Les textes candides mais positifs de Sea Girls…

Ce quatuor londonien –composé de Henry Camamile (chant, guitare), Rory Young (guitare), Andrew Dawson (basse) et Oli Khan (batterie)– s'impose par sa franchise rafraîchissante, ses mélodies accrocheuses et des paroles candides et positives. En outre, Sea…

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L’ostréiculture de Quivers…

La formation australienne Quivers sortira son troisième long playing, « Oyster cuts », ce 9 août 2024. Ses deux premier elpees ont été salués par les musicos de R.E.M. ! Faut dire que sa jangle pop rêveuse et délavée par le soleil est parfois susceptible de…

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Rock Werchter 2003 : dimanche 29 juin

A peine remis de la veille, nous voilà repartis pour une journée de décibels, de coma sous le soleil et de sprint entre les deux scènes : heureusement qu’avant Cypress Hill, les artistes qui se sont succédés n’étaient pas de ceux qui exigent à leur écoute des boules Quiès et du Nurofen (à l’exception des gamins de Good Charlotte). Le rock burné, c’était hier. Aujourd’hui, c’est le rendez-vous des familles. Pour redémarrer en douceur après trois nuits de camping et trois (deux et demie) journées de festival, rien de mieux qu’un petit Das Pop, ce groupe flamand sans prétention qui allie mélodies catchy et légères touches eighties. Nonobstant le synthé qui faisait des siennes, Bent Van Looy et les autres redoubleront d’énergie pour faire oublier cet incident technique. Tous leurs hits seront passés en revue, plus une reprise sympathique de l’« Abracadabra » du Steve Miller Band.

De quoi se mettre de bonne humeur pour le reste de la journée, et accueillir en fanfare les joyeux drilles de De La Soul, qu’on croyait pourtant définitivement à la retraite. Deux platines, trois MC’s : les rappeurs old school du « Daisy Age » (ce rap hippie, en rien revanchard) n’ont besoin de rien d’autre pour mettre le feu. «  Me, Myself and I », « Ring Ring Ring », « Stakes Is High », « Thru Ya City », « All Good », « Oooh » : autant de hits cool et sympathiques qui s’apprécient à l’aise, assis, debout ou couché.

Idem pour la musique ensorcelante des Hollandais de Zuco 103, qui mixe allègrement samba brésilienne, BPMs exotiques et fiesta latino. Entourée d’un groupe soudé (le percussionniste Stefan Kruger, le claviériste Stefan Schmid, plus un bassiste et un DJ), Lillian Vieira pouvait se lâcher et narguer les spectateurs de ses poses suggestives. En trois quarts d’heure, l’électrisante chanteuse n’aura laissé aucune chance aux festivaliers en bout de course, assommés par la chaleur et le manque de repos. « Vous chantiez ! (Ces trois derniers jours) J’en suis fort aise… Eh bien, dansez maintenant ! », semble-t-elle dire aux endormis qui osent rester de marbre face à ses déhanchements lascifs… La musique elle aussi était chaude comme la braise : d’abord on souffle dessus (le début du concert), puis ça prend doucement, pour finir en brasier (la fin, boombastic avec ses rythmes house, balearic, afro). Zuco 103 sort un album live en septembre, qu’on espère enregistré à Werchter… Ca nous rappellera les vacances, et ce chouette moment qu’on a passé à danser sous le Marquee, trempé et content, la fatigue presque oubliée…

Presque. Parce qu’après la samba, c’est l’heure des ballades écorchées, du coup de pompe au cœur, de la mélancolie possessive : « If words could kill/I’d spell out your name », susurre Tom McRae sur « The Boy with the Bubblegun », en toute fin de concert. Auparavant, l’Anglais dépressif aura plaisanté sur son hamster et sur la pluie qui le poursuit (heureusement pas ici), enchaînant ses perles avec retenue mais délicatesse. « You Only Disappear » ouvre le bal (celui de « Carrie » ?), suivi du tubesque « Karaoke Soul » (et ses violons insistants), puis de « Dose Me Up », « A&B Song », etc. Normalement plus à l’aise en salle, McRae se sera montré bien bavard, et son folk-rock crépusculaire n’aura jamais pâti de la concurrence déloyale des gros décibels de Supergrass, au même instant sur la Main Stage. Gaz et ses trois potes ont beau faire du boucan, rien n’y fait : le soleil a vaincu les plus solides, qui dorment lamentablement entre deux piles de verres en plastique ramassés pendant le set des affreux Stereophonics. Et pourtant, Supergrass aura mis les bouchées doubles: « Sun Hits The Sky », « Lose It », « Mary », « Moving », « Pumping on your Stereo », « Richard III », « Lenny », « Caught by the Fuzz »,… Que des classiques, en plus de quelques morceaux de leur dernier album, « Life On Other Planets ». La chaleur ? Quelle blague ! Même le sang (la cuisse de Danny, étrangement blessée) n’arrête pas ces quatre Anglais, qu’on croirait échappés de la Planète des Singes. Mais que fait la Croix Rouge ?

