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Laurent Deger

Laurent Deger

Saluons d'entrée l'initiative de ce festival consacré aux arts numériques. Il a permis aux professionnels et au public curieux d'assister à une toute une série d’activités d’apprécier le travail d’une dizaine d’artistes actifs dans le secteur de la culture numérique. Rendons hommage aux organisateurs qui à l’aide de modestes moyens mais un excellent carnet d'adresses ont apporté à la Cité Ardente un événement qui, nous l'espérons, se répètera dans les années à venir. Outre une exposition, trois conférences et un workshop permettant de se familiariser avec deux logiciels de mapping, il s’agissait surtout de proposer gratuitement au public liégeois plusieurs performances accordées dans les locaux de l’Académie des beaux-arts de Liège. Le festival se clôturait dans le nouveau haut lieu du clubbing principautaire, Le Cadran, où l'on a pu assister pour un prix très démocratique à une série de sets d'artistes renommés.

Tout d'abord, quelques mots sur les différents spectacles glanés auprès de quelques collaborateurs de Musiczine. Le festival débute tout en douceur, le mercredi, par ‘Disorder’ un show du CENC (Centre d’expression numérique et corporelle basé en Suisse). Des danseuses se meuvent lentement derrière un écran sur une composition ambient délicate. C'est joli et poétique mais on est content que le spectacle ne dure qu'une petite demi-heure car la lassitude commence à poindre en fin de parcours. Succès de foule comme ce sera le cas toute la semaine. C'est aussi l'occasion de découvrir diverses installations aménagées dans les locaux de l'Académie.

La seconde soirée débute également par l'alliance de la danse et de la musique électronique. Au programme : la performance du studio d'art numérique barcelonais Reflection Lab au cours de laquelle, les mouvements de la danseuse tentent d'épouser les formes colorées projetées sur l'écran.

La musique de Light Sound & Death est bien plus expérimentale et éprouvante. Le performeur, dans un costume brillant, s'agite de manière épileptique devant de puissantes lampes à effet stroboscopique. Notre chroniqueur du soir est vite saturé par ce spectacle sans concession.

Peu de précision malheureusement sur celui du jeudi proposé par 1024 Architecture. Notre photographe préférée Marine B. a en tout cas été très impressionnée et en est sortie enchantée.

La grande soirée de clôture débute par une prestation captivante de Nonotak, duo composé de l’artiste et illustrateur Noemi Schipfer et de l’architecte et musicien Takami Nakamoto, que l’on retrouvera plus tard en solo. Ils nous présentent leur dernière création, Late Speculation, décrite comme explorant la relation entre espace, image et son et permettant au duo de s’engager dans des représentations live en partie improvisées, où les éléments audiovisuels ne tournent plus en boucle, mais sont plutôt ajustés sur le moment même. Prenant place, face à face, autour de leurs machines, dans un triangle transparent dont les projections en lignes et formes géométriques épousent la forme, les comparses proposent un son assez dur et oppressant, à coloration indus et technoïde. Ils procurent une sensation d’encerclement au milieu de ces sonorités hachées, fracturées, mi-sourdes mi-crissantes, mais élégantes et maîtrisées.

La suite se déroule au Cadran. Elle débute agréablement par des lives audio/vidéo. Emilia Gumanska aka Emiko, tout d’abord, allie projections intrigantes et motifs électroniques doux mais puissants. Pour suivre, Steve Buchanan nous gratifie d’une étonnante et brève démonstration, à même le sol, d’une plaque podale de laquelle il extrait, en la martelant et la piétinant, des motifs métallo-tribaux. Takami Nakamoto propose ensuite un set intéressant mais quelque peu répétitif et décousu, fait de cut-ups foisonnants et bien agencés mais sans véritable ligne de conduite. Une abstraction technoïde que l'on retrouve dans la brève performance d'Okus Cie. 

Arrive l'artiste mystère qui ne l'est plus depuis un petit temps, le bouche à oreille ayant supprimé tout effet de surprise mais permis d'attirer une foule considérable. Il s'agit de Vitalic attendu par des centaines d'aficionados en délire pour la plupart très jeunes. Ce dernier délivre un set semi-live qui enchaîne tous les tubes qui ont fait de lui un des artistes techno les plus prisés. C'est efficace bien entendu et la foule déjà bien allumée se déchaîne. Votre serviteur, lui, n'en peut déjà plus après quelques morceaux. Les basses massacrent ses vieux tympans et ce genre de techno agressive n'est vraiment plus sa tasse de thé.

Riley Reinhold enchaîne devant un parterre bien moins fourni. Le gros de l'assistance n'a visiblement jamais entendu parler du patron des formidables labels Traum, Trapez et My Best Friend et s'en désintéresse totalement préférant aller se déhancher sur la trap mal dégrossie proposée dans la salle d'à côté. L'Allemand se sent malheureusement obligé de se mettre au diapason de la techno ‘gros sabots’ délivrée avant lui. Bien loin de ses excellentes compilations mixées Tour de Traum, on a droit à une succession de gros beats d'où n'émergent que rarement les mélodies qui ont fait la réputation de son écurie.

Dominik Eulberg lui succède, attendu impatiemment par les plus de trente ans. L'ornithologue n'a jamais été un foudre de guerre du dj set. Son vrai talent s’exprime à travers ses remarquables albums. Et on regrette que les organisateurs n’aient pu convaincre son ami Gabriel Ananda de se joindre à la fête. Trop peu sûr de lui, Dominik n'accepte en effet de jouer en live qu'en compagnie du vétéran teuton. Ici encore, Eulberg joue la carte des effets mille fois entendus et des beats énormes noyés sous la saturation. Mes écoutilles saignent mais la foule semble adhérer. Il est plus de trois heures du matin, l'alcool et les substances font apparemment leur effet. C'est ce que réclament les clubbers. Le droit de lever les bras et de crier de joie quand montent les sons saturés. Et peu importe, si c'est mixé à la tronçonneuse sur des cd gravés.

Immense regret : l'absence de Microtrauma. Annoncé mais décommandé pour de compréhensibles raisons budgétaires (rappelons que tout le festival était gratuit et qu'on pouvait assister à la soirée pour la modique somme de dix euros), le duo aurait probablement sauvé ma soirée. Ce n'est, paraît-il, que partie remise puisque les organisateurs comptent l’inviter prochainement dans la même salle.

