Yes SIHR !

Après quelques concerts / projections improvisés en duo, au Caire et à Beyrouth, pour les rencontres d’Arles, le centre photographique de Lille ou la revue belge Halogénure, Dargent et Oberland s’associent aux francs-tireurs Elieh et Halal pour un manifeste…

logo_musiczine

Trouver des articles

Suivez-nous !

Facebook Instagram Myspace Myspace

Fil de navigation

concours_200

Se connecter

Nos partenaires

Nos partenaires

Dernier concert - festival

Ty Segall - Sjock 2024
Ty Segall - Sjock 2024
Philippe Blackmarquis

Philippe Blackmarquis

 

 

Enorme coup de coeur pour Aziza, le projet éponyme de la jeune chanteuse/bassiste bruxelloise Aziza François. Sa musique est à l'image de son passé dans différents pays et de ses origines tchado-belges. Elle puise son inspiration dans de nombreux styles, que ce soit la musique traditionnelle africaine, la soul, le rock, le hip-hop ou le funk. Par moments, on décèle même des touches de grunge et de jazz-rock. Quant à la voix, c'est une véritable découverte. Elle possède la volupté de Sade, le côté mystérieux de Tanita Tikaram (souvenez-vous de “Twist In My Sobriety”) et les tonalités graves de Nico: une alchimie étonnante.

Savons-nous aimer véritablement malgré les traces d'un conditionnement sociétal, culturel et familial complexe? C'est la question que pose Aziza dans son 1er single. "Maggoty", qui signifie “véreux” en français, c'est comme un mariage raté qui sublime le chaos par la musique. La voix douce de la chanteuse/bassiste navigue entre les guitares de Diego Higueras et les rythmiques inattendues du batteur Théo Teboul. On n'oubliera pas la touche orientale qui rehausse discrètement la composition.

A la limite entre le chant et le 'spoken word', Aziza nous raconte que même nos pires expériences sont transmutables, pour un mieux. Un univers singulier à découvrir avec ce 1er single, sorti il y a quelques jours.

Après des concerts remarqués lors du Concours Circuit et à la Maison du Peuple, on pourra découvrir Aziza en solo le 23/06 dans le cadre des Fêtes de la musique à l 'Abeille Blanche (Bruxelles).

Ecoutez "Maggoty" ici.

Booking: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Crédit Photo: Burezi Mugemana - @burezi

 

Ce soir, l'AB Club accueille des artistes qui possèdent plusieurs cordes à leur arc ! Et pour cause, le violon est omniprésent, grâce à Catherine Graindorge et son groupe Nile On waX mais aussi, Rodolphe Coster, programmé en première partie, qui propose de nombreux arrangements de cordes.

Figure connue de l'underground bruxellois, Rodolphe Coster a sorti, il y a quelques mois, un premier elpee solo qui a fait grand bruit. Gravé par Capitane Records, "High With The People" a été enregistré à New-York dans un studio légendaire et on y retrouve une palette internationale de musiciens exceptionnels. La musique est inclassable. Naviguant quelque part entre no-wave, post-punk, shoegaze, noise, post-rock et avant-garde, elle évoque autant Tuxedomoon, John Maus et Molly Nilsson que Radiohead, Nine Inch Nails et les Pixies. Excusez du peu ! Ce soir, Rodolphe est seul sur scène, pour un set semi-acoustique au cours duquel il revisite les chansons de son album. Certains titres, comme le single “Seagulls Fly on Highways”, sont interprétés de manière dépouillée, à la guitare sèche mais sur d'autres compos, on découvre des arrangements de cordes préenregistrés véritablement époustouflants. Rodolphe le précise : ils ont été élaborés par Atsuko Hatano, l'artiste japonaise qui avait précisément contribué à la confection de l'opus. Mentions particulières également aux superbes “Dolls Her Maps” et “Burglar Blames Shadows”. C'est apparemment en voyant HTRK en concert que Rodolphe a décidé de concevoir cette formule intimiste et minimaliste. Visiblement ému, l'artiste révèle, ce soir, cette fragilité et cette sensibilité à fleur de peau qui le rendent si attachant. Une invitation à acheter son LP et à aller le découvrir en compagnie de son groupe au grand complet le plus vite possible !

Après quelques minutes de pause, c'est au tour de Nile On waX de grimper sur le podium. Le trio implique la violoniste Catherine Graindorge, le bassiste David Christophe et le batteur Elie Rabinovitch. Pour rappel, Catherine jouit d'une réputation internationale, comme en témoignent ses collaborations avec Iggy Pop, John Parish, Nick Cave, Hugo Race et bien d'autres. Après trois albums, des compositions pour la danse et le cinéma, le trio vient présenter un tout nouvel LP, “After Heaven”, paru sur le label allemand Tonzonen Records.

Dès les premières notes d'”Eternity”, on reconnaît le style musical unique de la formation, qui oscille entre post-rock, 'ambient', jazz-rock, psyché et musique de film. Le violon de Catherine Graindorge tisse des volutes sonores, tantôt chatoyantes, tantôt stridentes, pour créer un univers cinématographique totalement hypnotique. Par moments on pense aux productions du label ECM, ou à la musique du film ‘La Dernière Tentation du Christ’ de Peter Gabriel. Dans “More Icon”, un hommage au compositeur italien, l’expression sonore répercute un écho lointain aux envolées d'un Max Richter ou aux harmonies écorchées d'un Warren Ellis.

Si on connaissait toute l'étendue du talent de la violoniste belge, on est tout aussi impressionné par la maestria affichée par les deux autres musiciens. David Christophe utilise sa basse de façon très versatile, lui conférant tour à tour des sonorités d'un synthé, d'une guitare électrique, voire d'un instrument à cordes. Quant à Elie, le compagnon de Catherine, c'est un batteur d'une finesse et d'une justesse remarquables. Il émane de lui une impression de puissance, d'élégance et de sérénité.

Après “Improbable”, un single… improbable, comme l'annonce avec humour David Christophe, le groupe s'autorise un détour par son 3ème album, “Bell Dogs”, pour offrir “Rhapsody” et “Pixelated Dream”. Après des applaudissements nourris du public, nous aurons droit, en rappel, à un magnifique extrait de la bande originale du film “L'Œil Silencieux”, du réalisateur belge Karim Ouelhaj, qui a été composée par le trio.

Le plaisir aura été trop court. Pendant quelques instants, nous avons vécu un voyage interstellaire et tellurique, suspendus hors du temps, la tête dans les étoiles et le corps enraciné dans la terre-mère, au sein d’un espace onirique vibrant et d'une déchirante beauté...

Setlist:
ETERNITY (Intro)
IN HEAVEN
MORE ICON
AUGUST 4
ASCENSION
HUIT (Part 2)
IMPROBABLE
SLOWDOWN
RHAPSODY
PIXELLATED DREAMS 
BELL DOGS
Rappel:
L’ŒIL SILENCIEUX

Pour en savoir davantage sur Catherine Graindorge et Nile On waX, cliquez sur son nom dans le cadre réservé aux informations supplémentaires, ci-dessous. Vous pourrez même écouter et acheter leurs albums et Eps via leur Bandcamp

Pour lire l'interview de Catherine Graindorge, c'est ici  

Crédit Photo : Axel Tihon - Branchés-Culture (Branchesculture.com)

jeudi, 25 mai 2023 17:10

Intimiste et minimaliste…

Ce soir, l'AB Club accueille des artistes qui possèdent plusieurs cordes à leur arc ! Et pour cause, le violon est omniprésent, grâce à Catherine Graindorge et son groupe Nile On waX mais aussi, Rodolphe Coster, programmé en première partie, qui propose de nombreux arrangements de cordes.

Figure connue de l'underground bruxellois, Rodolphe Coster a sorti, il y a quelques mois, un premier elpee solo qui a fait grand bruit. Gravé par Capitane Records, "High With The People" a été enregistré à New-York dans un studio légendaire et on y retrouve une palette internationale de musiciens exceptionnels. La musique est inclassable. Naviguant quelque part entre no-wave, post-punk, shoegaze, noise, post-rock et avant-garde, elle évoque autant Tuxedomoon, John Maus et Molly Nilsson que Radiohead, Nine Inch Nails et les Pixies. Excusez du peu ! Ce soir, Rodolphe est seul sur scène, pour un set semi-acoustique au cours duquel il revisite les chansons de son album. Certains titres, comme le single “Seagulls Fly on Highways”, sont interprétés de manière dépouillée, à la guitare sèche mais sur d'autres compos, on découvre des arrangements de cordes préenregistrés véritablement époustouflants. Rodolphe le précise : ils ont été élaborés par Atsuko Hatano, l'artiste japonaise qui avait précisément contribué à la confection de l'opus. Mentions particulières également aux superbes “Dolls Her Maps” et “Burglar Blames Shadows”. C'est apparemment en voyant HTRK en concert que Rodolphe a décidé de concevoir cette formule intimiste et minimaliste. Visiblement ému, l'artiste révèle, ce soir, cette fragilité et cette sensibilité à fleur de peau qui le rendent si attachant. Une invitation à acheter son LP et à aller le découvrir en compagnie de son groupe au grand complet le plus vite possible !