Peut-être a-t-elle trop de boulot du côté du Marquee, plein comme œuf depuis l’arrivée sur scène de Skin, l’ex chanteuse de Skunk Anansie. Une chose est sûre : si la tigresse a rétracté ses griffes et laissé pousser sa crinière, elle n’en a pas pour autant perdu son sex appeal. « I’d like to shag you all », ronronne-t-elle après une version remodelée de « Weak » (dépucelée ?) : euh, oui, mais, hum, tout le monde en même temps ? Restons-en à la musique, ça vaudra mieux : moins sauvage que le pop-rock-metal de son ancien groupe, plus câline, elle se goûte sans danger, comme si l’amour avait remplacé la colère, les bons sentiments la rancune et la rage. Il est bien fini le temps des « Selling Jesus » : Skin se met à nu, au sens figuré pour une fois. De son interprétation en douceur, on retiendra surtout ce « Trashed » habité, et bien sûr « Twisted » et « Hedonism », qui nous rappellent avec émotion cette époque où la féline rôdait sur la Main Stage en montrant les crocs…

De belles chansons pour les cœurs tendres : c’est aussi la spécialité d’une autre donzelle au physique avantageux, Nina Persson des Cardigans. Avec son beau minois et sa voix caressante, la belle Suédoise aura charmé l’assemblée, faute de mieux. C’est que les chansons des Cardigans passent mal en plein soleil, plus habituées à la tiédeur du soir et aux ambiances feutrées qu’au raout de masse… En plus de tous ses mâles, Nina partageait la scène avec Eva, une charmante nouvelle recrue : encore une, et c’est les Corrs ! Sans blague : ce « Lovefool » mièvre et sucré, c’est bon pour « Tournez Manège »… Seuls « Erase & Rewind » et « My Favorite Game » oseront accélérer la cadence et piétiner les plates-bandes d’une pop-rock plus couillue. Mais le grand huit musical, lui, n’est pas encore au programme. 

Heureusement qu’il y avait Cypress Hill pour réveiller enfin cette foule anesthésiée : qu’ils soient là reste certes un mystère (ils n’ont plus rien sorti depuis un bail), mais au moins leur set aura eu le mérite de faire trembler la plaine, sous les coups de boutoir de bonnes grosses basses et d’appels festifs à la défonce. « I Wanna Get High », « Hits From The Bong », « Stoned Is The Way » : il n’en fallait pas plus pour remuer les fumeurs de haschisch mais aussi les autres, tout aussi défoncés par les rayons U-VB qui filtrent à travers la couche d’ozone. Aaah, que ça tape dur sur nos têtes ! Mais B-Real et Sen Dog n’ont rien à faire de nos malheurs : ils balancent leurs bombes de « stone-rap » sans interludes – 14 titres en 50 minutes ! Des hits, pour la plupart : « Ain’t Going Like That » en ouverture, puis « Pigs », « Cock the Hammer », « Dr Greenthumb » (illuminé par un solo de percus très impressionnant), « When The Shit Goes Down », et bien sûr « Insane In The Brain », avec pour terminer le terrifiant « Rock Superstar » et ses riffs métalliques (samplés) qui laissèrent le public à genou… Au loin, tandis que se dispersaient déjà les spectateurs à la recherche d’un désaltérant bien mérité, les premiers nuages de la journée voilèrent enfin le soleil, rafraîchissant l’atmosphère juste avant le début du concert des Audio Bullys, sous la tente.