En résumé, un événement qui a l'énorme mérite d'exister mais qui doit encore trouver un juste milieu entre performances arty et banals DJ sets. Il est dommage par exemple que les dernières prestations n'aient pas été accompagnées de visuels. Espérons donc que cette première édition ait convaincu les édiles d'octroyer de généreux subsides pour pérenniser et améliorer ce très respectable projet. Il en vaut la peine.

Organisation : Mike Latona + Académie Royale des Beaux Arts de Liège + Cadran + Mapping Festival

‘C'est l'histoire d'un garçon qui ne pouvait pas s'arrêter de danser oh oh oh! Mais quand il regardait autour de lui, tout le monde était assis...’
Connaissez vous "Etre assis ou danser" ce morceau de Liaisons Dangereuses, groupe culte electro du début 80's dont l'inusable classique "Los Ninos del Parque" préfigurait la techno de Detroit?
Et bien il illustre à merveille la soirée passée au Bozar festival ce samedi, on y reviendra plus tard…

C'est Robert Henke qui avait l’honneur d’ouvrir les hostilités, lorsque je suis arrivé dans la salle Henry Le Boeuf (HLB), très bel espace ovale caractérisé par une large scène, un vaste parterre, deux balcons et tout le confort nécessaire pour assister d'entrée de jeu à un superbe spectacle audio-visuel sobrement baptisé ‘Lumière’. Installé tout au fond je n'ai pourtant pas manqué un seul détail de ces visuels faits de formes géométriques pures et simples (encore que l’ensemble se complexifie ensuite) projetés par de puissants faisceaux lasers donnant une image de très haute résolution, permettant de distinguer des détails infimes même à la distance à laquelle j'étais situé. Et quand les fumigènes s'en mêlent, le plaisir des yeux est encore rehaussé sans occulter quoi que ce soit. Musicalement c'est également de très haute tenue. Une techno/electronica nocturne aux accents post-industriels qui flotte, plane, parfois s'intensifie mais jamais ne martèle. Du velours sonore dont la consistance est réelle.

Cap ensuite vers la salle Terarken pour assister à la performance de Phill Niblock et Thomas Ankersmit. Le premier ouvrait son set par une pièce assez extrême –selon mieux informé que votre serviteur– car je suis arrivé quand seul son compère était encore sur scène. Signé sur le label Touch, Niblock est un personnage culte de la scène minimaliste qui a côtoyé physiquement ou par ses œuvres, d'autres figures comme Morton Feldman ou Alvin Lucier... Photographe et vidéaste autant que musicien, il développe de longs drones méditatifs dans lesquels je me glisse progressivement malgré les interférences de quelques spectateurs probablement égarés et peu respectueux de ce qui se passe autour d'eux. Deux écrans projettent des images de pêcheurs au travail, s'affairant sur la coque d'un bateau, préparant et réparant le matériel... Des petits gestes du quotidien comme le sont peut-être finalement ceux de l'artiste derrière ses laptops. Par contre on ne peut pas dire qu'il cherche à rentrer en contact avec le public en dehors de la matière purement artistique. Les yeux rivés sur ses écrans, il sirote tranquillement son verre de vin, semble un moment s'affaisser et finit même par tapoter sur son téléphone! N'aimant pas déranger les gens dans leur intimité, je saisis donc cette occasion pour aller rejoindre Max Cooper à la salle HLB. 

C'est là que tout s’est compliqué, car passé l'heure du début de son live, il n'était plus possible d'accéder à celle-ci que par les balcons et du coup j'ai dû assister à sa prestation assez dansante coincé là-haut, en la regardant de biais. J'ai d'ailleurs failli partir après son intro mystique ambient/new age assez cliché ; mais heureusement l'artiste anglais a vite corrigé le tir pour partir dans un style plus accrocheur et crossover en brassant de larges influences electro, house ou idm balayées par une pointe de hip-hop. Bref le genre de musique qu'on n'a pas spécialement envie d'écouter assis! Des visuels très organiques et colorés accompagnent ce show et contrastent avec ce que proposait précédemment Henke. Plaisant sans être ultime non plus, son live nous met en condition avant celui de Fuck Buttons, que j'attendais assez impatiemment de revoir après 5 ans.

Mais quelle frustration d'apprendre qu'ils allaient se produire dans la salle que je venais juste de quitter, quand on sait que la musique trépidante du duo n'est absolument pas faite pour rester assis! Quelle mouche a donc piqué les organisateurs pour prendre cette décision? J’apprends que des raisons d'acoustique justifieraient ce choix ; mais quand bien même je ne suis pas convaincu que dans ce cas-ci la pureté sonore prime sur l'expression corporelle... et encore merci à l'hôtesse de préciser qu'on peut se lever de son siège (sic!) Merci madame.

Mais bref comme j'avais décidé que la situation ne viendrait pas gâcher mon plaisir, j’ai tenté de repérer ce qui me semblait la meilleure place pour en profiter au maximum.

Démarrant par ce qui est également la plage d'intro de leur dernier album, soit "BrainFreeze" et son déluge de percussions martiales, Fuck Buttons met d'entrée de jeu tout le monde dans sa poche ou presque et électrise au moins une bonne moitié de l'audience qui fort heureusement se lève d'un seul et même homme. L'enchaînement du morceau suivant (que je n'arrive hélas plus à identifier) me semble moins judicieux et l'espace d'un moment je crains que la sauce ne retombe. Crainte de courte durée car le reste de leur set s'avère un sans faute, Fuck Buttons puisant son répertoire principalement dans les 2 derniers albums (le premier n'étant plus vraiment représentatif de leur son) et atteignant un pic sur le stupéfiant "Surf Solar", 10 minutes de montée d'extase sonore electro noise. On apprécie autant leurs morceaux tribaux aux climats de transe que les rythmes hip hop plus lourds qu'ils ont commencé à inclure depuis leur dernier album. Et lorsque le set se clôt sur "Hidden XS", on pense à l'étiquette de ‘Mogwaï électronique’ qu'on leur avait collée lorsqu'ils ont émergé, tant ce titre synthétise à merveille le mélange entre la touchante mélancolie mélodique des Ecossais et les nappes synthétiques et bruitistes. Pas de rappel mais néanmoins, après Robert Henke, en ce qui me concerne, un autre grand moment de la soirée...

