Forcément, ce deuxième jour s’annonce sous de bien meilleurs auspices que la veille.
Une affiche plus étoffée et en prime l’ouverture de l’Aquarium comme troisième espace, sans oublier la perspective de premiers moments forts.
Sans attente particulière mais avec la ferme attention de combler l’absence de sensations de la veille, j’enfile mes bottes de sept lieues, mes lunettes de pluie et mon sac ado.
Ardentes, neuvième édition, jour deux, clap!
Tête d’affiche, tête à claques, Placebo monte sur les planches. Son aplomb et son assurance frôlent la prétention, comme d’accoutumée.
Impeccablement sapé, coiffé, et certainement les poils pubiens tout justes sortis du pressing, Brian Molko affiche toujours la même indifférence face à un public enthousiaste, bravant une boue de plus en plus collante.
Vingt titres plus loin, exécutés de manière robotique et non sans suffisance, le show s’achève comme une parade militaire répétée jusqu’à la perfection, cette même perfection qui rime avec ennui mortel.
Cintrés dans leurs petites habitudes, les membres du groupe semblent tellement blasés que l’on en vient à se demander si, débauche d’effets pour débauches d’effets, on ne préférerait pas assister à une diffusion en hologrammes géants.
Il y a bien les vielles rengaines d’hier (“Every You, Every Me”) pour réveiller l’engouement des plus téméraires, mais on se prend déjà à espérer la fin du calvaire au moment où le band entame “Song To Say Goodbye”.
Pourtant, celui-ci ne s’achèvera qu’au bout d’un set ultra formaté, même si ponctué par un bain de foule pris par Steve Forrest, batteur aux tatouages aussi apparents qu’une poussée d’acné sur un visage pré-pubère.
Un final grandiloquent et dont le dernier titre interprété, au vu de cette mascarade, aurait dû s’intituler “The Bitter End”.
De quoi dresser le bilan d’une prestation que certains médias ont pourtant jugée de bonne facture.
Fort heureusement, pour le véritable mélomane, certaines prestations étaient autrement plus excitantes à voir et surtout à écouter.
À commencer par les petits Britons de Circa Waves, dont la jeunesse insouciante allume les premières étincelles, en tout début de journée, sur l’Open Air.
Des jeunes gens qui se revendiquent d’influence shoegaze si on en juge par leurs tee-shirts (un de Slowdive à ma gauche, un de The Pain Of Being Pure At Heart à ma droite), mais dont le registre lorgne plutôt du côté d’Artic Monkeys et des Vaccines.
Riffs nerveux, cheveux en pétard et chant débonnaire, le groupe prend plaisir à être là, et cela se voit.
Petite sensation de plus outre-Manche, où il est vrai qu’on aime faire des vagues dans un verre d’eau, mais semble-t-il justifiée cette fois encore, au regard de cette demi-heure jouissive.
Et pendant que la plupart des festivaliers cherchent encore à retrouver leurs sensations éparpillées dans les flaques aux alentours, naissent les prémices d’une excellente journée.
Initiée un peu plus tôt par Kennedy’s Bridge, devant un parterre de fans acquis à leur cause.
Le quintet liégeois, qui doit approcher les trente-cinq ans d’âge en faisant la somme de leurs printemps respectifs, démontre le chemin parcouru en deux ans de travail dont quelques mois intenses passés en studio.
Mais ce qui attise ma curiosité, se produit à l’autre bout du site.
Là, sous la toiture ondulée au zinc blanc, se dressent David Meads, alias Scroobious Pip et son comparse Dan Le Sac, affublé pour l’occasion de magnifiques oreilles de panda.
Le flow cockney du premier se mariant élégamment aux beats facétieux du second, l’univers des deux lascars prend facilement possession des lieux.
Bible à la main, mots acérés dans l’épaisse barbe, le rappeur de sa Majesté éructe ses mots comme autant de pamphlets.
Uppercuts saisissants et savamment distillés, avec gouaille et panache, le duo révèle sa superbe aux yeux de tous.
Second degré et bons mots n’empêchent pas un show particulièrement séduisant.
Un goût du raffiné que ne partage manifestement pas Sleigh Bells.
Arborant un tee-shirt éloquent affublé d’un message vulgaire, la chanteuse Alexis Krauss en fait apparemment des tonnes pour masquer la vacuité de son propos.
Musicalement, on n’est pas loin de la daube, et ce mélange indigeste de Hip Hop, de pseudo Hardcore et de mièvrerie Pop acidulée, donne très rapidement la nausée.
