de sang, Antoine Hénaut. De quoi se forger une solide crédibilité dans le milieu !
La salle est pleine à craquer !
Olympia est simplement vêtue d’un short et de bas collant blancs probablement empruntés à Thierry la Fronde. Le haut de corps laisse deviner des formes plutôt sympas et un ventre filiforme. Sans doute des réminiscences d’une carrière de mannequinât éphémère. Elle se campe derrière son pad électronique et un floor tom.
Fanny, elle, a choisi une tenue plus sobre, mais tout aussi sexy : jupette noire et chemisier cousu main sur lequel figure l’artwork du disque réalisé par Cécile Kojima. Elle se chargera atomiser le public à l’aide de ses enveloppes atmosphériques.
Les premières notes donnent le ton ! Cocorico, elles s’expriment dans la langue de Voltaire ! Paradoxalement pourtant, on ressent une lointaine filiation anglo-saxonne ; et pour cause, elles misent en effet davantage sur le son que va procurer le mot, plus que le message véhiculé.
Tout en calibré ! Ouaté même ! On y trouve une étrange mixture de douceur, de volupté et de fébrilité.
Elles ne se contentent pas de dispenser leur expression sonore, naïvement et basiquement. Ce serait beaucoup trop facile pour celles qui, n’en déplaisent à leurs pairs, s’imposent dorénavant dans la chanson française entre une Emilie Simon et une Giédré !
Le show sera ponctué d’un ‘body language’ impressionnant ! Les chorégraphies les plus folles s’enchaînent quitte à s’en déplacer les vertèbres ! Lorsque ce n’est pas les allées et venues dans la fosse qui emboîtent le pas ! Pas facile de contrôler sa testostérone dans pareils cas !
Si la filiation avec les Brigitte peut paraître évidente, il n’en est rien ! Comparaison, n’est pas raison ! Elles ne partagent pas véritablement le même registre !
Les thématiques développées sont parfois d’un premier degré excessif (« Mariage » est une ode au féminisme un rien poussif) quand elles ne laissent pas l’imaginaire prendre le pouvoir (« Faon sous la douche »).
Les textes sont parfois simples (tout comme les structures mélodiques), mais jamais simplistes car ils s’interrogent sur les enjeux sociétaux comme l’écologie (« Eskimo », plage au cours de laquelle la fonte des glaces est abordée en filigrane) ou encore sur l’importance de mettre de bons produits dans son assiette (« Choux de Bruxelles »).
Et si finalement, celles qui sont persuadées que ‘le blanc, c’est salissant’ étaient plus philosophes que Socrate et Aristote réunis ?
Moment intense aussi lorsque Olympia, armée d’un ukulélé, scande ‘Il faut sauver l’amour’, hommage au regretté Daniel Ballavoine, disparu trop tôt…
Quoiqu’il en soit, ces deux biches suivent des chemins sinueux, tendrement sauvages, mais très susceptibles de conduire le public lambda vers une forme d’onirisme ! Elles sont d’ailleurs parvenues à allier fraîcheur et chaleur… C’est ce qu’on appelle de la véritable intelligence artistique !
Et si on se laissait définitivement bercer par cette parenthèse inattendue ?
(Organisation : Jeudis Oui)