Et c'est les oreilles repues que nous avons décidé d'en rester là mais avant de conclure cet article j'aimerais quand même souligner ce qui devrait être revu dans cet événement. Il est très louable de vouloir sortir la musique électronique dansante des caves et clubs où elle est généralement cantonnée... Mais à quoi ce changement de décor rime-t-il si c'est pour essayer de la faire rentrer dans un cadre finalement assez rigide et institutionnel où l'accès est limité passé une certaine heure et où la configuration de certains lieux aussi adaptée soit-elle aux oreilles, ne permet pas au reste du corps de pleinement jouir de la fête? Parce qu'après tout ce type de spectacle reste une fête ou une célébration, non?

(Organisation Bozar)

vendredi, 19 septembre 2014 19:41

My Friend Fish

Diane Coffee. Derrière ce pseudonyme de chanteuse de country, se cache Shaun Fleming, un personnage étonnant au look androgyne et à la trajectoire précoce. Enfant, il est en effet une de ces voix sans visage qui peuplent les dessins animés de Disney. On l'entend notamment dans "Le roi lion" et la série "Kim Possible". Puis, il grandit au soleil californien découvrant ceux qui vont devenir ses idoles et principales références musicales, "The four B's" comme il les appelle, les Beatles, les Beach Boys, Bowie et Bill Withers. Il se passionne également pour des songwriters contemporains comme Sufjan Stevens, Bon Iver ou Feist. Au collège, Shaun se lie d'amitié avec Sam France et John Rado et devient le batteur d'un groupe alors impliqué dans l'expérimental et l'avant-garde, une formation qui deviendra célèbre quelques années plus tard : Foxygen.

"My friend fish" constitue le premier exercice en solitaire de Fleming. Les circonstances et les conditions d'enregistrement sont plutôt originales. En effet, alors qu'il vient de déménager à New York dans un minuscule appartement, le Californien souffre du mal du pays mais surtout de violentes poussées de fièvre. Cloîtré pendant quelques semaines, il se lance dans la réalisation d'un album à l’aide de matériel de fortune dont il dispose. Le pseudo kit de batterie est par exemple composé d'une caisse claire, d'une cymbale cassée et d'une vieille casserole. Une application de son iPhone pour enregistrer sa voix et une guitare désaccordée en guise de basse complète l'attirail.

La première qualité de cet opus est donc peut-être de ne rien laisser transparaître de ce bricolage. Le son est certes lo-fi mais avant tout très vintage. Il nous plonge dans des atmosphères sixties revisitant le meilleur du Rhythm and blues, de la soul, de la pop et du garage rock de cette époque. Et un Foxygen fiévreux ne pouvait évidemment qu'y ajouter une bonne rasade de psychédélisme.

Foxygen à qui l'on pense fatalement de temps en temps. John Rando apparaît d’ailleurs sur deux titres. Mais c'est surtout cette faculté à composer des chansons à tiroirs où l'on passe d'un style à l'autre qui évoque le groupe californien. Comme sur la plage titulaire "Hymn" ballade pop psychédélique aux choeurs tout droit sortis d'un album des Turtles, une compo que ne renieraient pas les Growlers, malgré quelques accords de rock énervé . Incontestablement une des perles de l'album. Ou sur "All the young girls" qui introduit quelques sonorités noise dans un univers proche de la Motown. Citons également l'excellent "WWWoman" aux mélodies d'orgue irrésistibles où la voix androgyne de Fleming fait merveille. Car ce monsieur, outre d'indéniables qualités de mélodiste, dispose d'un organe impressionnant qu'il module à merveille (la formation Disney quand même...)

Bref, "My friend fish" a beaucoup de charme et mérite certainement une petite place sur votre armoire. On est curieux d'entendre ce qu'il pourrait réaliser en plus de deux semaines et en se servant d’un équipement plus sophistiqué ; mais on perdra alors sans doute l'un des charmes de cet album, l'instantanéité. Diane Coffee. Drôle de nom. Sauf si l'on se souvient de l'agent spécial Dale Cooper. Celui qui envoyait toutes ces cassettes à une certaine Diane qu'on ne voyait jamais et qui se plaignait continuellement auprès d'elle de la piètre qualité du café de Twin Peaks.

 

mercredi, 27 août 2014 18:07

We knew it was not going to be like this

"We knew it was not going to be like this" constitue le deuxième album des Néo-zélandais de Surf City. Les sessions d’enregistrement se sont déroulées à New-York, Auckland (leur ville d'origine) et Séoul, mais l’opus n'a pas connu le succès qu'il méritait. Car ce mélange d'indie-rock, de noise-pop et de kraut a tout pour plaire à un large public.

Ce n'était pourtant pas gagné d'avance. Un des membres importants avait délaissé le groupe pour cause de paternité après la première réalisation et les autres s'étaient dispersés aux quatre coins du globe. Ils se sont donc retrouvés dans leurs différentes villes d'accueil pour pondre ce très agréable opus.

Si les influences sont multiples, Surf City s'inscrit clairement dans la lignée des meilleurs groupes néo-zélandais (The Clean et The Chills en particulier) et ravira donc tous les amateurs de ce rock des Antipodes. Tout porte aussi à penser que le groupe a abondamment écouté le Velvet, Sonic Youth, Jesus & Mary Chain, Pavement et pas mal de psychédélisme des sixties.

Parfois estampillé shoegaze mélancolique, le groupe distille pourtant une bonne dose d'énergie positive comme sur la plage d'ouverture "It's a common life" et son refrain fédérateur ou sur les mélodies entraînantes de "I had the starring role", "No place to go" ainsi que "I want you"

A côté de ces morceaux très fuzzy-pop, figurent des plages atmosphériques à la rythmique plus kraut comme l'excellent "Oceanic graphs of the wilderness", parcouru de délicieuses reverb. Et le disque se clôture sur l'épique et très velvetien "What gets me by" dont le crescendo de guitares ne peut que séduire tout fan des Feelies.

"We knew it was not going to be like this" était une de mes très bonnes surprises pour 2013 ; un album que j'écoute à chaque fois avec le même plaisir. Il serait dommage qu'il reste la chasse gardée de quelques initiés. Rafraîchissant et addictif. 