Après quelques minutes de pause, c'est au tour de Nile On waX de grimper sur le podium. Le trio implique la violoniste Catherine Graindorge, le bassiste David Christophe et le batteur Elie Rabinovitch. Pour rappel, Catherine jouit d'une réputation internationale, comme en témoignent ses collaborations avec Iggy Pop, John Parish, Nick Cave, Hugo Race et bien d'autres. Après trois albums, des compositions pour la danse et le cinéma, le trio vient présenter un tout nouvel LP, “After Heaven”, paru sur le label allemand Tonzonen Records.

Dès les premières notes d'”Eternity”, on reconnaît le style musical unique de la formation, qui oscille entre post-rock, 'ambient', jazz-rock, psyché et musique de film. Le violon de Catherine Graindorge tisse des volutes sonores, tantôt chatoyantes, tantôt stridentes, pour créer un univers cinématographique totalement hypnotique. Par moments on pense aux productions du label ECM, ou à la musique du film ‘La Dernière Tentation du Christ’ de Peter Gabriel. Dans “More Icon”, un hommage au compositeur italien, l’expression sonore répercute un écho lointain aux envolées d'un Max Richter ou aux harmonies écorchées d'un Warren Ellis.

Si on connaissait toute l'étendue du talent de la violoniste belge, on est tout aussi impressionné par la maestria affichée par les deux autres musiciens. David Christophe utilise sa basse de façon très versatile, lui conférant tour à tour des sonorités d'un synthé, d'une guitare électrique, voire même d'un instrument à cordes. Quant à Elie, le compagnon de Catherine, c'est un batteur d'une finesse et d'une justesse remarquables. Il émane de lui une impression de puissance, d'élégance et de sérénité.

Après “Improbable”, un single… improbable, comme l'annonce avec humour David Christophe, le groupe s'autorise un détour par son 3ème album, “Bell Dogs”, pour offrir “Rhapsody” et “Pixelated Dream”. Après des applaudissements nourris du public, nous aurons droit, en rappel, à un magnifique extrait de la bande originale du film “L'Œil Silencieux”, du réalisateur belge Karim Ouelhaj, qui a été composée par le trio.

Le plaisir aura été trop court. Pendant quelques instants, nous avons vécu un voyage interstellaire et tellurique, suspendus hors du temps, la tête dans les étoiles et le corps enraciné dans la terre-mère, au sein d’un espace onirique vibrant et d'une déchirante beauté...

Setlist Rodolphe Coster:
Oh the candy clouds
Dolls Their Maps
Seagulls Fly on Highways
Plante
Dogstroke
Burglar Blames Shadows

Pour en savoir davantage sur Rodolphe Coster, cliquez sur son nom dans le cadre réservé aux informations supplémentaires, ci-dessous.

Pour acheter son album, c’est ici

Pour écouter l'interview de Rodolphe Coster dans l'émission WAVES, c'est

Crédit Photo : Axel Tihon - Branchés-Culture (Branchesculture.com)

Catherine Graindorge est une violoniste, compositrice et actrice belge dont l’univers musical est vraiment unique. Un 'crossover' entre 'ambient', post-rock expérimental et musique classique. Son violon libère des sonorités à fleur de peau, distillant des atmosphères tour à tour voluptueuses, mélancoliques et envoûtantes.

Elle a joué en compagnie d'un nombre invraisemblable d'artistes internationaux et notamment Nick Cave, Warren Ellis, Debbie Harry et feu Mark Lanegan (Jeffrey Lee Pierce Project), Chris Eckman (Dirtmusic, The Wal abouts), Hugo Race (ex-Bad Speeds), Pascal Humbert et Bertrand Cantat (Detroit), John Parish… Elle a également monté un projet, Nile On waX, en compagnie de son compagnon, Elie Rabinovitch ; et, enfin, elle compose pour le théâtre, la danse et le cinéma.

Après avoir gravé un 2ème elpee solo, “Eldorado”, en 2021, elle a frappé un grand coup l’année suivante grâce à un Ep réalisé en compagnie d'Iggy Pop, "The Dictator". Mais ce n'est pas fini ! Plus récemment, elle a publié le nouvel LP de Nile On waX, “After Heaven”, et a mené à bien un nouveau projet, ‘Songs For The Dead’. Il s'agit d'une création originale interprétée à Bozar en avril dernier en ouverture des Nuits Botanique. Pour l'occasion, elle s'est associée à Simon Huw Jones, le chanteur du groupe culte anglais And Also The Trees, Pascal Humbert (16Horsepower, Detroit), Simon Ho, sans oublier ses deux filles, Lula et Ilona. Musiczine a rencontré Catherine dans l'atmosphère jazzy du restaurant ‘La Porteuse d'Eau’, à Saint-Gilles pour une interview à bâtons rompus...

Musiczine - Alors, Catherine, on va commencer par Iggy Pop. Comment l'as-tu rencontré et comment t’est venue cette idée de collaboration ?

Catherine Graindorge - J'avais sorti mon deuxième album solo, “Eldorado”, en octobre 2021 sur Glitterbeat, et plus précisément chez Tak:til, la division 'underground' de ce label. Ses responsables connaissent bien la BBC et le producteur de l'émission d'Iggy Pop, baptisée ‘Confidential. Elle est diffusée sur Radio 6. Iggy est quelqu'un de curieux et il a aimé mon morceau “Lockdown”. Il a effectué quelques recherches et, finalement, il a passé deux de mes morceaux dans son émission.

M - L'autre, c'était “Animal” ?

CG - Oui. “Animal”, un titre qui figure sur mon premier album solo. Ensuite, j'ai juste demandé de transmettre un mail via la production, à Iggy, pour lui dire que j'étais très honorée et que si, un jour, il voulait collaborer, je serais très heureuse. Ce n'était pas prémédité, mais juste spontané. Deux jours plus tard, j'ai reçu un mail d'Iggy, transmis par son manager. Il écrivait ‘Catherine, I would love to do a track.’ Incroyable. J'étais en train de faire des courses à ce moment-là, je m'en souviens.

M - Ton sang n'a fait qu'un tour, je suppose ?

CG - Oui, c'est ça. Il m'a proposé que je lui envoie des idées. J'ai donc commencé à enregistrer à la maison, puis j'ai transmis des démos, et on a échangé des musiques ainsi, très simplement.

M - Et ensuite, vous vous êtes rencontrés pour le tournage du clip ?

CG - Oui, on a profité de son séjour à Anvers où il devait donner un concert. On a cherché un studio là-bas et Elie, qui est musicien et réalisateur, s’en est chargé.

M - Un superbe clip en noir et blanc !

CG - Elie a beaucoup travaillé sur les lumières et la proximité entre Iggy et moi. C'était une magnifique rencontre.

M - Comment as-tu ressenti le personnage ?

CG - Je l'adore. C'est quelqu'un de très humain, de très vrai. Il s'en fout de savoir s'il a affaire à quelqu'un de connu ou pas. Cela m'a extrêmement touchée parce que j'avais un complexe. On est quand même dans l'ère des 'likes' et du nombre de vues. On est un peu tributaires de cette situation aussi. Lui, n'en a que faire.

M - Il n'a plus rien à prouver.

CG - Non, c'est vraiment une belle personne. Et il a beaucoup d'humour. Entre les prises, on a bien rigolé quand je lui ai demandé quel serait son emploi du temps après sa tournée et qu'il a répondu : ‘Je vais aller rejoindre les vieux riches dans ma petite maison dans les îles Caïmans’

M - Ah ? Je croyais qu'il habitait à Miami.

CG - Oui mais il possède aussi une petite maison de vacances.

M - J'ai remarqué que, dans ta carrière, tu as souvent travaillé en compagnie d'artistes masculins très forts, qui ont apporté leur voix et leur énergie : Iggy, John Parish… Nick Cave aussi, d'une certaine manière.

CG - Nick Cave, je ne l'ai jamais rencontré, mais j'ai inséré des parties de violon sur deux morceaux du Jeffrey Lee Pierce Project, en 2012.

M - Et il y a surtout Hugo Race...

CG - Oui, on a participé à plusieurs projets ensemble. Notamment pour l’'album “Long Distance Operators”. Et avant cet épisode, lors des sessions consacrées à mon premier album solo, “The Secret of Us All”.

M - Je propose qu'on se penche sur Nile On waX, le projet que tu partages avec ton compagnon, Elie, et le bassiste David Christophe, un nouvel opus intitulé « After Heaven » vient de paraître.

