On nous a donc menti ?
Depuis le temps qu’on est persuadé que le bonheur, c’est chiant.
Non, pas pour ceux qui le vivent.
Non.
Plutôt pour nous qui sommes parfois forcés d’écouter ces heureux qui n’ont plus rien à dire.
On pensait que le bonheur tuait toute créativité, on le devinait sans pitié pour l’imagination, tel un grand anesthésiant du génie de l’artiste.
En plus, on avait plein d’exemples qui corroboraient nos appréhensions sur le bonheur.
Et puis, d’album en album, Aube Lalvée nous prouve le contraire.
D’album en album, elle découvre le bonheur.
D’album en album, en se découvrant, elle nous couvre de bonheur.
Pas le truc guimauve et dégoulinant qui colle aux dents.
Non. Plutôt ce truc vivifiant et qui fait chaud dedans.
Une chaleur graduelle.
Parce que forcément, le bonheur, ça ne vient pas comme ça.
Il faut d’ailleurs souffrir un minimum pour y goûter à ce fameux bonheur.
Ça s’appelle le chemin.
Et du chemin, Aube en a parcouru avant d’arriver à cet état extatique.
Alors, forcément, quand elle partage ce bonheur, non seulement, il est communicatif, mais en plus, on en perçoit encore toute sa fragilité, toute sa beauté délicate.
On devine ses veines sous la peau laiteuse, et on les imagine courir jusqu’à cet immense cœur, qui se gonfle, nourri par l’amour.
« Time For The Happiness ». Notez bien l’importance du déterminant.
Ce ‘THE’, il est important. Parce qu’il ne s’agit pas de n’importe quel bonheur.
Tout comme dans la discographie d’Aube, ce sixième opus est donc déterminant.
Parce qu’il ne s’agit pas de n’importe quel album.
C’est celui de l’éclosion, de la révélation.
Non pas au monde (lui, il attendra), mais à elle-même.
Des disques qu’elle enchaîne toujours aussi rapidement.
Une collection généreuse mais pas prolixe.
Chacun des œuvres précédentes révélant le chemin.
Jusqu’à nous mener ici.
En sa compagnie, en haut de cet escalier en colimaçon, dont les marches se dessinent au fur et mesure sous les pieds.
Mélange d’électronique et d’organique, cet album dépeint ce point frontière entre réel et irréel, ce point tangible où l’ivresse devient satiété.
Ou la peur s’estompe et devient moins effrayante.
Où le doute qui s’immisce en tout, qui s’immisce en nous, se laisse apprivoiser.
Cet instant propice où l’abandon nous fait lâcher prise.
Invitation à passer cette limite, le premier titre s’intitule fort justement « Cross The Line ».
C’est un instrumental vaporeux, empreint de magie.
S’ensuit alors le thème principal de ce long playing, développé dans ce titre-phare, car lumineux dans la nuit : « Time For The Happiness ».
‘Happiness’not an easy way’. Non. Point de facilité, ici.
La voix, qui joue à travers différents registres, s’élève et nous surplombe.
Car la vue est plus dégagée là haut, et permet de voir venir.
Et on se rend compte très rapidement du tour de force extraordinaire de cet essai.
Celui de marier dans les mêmes harmonies joie et tristesse, comme un soleil éblouissant au creux de nuages que peu à peu le vent viendrait à chasser.
Car il émane une mélancolie de chaque titre, légère et impalpable.
Selon l’humeur, on percevra donc ces huit morceaux, ces huit éclats de vie, de manière différente.
Écoutes après écoutes, on se surprendra à le découvrir et on découvrira combien il peut encore nous surprendre.
Enregistré et produit par Aube elle-même dans son propre studio, niché entre ses murs parisiens, il marque donc une transition dans le travail d’Aube.
Une évolution qui ressemble à une mue.
Certaines sonorités ne sont pas sans rappeler The XX, certains climats aussi.
C’est sans doute le seul lien tangible que je puisse établir avec une quelconque scène.
Quant à la scène, c’est sans doute la seule chose qu’Aube ne partage pas.
Assumant tous les rôles, cette délicieuse femme orchestre son univers autour de ses instruments.
Prenez donc, puisque c’est offert !
Goûtez-y à ce bonheur, il ne se refuse pas.
Découvrez la, elle n’attend que ça.
Le succès, lui, peut se refuser à elle.
Mais pas vous !
Non, car personne ne devrait se refuser à Aube L.