   

vendredi, 22 août 2014 10:16

Messias Maschine

Depuis 1999, Stephan Otten et son comparse Oliver Klemm publient, à intervalles réguliers, des albums dans la lignée des pionniers de la musique électronique allemande et en particulier de la légendaire école de Berlin (Klaus Schulze, Tangerine Dream, Ash Ra Tempel). D'abord sur de petites structures ; puis, depuis 2009, chez Denovali. "Messias Maschine" constitue le cinquième opus en cinq ans pour le label teuton ; et c'est sans doute le plus abouti.

L'indéniable atout vient de la présence d'invités prestigieux sur presque tous les morceaux. Et c’est la rencontre du mythique batteur des Ash Ra et de Cosmic Jokers, Harald Grosskopf, qui va tout déclencher. Ce dernier, les considère comme ses fils spirituels et les met en contact avec quelques personnages notoires. C'est ainsi qu'outre Grosskopf, on retrouve le légendaire batteur de Can, Jaki Liebezeit sur 4 titres de l’elpee. Mais aussi Coley Dennis, le guitariste de Maserati, A.E. Paterra (Zombi, Majeure) ou encore le saxophoniste de Bohren & Der Club of Gore, Christoph Clöser.

La majorité des compositions jouissent donc du concours de percussionnistes prestigieux qui ajoutent leurs pulsations métronomiques aux déambulations synthétiques du duo. Outre cette contribution importante, la musique du duo d'Osnabrück conserve les caractéristiques des disques précédents. Atmosphérique, mélodique, cinématique et forcément rétro. On retrouve donc les sonorités cosmiques des pionniers de l'électronique allemande, mais également quelques petites touches plus actuelles. Certaines plages pourraient en effet attirer certains fans d’Ulrich Schnauss (d'ailleurs présent sur un titre) voire même de BOC. On pense aussi parfois à Pete Namlook, à Cluster et même à Pink Floyd quand des notes de guitares ‘darksidiennes’ éclosent.

"Messias Maschine" nous replonge donc dans les atmosphères spatiales des seventies en évitant le piège de la pure imitation. Les amateurs de l'école berlinoise trouveront donc certainement quelque intérêt à ce prolongement de leurs premiers amours ambient. Et plus généralement, ceux qui aiment les atmosphères hypnotiques et les voyages soniques apaisants y découvriront quelques passages fort agréables. Un moment de recueillement bercé par la mélodie des machines.

 

jeudi, 31 juillet 2014 01:00

Spell

House of Cosy Cushions est le projet de Richard Bolhuis, un habitant de Groningen. "Spell" constitue son cinquième album. Un disque qui alterne morceaux instrumentaux plutôt introspectifs et ballades folk nocturnes. Ces dernières sont sans doute moins originales. Des accords de guitare bouclés à l'infini sont agrémentés de quelques drones offrant ainsi un écrin contemplatif à la voix fragile de Bolhuis. "The Mad Sisters" est le seul morceau chanté qui incorpore un harmonium et quelques notes de violons. Sans être lugubre, ce n'est jamais très marrant.

Ce violon de l'invitée Saskia Meijs parcourt également les meilleures plages de "Spell". On le retrouve notamment dans “Black Bat Dance” aux côtés de percussions martiales et d'un trombone tonitruant ou lors de la piste finale " Kerkje te Oostum", composée initialement pour accompagner de récentes installations dans le Groninger Museum. Un titre qui navigue entre ambient et neo-classique que l'on aurait pu retrouver dans la discographie du Kammerflimmer Kollektief. On pourrait aussi déceler certaines analogies avec les atmosphères les plus calmes du Kilimanjaro Darkjazz Ensemble et de Bohren and Der Club of Gore (particulièrement sur "Charlotte Salomon"). Et Richard Bolhuis nous entraîne également dans des contrées post-rock indus minimalistes sur "Into The Words".

"Spell" est sans conteste l'album le plus audacieux de House of Cosy Cushions. Sans doute parce qu'il laisse plus de place à l'improvisation et à l'expérimentation. Assurément une étape majeure dans sa discographie. Reste à savoir jusqu’où Richard Bolhuis veut nous entraîner. Très touchantes, presque émouvantes, ses chansons ne sont pas dénuées d'intérêt ; mais on serait curieux de découvrir un elpee exclusivement instrumental qui incorporerait le violon, le trombone et la batterie sur tous les morceaux. Il y a, en tout cas, une vraie personnalité et beaucoup de maîtrise derrière ces compositions audacieuses et parfois un peu énigmatiques. Les climats nonchalants et pourtant tendus, désertiques et denses à la fois plongent l'auditeur dans une sorte de méditation dont il est tiré régulièrement par de petites aspérités sonores. Car les coussins sont effectivement douillets dans cette maison ; mais les bruits de la rue sont parfois perturbants.

 

jeudi, 31 juillet 2014 14:37

Dreams in The Rat House

Troisième album du trio d'Oakland, "Dreams in The Rat House" perpétue les atmosphères rétro des deux premiers opus. La bande à Shannon Shaw (parallèlement bassiste au sein de Hunx and His Punx) nous offre en effet, à travers sa fusion d'early rock, de rockabilly, de surf, de beat music et de garage, un voyage à travers les fifties et le début des sixties. On y croise de tout jeunes Beatles, les Shangri-Las ou encore Buddy Holly dans une grande messe doo-wop où les onomatopées sont fatalement à la fête. Les ‘Heyheyhey’, ‘Yayaya’, ‘hohoho’ et autres ‘ouwahouh’ se succèdent en effet tout au long d'un album rafraîchissant mais finalement assez répétitif. Et même si les singles ("Rip Vanwinkel", "Ozma") figurent en début de parcours, j'ai plutôt préféré sa deuxième face. Le surf de "The Rabbits Nose", les roulements de batterie de "Hundsortails" ou les élégantes harmonies de la ballade "Unlearn". Signalons enfin l'atroce pochette, kitsch à souhait, totalement en adéquation avec le look des membres du groupe tout droit sorti d'un film de John Waters. Bref, un disque sympathique de doux dingues pour amateurs de vintage un peu décalé qui mérite les acclamations mais peut-être pas la standing ovation.

 

jeudi, 10 juillet 2014 17:13

Thea

Splitter est le projet de Benjamin Sievers débuté en 2010. Malgré ses 19 ans, "Thea" constitue déjà son 4ème album mais le premier qui bénéficie d'un support physique. Le label Finaltune a en effet été séduit par les compositions de l'Allemand que l'on pouvait trouver sur Bandcamp (le présent elpee était d'ailleurs en ligne depuis fin 2012).

