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Les ruptures de Suuns...

Le 6ème elpee de SUUNS, "The Breaks", paraîtra ce 6 septembre 2024. Le trio canadien réunissant Ben Shemie, Joseph Yarmush et Liam O'Neill s'appuie plus que jamais sur ses instincts pop. Pourtant, pour la circonstance, la formation d’avant rock a exploité une…

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Akim Serar

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jeudi, 24 octobre 2013 11:17

And So Sing The Black Birds

J’avais laissé Ending Satellites planer dans des cieux trop vastes et la voûte qui me surplombe semble s’être recroquevillée pour servir d’écrin à ce projet.

Je pensais avoir cerné les limites qui dessinaient des barbelés dans lesquels Damien Dufour semblait devoir s’égratigner sur son précédent essai (« 7 Billion Passengers, Only One Flight »), mais ces fils de fer gisent à présent dans la fange, tandis que ES semble se moquer d’eux, les toisant dans un vol majestueux.

Peut-être me suis complètement fourvoyé ou alors tout simplement Damien Dufour devait apprendre de ses erreurs.

Quoi qu’il en soit, le résultat proposé sur « And So Sing The Black Birds » relève de la haute voltige.

Voyage onirique et instrumental sur pellicule poussiéreuse, la musique prend aux tripes dès le premier instant de ce morceau initial qui donne non seulement son nom à l’album, mais aussi le ton.

Envolées Post Rock sur fonds sépia ou caresses d’ivoire sur grain noir et blanc contrastent admirablement bien avec les explosions chromatiques de guitares abandonnées aux murmures du vent.

Abouti dans la douleur d’un processus retardé, « And So Sing The Black Birds » est le phoenix qui célèbre son avènement en étendant ses ailes où tempêtes et orages s’engouffrent pour mourir.

Ending Satellites est un projet ambitieux qui s’affiche aujourd’hui dans toute sa splendeur et se décline de différentes façons (vidéo, photos, …) téléchargeables gratuitement ou via tout don bienvenu (voir ici)

 

mardi, 22 octobre 2013 03:00

Noces de porcelaine

Célébrant les vingt ans de la sortie de leur premier album, et par conséquent consacrant une carrière foisonnante, les élégants Tindersticks repartaient récemment pour une énième tournée, en opérant un passage obligé en nos terres ce mardi, soulignant les liens spécifiques qui unissent le groupe à notre pays.
Car il est avant tout question d’amour et de respect entre le public belge et la bande à Stuart Staples ; et ce depuis le premier jour.
Infiniment reconnaissant, la formation n’a d’ailleurs jamais manqué l’occasion de nous remercier en nous offrant souvent des prestations exceptionnelles.
Soirée donc placée sous l’égide du souvenir, suspendue aux lèvres de Chronos, Dieu impassible et soufflant les mélodies de nos vies défilant sur l’écran large de nos mémoires. Avec un brin de nostalgie, bien sûr, mais aussi un constat évident : loin de s’essouffler, les ‘Tinder friends’ bonifient au fil des ans et leur musique intemporelle ne souffre nullement des affres du temps.
Petit regard en arrière, par dessus l’épaule, avant de se jeter dans l’horizon qui les avale déjà.

C’est donc en puisant dans le catalogue du band et celui de ses escapades solitaires que Stuart nous prend par la main et remonte en notre compagnie le courant de ces vingt dernières années.

Un set divisé en deux pièces distinctes, comme s’ils assuraient eux même leur première partie.

Les sièges de la machine à remonter le temps sont confortables et sujets à l’abandon total. Les aiguilles du prompteur ne s’affolent nullement. Le voyage sera accompli en douceur.

Première escale en deux mille un puisque le concert s’ouvre par « Tricklin’ » et sa boucle d’effets enroulant la voix sensuelle de son chanteur, la répétant en écho distinct, comme autant de réverbérations dans ces couloirs de verre ou le sable s’égrène lentement.

Puis place au soleil (un soleil voilé) de « Marseilles Sunshine » et ses perles lumineuses extraites du premier essai solo.

En apnée et glissant le long d’une paroi au relief rectiligne, le trajet continue, sans encombre et nous mène jusqu’à l’entracte, où « Dancing » nous abandonne le coeur tremblant, même si la setlist (voir plus loin) est écourtée à la surprise de certains des membres.

L’intervalle voit les spectateurs aller et venir dans les allées du Cirque Royal comme autant de formes floues se déplaçant en accéléré sur le mur de la réalité avant d’être happées de nouveau par la présence impressionnante des musiciens revenus au-devant de la scène.

Le deuxième acte s’ouvre par « Sometimes It Hurts » et poursuit son chemin au cœur de paysages couleur pastel, imbibés par l’ivresse d’une musique portée vers ses sommets par un groupe à l’apogée de ses moyens.