CG - Oui, c'est notre quatrième. On a commencé l’enregistrement pendant le confinement. On s’est servi d’un multipiste et on a improvisé sans se poser de questions. C'était spontané, basé sur des émotions directes. Puis on a travaillé sur les prises. David a accompli un gros travail d'editing.

M - Comment positionnes-tu Nile On waX par rapport à tes elpees solo, c'est plus post-rock ?

CG - Oui, c'est plus post-rock. Déjà, il y a la présence de la batterie, qui prend de la place. Dans mes albums, il y en a parfois, mais elle est plus discrète, plus évanescente.

M - Nile On waX sonne aussi plus psyché, moins éthéré que tes projets solos

CG - Oui, mais je crois que quand je joue, il existe aussi un côté ancré dans le sol. J'ai un côté angélique mais j'aime aussi créer des atmosphères tourmentées.

M - Un aspect tellurique ?

CG - Tellurique. Oui, effectivement.

M - Un côté éthéré, cosmique, voire mystique et un aspect tellurique. On perçoit cette dualité dans la façon dont tu te sers de ton instrument. Le son est parfois très mélodique, très aérien et quelquefois, il est carrément strident. Tu tritures les cordes ?

CG - Oui, d'un côté, j'ai reçu une formation classique et une part de moi est très mélancolique. J'étais très romantique quand j'étais jeune, très fleur bleue et en même temps, j'ai toujours eu envie de faire du rock. J'ai toujours été tiraillée entre les deux. J'aime le violon, mais je n'ai pas voulu me lancer dans une carrière classique parce que je la trouvais étouffante et trop stricte. Je voulais être libre de faire ce que je voulais. Au départ, je souhaitais devenir guitariste ou bassiste dans un groupe rock, mais à ce moment-là, je me suis dit : ‘J'ai cet instrument, le violon, essayons d'en tirer quelque chose’. Ainsi, le violon est devenu ma voix, mon âme. J'ai cherché à me forger un style propre pour combiner les deux parties de moi-même, la partie mélancolique, mais aussi la partie...

M - ‘Down to earth’ ? La partie attachée à la terre, aux impulsions, à l'énergie ?

CG - Oui, liée aux tourments, au sang, à la colère. La musique me touche quand elle n'est pas lisse. Si elle ne m’atteint pas quelque part dans mon cœur, dans mon corps, elle ne m'intéresse pas.

M - Etais-tu intéressée par le jazz-rock à l'époque ? Parce que ce style a construit un pont entre le rock et les autres musiques. Quand j’évoque le ‘jazz-rock’, je ne vise pas des virtuoses qui jouent 10 000 notes à la seconde, mais plutôt des artistes signés par des labels qui affichent un côté plus éthéré, comme ECM, et par exemple, le trio Terje Rypdal, Jack DeJohnette et Miroslav Vitous.

CG - Non, je ne connais pas.

M - J’y vois une filiation. Terje Rypdal a un côté glacé, très scandinave. Et certaines de tes ambiances me font penser à lui.

CG - Ma plus grande influence, c'est quand même la musique classique. J'en écoutais beaucoup quand j'étais jeune. Mon premier amoureux, c'était un Allemand. On écoutait le requiem de Brahms dans les bras l'un de l'autre, en pleurant.

M - C'est très romantique ! Carrément goth (rires) !

CG - La musique romantique allemande m'a fortement influencée. Brahms, Schubert et Bach, notamment. Puis, sans que ce soit vraiment conscient, j'ai voulu m'en éloigner. Je n'ai pas fréquenté le conservatoire. J'ai fait du théâtre, de la musicologie, etc. Mes influences n'ont jamais été conscientes et j'ai découvert beaucoup d'univers musicaux différents sur le tard. Surtout parce que l'homme que j'aime est une véritable encyclopédie musicale... (rires)

M - Donc, il connaît ECM ?

CG - Oui, bien sûr. Il m'a permis d’explorer d’autres horizons. Laurie Anderson, par exemple, je l'ai découverte sur le tard. Mon identité musicale s’est également construite parce que je suis comédienne. Depuis tout petite, mes prédilections ont toujours oscillé entre musique et théâtre. Dans la première partie de ma carrière, j'ai créé des spectacles théâtraux. J'ai aussi participé à des productions d'autres créateurs, mais j'aimais créer mes propres projets. Ma musique puise son origine dans des histoires, des dramaturgies ou des émotions que j'ai besoin d'exprimer.

M - Comme des ‘soundtracks’ de films imaginaires ?

CG - Oui. Mais ce ne sont pas des histoires précises, plutôt des émotions que je ressens, que je vis. Je prends mon instrument et je me lance dans une improvisation. M’être produite au théâtre m'a aidée parce que j'ai l'impression de réaliser des spectacles, mais je me sens plus proche du langage musical que du langage verbal, finalement...

M - D'où l'intérêt pour toi de t'associer à des artistes qui, eux, vont apporter leur voix et leurs paroles. On en arrive à Simon Huw Jones. Comment l'as-tu rencontré et comment t’est venue l'idée de “Songs For The Dead” ?

CG - Le Botanique m'a proposé une carte blanche, associée à une résidence. Je venais de réaliser l'Ep en compagnie d'Iggy Pop et j'avais envie de me lancer à nouveau dans un projet de ce type. Comme tu le vois, j'aime bien m'entourer d'hommes... (rires)

M - Ce qui produit un mélange intéressant, un peu comme le yin et le yang.

CG - Oui, exactement. Elie m'avait fait découvrir le groupe de Simon, And Also The Trees, il y a quelques années. Et puis, je suis tombée sur ce texte d'Allan Ginsberg, “A Dream Record”, où il raconte que, dans un rêve, il a vu Joan Burroughs qui avait été assassinée accidentellement par William Burroughs, son mari. Dans le rêve, il lui parle et ne se rend pas compte qu'elle est morte.

M - On est carrément dans ‘Le Sixième Sens’, là !

CG - Oui. Et puis, tout à coup, il se rend compte qu'en fait, elle est décédée. La mort est une thématique récurrente chez moi. J'ai donc décidé de partir de ce texte pour composer. Et Simon Jones était un bon choix car il a quelque chose de très poétique, un peu hors du temps. J'aime bien son écriture. J'aime bien le fait qu'il alterne 'spoken word' et chant. Hugo Race chante également de cette manière, mais je voulais quelqu'un de différent. J’aurais pu solliciter Nick Cave, mais je ne pense pas que je l’intéresserais...

M - Il faut essayer. Ça marchera peut-être.

CG - Il a déjà son violoniste.

M - Oui, Warren Ellis.

CG - Et donc, j'ai juste écrit à Simon Jones, via le manager/booker du groupe. Je lui ai envoyé mes démos, il les a écoutées et a répondu qu'il avait envie de participer au projet.

M - Il a en effet un côté clairement romantique, ‘dark’, même carrément gothique.

CG - Effectivement. Je lui ai envoyé le texte de Ginsberg comme point de départ. Et j'ai ajouté le mythe d'Orphée et Eurydice. Il s’est basé sur ce scénario.

M - Donc, il a tout écrit ?

CG - Oui. Il y a juste une exception. Dans le morceau “Time is broken”...

M - Justement mon morceau préféré du projet !

CG - Les paroles du chœur de femmes sont signées par un ami, Stéphane Manzone. Il avait déjà rédigé des textes pour mon album “Eldorado”.

M - Tu n’écris pas de paroles ?

CG - J'ai déjà écrit pour des spectacles de théâtre, mais je n'arrive pas facilement à concevoir des textes pour la musique... C'est un peu compliqué pour moi. J'ai donné carte blanche à Simon Jones. On a échangé des démos, comme je l'avais fait pour “The Dictator”. 

M - Et quels sont tes morceaux préférés dans la discographie d'And Also The Trees ?

CG - J'aime beaucoup “Bridges” et “Domed”.

M - Ah oui, “Domed” est extraordinaire, grâce, entre autres, à cette intro à la guitare et cet effet de tremolo. Pour revenir à “Song For The Dead”, l’association entre ta musique et la voix de Simon est juste extraordinaire. C'est encore plus fort que les autres combinaisons, parce que c'est beaucoup plus proche dans l'âme. On sent vraiment une complicité. On dirait qu'il va chercher ton côté 'dark' pour en faire quelque chose de magnifique.

CG - Oui, il a été très touché par ma musique. Il me l'a dit au départ...

M - Il a aussi un projet qui s'appelle November. Le connais-tu ?

CG - Non, je ne connais pas. Mais je sais que ce projet existe.

M - C'est un projet qu'il anime en compagnie de Bernard Trontin, des Young Gods, lequel fournit la matière musicale. Mais Bernard, lui, se sert beaucoup du sampling.

CG - Pourtant, il est batteur, non ?

M - Oui, il est batteur, mais dans November, il se réserve toutes les parties musicales. Grâce à des samplers et à des synthés. C'est aussi une musique très intéressante.

CG - Perso, je fonctionne toujours par instinct. Si je réfléchis trop, ça ne donne rien de bon.