Les influences principales de cet habitant de Brême sont assez évidentes : Boards of Canada, Arms & Sleepers, Aphex Twin et Radiohead. On cite également Paul Kalkbrenner et Trentemøller. Soit une série de morceaux qui oscillent entre electronica, IDM et ambient-techno, destinés à une écoute domestique plus qu'aux dancefloors. C'est mignon, plutôt inoffensif, sans faute de goût et plein de bonnes intentions mais fort peu original. A cet âge, il n'est pas facile de s'affranchir de ses héros.

On retiendra néanmoins les deux plages les plus technoïdes (même si les beats sont plutôt légers) : "Trabantenstadt" (du Kalkbrenner sans les basses énormes) et "The Belt of Venus" (hommage aux "Analord" de AFX). On signalera encore L'IDM glitch de "Eath Satellite" proche des derniers travaux de BOC ainsi que l'electronica et le chant mélancoliques de "Secondary". Et l'on suggérera à Benjamin de continuer dans la veine un rien plus expérimentale de "Das Leben Zieht An Mir Vorbei", où les drones se marient plutôt biens à des claviers très Arms & Sleepers.

Mélodique, introspectif et planant à l'image du titre final, "Pylon", caractérisé par son IDM aux rythmiques répétitives, "Thea" se consomme froid ou chaud mais n'a pas l'effet excitant attendu. C'est plutôt une camomille apaisante à siroter avant d'aller dormir ; mais dont on aura peu de souvenir au réveil. 

 

jeudi, 10 juillet 2014 17:11

Tout ira mieux (Ep)

Formé il y a deux ans, Radio 911 est un trio de punk-rock issu de Liège. "Tout ira mieux" constitue leur premier maxi. Allergiques à l'anglais, selon leur fiche de presse, ils éructent donc leurs paroles nihilistes en français. Ils suivent ainsi les pas de groupes du même tonneau comme les Français de Guerilla Poubelle ou les Bruxellois de Corbillard dont ils ont récemment assumé la première partie. On pourrait aussi évoquer tous ces combos de punk du pays du camembert, tel Métal Urbain ou Parabellum, qui nous ont fait marrer voire nous ont conscientisé lorsqu'on était ado. Les paroles malheureusement, lorsqu'elles sont audibles, manquent un peu du second degré et/ou de la violence qui a (ont) fait le succès de ces formations. Radio 911 cite Rancid, NoFX et les Ramones parmi ses influences et il est en effet difficile de ne pas y penser. Les Liégeois se fendent aussi de deux morceaux plus orientés ska-punk ("Tout ira mieux", "Encore un soir"). On ne cherchera évidemment pas d'originalité dans cette musique qui se veut avant tout festive et déconneuse. Mais il faudra tout de même un chouïa plus de personnalité pour se faire une place dans la liste infinie des groupes à pogo.

L'Ep est téléchargeable gratuitement sur Bandcamp et c’est ici

Radio 911 se produira à Liège le 14 juillet sur la péniche Inside Out en compagnie des Anglais de AMFX et des Belges de Fire Me!

 

vendredi, 04 juillet 2014 11:11

Trouver le juste milieu…

Rencontre avec Romain Cupper du groupe liégeois Leaf House qui nous a accueilli dans son café à Liège (le Cupper Café, rue Saint-Barthélemy, un endroit très agréable où l'on peut se désaltérer et se restaurer à petit prix en écoutant une programmation musicale de qualité). Il nous a parlé du deuxième album de son groupe sorti il y a quelques jours sur JauneOrange. "LLEEAAFFHHOOUUSSEE" affine les atmosphères prometteuses des premières réalisations oscillant entre dream pop, indie rock, electronica et expérimentations sonores. Assurément une des meilleures sorties belges de 2014 qui n'a d'ailleurs pas échappée aux programmateurs des Ardentes, de Dour et du Brussel Summer Festival. Retour sur l'étonnant processus de composition et de production de cet album luxuriant.

Peux-tu nous expliquer la genèse de votre nouvel album?

On est parti enregistrer à Ibiza où j'ai de la famille. On cherchait un endroit où on pouvait s'isoler du monde pour ne nous concentrer que sur notre musique. Ce qui peut paraître bizarre, mais Ibiza hors saison, en hiver, est quasi désert. Il faut prendre trois avions pour y arriver. Il grêle, il pleut, il y a des tempêtes en permanence. Tous les magasins sont fermés, on ne croise pas un chat dans les rues. On y est partis à la fin de l'automne et on s'est enfermés dans une petite baraque. Nous y avons composé 17 morceaux. On voulait tous les mettre sur le disque. Mais JauneOrange nous a fait comprendre que ce n'était pas possible vu qu'on avait plus rien sorti depuis trois ans. Il nous ont donc proposé sortir d’abord un maxi 5 titres et de garder le reste pour un full cd. L’Ep "Allthafa" a donc vu le jour il y a un an. On a, à l'époque, sélectionné les morceaux les plus rock, les moins électroniques pour proposer deux ambiances vraiment différentes. Bénéficier d’un an supplémentaire pour travailler les morceaux restants nous a permis de gratter dans les coins, de continuer à composer, de peaufiner les transitions et autres. Et d'aller beaucoup plus loin dans la réflexion sonore.

Tous les membres du groupe participent à la composition?

Oui. On participe tous. On commence par composer en midi sur ordi, la plupart du temps sur Ableton. On jette des idées. On crée des mélodies dissonantes, horribles à l’aide d’orgues dégueulasses et des arpeggiators qui tournent en boucle. Ce qui nous procurent des bases mélodiques sur lesquelles on ajoutera plus tard des basses et des guitares. Ce sont des contraintes mélodiques qu'on s’impose. On lance des pistes au hasard, puis on conserve ce qui nous plaît et on commence à imaginer le morceau qui pourrait naître, les sons, les accords qu'on pourrait y ajouter. A Ibiza, on disposait de deux pièces séparées dans lesquelles on avait installé le même matériel et on avait divisé les morceaux. On se partageait en deux camps (deux d'un côté, deux de l'autre) et dès qu'on était saoulés par un morceau, on changeait de place. Chacun pouvait ajouter ce qu'il voulait. Du coup, 5 synthés, deux basses et autant de guitares pouvaient se retrouver sur un seul morceau. Il n'y avait pas de limite. Par la suite, on a dû décider de ce qu'on conservait ou pas.

