Stincky Lou & The Goon Mat
'The Crazy Blue Stuff is proud to present a Roots Blues and Boogie night with Stincky Lou & the Goon Mat!!!' Tout le Delta du Moyen Escaut en parle : du Juke Joint de Zak Janus au fameux Tanasse Pub de Molenbaix! Un duo français très coloré, venu nous faire la leçon : à l'avant-plan, Lou Laurent Goossens toise le public en pinçant la corde de son washtub. Ou de sa contre-bassine, si vous préférez. A l'arrière, Goon Mathias Dalle est manifestement ébahi par son partenaire. La corde rythmique emmène la slide pour aborder le classique "Rollin' & tumblin". Mat chante d'une voix paresseuse, traînarde, un rien graveleuse et poussiéreuse. L'inspiration n'est-elle pas vieille de plus de soixante années ? Et je pense tout particulièrement à ces fameux songsters qui écumaient les routes de tous les milieux ruraux du Sud américain. Mat entame le chant de l'un des plus beaux blues de l'histoire : la complainte du mauvais garçon. Une composition écrite par Eddie Taylor, le guitariste qui restait dans l'ombre de Jimmy Reed. La voix du Goon se fait plus autoritaire pour revêtir l'habit du teigneux de service. C'est le moment choisi par Alain Camus pour donner du groove au rythme, en nous plongeant dans le monde de la boogie music, celui de la "Boogie tonight". N'est-ce pas docteur ? Le guitariste croise une nouvelle fois le regard du Lou qui pue. Le son produit par les cordes est si baveux et tellement sale. Insatiable, Mat se met à hurler à la gloire du boogie. Intenable! Le Lou, lui, il s'en fout. Ses doigts saignent. Il martyrise le son : "I don't care". Mais oui, la contre-bassine déborde, n'autorisant que les cordes fatiguées de respirer à la manière de Lightnin' Hopkins, au cœur de Houston. Retour du côté de Clarksdale, non loin du fameux Carrefour où l'artiste rencontra le diable. Mat pince le dobro de ses longs doigts effilés. Lorsqu'il ferme les yeux, dont il ne peut retenir les larmes, l'intensité se mue en drame. Il reprend "Walkin' man", un fragment issu du répertoire du mythique Robert Johnson. Le silence plombe le duo! "Rock me babe", un des fleurons du Roi BB, marque un retour aux vibrations. Cette sombre nuit du blues et du boogie se termine aux accents du Delta. Les ombres de Sam Hopkins et d'un jeune John Lee Hooker fiévreux, se dessinent sur les murs poisseux, pour laisser Lou et le Goon Mat nous quitter l'âme déchirée. Les fantômes passent. La lumière revient. Nous sommes bien en 2003. Chapeaux bas, gentlemen!