Révélant au passage son incroyable et insolent talent à torcher des chansons aux filiations indéfinissables.

« Another Night In » arrive alors et donne encore plus d’ampleur à ce somptueux ensemble.

Le public frémit dès les premières notes émises par le violoncelle.

S’ensuit alors la spirale ascendante qui porte l’assemblée aux nues, là où cuivres et cordes s’embrassent dans un baiser aux larmes retenues.

Laissés pantelants, calés dans nos fauteuils, nous buvons de ce calice jusqu’à la lie et en redemandons encore.

Tindersticks poursuit son trajet, s’attarde un temps sur son dernier album en date, « The Something Rain » (dernier si on ne tient pas compte d’« Across Six Leap Years » sorti cette année et qui revisite certains titres ou encore la bande originale du film « Les Salauds » dernière collaboration en date entre les prolifiques Anglais et la réalisatrice Claire Denis), repart en arrière (« City Sickness »), rebondit sur la ligne du temps et achève de nous balader dans les brumes de « My Oblivion ».

Le rappel est attendu et vient s’échouer comme une vague sur une plage abandonnée après la tempête.

La choriste, relativement discrète jusqu’alors avance jusqu’au bord du podium et sa voix prend de l’ampleur, entamant avec Stuart le duo sur « Travelling Light », titre résumant à lui seul cette soirée.

À la question, « Can WeStart Again », nous répondons oui à l’unanimité, tandis que « Sister » clôture cette nuit, cette plongée dans cet univers majestueux, étalé sur deux décennies.

Sous les applaudissements nourris d’une standing ovation, Stuart et les siens nous quittent en souriant pleinement.

Rendez-vous est d’ores et déjà pris demain alors qu’hier n’est pas encore achevé.

Setlist:

Tricklin (Can Our Love)
Marseilles Sunshine (Lucky Dog Recordings, stuart solo project)
A Night So Still  (The Something Rain)
Hushabye Mountain (Dick Van Dyke Cover from Songs For The Young At Heart, Stuart Side project)
Come Feel The Sun (The Hungry Saw)
She’s Gone (II)
Dancing (Curtains)
Friday Night (7”) Non interprétée
The Organist Entertains (The Hungry Saw) non interpretée
Sometimes It Hurts (Waiting For The Moon)
Iif You’Re Looking For A Way Out (Simple Pleasures)
Another Night In (Curtains)
Show Me Everything (The Something Rain)
This Fire Of Autumn (The Something Rain)
City Sickness (I)
My Oblivion (Waiting For The Moon)
Sleepy Song (II)
Say Goodbye To The City (Waiting For The Moon)
A Night In (II)
I Know That Loving (Simple Pleasure)
Slipping Shoes (The Something Rain) Non interprétée
What Are You Fighting For? (7”)
Travelling Light (II)
Can We Start Again? (Simple Pleasure)
My Sister (II)

(Organisation : Live Nation / Botanique)

 

vendredi, 27 septembre 2013 13:25

Allthafa (Ep)

Cet Ep quatre titres s'ouvre à l'écoute comme une fleur saisie par l'aurore, tout en délicatesse.

« Allthafa » dégringolant sur les pétales de nos sens aux aguets.

Les Liégeois signent ici une fort belle entrée en matière, une mise en bouche réussie avant le grand test du premier album, attendu pour 2014.

Si cette ‘Dream pop’ de qualité regorge encore parfois d'évidentes influences que je vous laisse le soin de découvrir, on ne peut que s'incliner face à la simplicité décomplexée avec laquelle le groupe nous transpose dans son univers délicat et délicieusement rythmé.

Une richesse de sons et une inventivité renouvelée, certes, sur courte durée, mais qui laisse présager un avenir pavé de bonnes surprises.

Après les prémices de « Woods Signs We Found » (démo de deux mille onze), la journée s'annonce donc radieuse…

 

vendredi, 20 septembre 2013 03:00

Du neuf avec des vieux

Un peu d'histoire pour commencer, puisqu'il est plutôt rare d’échouer dans ce pavillon érigé en 1958, à l'occasion de l'Expo universelle.
En tout cas, pour ma part, c'était la première fois.
Un endroit insolite et quelque peu oublié, mais qui a vu défiler quelques grands noms du Jazz tels Benny Goodman, Count Basie, Duke Ellington et Sarah Vaughan, entre autres.
Un magnifique bâtiment qui défie le temps et se voit offrir une seconde jeunesse.
Le temps d'un week-end (et en attendant d'autres programmations toutes aussi excitantes et ambitieuses dans le futur), l'Ancienne Belgique se mettait donc à l'heure américaine.