M - Et bien là, je peux te dire que ce concert à Bozar était une vraie réussite. Un moment magique. Un moment de vraiment spécial s'est passé entre les musiciens, le public et cette salle. Vu que le spectacle a été enregistré, as-tu l'intention d'en faire quelque chose ? Un film ? Un album ?

CG - J'ai l'intention d'enregistrer un album cet automne.

M - Donc, de réenregistrer les morceaux ?

CG - Oui, parce qu'à Bozar, on n'a pas enregistré sur un multipiste. Et puis, on n'avait eu que trois jours pour tout mettre en place, ce qui est vraiment très peu.

M - Y a-t-il eu des moments où vous avez improvisé ou bien tout était-il programmé ? As-tu été surprise par moments ?

CG - Il y a toujours une part d’impro dans mes morceaux. Et sinon oui, j’ai été impressionnée par mes filles, qui participent à deux morceaux. Je suis très fière d'elles. Ce n’était pas évident de chanter pour la première fois dans cette salle Henri Leboeuf. Une salle emblématique, celle du concours Reine Elisabeth, où tout est joué à la perfection. Je ne me suis pas laissé impressionner par ce défi. C'était une création originale, carrément expérimentale. Et, en plus, je ne suis pas une virtuose, dans le sens classique du terme. Ça ne m'intéresse pas d'avoir une technique parfaite, ce qui m'intéresse, ce sont les émotions.

M - Tu n'es pas Didier Lockwood... (rires)

CG - Non, en effet.

M - Ni Jean-Luc Ponty ! Et tant qu'on cause des violonistes virtuoses, je pourrais aussi citer Eddie Jobson, le violoniste qui militait chez Roxy Music.

CG - Je ne le connais pas.

M - C'est lui qui a remplacé Brian Eno. Il se consacrait au violon sur l'album live, “Viva”. Et ensuite, il a intégré UK, un supergroupe de rock progressif.

CG - OK.

M - A propos, tu as vu ce qu'Iggy a dit sur toi dans le New Musical Express (NME) ?

CG - Oui, j'ai lu ça.

M - C'est impressionnant ! ‘There is a gothic masonry at work here, with a very old force abetted by very cunning structures.’ (‘Il y a une maçonnerie gothique à l'œuvre ici, apportant une force très ancienne encouragée par des structures très rusées.’)

CG - Oui, c'est très beau, ce qu'il a déclaré.

M - Et après, il ajoute : ‘The music represents calices, bodices and old stones. It's European romance and it creeps up on me like a fog, like winter in Venice.’ (‘La musique représente des calices, des corsages et des vieilles pierres. C'est comme une romance européenne et ça monte sur moi comme un brouillard, comme l'hiver à Venise.’) C'est magnifique !

CG - En même temps, je suis européenne. Pour un Américain, l'Europe a un aspect fascinant.

M - Oui, c'est bien d'avoir cette révérence vis-à-vis de nous, vis-à-vis de notre culture et de manifester ce respect, cette modestie, surtout de la part de quelqu'un qui est un géant.

CG - Oui, c'est un géant mais en même temps, il s'en fout complètement de la célébrité. Simon Jones et Pascal Humbert sont aussi un peu pareils, même si c'est à un autre niveau. Ce sont de superbes musiciens, mais ils ne sont pas à la recherche d'une gloire ou d'une reconnaissance internationale à tout prix. Ils ont besoin de créer une musique qui les touche, qui leur plaît. Je suis comme ça également. C'est l'aspect humain qui est le plus important. Je veux être à ma place.

M - Être libre ?

CG - Oui. Je ne pourrais pas créer si je devais affronter des contraintes, des pressions. Regarde And Also The Trees. La formation n’a jamais réellement percé sur le plan international. Robert Smith (NDR : de The Cure) l’appréciait beaucoup. Le frère de Simon, Justin Jones, connaît très bien Robert. Il est étrange de constater que The Cure a connu un succès énorme et pas And Also The Trees.

M - Robert Smith a mis le pied à l'étrier au groupe, au début de sa carrière, mais il n'a jamais vraiment cherché le succès à tout prix. Je crois qu'au départ, c'est peut-être parce qu'il est issu d'un tout petit village et qu'il ne voulait pas être coupé de ses racines. Les musiciens n'aimaient pas Londres, ils n'aimaient pas les grandes villes et vouloir le succès signifiait automatiquement quitter leur village et aller habiter à Londres.

CG - C'est un choix de vie. Simon dit souvent qu'il préfère travailler la terre, plutôt que de se retrouver dans des projets qui ne l'intéressent pas. Pascal Humbert a la même philosophie. D'ailleurs, je me sens privilégiée, parce que c'est quasi la première fois que Simon participe à un autre projet que And Also the Trees. Bien sûr, il y a November, mais à cette exception près, je ne crois pas qu’il se soit lancé dans beaucoup d'autres projets.

M - Juste quelques petites collaborations ponctuelles.

CG - Il m'a dit ‘Normalement, je ne fais pas ce genre de choses.’

M - Simon est un vrai gentleman.

Voilà, Catherine, merci beaucoup pour cette interview. On attendra donc impatiemment la sortie de l'album “Songs for the Dead”.

CG - Ce sera pour l'année prochaine...

Merci à Catherine Graindorge, Simon Huw Jones, Bozar, le Botanique et l'émission WAVES.

Pour en savoir davantage sur Catherine Graindorge et Nile On waX, cliquez sur son nom dans le cadre réservé aux informations supplémentaires, ci-dessous. Vous pourrez même acheter leurs albums et Eps via leur Bandcamp. Pour lire ou relire la dernière interview accordée par Simon Huw Jones, c'est

Photo : Elie Rabinovitch.

"After Heaven" est le quatrième album de Nile On waX, le trio instrumental belge composé de la violoniste Catherine Graindorge, du bassiste David Christophe et du batteur Elie Rabinovitch. Pour rappel, la musicienne belge jouit d'une réputation internationale, comme en témoignent ses collaborations avec Iggy Pop, John Parish, Nick Cave, Hugo Race et bien d'autres.

La musique du trio propose un 'crossover' unique qui oscille entre post-rock, 'ambient', psyché et musique de film. 

Après trois albums ("Nox", "Freaks" et "Bell Dogs") parus sur le label belge dÉPÔT 214, des compositions pour la danse (Charleroi Danse) et le cinéma (Hal Hartley, Karim Ouelhaj), le trio a enregistré ce nouvel album en se laissant inspirer par les improvisations et en privilégiant la première impulsion. Une fois l'album terminé, le groupe s'est attelé à la recherche d'un label à l'étranger et a été ravi de rencontrer l'enthousiasme et l'engagement des Allemands de Tonzonen Records, qui sortiront l'opus le 19 mai.

L'album peut être pré-commandé sur Bandcamp: https://nileonwax.bandcamp.com/

Le 'release showcase' aura lieu à Bruxelles le 25 mai, à l'Ancienne Belgique, à Bruxelles, avec Rodolphe Coster en première partie. Pour réserver, c'est ici

Pour lire la chronique du concert de Catherine Graindorge avec son projet "Songs for the Dead", c'est ici

 

Au sein de la rédaction de Musiczine, un groupe fait la quasi-unanimité : And Also The Trees. Fondée en 1979, cette formation issue de la campagne anglaise produit, avec une constance remarquable, une musique inclassable, enracinée dans le post-punk et fertilisée par le folk, l'ambient, le jazz et la musique classique. Un ‘crossover’ singulier, qui fraternise avec Nick Cave, Dead Can Dance et Leonard Cohen tout autant que les Doors, le Velvet Underground et Joy Division.

Le chanteur, Simon Huw Jones, a imposé sa voix envoûtante, qui oscille entre chant et déclamation et elle est animée par un véritable souffle romantique. Ses paroles vont puiser dans un 'stream of consciousness' subtil et solennel, pénétré par la puissance de la nature et l'illumination du moment présent.

Parallèlement à son band, Simon aime s’investir dans des projets en compagnie d'autres artistes. Il partage ainsi celui de November auprès de Bernard Trontin, des Young Gods. Il y a quelques jours, il a débarqué à Bruxelles pour participer au nouveau projet de la violoniste et compositrice belge Catherine Graindorge : ‘Songs For The Dead’. L'avant-première s'est déroulée à Bozar, dans le cadre de la soirée d'ouverture de l’édition 2023 des Nuits Botanique. Musiczine a pu rencontrer le chanteur avant le concert et lui proposer une interview assez inédite, sous la forme d'un ‘Florilège de Citations’. Vu que c'est un homme féru de mots et de littérature, nous lui avons proposé de lire à haute voix ces citations préparées spécialement pour lui. Un objectif ? Que Simon partage avec nous ce qu’elles évoquent en son for intérieur.

Musiczine - Merci pour cette interview ! Je te propose de lire la première citation.