C'est presque de l'improvisation?

De l'instinctif, de l'intuition, beaucoup de spontanéité en tout cas. Il y a même des trucs qu'on ne pourrait plus refaire. Par exemple lors des sessions d’enregistrement, lorsque le bassiste est parvenu à produire un son de fou, qui est devenu la base de l'intro du morceau, en cognant sa basse contre quelque chose, tout en allumant sa clope.

Vous avez aussi pu vérifier la transposition des morceaux en live, avant de les enregistrer ?

Non. En fait, comme au départ tout est consigné sur ordinateur, on doit ensuite apprendre à les reproduire sur nos instruments, avant de les proposer en concert.

Donc, si je comprends bien, le bassiste, par exemple, doit essayer de rejouer les lignes de basse électroniques définies par les programmes?

Oui c'est amusant, parce qu’il est arrivé qu’on ne parvienne plus à retrouver l'origine du son ni à le restituer. Parfois c'était juste parce qu'on on s'était trompé lors de l’encodage et qu'on ne savait plus dans quel programme on l’avait sauvé. Pour revenir à la question des concerts, nous n'avons pratiquement interprété que les morceaux de l’Ep pendant un an. Le public n’a pu entendre qu’un ou deux morceaux de l’album avant sa sortie. Il y a en a même qu'on a tellement joué qu'ils ont fini par nous lasser et nous ne les avons finalement pas repris sur le disque. Bref, c'est à double tranchant.

Vos compositions sont de plus en plus recherchées, luxuriantes et complexes dans les structures…

D'abord, on a disposé d’un an de plus pour travailler dessus. Cela joue. Et puis, cette évolution vient peut-être de notre processus de création, car on s'impose quelques contraintes pour le fun. Par exemple, on ne va jamais utiliser de nombres pairs dans nos structures. Il n'y aura jamais 4 coups de cymbales pour démarrer une chanson mais 7 ou 11. C'est peut-être une démarche un peu idiote, mais elle est destinée à créer une émulation entre nous, s'amuser, apporter de l'imprévisibilité. Sur "Dancing Shades", le premier morceau, il n'y a jamais deux fois la même structure.

C'est pourquoi plusieurs écoutes sont nécessaires pour vraiment apprécier vos compos. Il y a bien plus d'informations que sur un album pop lambda.

C'est vrai qu'on est parfois un peu dans la surenchère. Il y a une moyenne de 40-50 pistes sur chaque titre.

On sent que vous avez beaucoup écouté Animal Collective (NDR : le nom du groupe vient du titre d'une chanson des Américains) et que vous ne rechignez pas en effet à rajouter des couches. Y a-t-il une trame, une histoire que vous vouliez raconter?

On a voulu démarrer l'album par des morceaux un peu plus lumineux et le terminer avec des tracks plus sombres, plus noirs, plus électroniques bien que nous ayons enregistré pas mal de sons nous même. La plage finale, "Cat Mum", en est un bon exemple. La moitié des samples sont de petits sons créés avec rien : une feuille de cigarette qu'on retire du paquet, une feuille de papier qu'on déchire, une allumette qu'on casse... Pour en revenir à la trame, il y a deux brèves interludes qui servent de transition entre les trois parties de l'album. Ce sont des sortes de mini-trauma qui annoncent un changement d'ambiance vers quelque chose de plus sombre mais aussi de plus léger. Il y a beaucoup moins d'informations dans les deux dernières compositions. Un peu comme si on avait bu énormément de café pour commencer et que la caféine provoquait de moins en moins d'effet. La fin c'est un peu comme quand on émerge d'une gueule de bois.

Il semble y avoir un gros travail de production sur la voix ?

Oui on pourrait croire qu'on a abusé de l'autotune mais en fait, non. Il y a une sorte de dictature de ce correcteur en ce moment au point que toutes les nouvelles pédales en sont dotées. Du coup, on ne peut pas rajouter d'octave à sa voix sans qu'il y ait un minimum d'autotune. Nous, on a surtout énormément joué avec le pitch sur les samples de voix, elle n'est modifiée que par ce procédé. Ceci dit, c'est rare que tu n'entendes que ma voix pitchée, elle est doublée pour créer un chorus, pour donner un effet psyché plus perturbant.

Tu as vraiment pris confiance en ta voix, on dirait que tout a été composé autour d'elle, qu'elle est devenue l'élément central.

Et pourtant, la voix c'est ce qu'on enregistre en dernier. Je ne compose pas à l’aide de textes. Je ne suis pas anglophone. Je ne sais pas écrire des paroles profondes dans cette langue. Je suis plus dans l'imagé, l'instantané, des choses simples. Je n'ai pas envie de commencer à raconter des histoires. J'utilise plutôt ma voix comme un instrument à vent. Des mots par prétexte. Je me lance dans des yaourts que j'enregistre. J’écoute le résultat et ensuite, j'essaie de deviner des phrases en changeant le moins possible la mélodie et le son. Certaines phrases n'ont d'ailleurs rien à voir entre l'une et l'autre. Elles sont mêmes parfois contradictoires. J'ai besoin de laisser mûrir le morceau, son ambiance, qu'il soit quasi fini musicalement pour me l'approprier vocalement.

Serait-ce la production qui me donne cette impression, mais "Feel Save", un titre qui commence uniquement par ta voix, me fait penser à "Somewhere over the Rainbow".

C'est vrai. Cette mélodie est née spontanément dans le yaourt, sans le moindre contrôle. Quand je m'en suis aperçu, je me suis dit qu'on ne pouvait pas inclure cette intro si proche de cet énorme standard et qu’elle aurait fait débat au sein du groupe, jusqu'au bout. Pouvait-on assumer cette intro? D'autant que "Feel Save" est le premier morceau que les gens ont pu écouter. Et puis finalement, on a conclu que notre style en était tellement éloigné qu'on pouvait se le permettre pour une phrase. On n'y pense plus dès qu’il est commencé. C'est d'ailleurs une des chansons où on rencontre le plus de variations vocales.

Tu vas moins dans la voix de tête ou du moins, tu ne l'utilises en tout cas pas autant que la plupart des groupes qui pratiquent ce genre de musique.

