Dominée par le ska, la veille, l’affiche de ce samedi 21 est plus éclectique. Plusieurs groupes flamands ont été invités, confirmant ainsi que la culture rock est bien mieux implantée au Nord du pays qu’en Wallonie. Le public est plus mûr que celui du vendredi, aussi. Et même s’il est moins nombreux (800 entrées pour 1000, le premier jour), le bar tourne nettement mieux. Les quelques ados sirotant un coca avec leur sucette, ont laissé place à des rockers avertis, qui profitent également d’une troisième scène installée près du bar. Tout ces éléments communiquent une véritable ambiance rock’n’roll au festival… Hey, ho, let’s go !
Et notre journée commence à 15h15, par Haircuts That Kill, un groupe régional qui pratique du métal old school. Faut dire que la formation est composée de ‘vieux’ routiers vouant un culte à Iron Maiden. Deux guitares (dont une Flying V) friands de soli, une basse, une batterie et un chanteur à la voix écorchée. Ca ne nous rajeunit pas…
Peu de monde pour assister au set de Khâro, duo qui a gagné l’Open Stage de Mouscron. Un couple issu du Nord de la France composé du guitariste Eric Karolewicz et de la chanteuse Caroline Hembise. Lui, n’est plus tout jeune, mais franchement, il a un toucher de guitare assez impressionnant, rappelant parfois Vini Reilly (Durutti Column), notamment dans l’art de maîtriser la reverb. Elle possède un timbre cristallin, réminiscent de Lisa Gerrard (Dead Can Dance). Et puis, il y a une boîte à rythmes. On est à nouveau replongé au sein des eighties, mais dans un univers mélancolique, visionnaire, gothique, propice à l’envoûtement. Dommage ces jeux de lumières totalement à côté de la plaque. A revoir dans un petit club et surtout à suivre de très près…
Ce n’est pas la première fois qu’Adolina se produit au d’Hiver Rock. Faut dire que la formation tournaisienne existe depuis 1998. En pratiquant quelque chose comme du post-emo-punk-core. En dix années d’existence, le band n’est toujours pas parvenu à (ou n’a pas souhaité) faire évoluer son style. Après deux titres, on s’est donc éclipsés…
Hormis un des deux guitaristes, le quatuor Perils Of Penelope est constitué de très jeunes musiciens. Le drummer doit avoir à peine 14 ans. A croire qu’ils sortent du conservatoire. Le look très clean, ces excellents instrumentistes pratiquent un post rock mâtiné de prog. Un peu comme s’ils célébraient une rencontre hypothétique entre Explosions In The Sky et Yes. Dommage qu’il n’y ait pas de vocaliste. Un falsetto, par exemple. Ils devraient même risquer d’envoyer une invitation à Jon Anderson…
The Big Royal Kunamaka Orchestra nous vient de Clermont-Ferrand. Il reconnaît pour influences majeures le Fantomas de Mike Patton et System Of A Down, et n’hésite pas à incorporer, dans sa solution sonore rock, pop, salsa, valse, métal, grindcore ou black metal. Mwouais ! Enfin, c’est ce qui est écrit dans la bio. En fait, leur muse est un peu trop calquée sur Muse…
Tang est encore un groupe d’emo. Il nous vient de Lille et réunit des musiciens particulièrement talentueux. L’intensité est permanente. Le climat sombre. Les arrangements impeccables. Mais la voix du chanteur est atroce. Il braille, hurle, vocifère et oublie de chanter. Quel gâchis !
PPZ30 devient un habitué du D’Hiver Rock. Il devait jouer plus tard, mais a remplacé Kabukibuddah, dont le parcours depuis Lyon avait été solidement perturbé. Pas de mauvaise surprise, puisque la formation belge est toujours aussi excitante sur les planches (NDR : oui, les albums deviennent de plus en plus pénibles). Une et un trompettistes, un drummer, un guitariste (NDR : coiffé d’impressionnantes dreadlocks) très porté sur les accords métalliques, un bidouilleur ainsi que notre showman Bruce Ellison, réputé pour ses onomatopées caractéristiques (NDR : parfois on se demande s’il chante ou se mouche). Le backing group assume à la perfection. Résultat des courses on aura droit à un bon set de PPZ30 rappelant le funk metal des Fishbone ou autre Red Hot Chili Peppers de la fin des eighties (NDR : encore !)