Au lendemain du concert de BRNS, l'affiche du jour proposait donc un voyage sur deux étages au pays de l'expérimentation et de l'audace intemporelle.

Un fil conducteur qui permettait à des artistes très différents de se retrouver dans ce cadre judicieusement choisi à l'acoustique remarquable (surtout dans la grande salle).

On commence dans le bar où à mon arrivée, Anna Van Hauss Wolf en est déjà à la moitié de son set.

Un univers particulier que j'avais découvert à l'écoute de « Ceremony », un album qui m’avait laissé sur une impression mitigée.

Impression somme toute renforcée ce soir après la prestation de la jeune Suédoise.

Anna Michaela Ebba Electra von Hausswolff de son vrai nom n'est pas très grande (à l'inverse de son patronyme), mais son énergie décuple ses forces sur scène, instaurant une dynamique dont le groupe se nourrit pour insuffler une dimension plus noisy à son petit théâtre de poche.

Mais ces incursions soniques mêlées à d'évidentes aptitudes lyriques (la donzelle possède, il est vrai, du coffre dans une si petite cage thoracique) n'arrivent pas à me persuader outre mesure.

Est-ce dû à mon arrivée tardive ou simplement à ma réticence du départ ? Mais quoi qu'il en soit, le set se termine sans retourner le moindre de mes follicules pileux.

Des poils pris à revers, par contre, en pénétrant dans la grande salle.

Alors qu'une douce musique berce mon entrée, je m'étonne du nombre restreint de spectateurs qui ont pris place devant la lourde tenture noire...

Avant de me rendre compte que Múm s'exécute déjà derrière le sombre tissu. C'est donc au-delà des strapontins que se joue la pièce ce soir.

Alors, je pénètre dans la musique, autant que celle-ci me pénètre.

« Sveitin Mila Sanda » est entamé depuis quelques instants, et je me retrouve enchanté par la grâce et la justesse de ce bel ensemble venu du Nord.

Jouant avec la légèreté comme la gravité, les Islandais, tout en contretemps sur ce morceau féerique, distillent magistralement sons analogiques et expérimentations aventureuses en terres électroniques.

Mélodica et chant dansant dans l'air, telle une feuille d'automne, bidouillages enfantins et jeux de clochettes, ukulélé ou cordes pincées, étouffées, grattées apportent certainement une grande richesse aux compositions de ce groupe atypique.

Si la magie de ce premier morceau ne perdure pas sur la longueur du concert, il n'en reste pas moins que cet ensemble hétéroclite d'instruments traditionnels mariés aux sonorités modernes dégage une beauté fragile rehaussée d'audacieuses expérimentations.

Expérimentation. C’est bien le mot clé de ce soir.

Le mot est lâché. La bête aussi.

Wolf Eyes évolue sans doute aux antipodes des aspirations mélodiques de Múm.

Ici, le concept abrupt rejoint plutôt l'enfer que le paradis, et on descend le Styx à la nage, s’autorisant, au passage, un bain de lave corrosive.

Un concept qui manque néanmoins d'aboutissement. Il a beau dépasser certaines limites, il ne va pas assez loin.

En résulte du bruit pour le bruit et des morceaux entre improvisations nihilistes et mantras calés sur bandes mais malheureusement amputés de réelles transgressions hypnotiques.

Malmenant l'auditoire mais ne le molestant pas, le trio d'Ann Arbor fait toutefois bonne figure dans ce contexte aventureux.

Mais il n'est pas étonnant de voir le bar se vider pour s'amasser le plus vite possible devant la grande scène.

C'est donc face à un parterre bien rempli (le concert d'aujourd'hui n’est pas sold out à contrario de celui de la veille) que Wire entame son concert.

Vétérans de la scène Punk puis Post Punk (et d'autres étiquettes au passage), les Anglais prouvent à nouveau que la qualité n'est en rien altérée par le poids des années.

Actifs depuis 77, le groupe emmené par Colin Newman a donc un fameux panel de morceaux à nous offrir et va puiser dans sa large discographie pour nous proposer un concert d'excellente facture, guidé par « From Change Becomes Us », le petit dernier en date, qui loin d'être passéiste, réutilise du matériel abandonné pour différentes raisons, dans les années quatre-vingt pour en faire du neuf. Et ça fonctionne.

Ironiquement, la prestation démarre au passé composé (« 23 Years Too Late ») et va revisiter la grammaire du combo aux trois carrières distinctes.