Le final en mode acoustique ne fera que souligner l’insipidité maladive de compositions bancales.
S’il fallait retrouver trace de bon goût et de qualité, c’est à nouveau vers le HF6 qu’il faut se tourner.
L’androgyne Syd Tha Kyd y laisse traîner la voix au milieu des partitions Jazzy de ses camarades de The Internet.
Tout en subtilité, sans savoir l’air d’y toucher, le groupe, donne une prestation de très belle facture, à l’opposé de l’affichage outrancier de Sleigh Bells.
Manifestant une aisance parfaite, la jeune métisse subjugue son auditoire et arrive à capter l’attention de quelques distraits, occupés à tailler la bavette un peu trop bruyamment.
Si sa chétive apparence ne paie guère de mine, cette gamine recèle un véritable talent, mis en valeur par d’excellents musiciens.
Est-il possible que leur performance m’ait à ce point troublé, que je sois dans la totale impossibilité de me souvenir après coup du set de Son Lux, auquel, j’ai pourtant assisté dans l’intégralité et parfaitement sobre, je tiens à le préciser?
Si mes notes font état d’un excellent jeu de batterie, le reste semble avoir été totalement absorbé par ma mémoire et relégué instantanément aux oubliettes.
Il est donc fort à parier que ce n’était pas un concert marquant…
Heureusement, mes facultés retrouvées, j’ouvre les yeux sur une tache rouge qui ondule dans mon champ de vision.
Kati Stelmanis, parée d’une robe et d’un chapeau écarlates n’est pas la seule à susciter l’attention.
À l’autre bout de la scène, dans une tenue d’eunuque des temps modernes, le claviériste récolte son lot de sarcasmes sans bien entendu y prêter la moindre attention.
Focalisé sur la musique d’Austra, j’en oublie rapidement ces petits caprices vestimentaires sans grande importance et profite d’un show, certes inégal, mais néanmoins fort agréable, de la part de ces Canadiens.
Si le lyrisme de la voix de Kati est l’atout principal de l’identité du groupe torontois, il n’en reste pas moins que les parties plus enlevées ajoutent une dimension à leur univers original.
Souffrant d’un manque de rythme dans son milieu, le set va s’avérer néanmoins plus que convainquant.
The Horrors allaient ils eux aussi convaincre?
Bien malin qui pouvait oser l’affirmer avant ce soir.
Peu aidé par la résonance du lieu (le HF6 est un hangar hermétique qui ne se prête guère au son puissant), et poussant les décibels dans leurs retranchements, le groupe semble surtout contenter ses fans inconditionnels.
De fait, en fonction de l’emplacement, certains morceaux deviennent difficilement identifiables.
Opérant le tri dans cette bouillie sonore, entre bonnes et mauvaises graines (pour ces héritiers de Birthday Party, quoi de plus normal?), je distingue quelques pépites de leur second opus, mais assenées au travers d’un écho diffus.
Loin, très loin de ses prestations incendiaires du début, Faris Badwan se contente de donner le minimum de lui-même.
Un show ni décevant, ni emballant, terne et sans grand relief.
Ailleurs, Method Man & Redman assure le minimum syndical alors que la nuit étend ses bras sur la plaine.
Pas vraiment inspirés, les deux gaillards laissent couler leur flow sans grande conviction mais avec suffisamment de panache que pour contenter les fans du Wu-Tan-Clan.
À l’intérieur, Panda Bear dévoile de superbes projections sur fond sonore ouaté.
Mais pour tous ceux qui pensaient avoir assisté au plus affligeant, Giorgio Moroder leur a réservé une surprise de taille, coiffant in extremis Placebo sur le fil, au rang de foutage de gueule de cette mouture.
Assénant ses hits sur fond de beats bien gras, l’icône est manifestement venue toucher son cacheton sans trop se fouler, évitant de fort jolie manière la rupture d’anévrisme qu’un effort trop conséquent aurait pu provoquer.
Si ceux de vingt ans ne pouvaient pas reconnaître pareille infamie, leurs aînés, quittaient par grappes cette triste mascarade.
Il revenait donc principalement à Vitalic et son super visuel et au duo Berlinois Booka Shade l’honneur d’emmener les ravers jusqu’au bout de la nuit.
Quant à votre serviteur, il a opté pour la navette afin de rejoindre, très vite, la terre ferme.
(Organisation Ardentes)
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