Barbie Bangkok est une formation issue du Nord du pays. Elle a été révélée par le Rock Rally de Humo. Elle a ainsi été finaliste, la même année que les Van Jets et Absynthe Minded. A l’instar des B52’s, le groupe s’appuie sur deux filles aux claviers. Dont une joue aussi de la basse. Et il faut reconnaître que la musique de la mythique formation d’Athens a exercé une influence sur celle de Gand. Leur pop/rock, catchy, groovy est très dansant. Les voix alternées et les harmonies vocales très caractéristiques. Et puis les musiciens font preuve l’humour et du détachement. Quant à leur petit côté funky, ils l’ont certainement puisé chez Talking Heads. Alors surprise, le guitariste Rodrigo Fuentealba est également de la partie. Il apporte également sa collaboration à Novastar ainsi qu’à Gabriel Rios, mais avait surtout participé à l’aventure du défunt Fifty Foot Combo. Le quintet va terminer son set par une cover du « I’m coming out » de Dionne Warwick, popularisée par Donna Summer (NDR : et encore, pas sûr que ce soit celle-là !)
L’un des grands moments de la soirée et, n’ayons pas peur des mots, de ce festival, nous viendra de l’Enfance Rouge. Non, l’ensemble n’est pas Suisse, comme on aurait pu le croire, mais italo-franco-tunisien. Après un passage remarqué au festival de Dour, il y a quelques années, ce sextet a encore décidé de frapper fort. D’un côté, il y a les Européens. Une bassiste/chanteuse (Chiara Locardi) qui s’installe au milieu de la scène (NDR : elle ressemble à Kim Gordon !), un guitariste/chanteur (François-Régis Camuzat) dont le timbre et les attitudes peuvent rappeler Franz Treichler (Young Gods), planté à droite, et un drummer qui se place sur la gauche du podium, de profil (Jacopo Andreini). De l’autre, les musiciens français d’origine maghrébine. Soit un percussionniste (Wassim Derbel ?) assis. Au fond à droite, un violoniste (Zied Zouari), perché sur une chaise haute (NDR : il descendra de son perchoir au milieu du show pour accorder une intervention époustouflante) et juste à côté de lui, une joueuse de qânun (Hend Zouari). Un instrument qui ressemble à une cithare, mais qu’elle pince à l’aide de doigtiers en métal. Et ce mélange harmonieux entre noisy (NDR : Sonic Youth ?) et culture arabe est absolument savoureux. La rencontre entre intensité électrique et mélopées orientales fait absolument merveille. Pas de world ici, cependant, mais un style atypique susceptible de provoquer des moments d’exaltation. La combustion sonore est souvent lente, avant d’exploser dans un déluge d’énergie pure. On en oublierait presque les lyrics particulièrement engagés, prolétaires, donc rouges et surtout anti-USA. Même si en fin de parcours, la salle n’est plus qu’à moitié remplie, les mélomanes apprécient. Ils sont aux anges. Ils applaudissent chaleureusement. Et nous aussi. Ce qui nous vaudra un des rares rappels à avoir dépassé le timing. Mais cela en valait la peine…
Changement de salle et de style, en compagnie des ‘west-vlamingen’ de Balthazar. Originaire de Courtrai, qui n’est rappelons-le, qu’à une vingtaine de kilomètres du lieu du festival, cette formation bénéficie d’une certaine popularité au nord du pays. Une popularité renforcée par la participation à des concours (NDR : celui du Rock Rally de Humo, par exemple) et le passage dans des talk-shows sur les chaînes flandriennes (NDR : ah, pourquoi n’avons-nous pas la même culture en Wallonie ?) Studio Brussel (NDR : Allo Pure FM !) a également mis la gomme pour soutenir Balthazar, en intégrant leurs singles dans le top de leur ‘Afrekening’ (NDR : la hitlist alternative de la radio rock du pays). Sur scène, les boîtes à rythme se marient bien au violon. Malgré leur jeune âge, le groupe semble déjà bien en place et rôdé sur scène. L’un des chanteurs possède une dégaine à la Stephen Malkmus (Pavement), et jouit d’un timbre vocal séduisant. Violoniste, mais également chanteuse, Patricia Vanneste me fait parfois penser à Sarah Neufeld d’Arcade Fire. Certains titres joués ce soir rappellent même les débuts de dEUS. Bref, un groupe à voir et à revoir ; et, espérons le pour eux, un avenir prometteur.