‘The boy walked round the jagged rocks
Caught between ideals and desires
He sinks into oblivion’

(‘Le garçon marchait autour des rochers déchiquetés
Pris entre les idéaux et les désirs
Il sombre dans l'oubli.’)

Simon Huw Jones - Oui, bien sûr, je la reconnais ! Elle figure sur l'une de nos toutes premières chansons, écrite à l'âge de 19 ans. Et les autres membres du groupe étaient encore plus jeunes que moi. En fait, c'est à ce moment-là que j'ai commencé à m'intéresser à la littérature. Alors que nous travaillions sur nos premières compos dans le Worcestershire, au sein de la chambre de mon frangin, je me creusais les méninges pour trouver des paroles. Alors, je suis allé dans un placard, en haut de l'escalier, et j'ai prélevé un livre, qui appartenait à mon frère aîné. C'était ‘Time Must Have a Stop’ d'Aldous Huxley. La chanson qui est directement inspirée de cet ouvrage s’intitule “There Were No Bounds”. Et cette citation en est également inspirée. J'ai repris au hasard des extraits du bouquin et j'ai comblé les espaces en ajoutant des textes personnels. Je ne sais pas si on peut parler de plagiat... (rires)

M - C'est “So This is Silence”. Il est extrait du premier elpee, “From Under The Hill”, paru en 1982.

SHJ - Oui, en fait, c'était notre première cassette. Elle contient les enregistrements que nous avons réalisés sous la direction de Robert Smith et Mike Hedges, à Londres. Ensuite, nous avons travaillé sous la houlette de Lol Tolhurst pour enregistrer notre premier long playing.

M - L'album éponyme : “And Also The Trees”.

SHJ - Exactement.

M - ‘Éponyme’, quel mot merveilleux !

SHJ - En effet (rires) !

‘Brainwaves transmitted from my mind
Of a magnetic kind
I don't know what to do
If I can't get through to you’

(‘Les ondes cérébrales transmises par mon esprit
Ont quelque chose de magnétique
Je ne saurai pas quoi faire
Si je ne réussis pas à te rejoindre’)

SHJ - Je ne vois pas.

M - C'est “ESP”, des Buzzcocks.

SHJ - Ah oui, maintenant que tu l’indiques, j'entends la chanson dans ma tête !

M - Sais-tu pourquoi je l'ai choisie ?

SHJ - Sans doute parce que, quand Justin, mon frère, a commencé à apprendre à jouer de la guitare, sur une acoustique bon marché, il jouait le riff de ce morceau sur une seule corde (Simon chante la mélodie du riff). Et il reprenait aussi un morceau de Pink Floyd.

M - Oui ! “Interstellar Overdrive” ! Mais j'ai dû choisir “ESP”, car la compo de Pink Floyd est instrumentale...

SHJ - Justin n'avait que 14 ans à ce moment-là.

M - C'est incroyable. Quand on regarde les photos, il a l'air si jeune.

SHJ - C'est ainsi que tout a commencé.

M - Était-ce à Inkberrow ?

SHJ - C'était à Morton Underhill, un hameau sis près d'Inkberrow.

M - Qu’écoutiez-vous d’autre, comme musique ?

SHJ - Nous écoutions ce que mon grand frère ramenait à la maison, surtout des albums des Beatles et des Beach Boys.

M - Te souviens-tu d'un morceau ou d'une chanson en particulier qui a provoqué en toi un flash, une sorte de prise de conscience ?

SHJ - Probablement “A Day In The Life”, des Beatles. J'étais fasciné par cette chanson. Il y a une telle mélancolie, une telle profondeur, et les paroles sont surréalistes et très visuelles. Elle est parfaite pour moi. Je l'adore encore aujourd'hui.

M - En t'écoutant parler, j’imagine que la façon dont tu écris évoque peut-être le style précis et réaliste de la chanson des Beatles. ‘I read the news today oh Boy’. Je discerne un lien avec l'approche 'stream of consciousness' qui est ta signature.

SHJ - Je n'y avais jamais pensé auparavant. Mais ta réflexion ne me surprend pas trop. Car la plupart de nos créations sont influencées, de manière subliminale, par ce qu'on a vu ou entendu, sans que nous nous en rendions compte.

M - En même temps, les Beatles ont quasiment tout inventé dans le domaine de la musique pop, non ? Ils étaient les premiers à écrire des paroles aussi originales.

SHJ - Oui, c'est vrai.

M - Comment trouves-tu l'inspiration pour écrire tes textes ?

SHJ - Autrefois, lorsque j'écrivais, je passais des heures et des heures assis devant une feuille blanche en cherchant le souffle créateur. Et finalement, il se manifestait. J’ignore d'où il venait, mais j'étais très satisfait du résultat. Au point qu'en me relisant, je me demandais si c'était bien moi qui avais rédigé ces mots. En fait, la création, c'est presque comme un état méditatif, un moment hors du temps.

M - C'est le moment où tu es dans les limbes, entre le rêve et la réalité. Ça prend quelques fractions de secondes et puis, tu reviens et il y a quelque chose sur le papier. C'est un peu comme une hypnose, ne crois-tu pas ?

SHJ - Oui, je pense que c'est le cas. C'est impressionnant, comme processus. Parfois, le résultat est moins bon mais à chaque fois, je suis surpris.

M - La prochaine citation est très facile...

‘I tried to laugh about it
Cover it all up with lies
I tried to laugh about it
Hiding the tears in my eyes’

(‘J'ai essayé d'en rire
De tout couvrir tout avec des mensonges
J'ai essayé d'en rire
En cachant les larmes dans mes yeux’)

SHJ - ...because Boys Don't Cry (rires) !

M - Dans le mille ! Parlons un peu de The Cure, ces merveilleuses personnes qui ont été si importantes dans la vie de votre groupe.

SHJ - La première fois que j'ai entendu The Cure, c'était dans la voiture de mon père, et “10:15 Saturday Night” passait à la radio. Le lendemain, j'ai acheté le single et, ensuite, j'ai découvert leur premier album.

M - Et c'est au groupe que vous avez envoyé votre première 'démo'.

SHJ - Oui. Ils avaient publié une annonce car ils cherchaient un band pour assurer leur première partie.

M - Et vous avez joué en supporting act à l'université de Loughborough. Et plus tard, vous avez enregistré la première cassette sous la direction de Robert Smith. J'ai entendu parler d'une anecdote concernant “Charlotte Sometimes”...

SHJ - Oui. Nous étions en studio et Robert nous a permis d’écouter un nouveau morceau de The Cure, “Charlotte Sometimes”, qui était fabuleux. On le félicite évidemment et il nous répond : ‘But it's not as good as any of your stuff of course !” (“Mais ce n'est pas aussi bien que tout ce que vous faites, bien sûr !’) (rires).

M - Crois-tu qu'il parlait sincèrement ou était-ce du second degré ? Perso, je crois qu'il vous aimait vraiment beaucoup, à ce moment-là.

SHJ - Robert était quelqu'un de très modeste. Ce qu'il appréciait surtout chez nous, à cette époque, c'était notre naïveté, notre simplicité et l'originalité de notre musique. Je pense que lorsque nous avons mieux maîtrisé nos instruments et sommes devenus ce que nous sommes aujourd'hui, il nous a appréciés d'une manière différente.

M - Et puis, un jour Siouxsie a débarqué dans le studio...

SHJ - Oh oui ! Un grand moment, car nous étions tous d'énormes fans de Siouxsie, avant même qu'elle n'ait rejoint une maison de disques. Nous connaissions sa musique grâce aux sessions de John Peel. A cet instant, elle n'avait pas encore signé de contrat. Il existait même des badges sur lesquels on pouvait lire ‘Siouxsie, don't sign !’ (rires). Nous ne voulions pas qu'elle intègre le business musical parce que c'était tellement cool qu'elle soit indépendante du système. C'était très 'punk'. Et en effet, un jour, elle a débarqué dans le studio où nous étions.

M - Un véritable choc, je suppose ?

SHJ - Oh oui ! Nous étions bouche bée, comme tétanisés. On ne savait que dire ou faire. Un des plus grands moments de ma vie.

M - On continue...

‘The jasmine grows
In through the walls
Into the fruit room
Its perfume blows...’

(‘Le jasmin pousse
Au travers des murs
Dans la pièce aux fruits
Son parfum souffle…’)

SHJ - C'est “The Fruit Room”...

M - Je ne sais pas qui a écrit ce texte, mais il est magnifique (rires) ! En fait, il s’agit de ma chanson préférée d'And Also The Trees. Extraite de “Green Is The Sea”, mon album favori.

SHJ - A Morton Underhill, nous vivions dans une ancienne ferme et dans la pièce où j'écrivais, et où nous nous retrouvions pour boire, fumer et écouter de la musique, il y avait du jasmin. La plante avait traversé les murs et poussé dans la pièce. C'est dans ce contexte que j'ai écrit ces paroles.

