En ce dernier jour du LaSemo, les conditions estivales demeurent. Il devrait pleuvoir seulement en toute fin de nuit. Une aubaine pour les organisateurs !
La plaine est un peu plus clairsemée que la veille. Est-ce une faute de goût dans la programmation ?
Quand on croise les quelques festivaliers rencontrés les jours précédents, on remarque qu’ils ont tous des yeux gonflés et que leur peau tire sur le jaune. La fatigue commence à opérer !
Le site est d’une propreté à faire pâlir un Dour Festival. Faut dire que les bénévoles travaillent d’arrache-pied afin de l’entretenir. Et le public est fort différent, plus propre, plus familial, plus respectueux aussi ! Si ici, le peuple recherche avant tout un moment de détente, dans le second cas, c’est nettement le côté découverte et festif qui prime.
Votre serviteur est nettement moins tenté par le menu proposé aujourd’hui ! Faute avouée est à moitié pardonnée.
Un nom m’attire particulièrement : celui de Barcella. Je ne sais trop pourquoi, mais je me dirige vers la petite scène où un bon millier de personnes sont rassemblées.
Très impressionnant, le gaillard est vêtu d’une chemise longue en flanelle, et coiffé d’un bonnet en laine. Il en a du courage, alors que le soleil frappe durement sur Enghien. Il perle de sueur tout comme les festivaliers d’ailleurs (NDR : mais eux ne portent que le minimum syndical).
Homme de scène, il a décroché plusieurs prix émérites : championnats de France de Slam Poésie, prix Jacques Brel de Vesoul, récompense auprès de l'académie Charles Cros, pour son spectacle ‘Charabia’, etc.
Très à l’aise sur l’estrade, il jouit d’une longue expérience, puisqu’il a notamment assuré le supporting act de Jacques Higelin, Francis Cabrel, Sanseverino, Cali, Tryo, Zebda ou encore Thomas Dutronc.
Mathieu Ladevèze, à l’état civil, est un amoureux de la langue de Voltaire. Il aime le mot, le détourne de son contexte, l’utilise comme matière première, le façonne, l’envie, l’élève, le fait grandir, trie le bon grain de l’ivraie, avant qu’il ne renaisse dans chacun de ses textes, sur une musique dont la poésie moderne colle parfaitement à la chanson française.
Une évidence ! La seule. Il propose un ‘live’ où n’ont droit de cité que l’humour et la joie de vivre. Le gaillard rend festif ses propos, les malmènes, les triture, les enjolive parfois sans tomber dans la mièvrerie. Les seuls maîtres mots : bonheur et onirisme !
Cataloguer cet artiste de bouffon serait lui faire honte. C’est plus que ça. Bien plus ! Toujours en recherche d’exigence et d’inédit, sa conception musicale est concise et précise, entourant des jeux de mots percutants et réfléchis, tout au long d’un flow soutenu par des textes rageurs et affûtés, qu’il dispense en manifestant une autodérision majeure et éphémère.
Son énergie est contagieuse. Il passera d’ailleurs la moitié du concert sur le toit du piano d’un de ses musicos. Faut croire que le matos est solide. Ce type est vraiment déjanté.
Moment fort du spectacle, lorsque dans un élan de courage, il adresse un message au public féminin venu en masse. Lors d’un discours éloquent, il rend hommage aux… salopes.
Mais pas misogyne pour un sou (selon ses propres dires), il sous-entend par là, les maladies, les catastrophes, etc. Bref, toutes ces saloperies qui nous empoisonnent la vie et qu’il qualifie ainsi…
Le public, pris au jeu, scande de plus en plus fort, cette expression rendue vulgaire aux oreilles des plus jeunes, présents eux aussi. Alors, pour faire passe la pilule (le politiquement correct est de mise), il insiste pour la transformer en ‘escalope’. C’est plus doux, certes, mais l’essence même a perdu de son intensité et de sa crédibilité…
Après une heure d’une jolie parenthèse inattendue, à bâbord toute ! A une centaine de mètres de là, se déroule un spectacle tout public. Intitulé ‘Voyage en bordure du bout du monde’, il narre les aventures du philosophe Sophocle.
Curieux, je prends place au milieu d’une ribambelle d’enfants bouches bées. Nous nous retrouvons tous au cœur d’une histoire qui traite de clowneries, tragédies et magies noires. Plutôt sympa comme expérience !
Entrons ensuite à l’intérieur du château. C’est un vieux bâtiment et il y fait bien frais ! Un showcase y est à nouveau organisé ! Surprise, c’est à nouveau Barcella qui s’y produit.
Que faire ? Je décide de rester ! L’air est frais et une hôtesse vient apporter aux convives une coupe de champagne. Comment refuser ?
L’angulaire est quelque peu différente. D’un concert accordé devant un millier de personnes, le gars se retrouve prostré face à un petit parterre réunissant à peine trente convives triés sur le volet.
Le set est davantage acoustique, le drummer n’a emporté qu’une grosse caisse, une caisse claire, un charley et une paire de balais. Chauve, le claviériste se sert d’un synthé moins sophistiqué. Pas question de s’y poser !
Mathieu en profite alors pour entamer un tour de chant, privilégiant les compos non abordées précédemment et celles qui ont fait le succès festif que l’on connaît.
L’énergie est forcément plus contenue ici, l’environnement affiche ses limites ! Mais, de nouveau, ce concert est de très bonne facture.