Ce samedi donc une troisième scène avait été installée près du bar. Vu la proximité du public et des pompes à bières, on y baignait au sein d’une ambiance punk et rock’n’rollesque. Et les Bruxellois de Nervous Shakes s’y intègrent parfaitement. Leur image est soignée, voire précieuse. Certains membres ont même copié leur look sur des mythes du passé. On a ainsi ressuscité les défunts Lux Interior (Cramps) et Joey Ramone ou encore réincarné le David Bowie de l’époque « Heroes ». Et leurs compos passent allégrement d’un punk basique à deux accords, au rockabilly dansant, tout en lorgnant vers le surf rock. Le public apprécie, mais en poussant constamment les caricatures vers les extrêmes, le set finit par lasser.
Pendant ce temps, les Washington Dead Cats miaulent sur la scène Noté. Il y a 25 ans, ce groupe signait chez le label Bondage. Oui, oui, le fleuron du rock alternatif, et des Béruriers noirs, en particulier. Pas étonnant que dans la salle on croise de nombreux quadragénaires arborant des tee-shirts de cette époque. On en a même vu à l’effigie de ‘La souris déglinguée’. Mais sur les planches, le style de Français oscille entre rock/punk alternatif et rockabilly plus classique ou ce qu’on étiquette habituellement de punkabilly. Le chanteur Mat Firehair ne cache pas son admiration pour Elvis et les Clash. Deux références qui donnent une idée plus ou moins exacte du style pratiqué par ce groupe. La générosité et le dynamisme de Mat Firehair faisant le reste. Bref, l’un des moments forts de ce festival… pour les amateurs du genre du moins.
Issu de Ternat, Freaky Age est né en 2003. A cette époque, la moyenne d’âge du combo oscillait autour de 14 ans. Trois ans plus tard, le quatuor participe à la finale du ‘Rock Rally’ de Humo, devenant ainsi les plus jeunes finalistes à avoir jamais joué sur la grande scène de l’AB. Leur pop/rock est énergique et leurs mélodies urgentes, le timbre vocal de Lenny Crabe (NDR : les cheveux longs sur lesquels sont vissés un petit chapeau) campe un hybride entre Julian Casablancas (NDR : des Strokes) et Billie Joe Armstrong (NDR : de Green Day). Deux guitares, dont celle de Lenny, une basse et des drums. Classique ! Une dégaine rock’n roll/garage. Pas étonnant que le groupe reconnaît pour influence majeure les Strokes. En fin de parcours, le groupe va nous gratifier d’une version très personnelle et particulièrement réussie du « Pinball Wizard » du Who.
Un trio monte sur le podium en jogging. Il s’agit de Kaboukkibuddah, une formation lyonnaise au nom quasi imprononçable et dont le style n’est guère identifiable. Il y a du rock, du jazz, du funk, de la noise et de l’humour (NDR : français). Et puis un jeu de scène complètement farfelu et énervé. La chanteuse passe allègrement du clavier, au violoncelle en transitant par la batterie. Le chanteur/guitariste possède une voix sinusoïdale. Le batteur a un look à la Frank Zappa, à moins que ne ce soit à la Omar Rodriguez-Lopez (Mars Volta, At The Drive-In). Il joue aussi du trombone à coulisses et chante d’un timbre écorché rappelant Tom Waits. Bref, les musiciens n’arrêtent pas de brouiller les pistes, déjà fort glissantes de leur expression sonore. Quelque part entre Sloy, Dead Kennedys ou Didier Super, leur spectacle complètement déjanté fait rire. Et c’est ce que recherche le trio. Pari donc gagné pour Kaboukkibuddah (NDR : à vos souhaits !)
La soirée se clôture par la prestation d’un groupe flandrien (NDR : un de plus !) : A Brand. Ces Anversois (NDLR : et oui, toujours Anvers, véritable mine d’or du rock belge) déboulent en proposant un jeu de scène très original. Parfaitement disposés comme sur un échiquier, leur batteur occupe une position centrale, alors que les quatre autres musiciens/chanteurs se postent en tandem, de chaque côté du drummer. Leurs costumes de scène très 60’s me rappellent les Hives, même s’ils ont ajouté une petite touche kitch à la Abba ! Ce sont d’ailleurs deux courants qui semblent canaliser leur flux sonore, soit un rock/garage/punk dont les remous sont provoqué par du disco décalé. Une approche oblique qu’ils accentuent dans leur chorégraphie simpliste mais bien cadencée et synchronisée. Et finalement le show est plutôt agréable à regarder et écouter ; mais il se fait tard, et le public est de moins en moins nombreux. Une petite centaine de spectateurs, tout au plus, a encore la patience d’assister à leur prestation… Et personnellement, vu la fatigue, nous leur consacrerons ultérieurement un article plus conséquent. A tête reposée. Lors d’un de leurs prochains concerts, qui devraient se multiplier, vu leur potentiel…
A l’année prochaine !