Ainsi, le plus que parfait (quelques indémodables de leur catalogue, dont « Marooned » en rappel final ») se conjugue au futur simple grâce à des inédits composés récemment (« The Flying Dutchman », « Blogging Like Jesus » et « Swallow Corn »)

Si les outrages du temps se devinent sur leurs visages ridés, le Dieu Chronos ne semble pas avoir d'emprise sur leur sens créatif, et Wire allume une à une les étoiles, qui ce soir, ornent  le drapeau du pavillon.

On notera l'apport tout en richesse d'une pléiade d'effets ajustée de main de maître par  Matthew Simm, guitariste qui a rejoint le groupe en deux mille onze et dont l'approche musicale, orientée sur le son, ne pouvait que rendre justice à Wire.

La conclusion s'impose donc d'elle même : sur le fil de l'audace, ce sont encore les moins jeunes qui gardent le mieux l'équilibre.

Je quitte donc ce fantastique décor en espérant y revenir bientôt.

Putain, putain, c'était vachement bien.

Ce soir, nous étions tous des Américains.

Anna Van Hauss Wolf + Múm + Wolf Eyes + Wire

(Organisation : AB)

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dimanche, 15 septembre 2013 03:00

Chercheur de noise

Extrait de bord du commandant :
'Dimanche quinze septembre, dix-huit heures. Le ciel est bas. Il va pleuvoir. Sur les bords du canal, la fête foraine bat son plein. Ici, les gens affluent et garnissent complètement le navire. La tempête s'apprête à sévir. Non pas dehors, mais au-dedans.
L'air se solidifie lentement et devient compact tout autour. Le plafond bas semble écraser la minuscule scène qui d'ici trois-quarts d'heure tremblera sous les lacérations soniques du trio de Brooklyn.
Tout est en place.
Larguons les amarres.'

Nous sommes arrivés de bonne heure. Heureusement. Dix huit heures quarante-cinq, heure locale et nous sommes priés de monter sur le pont.

La planche de salut tremble sous l'effet d'un vent froid. Le vent est chez lui, ici.

La pluie s'est mise à tomber. Droite et sans pitié.

Le décor est planté.

Nous montons sur la planche, et sans nous retourner, nous sautons dans le vide.

Comme chaque soir.

Un larsen serpente au milieu des eaux troubles, et s'amplifie graduellement.

Tentaculaire, il s'inocule dans nos veines et s'immisce dans nos têtes, prêtes à exploser.

Puis, il se prolonge à l’infini tandis qu'un bruit sourd et blanc traverse l'atmosphère.

Le jour n'a pas encore quitté la plaine du Champs de Mars. Mais la nuit s'est déjà invitée et nous enveloppe.

La longue pente glissante nous propulse au-devant d'une assistance compacte et serrée. « Slide » s’extirpe de nos cordes, des fûts et de nos corps, puis rampe sur les murs, se colle aux hublots, s'empare des lieux, tandis que les voix tentent de se frayer une place au milieu du bruit.

Le bruit partout, entité de granit qui adopte toutes les formes souhaitées.

Dans son prolongement opaque, la lumière s'éteint, vacille sur elle même, s'éparpille en éclairs saccadés.

Nous sommes A Place To Bury Strangers et nous sommes les conducteurs de ce bruit.

Nous l'amplifions, le déformons à notre guise, et le déposons aux pieds de ses adorateurs.

Car le bruit est beau. Puissant et magnétique.

De nos chansons, il s'amuse et les transfigure.

Le bruit nous a adoptés, puis nous l'avons dompté.

Nous sommes A Place To Burry Strangers et nous sommes le bruit.

Setlist :

Slide
Petit Empire
In Your Heart
Ego Death
Ocean
Don't Look Back
Drill It Up
Deadbeat
Fear
I Lived My Life

(Organisation : A Gauche de la Lune)

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vendredi, 13 septembre 2013 03:00

Songs From Another Room (Cd + Dvd)

Des artistes qui d'habitude font chambre à part se réunissent ici dans un concept pour s'adresser autant aux oreilles qu'aux yeux (NDR : et il est vivement conseillé d'utiliser les quatre).

Le principe de cette auberge espagnole est simple, autant que pertinent : offrir à ces talentueux inconnus qui gravitent tous dans la sphère indépendante, une totale liberté d'expression.

Ce recueil propose donc neuf titres déclinés en Cd, Dvd et autant d'illustrations monochromes autour d'un bien bel objet collector qui attire d'abord la curiosité.

Foncièrement DIY dans son approche, « Songs From Another Room » reflète donc une envie ambitieuse de se démarquer dans la grisaille actuelle et de rendre ses lettres de noblesse à l'objet tant qu'à la production ; mais le tout, fait à la maison et avec peu de moyens…

À tout seigneur, tout honneur, commençons donc par le doyen de cette aventure, Robert Stevie Moore, plus iconoclaste qu'icône vivante, malgré sa carte de visite, qui depuis la fin des sixties a déjà publié plus de quatre cents albums dans les circuits qu'on imagine les plus undergrounds.

