Fantastique ! Grandiose ! Etonnant ! Autant de qualificatifs qui collent bien au
LaSemo.
Déjà 11 années que le superbe parc du château d’Enghien accueille cet événement devenu incontournable.
Ici, mal venu celui ou celle qui vient uniquement se rincer les portugaises. Ce serait même réducteur et faire affront au génie des concepteurs de ce grand spectacle. Le prisme est beaucoup plus étendu, mêlant différents genres, arts et cultures…
L’écologie n’est pas en reste puisque tout est basé sur le développement durable. Pas de gaspi ! On récupère tous les brols qui traînent chez mamy, on les customise et hop, ils retrouvent ici une seconde vie.
Auriez-vous imaginé un jour créer un décor à l’aide de parapluies ? Eriger une clôture avec des raquettes de tennis ? Constituer un podium complet en se servant de vieilles caisses à vin ? Eux, oui. Ils ont fait d’un rêve, une réalité. Admirablement et subtilement en y ajoutant une bonne dose d’humour voire de dérision…
Attention, le tri des déchets s’inscrit également dans l’esprit du festival. On récupère le fruit des entrailles déposé délicatement dans les toilettes sèches (NDR : pas besoin de faire un dessin) pour nourrir les légumes du jardin de bobonne et on récolte les mégots de cigarettes pour leur réserver une seconde vie (NDR : que l’on espère moins nocive !) …
En outre, tout est pensé pour la famille. De (trop) nombreuses activités sont programmées aux quatre coins du site…
On y croise ci et là des têtes blondes, accompagnant leurs parents attablés à un touret, jouant au monopoly au sein de l’espace dédié ‘Amusoir’. Ou encore de jeunes couples amoureux s’entrelaçant tendrement et même des grabataires qui déambulent dans l’enceinte du parc, canne à la main… Les PMR ne sont pas en reste parce que là aussi les organisateurs ont bien œuvré afin qu’ils puissent en toute quiétude profiter des bienfaits de cette belle manifestation.
Sans oublier les stands de grimage, des funambules, des clowns, des spectacles ouverts, des cabarets coquins (NDR : oui, oui, vous avez bien lu !), et cerise sur le gâteau une garderie pour celles et ceux qui veulent profiter sereinement du festival, sans avoir la marmaille dans les guiboles…
Tout comme l’an dernier, une puce électronique est intégrée au bracelet ; elle permet de se remplir la bedaine ou de charger son sang de malt sans plus devoir sortir la menue monnaie…
Et pour les fauchés, l’eau gratuite est disponible dans les différents bars. La seule condition : accorder un large sourire aux serveurs qui méritent bien ce petit clin d’œil.
Le LaSemo quitte doucement l’enfance pour entrer dans sa phase de consolidation. Il a fait ses gourmes ! Et les couacs qui ont fait craindre le pire, lors des éditions précédentes, ne sont plus que de l’histoire ancienne.
On regrettera toutefois amèrement l’absence de Jean-Jean, l’habituel géant givré de service chargé d’introduire avec humour et légèreté les artistes.
Rose, son antithèse, lui emboîte le pas. On espère pour une courte durée. Parce que Rose, on l’aime bien, mais faut pas exagérer quand même…
Ni son sac à main acheté aux fripes, ni son accent de ‘buksel’, ni sa taille (NDR : un mètre vingt, malgré les bras levés et les talons aiguilles) ne parviendront à concurrencer le charisme de son prédécesseur.
Enfin, soit ! Dame nature est généreuse depuis le début de l’été et le soleil frappe très fort.
Pas de temps à perdre ! On entend au loin une voix qui semble familière. Celle de Cédric Gervy.
Un habitué des lieux. Une mascotte même. C’est sa dixième fois en onze éditions ! Il a quitté sa casquette de prof de néerlandais pour revêtir celui de troubadour/chansonnier…
Un LaSemo sans Gervy, c’est comme si vous mangiez des frites sans sel. Impensable !
Durant quelques années, il a milité au sein d’un projet collectif : Cedric (et les) Gervy, impliquant Mr Chapeau, le gratteur RenRadio et le drummer Tyler Von Durden. Courant 2009, ce dernier a été remplacé par The Robot.