M - C'est incroyable ! Tu sais, cet opus a quelque chose de spécial pour moi tant au niveau musical que dans ma vie personnelle. C'est probablement celui d'AATT dont les arrangements sont les plus audacieux. Sans doute en raison de la présence des claviers.

SHJ - Oui, c'est vrai. Pour être franc, je n'avais plus écouté “Green Is The Sea” depuis longtemps et un jour, il y a peu, je me suis replongé dans l'album. J'ai vraiment été surpris. Je m'étais habitué aux versions dépouillées, que nous interprétions sur scène et j'avais oublié toute la complexité du disque. Il se passe énormément de choses au niveau musical. Une fois ce moment d'étonnement passé, j'ai pris énormément de plaisir à le réécouter.

M - C'est un véritable kaléidoscope musical. En général, j'aime beaucoup les musiques 'crossover', qui combinent toutes sortes de courants, comme le pratiquent Radiohead et Nine Inch Nails. On ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un style de musique bien précis.

SHJ - Oui, exactement.

‘Half a gramme for a half-holiday,
A gramme for a weekend,
Two grammes for a trip to the gorgeous East,
Three for a dark eternity on the moon.’

(‘Un demi-gramme pour des demi-vacances,
Un gramme pour un week-end,
Deux grammes pour un voyage dans le magnifique Orient,
Trois pour une sombre éternité sur la lune.’)

SHJ - C'est “Brave New World”, d'Aldous Huxley !

M - Bien vu ! Il y parle d'une drogue, appelée ‘Soma’. Ce qui me permet de poser une question, à laquelle tu n'es pas obligé de répondre : as-tu déjà pris des substances psychédéliques ?

SHJ – Oui.

M - T’ont-elles ouvert des portes comme le dit Aldous Huxley dans ‘The Doors of Perception’ ?

SHJ - Oui. C'est un sujet intéressant. J'y ai beaucoup réfléchi récemment, en écrivant la biographie du groupe pour notre site internet. Je me suis dit qu’il serait bien de consacrer une publication sur les 'substances' et de la traiter de manière honnête et intelligente. Parce qu'il existe évidemment le problème des excès et des dangers inhérents à cette consommation. Mais, il est indéniable qu’elles ouvrent des portes. Elles te permettent de voir les choses différemment.

M - On en parlera 'off the record', après l'interview car le sujet mérite des développements, surtout quand on aborde les substances psychoactives, comme l'ayahuasca. Mais pour revenir à Huxley, sais-tu qu'il s'était inspiré de William Blake ?

SHJ - Ah non !

M - Le concept des portes de la perception vient du livre ‘The Marriage of Heaven and Hell’. Blake y écrit : ‘If the doors of perception were cleansed, everything would appear as it is, infinite...’ (‘Si les portes de la perception étaient nettoyées, toutes les choses apparaîtraient comme elles sont, infinies...’)

SHJ – Wow !

M - Passons à la citation suivante, car elle nous permettra de parler de la Belgique.

‘My death waits there among the leaves
In magicians' mysterious sleeves
Rabbits and dogs and the passing time
My death waits there among the flowers
Where the blackest shadow, blackest shadow cowers
Let's pick lilacs for the passing time...’

(‘Ma mort attend là parmi les feuilles
Dans les manches mystérieuses des magiciens
Les lapins et les chiens et le temps qui passe.
Ma mort attend là parmi les fleurs
Où l'ombre la plus noire, la plus noire, se tapit
Cueillons des lilas pour le temps qui passe…’)

SHJ - Jacques Brel ! C'est à l'origine une chanson de Jacques Brel, “La Mort” ! Et ici, c'est un des rares cas où la reprise en anglais (NDR : “My Death”) est en fait meilleure que la version originale ! J'adore aussi bien celle de Scott Walker que de David Bowie. Elles sont toutes deux absolument brillantes.

M - La traduction a été effectuée par Mort Shuman, un chanteur assez connu en France, en Belgique et en Suisse, surtout grâce à son hit : “Le Lac Majeur”.

SHJ - Non, je ne le connais pas. C'est étrange parce que ma femme est précisément originaire d'une ville qui borde le Lac Majeur.

‘In a bed of leaves
In a bed of lace
In a bed of fire
In a bed of leaves
She's calling me, calling me…’

(‘Dans un lit de feuilles
Dans un lit de dentelle
Dans un lit de feu
Dans un lit de feuilles
Elle m'appelle, m'appelle…’)

SHJ - Facile, c'est “In Bed In Yugoslavia”, extrait de notre dernier album, “The Bone Carver”.

M - Et la dernière citation...

‘So long ago,
It must have been in another life
The trees were gods
And fires could sing until the morning dawned
An eagle, flyin' high to guide our way
The path was bright and led up there into the Sun...’

(‘Il y a si longtemps,
C'était sans doute dans une autre vie
Les arbres étaient des dieux
Et les feux chantaient jusqu'aux aurores.
Un aigle, volant haut pour nous guider
Le chemin était lumineux et nous menait vers le Soleil…’)

SHJ - Je ne vois pas...

M - Tu ne trouveras pas, parce que c'est extrait... d'une de mes propres chansons (rires) !

SHJ - D'accord ! Je me demandais si ce n'était pas une chanson de Pink Floyd...

M - Ah, c'est une très belle référence ! J'achète (rires) !

Simon, bonne chance pour le concert de ce soir et pour tes prochains projets ! Peut-on espérer un prochain album d'AATT ?

SHJ - Oui, nous travaillons sur de nouvelles compositions pour l'instant.

M - J'ai une suggestion pour le titre du prochain album : “Blue Is The Sky”...

SHJ - Nous n'avons pas encore de titre. Mais oui, je vois ce que tu veux dire ! Tu fais référence aux paroles que j'avais écrites tout au début, au moment où nous avons choisi le nom du groupe. J'avais rédigé ce petit poème qui, finalement, n'a pas débouché sur un morceau précis mais a inspiré beaucoup de choses. C'était :

‘Green Is The Sea,
And Also The Trees,
Blue is the Sky,
And Blue were your Eyes...’

(‘Verte est la mer,
Et aussi les arbres,
Bleu est le ciel,
Et bleus étaient tes yeux...')

M - Merci beaucoup pour cette interview, Simon !

SHJ - Merci à toi !

Pour écouter et acheter les albums d'And Also The Trees, c'est ici

Pour écouter l'interview audio dans l'émission WAVES, c'est ici

Pour lire la chronique du concert de Catherine Graindorge + Guests, c'est

Merci à Simon Huw Jones, à Catherine Graindorge, à Bozar et au Botanique.

 

 

 

Ce soir, c'est l’ouverture des Nuits Botanique 2023 ! Pour la circonstance, le Botanique et Bozar se sont associés pour présenter deux spectacles exceptionnels, qui se déroulent à Bozar. Avant le trio Merope, Catherine Graindorge a l'honneur de fouler les planches de la salle Henry Le Boeuf.

Cette violoniste et compositrice bruxelloise est active depuis 2012, date à laquelle elle a sorti son premier album solo, “The Secret of Us All”. Depuis lors, elle a multiplié les collaborations en compagnie d’artistes tels que John Parish, Hugo Race, Pascal Humbert et Bertrand Cantat (Detroit), Warren Ellis et Nick Cave (Jeffrey Lee Pierce Project) et, plus récemment l’iconique Iggy Pop pour un Ep baptisé “The Dictator”. Elle a également composé pour le théâtre et le cinéma, décrochant une nomination aux Magritte du Cinéma pour la bande originale du film dramatique, “Chant des Hommes”.

Ce soir, elle propose une création en avant-première, ‘Songs From The Dead’. Au moment où elle prend place au milieu de la scène, entourée de ses violons, de ses multiples pédales d'effets et de son harmonium portable, sa chevelure blonde rayonne et sa tenue, 100% noire, s'accorde à la thématique de son nouveau projet. A ses côtés, on reconnaît Pascal Humbert (16Horsepower, Lilium) à la basse et aux percussions, et Simon Ho aux claviers. Après une introduction musicale empreinte d'une douceur et d'une profondeur toute mystique, une silhouette se détache de l'ombre pour prendre place devant le micro : c'est Simon Huw Jones, le chanteur bien connu du groupe anglais And Also the Trees.

graindorge_03

Fidèle à son style unique, Simon pose sa voix envoûtante, alternant chant et déclamation dans un souffle romantique. Le violon de Catherine Graindorge vient mêler ses volutes sonores, tantôt chatoyantes, tantôt stridentes, à l'expression littéraire du Britannique. Le tout nous plonge au sein d’un univers cinématographique totalement hypnotique. En écho lointain aux envolées d'un Max Richter ou aux harmonies écorchées d'un Warren Ellis, la musique du quatuor voyage hors du temps, dans un espace onirique vibrant.

graindorge_02

Le point de départ de la création de Catherine Graindorge + Guests est un poème intitulé ‘A Dream Record’. Mexico, le 6 septembre 1951. Sous l’emprise de la drogue et de l’alcool, William Burroughs tue accidentellement sa femme Joan d’un coup de revolver en voulant imiter Guillaume Tell. En 1955, Allen Ginsberg écrit ce poème, dans lequel il raconte un rêve lié à l'événement. Il est à Mexico, Joan Burroughs est assise sur une chaise. Ils discutent et soudain Ginsberg, réalisant que ce n’est qu’un rêve, lui demande : ‘Joan, quelle sorte de savoir a-t-on lorsqu’on est mort ? Peux-tu encore aimer tes connaissances mortelles ? Quel souvenir gardes-tu de nous ?’ Inspirées par ce poème et par le mythe grec d'Orphée et Eurydice, les compositions du quatuor interrogent donc les défunts, ceux qui ont compté dans la vie de la violoniste belge, qu’ils soient intimes ou lointains. Les paroles de Simon Jones évoluent, c'est usuel pour lui, dans un 'stream of consciousness' subtil et solennel, pénétré par la puissance de la nature et l'illumination du moment présent.