Artisan de l'ombre, le bonhomme qui a collaboré avec pas mal de beau monde (et on épinglera Tim Burgess des Charlatans, mais on pourrait de même citer Ariel Pink ou MGMT) propose ici un titre issu de ses archives pléthoriques mais pas rhétoriques.

Ainsi, « Lone », datant de soixante-sept est l'archétype du home recording servant idéalement d'introduction à cette entreprise dont Moore se fait le parrain.

Si le son issu d'une vielle cassette a immanquablement pris des couleurs délavées, le morceau en lui-même garde sa fougue d'antan, joyeusement foutraque et insouciante, laissant filtrer des pans de lumière au travers des persiennes et permettant à la poussière de danser dans l'opacité du temps. Comme si le spectre de Syd Barrett se trémoussait sur une plage brésilienne.

Pour lui emboîter le pas, Les Filles Et Les Garçons choisit la voix d'une Pop assistée par ordinateur (« Sea »). Là où les moyens divergent, on garde néanmoins une certaine cohérence vu la méthode de travail pas si éloignée, même si les outils sont forts différents et le son bien plus léché plus de quarante années plus tard.

Une promenade balnéaire rafraîchissante, dont les fragrances sont empruntées à New Order.

Vient ensuite le tour de Benjamin Lozninger dont le « (Backing) The Wrong Horse » prolonge le bain en eaux troubles.

Emmenant dans le sillage de ses courants chauds un spleen fantomatique qui rappelle de loin la silhouette du regretté Mark Linkous par la grâce de cette douce mélodie bricolée à la lumière scintillante des étoiles et rehaussée de quelques inventives interactions.

Alors, dans un dernier galop, le morceau s'achève dans un bruissement sale comme des draps froissés, après une après-midi d'amour.

Pour continuer, retour à l'Electronique en compagnie d’A. P Witomski dont les influences s’avèrent particulièrement évidentes sur ce titre. 

La bio nous apprend que ces initiales mystérieuses cachent en fait un docteur en physique. Cet esprit mathématique s'exprime sur « In A Sense Of Conformity » en lui insufflant la froideur des machines mais en prenant soin de laisser transparaître un feeling mélancolique qui fait mouche. Se déjouant des lois (qui en physique définissent un rapport immuable entre plusieurs grandeurs), la Synth Pop de ce Grenoblois renvoie au son des eighties, fidèle aux sonorités de ses maîtres mais loin d'en être esclave.

Une basse vient ensuite baliser le chemin pour Marc Desse et sa Cold Wave en français dans le texte.

Exception dans cet ensemble exempt de règles, « Video Club » a bien entendu des connotations très Frenchie.

Mais là aussi, le duo passe l’écueil du passéisme et fait la nique aux révérences datées.

Un moment d'ivresse en seize-neuvième qui se moque de la justesse de ton pour afficher un sourire juvénile et botter les culs qui se dandineraient nonchalamment entre deux chaises.

Le ton redevient plus solennel chez St. Augustine dont le folk lorgne vers des révérences davantage contemporaines.

Boisée et mûrie dans une cage thoracique en cèdre, la voix de François Régis Croisier renvoie vers cet Amérique aux paysages sans fin, croisant les envolées lyriques de Midlake et les bidouillages enfantins de Grandaddy.

Une culture anglo-saxonne qui colle aux basques de cet œuvre hexagonale mais plus en tant que référence que véritable révérence.

Ainsi, Sutja Gutiérrez et His Clanneyness se placent alors judicieusement au bon endroit pour changer de cap et relever le nez vers la voûte céleste.

Sillonnant une constellation habitée entre autres par le vaisseau M83, tant l'Italo-canadien Jonathan Clancy (dévoilant « Slash The Night (Version 1) ») que l'Espagnol (« You Are God (Version 1 ») ramènent notre attention vers des sonorités plus digitales.

Sonorités qui se perpétuent sur le dernier morceau de ce CD.

Soit une mélodie minimaliste qui au fil de quatre minutes que dure « You Wanna Sing » fait la synthèse de cet elpee, tout fait main mais non pas cousu de fil blanc.

Ceci pour n'aborder que l'aspect audio de cette pièce.

Du côté des vidéos, le soin apporté par les différents réalisateurs est bien entendu à l'image de la qualité intrinsèque de chacun de ces morceaux et fidèle aux préceptes du Do It Yourself.

Soit imaginatifs bien que dénués de grands moyens.

À ce titre, mention spéciale au clip de « Modern World » et surtout à celui de « Vidéo Club » (sic!)