Balayant d’un revers de la main cette quasi-étape obligée de starification, il a préféré mettre un terme à cette collaboration afin de poursuivre en solitaire la propagation de sa bonne humeur. Le titre « Putain, j’ai failli être connu » est éloquent à ce sujet.
Son fil conducteur, c’est le calembour. Mais pas que ! Parce que sa ligne de conduite va bien au-delà.
Chacune de ses chansons véhicule des messages forts et pertinents. Les thématiques sont souvent dénuées de tout stéréotype et bien éloignées de ce fameux ‘compromis à la Belge’.
Gervy, chanteur sérieux, mais sans prise de tête…
Il dépeint les problèmes sociétaux à travaux des thématiques choisies en fonction du moment (la crise, l’addiction aux jeux, …) Mais, ne dites surtout pas que c’est un chanteur engagé.
Détail intéressant, l’auditoire est composé d’une pyramide des âges très large. Des parents ont amené leur progéniture pour assister à ce show. C’est dire la popularité de ce mec. Tout a fait justifiée d’ailleurs…
Lui, ce n’est pas du sang qui coule dans ses veines, mais un savant mélange de bonne humeur et de joie de vivre.
Autant dire que ses concerts sont synonymes de franche rigolade. C’est une thérapie contre la morosité ambiante à lui tout seul. Faudrait même que la sécurité sociale rembourse chacune de ses prestations tant il fait du bien à l’âme. On en ressort complètement soulagé. La larme à l’œil même… mais pas de tristesse, car les fous rires sont légion…
Bon allez Cédric, ‘Bonne année quand même et à l’année prochaine !’
Direction le Château pour un showcase destiné à une poignée de privilégiés. La fraîcheur des locaux contraste avec la moiteur suffocante extérieure.
L’accueil est impeccable. Le mousseux coule à flots et des légumes coupés finement sont proposés aux quidams histoire de les faire patienter.
Et de la patience, il en faudra puisque le régional de l’étape, Antoine Armedam, accuse une heure de retard !
Faut dire qu’il vient de terminer une prestation riche sur la Guinguette, là même où votre serviteur l’avait découvert en 2014. De là à lui pardonner, il n’y a qu’un pas…
Flanqué de deux autres musiciens, l’un à la basse et l’autre à la batterie minimaliste (snare, grosse caisse, charley et une ride), il entame un tour de chant dans une acoustique bruitiste.
Un spectateur vient même lui susurrer dans l’oreille d’articuler un peu mieux pour percevoir toute la subtilité de la prose.
Tout à tour mélancolique, jouissive ou ensoleillée, son pop/folk se pose délicatement au creux de nos conduits auditifs, et on aimerait qu’il coule à l’infini, à l’instar de la ballade douce-amère, « La fille qui dort là-haut »…
Mais il peut adopter d’autres styles, comme lorsqu’il se réfère à Paris sur fond de reggae, tout au long de « A la sauvette », un morceau au cours duquel le ‘people’ est pris à parti, quand il clame le refrain…
Le public y est sensible et participe à l’essor de la réussite du set en accompagnant les balais du drummer par un claquement des mains. Parfois à contretemps, mais nul n’est parfait…
Il est temps maintenant de filer tout droit voir Charlotte, fruit de l’union consommée entre Alec Mansion (alias Léopold Nord notamment) et Muriel Dacq, dont le tube « Tropique » a fait trémousser le popotin chez la plupart des quadras.
La belle jeune femme de 26 ans arbore pour l’occasion une longue robe laissant entrevoir une cuissarde pour le moins appétissante. Le rouge pétant du tissu contraste avec le bleu azur perçant de ses yeux.
Epaulée par Louis au pad électronique et Loan à la guitare, elle entame son tour de chant par le devenu très populaire « Pars », dont Pure FM a fait son coup de cœur le programmant six fois par jour. La caisse de résonance a bien fonctionné puisque plus de 80 000 écoutes sur Spotify ont été comptabilisées.
Elle découvre un endroit empreint de magie et de féerie et semble ravie de se fondre dans cet environnement de verdure...
Proche de Lana Del Rey, tant dans l'esthétique, les vidéos, ainsi que dans les styles vestimentaires et musicaux, on la sent très perfectionniste dans l’âme alors que dans ce métier, certains artistes abordent leur rôle bien plus futilement, sans que cette perspective ne pose problème. Gageons pour elle qu’elle ne s’emprisonne pas dans cette théâtralisation à outrance en s’autorisant un peu plus de latitude.