J’adoptais cette technique lorsque j'étais plus jeune. Ma voix est devenue plus grave. Mais le plus bizarre, c'est que dans tous les albums, sans réellement le vouloir, il y a toujours un morceau ou un passage où ma voix est plus aigue. Je conserve cette option pour des moments très ponctuels. Comme dans "Feel Save". Je n'ai pas envie d'en abuser. Le gros souci c'est qu'on n'a pas un budget illimité. Dans le passé, lors des sessions, on disposait généralement des lieux pendant 5 jours, pour se consacrer à un seul morceau ; et c'était déjà un luxe. Comme je l'ai dit, les vocaux, c'est ce qu'on enregistre en dernier. Quand on a pris du retard, on les enregistrait en catastrophe, en une heure ; et je n'avais quasiment droit qu'à une seule prise. Et évidemment c'était toujours à ce moment-là que je chopais la crève. Bref, pour le premier album et l’Ep, je n'ai disposé que de deux prises par morceau pour chanter. Alors fatalement, c'est plus facile d'assumer sa voix quand tu peux recommencer autant de fois que tu le souhaites. Du coup, tu as tendance à la mettre moins en avant, à la noyer dans la reverb. Ici, on a enregistré nous-mêmes. On s'est débrouillé pour disposer du matos afin de parvenir à notre objectif et j’ai bénéficié du prêt de ce matériel, deux mois chez moi. Donc je pouvais tenter des essais, et y revenir si je ne me sentais pas en forme.

Tu as eu recours aux collages?

Oui parfois certaines notes de voix ont été enregistrées à deux mois d'intervalle. Ce qui m'a surtout permis de mieux l’assumer sur l'album, parce que j'ai pu la peaufiner, chercher d’autres tonalités. Sur "Go Outside", si on l’écoute seule, on s'aperçoit qu'elle est plus grave. J'avais fait la fête la veille, fumé beaucoup trop. On l'entend bien, mais je trouve que dans ces conditions, elle à quelque chose de plus sympa. Bref, si elle te paraît meilleure et plus en avant, c'est avant tout parce que j'ai eu plus de temps pour l'enregistrement.

Tu rêves de bosser sous la houlette d’un grand producteur, un jour?

Je t'avoue que depuis les sessions de cet album qu'on a produit de a à z, j'ai pris goût à enregistrer et mixer moi-même et j'ai envie de recommencer l’expérience.

C'est pourtant parfois intéressant de recevoir un avis extérieur?

Oui. Sans doute ; mais ce qui était bien ici, c'est qu'on a pu continuer à composer jusqu'au mastering. A mon sens, le mixage fait totalement partie de la composition. On peut véhiculer au sein d’un même morceau des ambiances complètement différentes selon que tu le mixes d'une façon ou d'une autre. Le résultat me satisfait vraiment, j'en suis très fier. Quand on avait un producteur, il faisait tout ce qu'il pouvait mais ce n'était jamais exactement le son dont j'avais rêvé. Ici, on n'a jamais été aussi proches de ce qu'on voulait. On ne cracherait bien entendu pas sur le concours d'un producteur renommé mais vu les moyens dont on disposait, on a préféré les garder pour autre chose. A la base, on devait enregistrer dans un studio, c'était le deal avec JauneOrange. Puis on s'est dit qu'on enregistrerait nous même. Et ensuite, qu'on ferait appel à quelqu'un d’extérieur pour le mixage. Finalement, on a préféré utiliser notre argent pour rester plus longtemps en studio. On n’était pas trop satisfaits du gars, donc on assuré le boulot nous-mêmes ; mais on n'osait pas l’avouer au label. Eux nous conseillaient d'attendre une année supplémentaire pour se reconstituer un budget ; mais c'était hors de question. Et puis, on ne voyait pas comment on aurait plus de tunes un an plus tard. Il nous fallait sortir cet album. On leur a soumis le produit fini en leur faisant croire qu’il avait été enregistré et mixé en studio ; et par chance, ils n'ont pas repéré que c'était de la home-production. Maintenant ils le savent (rires).

L'avantage de tester ce type de musique sur des gens qui au départ sont fans de garage… (rires)

Peut-être. En tout cas, jusqu'au dernier moment, on stressait, on craignait qu'ils nous reprochent un son dégueulasse. On était dessus depuis deux mois, on n'entendait plus rien, on ne savait plus dire si ce qui allait ou pas. Mais notre style musical nous permet aussi d'avoir un son pareil. Je ne suis pas certain que Fastlane Candies ou Pale Grey pourraient se passer d'un producteur, par exemple. C'est cohérent d'avoir un tel son ; bon c'est pas du garage, bien sûr, mais pas non plus un son hyper précis à la Metronomy. Tu en penses quoi toi?

J'ai parfois eu l'impression, quand je l'écoutais au casque d'être dans une chambre d'écho ou dans une navette spatiale ; mais c'est tout à fait cohérent dans votre musique.

C'est vrai qu'il y a beaucoup de reverb, beaucoup de delay.

Les concerts que vous avez accordés au cours de ces dernières années, ont-ils influencé vos compositions?

Oui. Totalement. Sur  le premier album, on avait énormément de beats, de structures préenregistrées, des guitares super lentes aussi. C'était plus à écouter dans un canapé ou en conduisant une voiture. La formule fonctionnait quand les gens pouvaient être assis comme à la Rotonde ; mais obliger le public à rester debout une heure à écouter cette musique planante, c'était limite. S'ils avaient trop bu la veille, ils ne résistaient pas longtemps. Elle était trop calme, trop lente. On a donc conclu que sur scène, on avait besoin de morceaux qui envoient ; des coupé/décalé, des rythmiques bien africaines, bien rock. L’Ep, c'était en quelque sorte un  contrecoup du premier album et de nos premières expériences scéniques. On s'est vraiment dit qu'il nous fallait un répertoire pour les live. Ce sont plus des compositions basse/batterie/guitare. Plus enfantines, ‘hyperglycémiques’, surexcitées, joyeuses, basiques sous certains aspects. On s'est moins pris la tête que pour le cd, c'était plus instantané. En y réfléchissant maintenant, je pense qu'on est passé d'un extrême à l'autre. On a trop voulu sonner rock. Sur ce nouvel album, j'ai l'impression qu'on est entre les deux. Le juste milieu. Il y a des titres qui sont vraiment efficaces sur scène, d'autres plus introspectifs. Maintenant, on ne compose pas non plus en voulant à tout prix être efficaces. On se rend compte, lorsqu'on compose, que certains morceaux le feront en live. Il est quand même super important de pouvoir défendre son album sur les planches de nos jours. Mais à la base, nous sommes beaucoup plus attirés par les moments plus calmes. Musicalement, il y a plus d'espace pour nous exprimer. Si tu écoutes la fin de "By The Blood", par exemple, il y a une longue phase de chant quasi monacal et un delay hyper long. On continue donc à prendre ce type de liberté, mais on alterne avec des moments plus efficaces pour ne pas lasser le public.