Soulignons aussi le travail graphique de Mathieu Labeille, superbement mis en image sur « (Backing) The Wrong Horse ».

Pour conclure, « Songs From Another Room » constitue donc un voyage entre Folk et Electro au pays du trois fois rien, là où les idées et certains talents s'expriment librement, loin des contraintes du quotidien, rendant justice (et justesse) à l'expression artistique.

mercredi, 11 septembre 2013 03:00

Psycho trip

Les couloirs du temps se rétrécissent et il n'est plus nécessaire, de nos jours, de posséder une Delorean pour en arpenter les longueurs, largeurs ou toutes autres dimensions.

En empruntant un des vecteurs les plus communs et des plus usuels, je fais route ce mercredi soir vers des contrées hors de portée des affres de la nostalgie, inoculant cette substance non prohibée que l'on nomme simplement bon temps.

Par contre, il serait plus qu'opportun d’enfin concevoir la téléportation !

À défaut de cette grande et belle invention future, j'arrive alors qu’Elephant Stone vient d'entamer son set.

Mince, il est déjà sitar ?

Ben oui, dès les premières rasades, il est évident qu’Elephant Stone n'a pas inventé la roue ; mais ces Canadiens, emmené par leur bassiste, Rishi Dhir, disposent d’un certain potentiel pour renouer avec les trames de motifs sixties tout en y incorporant des éléments de musique traditionnelle indienne.

Passant judicieusement de la basse aux cordes pincées de son noble instrument à manche long, l'ex-membre des High Dials fait valser les compositions outrageusement pop de son répertoire.

Le résultat est donc à ranger dans la catégorie Revival aux côtés de Miles Kane, par exemple, plutôt que sur l'étagère où trônait Cornershop.

Si une écoute distraite avant leur passage n'avait guère affolé les aiguilles de mes potentiomètres, leur concert m'a permis de revoir mes premières impressions à la hausse. Beaucoup moins niaises qu'il n'y paraît à premier abord, leurs compositions recèlent de fort bonnes mélodies, rehaussées de galvanisantes montées sonores assénées par un excellent guitariste.

Et à aucun moment, les ponts brodés au sitar ne viennent encombrer le sentiment de légèreté qui émane des titres proposés.

À l'aise dans son français (et pardon aux néerlandophones), Rishi et son band nous laissent donc sur une agréable impression, tout en sourire et remerciements sincères.

Finalement, la pertinence de cette double affiche apparaît sous la lumière nouvelle de ces quarante minutes, et l'on comprend l'engouement des Black Angels de les emporter dans leurs bagages.

Du bagage, les Texans en ont pris depuis la première fois où je les ai vus en concert.

En quelques années, ils sont devenus incontournables et malgré un crochet récent à la frontière hollandaise, dans le cadre d’un festival gratuit, il n'est pas étonnant que l'Orangerie soit comble ce soir.

Le public enthousiaste (dont certains énergumènes survoltés) ne s'y trompe pas et réserve à chaque titre un accueil chaleureux.

En une heure et demie de passage à la moulinette, de télescopage chromatique et de réverbération hallucinée, les sens tanguent sous la houlette d'Alex Maas et sa clique d'anges ténébreux.

Pas de temps mort. C'est pied au plancher que le groupe d'Austin emballe son auditoire.

Chant incantatoire, pop noyée d'effets multiples, orgue grésillant et assaut de noise, le tout précieusement enrobé du linceul de gloires éternelles, du Velvet aux Doors en passant par 13th Floor Elevators.

La tête dans le tambour d'une machine qui abriterait du beau linge coloré, mais dont le bruit de moteur pétaraderait jusqu'aux portes de l'enfer, nonobstant la dose nécessaire d'adoucissant ajoutée, afin que le groupe entre dans la légende.

Un bref aperçu des titres joués ce soir permet de se rendre compte de l'évolution du band, restant intègre et fidèle à sa ligne de conduite.

Une recette sans cesse génialement réinventée qui donne substance et matière à des morceaux devenant au fil du temps classiques du genre.

Bref, on n’est pas prêt d'arrêter d'en parler de ces anges noirs.

Après cette avalanche de morceaux imparables ponctuée par « Young Men Dead » en apothéose, je n'ai plus qu'à plier genou à terre, tirant ma révérence, définitivement aux anges.

(Organisation : Botanique)

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samedi, 07 septembre 2013 19:32

Tomorrow's World

Sur papier, le projet parallèle de Jean Benoît Dunckel et Lou Hayter a de quoi susciter autant de craintes que d'attentes.

Pour rappel, le premier est la moitié du duo Air, tandis que la seconde s'est illustrée jadis au sein de New Young Poney Club (NDR : responsable de deux très recommandables albums entre 2007 et 2010).