Virage à 180 degrés en compagnie de Soviet Suprem. La peur de prendre dix ans au goulag m’incite à me diriger, tout droit, vers la petite scène. Pas le choix ! Autant dire que je suis entre le marteau… et la faucille (faux cils ?)…
Mais qui sont-ils ? Des soldats de l’ex-URSS ? A en décevoir certains, il s’agit tout simplement d’un groupe s'appropriant un style de musique faussement originaire des pays de l'Union soviétique, mêlant surtout influences balkaniques, militaro-punk et électro. Le tout, chanté dans la langue de Molière.
Mais que veulent-ils ? Déclencher la révolution chez ses sympathisants ? Peut-être ! En tous cas, parfois surnommés les ‘Beastie Boys des Balkans’, Sylvester Staline (alias R.wan, chanteur du groupe Java), John Lénine (alias Toma Feterman, chanteur de La Caravane Passe) rejoints par DJ Croute Chef, ne souhaitent ni plus, ni moins, insuffler chez les quelques léthargiques encore statiques qu’une sacrée dose de sons tonitruants et mettre le feu… au rideau de fer !
Les personnages, créés de toute pièce, prônent le rassemblement des peuples amateurs de musiques festives et la révolution du dancefloor par une relecture des musiques du monde à travers un prisme soviétique sur fond d’accents politiques déjantés. Vous comprenez toujours ? Tant mieux, parce que votre serviteur, lui s’y perd un peu…
Au final, alors que presque trente ans nous séparent de la chute du Mur de Berlin, les codes de la guerre froide sont encore bien présents ! Résultat des courses, ce cocktail a failli faire… Führer !
On n’est plus dans le second degré, mais dans le trentième ! Ames sensibles, s’abstenir donc !
Votre chroniqueur prend maintenant le temps d’une pause bien méritée et s’assied dans l’herbe du ‘Jardin Fleuri’ afin d’y contempler un spectacle de funambule. Suspendues à un fil en acier, les Filles Du Renard Pale défient gracieusement les lois de l’apesanteur, entre poésie et légèreté.
Une bonne quinzaine de minutes plus tard, re-direction la petite scène pour y entendre les Fatals Picards.
Issus de Paris (et non du Nord de la France, comme leur patronyme pourrait le laisser penser), ils prodiguent un savant mélange entre ska et variétés. Autant le dire, c’est kitsch à souhait ! Du spectacle au ras des pâquerettes même…
De quoi mourir d’ennui ! Même leur titre phare, « Bernard Lavilliers », pourtant décapant, ne parvient pas à susciter, en mon for intérieur, un soupçon d’adrénaline. Les bâillements s’éternisent à s’en décrocher la mâchoire. Il est temps de changer d’air !
J’en profite alors pour faire le plein de calories auprès d’un stand vietnamien.
Pas facile pour un artiste de revenir sur le devant médiatique lorsque, pur produit marketing issu de l’industrie musicale, on a connu un succès aussi fulgurant qu’inattendu.
C’est le cas de Saule ! Sa déferlante « Dusty Men », qui l’associe à Charlie Winston, compte plus 100 000 singles vendus et 10 millions de vues sur Youtube !
Mais, c’est mal connaître le Montois d’origine ! Loin de ses collaborations opérées en compagnie de Franco Dragone, Dominique A, Charlie Winston, Benoît Mariage, Sacha Toorop ou encore Samuel Tilman, il vient défendre au LaSemo les couleurs d’un nouvel album, fraîchement sorti...
Intitulé « L’embellie » et mis en forme par l’Américain Mark Plati (David Bowie, The Cure, Alain Bashung et les Rita Mitsouko, entre autres), ce disque est fondé, comme son nom l’indique, sur un positivisme éclairé, un embryon de renaissance.
A 20 heures pétantes, il débarque, entouré de quelques musiciens ! Une prestation sans surprise, entre chansons accrocheuses (« Comme »), belles rythmiques (« Respire ») et titres plus intimistes et profonds (« Delove Song »).
Saule est un amoureux de la sémantique et est doté d’une capacité pour écrire de jolies chansons dans la langue de Molière.
Généreux, exubérant, passionné et persévérant, il dépassera ses limites et sa timidité naturelle sur les planches pour le grand bien du parterre lui aussi… passionné !
Babylon Circus clôture cette dixième édition. Une nouvelle page de l’histoire musicale se tourne ! Comme dit l’adage, toutes les bonnes choses ont une fin !
De nombreux bénévoles sont déjà affairés à démonter une partie du matos, comme la petite scène, les décors, etc.
Le site est nettement plus clairsemé à cette heure par rapport à la veille. Faut dire que le lendemain, c’est un jour ouvré. Qui dit juillet, ne rime pas forcément avec congé !
Formé en 1995 à Lyon, le combo s’est forgé peu à peu une réputation solide qui l’a emmené à découvrir au gré des tournées pas moins de 35 pays différents.
Objectivement, le travail de créativité est abouti. Les cuivres font la part belle aux compositions, parfois très en retrait par rapport aux guitares. C’est intelligemment construit !
Rock alternatif et chanson française se conjuguent au milieu d'un ska sorti de nulle part. Le groupe a traduit cette diversité en force.
Mais, BC s’y perd un peu au final. Les sonorités laissent percevoir un sentiment de déjà entendu et réentendu, comme s’il s’essayait encore dans un style avant de l’épouser définitivement.
Poussive, la prestation dispensée éveille à peine quelques applaudissements parmi l’auditoire. Seuls les fans insulaires restent éveillés.
Autant y aller tout de go, votre serviteur n’a pas du tout été convaincu par ce qui devait être l’apothéose de la soirée.
Frustrant de terminer sur une fausse note n’est-ce pas ?
(Organisation : LaSemo)