« From Kinshasa » constitue sans doute l'un des disques les plus excitants de l'année. Mbongwana Star est le nouveau projet de Coco Ngambali et Theo Nzonza épaulés par cinq autres musiciens issus de Kinshasa et surtout par le producteur Liam Farell.
Coco et Theo sont les membres fondateurs de Staff Benda Bilili réunissant plusieurs musiciens en chaise roulante, un collectif qui a publié deux LPs. Multi primés, il sont parus chez Crammed, en 2009 et 2012.
Un succès dû également au film qui leur a été consacré retraçant leur histoire des rues de Kinshasa, où ils vivaient parmi les mendiants, jusqu'à à la sortie de leur premier elpee et la tournée mondiale qui a suivi.
Les compos de SBB marient rumba congolaise, musique cubaine, R&B et reggae, une expression sonore partiellement jouée sur des instruments construits à l’aide de matériaux recyclés. Un point commun décelé chez leurs formidables compatriotes Konono n°1, autres artistes signés chez Crammed, qui viennent d'ailleurs poser leurs likembés transiques sur « Malukayi , un des titre-phares de l'album.
Les deux compères ont voulu que Mbongwana soit loin d'être un copier/collé de Benda Bilili. Certes, il reste une base de rythmes congolais traditionnels et de rumba kinoise, mais ils fusionnent le tout à des sonorités électroniques, hip hop voire Post-Punk. C’est l'oeuvre de Liam Farell, mieux connu sous le pseudo de Doctor L.
Le parcours de ce Franco-irlandais mérite d'être retracé. D'abord batteur dans des groupes de rock (Taxi Girl, Rita Mitsouko, Les Wampas), il se tourne ensuite vers le hip hop et milite notamment au sein d’Assassin dont il produit les deux premiers opus. C'est le début de sa carrière derrière les manettes. Il a aujourd'hui, outre ses neuf albums solos, d'innombrables productions à son actif. Il a notamment bossé pour Rodolphe Burger, Kabal, Bumcello et Tony Allen. Son travail sur le « Black Voices » de ce dernier n'avait sans doute pas échappé aux leaders du Mbongwana Star.
« From Kinshasa » est donc une formidable réussite de fusion entre la tradition africaine et la musique occidentale. Enregistré ‘dans le rouge’, jouant continuellement sur la distorsion, dans un esprit très punk, il alterne ballades blues teintées de psychédélisme et moments d'énergies pures soutenues par une voix tantôt caressante tantôt incantatoire. On épinglera particulièrement « Masobélé », dont les atmosphères oscillent entre post-punk et funk, le technoïde « Suzana » ainsi que « Kala », énorme tube afro-électro transique, cocaïne naturelle anti-coup de pompe.
Un disque que Nick Gold, le patron du label World Circuit (Buena Vista Social Club, Ali Farka Touré, Toumani Diabaté...) n'aurait laissé passer pour rien au monde après l'avoir reçu un peu par hasard dans une boîte de nuit londonienne. Il aurait confié à Doctor L que c'était le meilleur album qu'il avait écouté depuis dix ans.
Il serait en tout cas malheureux que ce coup de maître se cantonne aux seuls fans de world music qui d'ailleurs pourraient être un peu désarçonnés par les sonorités. A contrario, il pourrait convaincre un public bien plus large et sans doute plus alternatif. L'ovni de l'année est chanté en lingala.