Reste que des mariages foireux, on en a connu plus d'un.

Alors quand on y ajoute foison de références littéraires et intellectuelles dans la bio (des Liaisons Dangereuses aux couples de légendes tels Gainsbourg/Bardot en passant par les écrits de JG Ballard ou les délires visuels de David Lynch ou encore l’acuité maligne d'un Man Ray) on aurait tendance à se raidir un tantinet.

Quelques commentaires poussifs parcourus en diagonale encouragent même carrément à la fuite en avant, tout berzingue.

Mais on le sait : la musique et les mots sont deux choses très différentes qui, comme diraient certains, vont très bien ensemble...

Les premières notes de « A Heart That Beats For Me » sont donc celles qui vont éclairer notre route au cœur de la nuit opaque.

Une ondée s'évaporant d'un clavier d'ivoire.

La voix de Lou Hayter qui se répercute en échos diffus comme introduction au futur.

Celui des minutes qui vont se diluer prochainement en compagnie de ses sonorités délicieusement rétro-futuristes.

« Think Of Me » enchaîne donc le périple et nous renvoie en arrière dans cette boucle spatio-temporelle.

Slow sucré et entouré d'une aura de velours légèrement suave.

Un étrange pouvoir de séduction pour une comptine d'apparence si anodine.

Ce qui ne manque pas de faire songer au second degré d'Angelo Badalamenti s'illustrant sur la bande son de ‘Twin Peaks’ (et notamment lors de cet épisode où James Hurley entonnait une mélodie guimauve de sa voix de fausset).

Mais outre cette somme de références plus ou moins difficiles à endosser, c'est surtout le spectre de... Air qui plane sur ces onze titres.

Cette atmosphère palpable et aux contours floutés enrobe agréablement la mélancolie qui transperce chacune de ces chansons.

Même en français dans le texte (« Pleurer Et Chanter »), la dragée fond sous la langue et certaines audaces rythmiques sont du reste du meilleur effet («  So Long My Love » qui lorgne vers Beak).

Bien sûr, on navigue à tout moment au sein d’un univers balisé (« Don't Let Them Bring You Down » tout droit issu de la BO de ‘The Virgin Suicide’)

Mais si la ballade de Lou et Benoît ne défriche pas de nouveaux territoires, loin s'en faut, elle revisite brillamment les routes tracées dans les paysages fantomatiques de nos mémoires imbibées de références littéraires, télévisuelles, cinématographiques et autres.

Bref, une bien agréable virée.

 

mardi, 03 septembre 2013 03:00

Just remember that deaf is not the end

Plus de vingt et un an après que les aiguilles de l'observatoire Royal de sismologie se soient mise à danser au son du légendaire groupe emmené par l'énigmatique Kevin Shields, l'AB accueillait à nouveau une horde de fans désireux de se faire perforer les tympans.
Suscitant autant d'enthousiasme que de mines circonspectes, le concert de ce mardi trois septembre a relancé l'éternel débat qui déjà divisait l'opinion en avril 1992.
Soit : que penser de ce bruit qui se répand comme la lave, figeant l'auditoire ou l’incitant à fuir selon les circonstances et les conditions d'écoute.
Adulés par certains, honnis par d'autres, My Bloody Valentine ne fait certes pas l'unanimité et le concept de ce mur du son qu'ils ont bâti comme une forteresse autour de leurs personnalités renfermées divise les avis autant qu'il n'a(ba)sourdit.
Mais après un retour chahuté où ce concept avait été poussé à son paroxysme (cf. leur prestation au Pukkelpop accordée en 2009 au cours de laquelle la puissance développée en décibels allait, pour de nombreux spectateurs, au delà du supportable), le groupe semblait avoir compris que les spectateurs étaient en droit d'attendre autre chose qu'un magma sonore inaudible susceptible de mettre en péril leur intégrité organique.
Mur du son, certes, mais dont les brèches permettent aux mélodies de se faufiler.
Sauf que...

Sauf qu'on ne change pas les habitudes.

Il est vingt heures quarante-cinq et le set va bientôt débuter.

En arrière-fond de la scène, un message du band déplore que notre pays soit le seul à s'enorgueillir d'une loi visant à limiter les nuisances sonores.

Et oui, Kevin, depuis les nineties, le vent à tourné...

Soit dit en passant, la formation savait à quoi s'attendre, puisque je me suis laissé dire qu'il était question un moment que le Cirque Royal les accueille dans le cadre des Nuits Botanique, avant qu'ils ne refusent de se plier à cette même ordonnance.