Plus tard, deux choristes, Lula et Ilona Rabinovitch, les deux filles de Catherine, rejoignent le quatuor pour prêter leurs voix diaphanes à une composition tout simplement sublime, rythmée par les arpèges du piano, les envolées du violon et la poésie hallucinante de Simon Jones. “Silent Is The Day...”.

A l'issue de ce périple magique, quasi chamanique, on se dit qu'on aimerait pouvoir repartir chez soi avec, en ses mains, la musique de ce moment unique. Bonne nouvelle : le concert a été enregistré et filmé et fera l'objet d'un documentaire. A suivre !

Après une courte pause, le moment est venu de passer au spectacle du trio international Merope, qui a invité le chœur Jauna Muzika, de Vilnius, pour la première mondiale de son nouvel opus, “Salos”. Au milieu de la scène, on découvre la chanteuse lituanienne Indrė Jurgelevičiūtė, flanquée, à sa droite du Français Jean-Christophe Bonnafous à la flûte indienne (bansurî) et, à sa gauche, du Belge Bert Cools, à la guitare, aux claviers et aux effets électroniques. Placé sur la droite de la scène, le chœur Jauna Muzika réunit une quinzaine de chanteuses et de chanteurs, dirigés par Vaclovas Augustinas.

Au fil des premières compositions, on découvre une musique largement centrée sur le chant folklorique lituanien et le “kanklės”, un instrument à cordes pincées traditionnel, joué par Indrė, mais ces éléments sont combinés à des sons tantôt expérimentaux tantôt carrément électroniques.

Le chœur Jauna Muzika apporte à la l’expression sonore une touche majestueuse, inspirée de la musique sacrée. On se sent à nouveau transporté dans un autre monde, tout aussi mystique que celui de Catherine Graindorge. Dans une démarche totalement originale, le trio se saisit de la tradition folk pour la transformer en un laboratoire sonore inspiré par la modernité. On pense parfois à Björk ou à Wardruna et le côté 'ambient' électronique évoque Ben Frost. C'est comme une recherche rétrofuturiste des liens entre l'homme et la nature, au travers d'une méditation musicale pleine de virtuosité et de sensibilité.

Au moment de quitter Bozar après ces deux superbes spectacles, on se dit que les Nuits Botanique commencent de la meilleure façon, dans une aura lumineuse. Venues de Lituanie, les aurores boréales ont gagné nos régions et elles éclairent notre conscience de leur éblouissant éclat...

Merci au Botanique, à Bozar et à Sabam For Culture. Merci à Simon Hugh Jones pour l'interview qu'il nous a accordée avant le concert et qui sera publiée dans votre webzine favori !

Trio Merope + Catherine Graindorge

(Organisation : Botanique et Bozar)

Crédit photos : Axel Tihon (merci à Branchés Culture)

 

Peu de groupes belges sont connus mondialement. On cite souvent dEUS, Front 242, Soulwax et 2ManyDJs ; mais le plus célèbre demeure, sans doute, Telex. Fondé en 1978 par Dan Lacksman, Michel Moers et le regretté Marc Moulin, le trio a créé une musique singulière, mélangeant l'esthétique du disco, le ‘Do-It-Yourself’ punk et les expérimentations ‘kraftwerkiennes’ de la musique électronique ; le tout saupoudré d'un sens du surréalisme typiquement belge. On se souvient de son passage à l'Eurovision et de sa reprise minimaliste de "Twist à Saint-Tropez", mais surtout de "Moskow Diskow". Cette compo figure sur le premier elpee du groupe, "Looking For St. Tropez", sorti en 1979, et a rencontré un franc succès, y compris à l'étranger. Au point de devenir un ‘must’ dans les playlists des DJ orientés 'wave' et/ou 'electronic'.

Aujourd'hui, plus de 44 ans après la naissance du trio, les deux membres de Telex éditent un nouveau coffret de 6 albums en format vinyle et CD. Publié chez Mute Records et distribué par [PIAS], il réunit les six opus du groupe, qui ont été remixés et remastérisés.

Musiczine a assisté à la présentation officielle du coffret, qui se déroulait récemment chez [PIAS], à Bruxelles, en présence de Dan Lacksman, Michel Moers et Daniel Miller, le fondateur de Mute Records. L'animation était assurée par Olivier Monssens, présentateur à la RTBF (Radio Caroline).

On a ainsi appris que, lorsque l'idée du coffret a été lancée, Telex n'envisageait que de remastériser les disques. ‘Mais nous n'étions pas satisfaits du résultat’, explique Dan Lacksman. ‘Particulièrement en ce qui concerne le 3ème, « Sex ». Nous ne parvenions pas à reconstituer le potentiel des morceaux uniquement par le biais du mastering. Et donc, nous avons entrepris de remixer deux ou trois titres de l'album, puis tous les tracks et finalement, comme nous étions très heureux du résultat et que nous prenions du plaisir à réaliser ce travail, nous avons décidé de revisiter l’intégralité. Et il s'est avéré que le potentiel d'amélioration était important pour, en moyenne, la moitié des pistes. Finalement, nous avons remixé 65 tracks.’ Il faut dire que l’opération s’est déroulée en pleine pandémie, donc les deux musiciens disposaient de tout le temps nécessaire pour accomplir ces travaux d'Hercule.

‘Mais le défi suivant était, lui aussi, de taille’, se souvient Michel Moers. ‘Il fallait remastériser le tout et faire en sorte que le coup de peinture final corresponde au rendu des morceaux originaux. Mais je crois que nous y sommes parvenus vu que, dans de nombreux cas, il est très difficile de distinguer les versions remixées des originales...’

Au moment de choisir une compagnie de disque pour ses rééditions, Telex bénéficiait d’un fameux atout : disposer de tous les droits sur ses chansons. ‘Nous avons d'abord reçu une proposition de Gilbert Lederman (NDR : d'Universal Belgique), aujourd'hui disparu. Nous avons refusé car nous ne voulions plus travailler avec une 'major'. Gilbert a été très 'fair-play' car il nous a suggéré : 'Pourquoi ne pas essayer Mute Records ?' Le conseil de Gilbert a agi comme un déclencheur et on a tenté le coup en envoyant un e-mail au label... Et, à notre plus grande surprise, nous avons reçu une réponse de Daniel dès le lendemain. Travailler avec Mute Records sur ce coffret, c'est comme un rêve qui se réalise...’

Il faut dire que Daniel Miller, le fondateur et boss de Mute Records, était déjà un fan de Telex, ce qui a grandement facilité les choses. ‘J'ai découvert Telex dès ses débuts’, se souvient Miller. ‘J'ai entendu « Twist à St Tropez », probablement dans l'émission de John Peel, car, à cette époque, c'est là que je traquais toutes les nouveautés intéressantes. Ma première impression ? Par rapport à ce que je créais, par exemple au sein de Silicon Teens, c’était très 'pro'. Le son était puissant et clair. Mais ce qui m'a surtout frappé, c'était ce sens de l'humour. La musique affichait un côté très sérieux, mais ce décalage, ce côté 'pince-sans-rire', me plaisait beaucoup. La plupart des gens avec lesquels je travaille ont ce sens de l'humour. Donc, j'étais impressionné et très désireux de travailler avec eux.’

En Belgique, le trio a tout d'abord été signé par RKM (Roland Kluger Music) et Daniel Miller est passé à côté d'un deal pour l'international. Pourquoi ? ‘La raison est très simple’, se souvient Miller. ‘C'est parce que le regretté Seymour Stein, de Sire Records, a été plus rapide que moi pour le signer ! Seymour était un véritable visionnaire et je tiens à lui rendre hommage aujourd'hui.’