Vous avez eu l’opportunité de vous produire de nombreuses fois hors de Liège, notamment à Paris. De bons souvenirs?

Oui. On a trouvé un booker français qui nous a permis de jouer 5 fois à Paris dans des chouettes salles (Café de la Danse, l'International, le 114...)  Tout s’est toujours bien passé et le public semble nous avoir appréciés. On s’est également produits pour quelques concerts à Ibiza, dans des vieux squats hippies. Une fois à Maastricht, en Flandre aussi ; mais la frontière linguistique est presque plus difficile à traverser que celle de la France.

Tu m'avais confié, il y a deux ans, que vous aviez l’avantage d’être quasi les seuls à pratiquer ce genre de musique en Wallonie ; et que par conséquent, on vous invitait souvent à assurer les premières parties de groupes de dream pop.

Oui le Botanique, par exemple, a fait souvent appel à nous. J'imagine que le programmateur nous apprécie mais notre style a certainement eu son rôle. On a fait des super dates, comme celle avec Rainbow Arabia ou Active Child et plein d'autres groupes encore qu'on adore. C'est vrai qu'il existe davantage de formations dans notre style en Flandre, et qu'ils sont donc moins demandeurs, jusqu'à présent.

Ceux qu'on cite souvent, en parlant de vous, sont Beach House pour le côté dream-pop, Foals/Vampire Weekend pour une certaine africanité des rythmiques et des guitares et Animal Collective pour la volonté d'expérimentation. Une recette dans laquelle se sont engouffrés pas mal de groupes depuis quelques années. Est-ce vexant de dire que cette fusion était plus hype, il y a deux ans?  

Non, on a composé les morceaux, à cette époque. On écoute énormément de musique et on s'en rend compte. C'est le problème des musiciens. Difficile de coller au présent quand il faut autant de temps pour sortir tes morceaux. Tout le monde nous parle de notre disque alors qu'on est déjà passé à autre chose. On a déjà de nouvelles compositions en stock. Il y a toujours un décalage entre un musicien et son public.

On sent cette évolution dans les concerts?

Ce qu'on essaye de faire c'est de se projeter à long terme. On pense d'abord passer un petit temps à essayer de reproduire l'album assez fidèlement parce que lorsqu’on écoute un artiste ou un groupe, on est toujours curieux de voir s'il pourra répéter en ‘live’, ce qui nous plaît sur album. Une fois qu'on sera bien rôdé à jouer fidèlement ce disque, on va essayer de le déstructurer, de l'interpréter, de se l'approprier de manière différente et ainsi de donner un second souffle en public.

Plusieurs dates sont prévues ?

Plein. Après la fête de la musique, nous nous produirons aux Ardentes, à Dour et au Brussel Summer Festival. Et puis d'autres je suppose dès que les programmateurs l'auront entendu. Il sort normalement aussi en France en septembre. Il doit paraître sur 4 labels dont deux distributeurs. Il sera disponible dans 7 pays dont le Japon si tout se passe comme prévu. Il y aura donc plusieurs étapes.

Le NME a récemment publié un petit article à votre sujet. Une fierté?

Oui, ils ont vu le clip et ont l'air d'avoir aimé. J'avoue que je ne connaissais pas ce magazine. J'ai posté le lien sur notre page Facebook comme tous les articles qui paraissent sur nous. Ce sont les boss de JauneOrange qui nous ont expliqué à quel point NME était énorme. De toute façon, quand des anglophones apprécient notre musique sans se moquer de nous, petits francophones chantant en anglais, c’est très encourageant. Ce qui prouve qu'on est crédible, et pas seulement limité à la francophonie. Nous n'écoutons quasiment que de la musique chantée en anglais on n'imagine pas utiliser une autre langue, surtout pour le style de musique qu'on propose. Si j'étais fan de musique japonaise, je chanterais en japonais. Dans le même sens, quand on a joué avant Young The Giant au Bota, il y avait plein d'Américains dans la salle et de nombreuses personnes sont venues nous féliciter après le concert. J'étais aux anges.

Parle-nous de cette très jolie pochette.

C'est très important pour moi qui suis designer de formation. C'est un Américain qui se nomme Micah Lidberg qu'on a contacté après avoir flashé sur cette image. On a cherché sur Liège et en Belgique mais ils étaient tous 2 à 3 fois plus chers. Nous avons passé énormément de temps à choisir l'illustration et le packaging. On a même marchandé avec JauneOrange pour par exemple que l'autocollant soit à l'extérieur du plastique et pas sur la pochette elle-même afin que le recto ne soit pas altéré. On voulait un truc bien précis et on s'est battu pour avoir gain de cause.

Heureux d'être sur JauneOrange? Liège commence à receler de plus en plus de groupes très intéressants? Avec qui avez-vous le plus d'affinités?

Au début de notre collaboration, JauneOrange ne s'occupait pas trop de nous et on rageait un peu. Mais on a vite compris qu'ils avaient énormément de groupes et qu'ils ne pouvaient pas se consacrer à tout le monde en même temps. Mais dès qu’on a eu notre tour, ils ont été parfaits. On s'entend super bien avec Fastlane Candies et Thomas Medard (Dan San, The Feather). On voit moins Scrap Dealers mais je leur ai encore prêté du matos dernièrement. Hors JauneOrange, on est pote avec La Plage et Ulysse. Two Kids On Holyday sont bons aussi ; je joue un peu de gratte pour eux. De manière générale, le public liégeois nous soutient. Notre showcase était sold out et à la fin de nos derniers concerts, on a vendu entre 10 et 20 cd. Avant, un ou deux…

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