Donc, revenu sur cette décision et décidé à néanmoins s'offrir au public belge, le quatuor entame son concert par « I Only Said », non sans égratigner cette politique de protection de l'ouïe par le biais d'une remarque caustique en guise d'introduction.

De la voix de K. Shields, c'est quasi tout ce qu'il nous sera donné d'entendre.

Pas de surprise.

En effet, il est communément admis (du moins par la frange fidèle de ses fans) que le combo met en avant le son des guitares (oui, LE son) au détriment des mélodies vocales qui elles, sont mâchouillées à l'extrême et à peine perceptible dans le boucan électrique.

Si ce sous-mixage a de quoi étonner, il paraît quand même logique que ce qui est produit en studio –et met en valeur ces mélodies– soit en ‘live’ mis entre parenthèse pour des raisons techniques évidentes (essayez de chanter sans vous entendre et vous comprendrez).

L'idée n'étant pas de reproduire une copie plus ou moins conforme de ce qui existe sur album, il est alors fait appel à nos mémoires affectives.

Ainsi, au delà de cette chape écrasante et de ce tumulte assourdissant, les mélodies se fraient une place non pas depuis la scène, mais en toile de fond, quelque part dans notre subconscient.

Car avant toute chose, un concert de My Bloody Valentine reste une expérience.

Éprouvante, qui se joue de la facilité, intègre et fidèle au précepte du bruit élevé au rang sacré.

Sans fioritures.

Un pavé lancé en plein figure.

Il faut donc être un minimum préparé et se montrer conciliant.

Et donc venir en connaissance de cause.

Restent donc ces vagues successives qui viennent nous harponner sans relâche, nous faisant tanguer (et certains sombrer).

Aux classiques « When You Sleep », « You Never Should », « Honey Power » et « Cigarette In Your Bed » vient se greffer « Only Tomorrow » qui en réalité ne sera qu'un des trois titres extrait de « MBV » leur dernier opus en date.

Une sorte de ‘Best of’ donc, qui bien sûr, enchante les jeunes quadragénaires constituant une grande partie de l'auditoire.

Souvenirs d'une époque glorieuse mais qui vit une nouvelle jeunesse et dont MBV restera à jamais le fier étendard, assurant la filiation avec bien des mouvements d'aujourd'hui.

À ce jeu d’échanges, remarquons que le groupe insuffle à ses nouvelles compositions quelques pertinentes inflexions en territoires audacieux.

Comme cette Drum'Bass qui tapisse « Wonder 2 » dont la version ‘live’ malheureusement, est à mon sens quand même fort brouillonne et pataude.

Au final, « You Made Me Realize » et son intermède sonique tant redouté (une montée en puissance qui ferait passer un ensemble de moteurs de F16 pour une chorale pastorale et s'échelonne selon les prestations entre une poignée de minutes jusqu'à une demi-heure d'un insupportable vrombissement) sera ramené ce soir à sa plus simple expression, étouffé sans doute par les impératifs cités plus haut.

Les avis criés plus que chuchotés après le show (surdité oblige) continuant d'alimenter le mythe My Bloody Valentine pour les deux prochaines décennies…

Setlist :

1.         I Only Said
2.         When You Sleep
3.         You Never Should
4.         Honey Power
5.         Cigarette In Your Bed

6.         Only Tomorrow
7.         Come In Alone
8.         Only Shallow
9.         Thorn
10.       Nothing Much To Lose
11.       Who Sees You
12.       To Here Knows When
13.       Wonder 2
14.       Soon
15.       Feed Me With Your Kiss+
16.       You Made Me Realize

(Organisation: AB)

 

vendredi, 23 août 2013 18:59

Questions & Answers

En premier lieu, on est accueilli par une fort charmante voix. Alors on pousse le pas de la porte et on lui emboîte le pas.

L'intérieur est plongé dans la pénombre et il y fait poussiéreux.

Et pour tout dire, il flotte comme un parfum d'ennui.

Caractérisé par son rythme claudiquant, le deuxième titre, « Bite », nous invite à reconsidérer mon opinion.

On s'installe dans un vieux sofa et on se saisit de la bio qui traîne dans un coin.

En guise de « Questions And Answers », on n'en apprend guère sur cette maison, basée quelque part entre Copenhague et Berlin.

Le temps passe et on se met à bâiller.

On se dit qu'en haut, c'est peut être un peu plus remuant.

L'escalier est trop vétuste.

On prend donc la cheminée.

À tout hasard, on gratte un peu le conduit, à la recherche d'un peu de suie.

Mais le ramoneur est passé récemment.

Arrivé sur le toit de ce long playing, un petit vent vient un peu nous secouer. Nous arrivons à la fin de « Random Picking », mais pas de quoi s’affoler.

Au loin, les canards sauvages traversent le ciel...

 

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