On se souvient aussi qu'en 1979, Telex avait fait une apparition remarquée dans ‘Top of The Pops’, l'émission culte de la BBC, pour y interpréter "Rock Around The Clock". ‘A l'époque’, se rappelle Michel Moers, ‘La BBC exigeait que les artistes enregistrent une version spécifique de leur chanson dans les studios de la télévision et c'est cette mouture qui devait être jouée au moment du 'live'. Comme la plupart des autres artistes, nous avons un peu triché et enregistré la 'version BBC' à l'avance, dans nos propres studios et, une fois sur place, nous avons usé de stratagèmes pour simuler l’enregistrement ; et, au moment où les responsables de la BBC quittaient le studio pour aller boire un café, on a inséré subrepticement nos versions pré-enregistrées dans le processus’. ‘Tout le monde était obligé de tricher’, confirme Dan Lacksman. ‘Il est en effet impossible de restituer en un seul jour la qualité d'un enregistrement studio qui a nécessité des semaines pour être peaufiné.’

Visuellement, la prestation de Telex à ToTP était particulièrement originale. ‘Nous avons pris les autres artistes à contre-pied’, précise Michel Moers. ‘J'étais juste assis, occupé de lire le journal et de boire un verre d'eau, tandis que mes deux acolytes jouaient du synthé de façon statique. Nous avions une attitude volontairement ennuyée, voire ennuyeuse, un peu comme Buster Keaton, le comique qui ne souriait jamais.’ Et Daniel Miller de souligner, d’un humour typiquement anglais : ‘C'était du 'performance art (rires) !’...

Daniel Miller se souvient de l'impact que Telex a eu, à l'époque, en Angleterre. ‘En 1979, la presse était très critique face aux formations ou artistes électroniques. Ils considéraient qu'ils étaient 'fake'. Pour elle, un groupe devait compter un batteur, un bassiste et un guitariste. Pourtant, le titre de Telex a rencontré pas mal de succès dans les charts.’ En effet, "Rock Around The Clock" s’est hissé à une honorable 34ème place dans le classement officiel anglais. C'était en juillet 1979, quelques semaines seulement après la 1ère place décrochée par Gary Numan (Tubeway Army) pour « Are friends electric, ». La musique électronique était clairement occupée de creuser son sillon...

De nombreux experts estiment que les musiciens de Telex sont, d'une certaine manière, des précurseurs de la techno et de la house. Daniel Miller est de cet avis : ‘Absolument ! Les artistes ‘techno’ de Detroit écoutaient et jouaient du Telex. Mais souvent à une autre vitesse ; ils changeaient le bpm (NDR : beats per minutes). Par exemple, ils interprétaient "Rock Around The Clock" en l'accélérant un peu. Et le remix de "Moskow Diskow" imaginé par Carl Craig est devenu un classique !’ Sans oublier, bien sûr, la new-beat, qui est née en Belgique. Elle s’était également inspirée de la 'wave' électronique. ‘La new-beat, elle, ralentissait les tracks’, précise Dan Lacksman. ‘Typiquement, ils passaient un 45 tours en 33 tours sur la platine vinyle en réglant le 'varispeed' à '+8'.’ C'est en effet en appliquant cette technique au morceau "Flesh" de A Split Second qu'est née la new-beat, si l'on en croit la légende, bien sûr... ‘Mais nous, nous ne nous souciions pas du bpm’, poursuit Lacksman. ‘On disposait de machines analogiques. Donc on réglait les boutons 'au feeling', sans disposer de repères chiffrés. Que "Moskow Diskow" soit rivé à 130bpm était un pur hasard. Evidemment, quand les boîtes à rythmes et les ordinateurs sont arrivés, tout le monde a commencé à se caler sur les mêmes tempos.’

Avant de clôturer ce compte-rendu, mentionnons quelques anecdotes croustillantes qui ont été évoquées au cours de la présentation :

- Daniel Miller possède un vocoder original qui a appartenu à Kraftwerk, mais il ne fonctionne plus ;

- Daniel Miller confirme que les démos du premier disque de Fad Gadget ont été enregistrées dans une garde-robe (!) ;

- Michel Moers chante différemment sur l'album "Sex" que sur les autres long playings de Telex parce que Russel Mael, des Sparks, qui avait écrit les paroles des chansons en compagnie de son frère Ron, se trouvait dans le studio ; et donc, comme Michel voulait l'impressionner, il s'est improvisé chanteur de rock ;

- Le titre de l'album "Sex" a été censuré aux Etats-Unis ; là-bas, il est commercialisé sous le titre "Birds and Bees" ;

- Daniel Miller est un passionné de techno ; il a monté un projet en compagnie de Gareth Jones baptisé Sunroof.

Pour écouter et commander le nouveau coffret de Telex, c'est ici.

Pour écouter l'interview audio, diffusé dans l'émission de radio WAVES, c'est ici.

Merci à Telex, Daniel Miller, Mute Records, [PIAS], Olivier Monssens et l'émission de radio WAVES (Radio Vibration).
 
 
 

 

 

Telex, le légendaire trio belge de synthpop, composé de Marc Moulin (1942-2008), Dan Lacksman et Michel Moers, a été lancé à Bruxelles en 1978. En pionniers de la synthpop, les trois Belges ont a fait entrer la pop électronique dans le “mainstream”.

Au cours de sa carrière, le trio a sorti six albums : 'Looking for Saint-Tropez' (1979), 'Neurovision' (1980), 'Sex' (1981), 'Wonderful World' (1984), 'Looney Tunes' (1988) et 'How Do You Dance' (2006). Aujourd'hui, ces albums sont réédités par Mute Records dans un coffret vinyle de 6 pièces, doublé d'un coffret de 6 CD en version numérique. Les morceaux ont été remixés et remastérisés, ce qui fait du coffret un objet de collection unique pour les fans et... les autres!

Musiczine a assisté à la présentation officielle du coffret, qui se tenait chez [PIAS], à Bruxelles, en présence de Dan Lacksman, Michel Moers et Daniel Miller, le fondateur de Mute Records. Un compte-rendu complet vous sera proposé sous peu dans les colonnes de votre webzine favori!

Pour écouter et commander le coffret, c'est ici.

L'équipe du Botanique a présenté le programme complet de son festival printanier: Les Nuits, qui se tiendra du 23 avril au 12 mai. Paul-Henri Wauters, directeur, a souligné la particularité majeure de l'événement: une étroite collaboration avec les artistes, qui se concrétise par des créations exclusives et des avant-premières (“releases”).

Auréolée par sa récente collaboration avec Iggy Pop, Catherine Graindorge proposera ainsi une performance exclusive, intitulée “Song From The Dead”. Sur la scène de Bozar, elle sera accompagnée par Simon Huw Jones (And Also The Trees), Pascal Humbert (16Horsepower, Detroit) et Simon Ho. En lever de rideau de la conférence de presse, elle a donné un avant-goût de sa composition, qui repose sur des boucles hypnotiques, des voix éthérées et de très belles envolées de violon. Les autres créations seront à mettre au crédit de David Numwani, Neptunian Maximalism, Clara! et les fidèles de l'Ensemble Musiques Nouvelles.

Au rayon des avant-premières, on citera les “releases” d'Annabel Lee, Marcel, Sagat, Rori, Rive, Pierres, Predatory Void, SOROR, Lo Bailly, Everything Falls Apart, Echt!, Kuna Maze, Jean-Paul Groove, Dan San et Aurel.

Côté belge, la programmation comprendra également Ada Oda, BRNS, COLT, Doria D, Gros Cœur, ICO, KAU Trio, Kuna Maze, Meyy, Mia Lena, Mustii, TUKAN, The Haunted Youth et Eosine, les vainqueurs du Concours-Circuit.

Au niveau international, on a sélectionné pour vous Flavien Berger, Coby Seyn, Lucrecia Dalt, Miel de Montagne, Bill Callahan, La Dispute, ELOI et Johan Papaconstantino. Autre “tip”: le sublime David Eugene Edwards (16Horsepower, Wovenhand), qui sera présent en formule solo le 7 mai à l'Orangerie.

Cerise sur le gâteau: la soirée spéciale BOTA BY NIGHT, le samedi 29 avril à partir de 23h, où des musiciens et DJ internationaux animeront la nuit : Clara!, Eden Samara, Lyzza, Sagat, Space Afrika, Uniiqu3 et Yung Singh.

Outre le centre culturel, dont les serres viennent d'être rénovées, plusieurs lieux décentralisés accueilleront des concerts exceptionnels. Nous avons déjà parlé de Bozar. Épinglons également Sarah Davachi à l'Eglise des Dominicains et November Ultra à l'Eglise Notre-Dame de Laeken.

Cette 30e édition des Nuits sera la dernière pour le directeur du “Bota”, Paul-Henri Wauters. Très ému, il a en effet confirmé son départ en mai prochain. Un coup de chapeau en passant à ce passionné, qui a animé le Centre culturel de très belle manière pendant toutes ces années.

Pour plus d'infos: www.botanique.be.

Page 3 sur 29