Bénéficiant du concours d’Alex Germys à la compo, dont le talent indéniable, ses chansons sont attachantes, sensibles, presque enivrantes par moment. En y ajoutant un physique attrayant et un cerveau bien rempli, elle a finalement tout pour plaire.
La fougue de ses débuts opérés, il y a deux ans, dans sa chambre de post-adolescente, et concrétisés par « Nous sommes », avait révélé un organe vocal à mi-chemin entre Dolores O’Riordan et Mylène Farmer.
Elle propose, pour la première fois, un nouveau titre, « La loi du feu ». Test réussi au vu de la réaction des aficionados.
Charlotte aime rappeler que lorsqu’elle exerçait encore le métier de croupière dans une vie pas si lointaine au sein d’un casino cossu, elle avait imaginé « Ame solitaire », pour celles et ceux qui sombrent dans l’addiction !
Point d’orgue d’une prestation qui restera dans les annales « Ta peau », vrai/faux rappel sera à nouveau jeté en pâture ‘puisque nous n’avons pas d’autres morceaux’. Et de renchérir ‘mais à la condition que le public danse’.
La messe est dite !
Enfin, dernière artiste à se produire aujourd’hui, Béatrice Martin, alias Cœur de Pirate.
Tiens, étrangement pour une pirate, elle ne porte ni barbe rousse, cache œil et jambe de bois. En espérant qu’elle ait du cœur…
Vu le matraquage opéré sur les ondes radiophoniques généralistes, difficile d'ignorer la jeune femme originaire de la partie Est du Canada.
Sa voix de chanteuse singulière et ses multiples tatouages sont quelques-uns de ses traits caractéristiques qui sont les plus associés à sa personnalité artistique.
De petite taille et toute menue, la Canadienne s’avance affranchie d’une longue carrière derrière elle.
Sans dire mot, elle contemple d’un air que l’on devine désabusé le parterre venu l’entendre. Gageons que cette attitude soit davantage un manque de maturité que de mépris !
Sur la droite, un chronomètre digital géant symbolise la fugacité du temps qui passe. Il indique 60 minutes. C’est peu ! La frustration est grande pour une découverte de cette trempe…
Votre serviteur s’étonne de ce conservatisme absolu et refuse ardemment d'envisager qu'un mécanisme puisse le surpasser dans la mesure temporelle.
Il paraît que l’équipe doit reprendre un avion le lendemain à 6h du mat’. Ceci explique peut-être cela…
Dans un style qui met principalement en valeur des textes décrivant les relations charnelles et ses dérives sous toute ses formes, à l’instar de « Prémonition », elle alterne tour à tour des titres issus de son nouvel opus et d’autres bien ancrés dans l’esprit collectif, dont « Tu m’aimes encore » ou « Oublie-moi »…
Malheureusement, ses compositions un peu répétitives reflètent trop souvent le stéréotype de l'adolescente en mal d’amour…
C’est surtout derrière son piano que Béa –comme l’appellent ses admiratrices d’un soir– excelle véritablement. Elle y étale tout son talent et son raffinement. Difficile de résister au charme qui opère.
En un battement de cil, la transformation de la rebelle vers la belle se réalise et relègue aux oubliettes la dualité qui existe entre le bien et le mal chez ce bout de femme et son désir manifeste de dissocier ces tendances.
Dommage que l’instrument à cordes dressé au milieu de l’espace scénique oblige toute une franche du public à mater le dos de la donzelle. C’est sympa, mais quand même !
Le festivalier juvénile et familial aura apprécié. Elle a effectivement assuré le show. Quant aux exigeants, ils estimeront sans doute que la prestation était bien trop millimétrée, conventionnelle voire sans âme… Que les surprises étaient trop rares. Qu’elle s’est contentée du minimum syndical.
Elle vide les lieux deux minutes avant la fin du décompte. Sans remercier ni ses musiciens, ni la foule. Et sans accorder le moindre rappel…
Au cours de ce concert, elle a régulièrement rappelé qu’elle se produira prochainement dans le cadre des Francofolies et à l’Ancienne Belgique. Ce sera sans nous… Triste Béatrice que tu es !
(Organisation LaSemo)
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