Simon Franks pourrait bien être le cousin de Mike Skinner : même dégaine de vacancier british débonnaire, même accent de « lad » ayant grandi dans la banlieue de Londres (ou d’ailleurs), même attirance pour la Jupiler… Sauf qu’ici les beats cognent davantage, et les refrains sentent plus l’Axe « fraîcheur pour hommes » : les Audio Bullys, avec leur « hooligan house » de comptoir et leur look de « trainspotters », ne font donc pas dans la dentelle… Sur CD (voir chronique), c’est plutôt limite, mais en live ça dérouille les guiboles. Les mains en l’air, yeaaaahhh ! ! ! Et même si le MC était parfois à la masse, et sa voix sans relief, on aura bien dansé, bien sué, bien ri. Le clou du spectacle : un « We Don’t Care » hénaurme, qui nous mit sur les rotules. LE concert bourrin du festival, bref un grand moment, que l’on s’empressera de raconter aux potes. La prochaine fois (au Pukkelpop), on prendra notre sifflet et nos fumigènes achetés au Fan Shop du Sporting Club d’Anderlecht.

Après telle bamboula, le rock à papa de Coldplay aurait pu casser l’ambiance : c’était sans compter sur le professionnalisme des quatre fils préférés de l’Angleterre, et surtout sur le charisme de Chris Martin, devenue une véritable bête de scène en l’espace de quelques mois de tournée intensive. Pour rappel, Coldplay avait joué à Werchter l’année dernière, en fin d’après-midi, devant un public à peine attentif. Douze mois plus tard, la donne a fort changé : les Britanniques sont maintenant des stars, prêtes à rivaliser avec, au hasard, REM… selon Martin « le deuxième meilleur groupe du monde » ! Rarement en tout cas aura-t-on vu plus belle ascension : dire qu’il y a trois ans, ils jouaient dans la tente Club du Pukkelpop à 13h00 tapantes ! Et si Chris Martin devenait le nouveau Bono (mais un Bono des quartiers riches, un peu coincé et trop lettré) ? C’est bien parti pour lui, au vu du tour de son col de chemise, qui ne cesse de s’élargir… Oui, le leader de Coldplay attrape la « grosse tête » : pendant « Everything’s Not Lost », c’est à peine s’il obligea le public à chanter, vexé qu’il ne s’y soit pas mis plus tôt… Non mais, gros mégalo ! Mis à part ça, le concert fût de très bonne tenue : tous les hits, en plus d’un inédit (« Your World’s Turned Upside Down », très… U2) et d’une face B qui n’en avait pas l’air (« One I Love »). Coldplay semble un groupe fait pour durer, dont la popularité ne cesse de grandir. Reste à espérer que Chris Martin ne deviendra pas une rock star imbuvable, et qu’il arrêtera de nous pomper l’air avec son « World Trade Fair ».

Et puis vint le miracle, la béatitude, la huitième merveille du monde, la bénédiction « urbi et orbi » : Moloko et son électro-pop-funky-jazz de bazar, Roisin Murphy et son air mutin, tous ces tubes enchaînés repris à tue-tête par un public déchaîné. Une ambiance incroyable. Une chaleur tropicale. Un concert torride. Une sacrée claque. Moloko n’était jamais arrivé à cette perfection, atteinte ici en deux tours de passe-passe : dès les premières notes de « Familiar Feeling » la joie du public explosa ; comme si toute la journée il avait fallu attendre le moment opportun pour se laisser aller, pour jouir tous ensemble, pour s’oublier dans le « nous », en vibrant aux beats groovy de la sexy Roisin, seule maîtresse à bord de cette Pyramide qui tangue, qui chavire, qui transpire. Quelle femme ! Cette voix ! Qui passe sans problèmes du blues langoureux (sur « I Want You ») aux gémissements lascifs du dance-floor extatique (le reste). « Come On », « Fun For Me », « Pure Pleasure Seeker », « Forever More », « Cannot Contain This » : autant de hits exutoires qui nous auront emmenés au septième ciel… Dommage d’ailleurs qu’il n’en existe pas un huitième, parce qu’avec « The Time Is Now » et « Sing It Back », on serait bien monté encore un peu plus haut… Il reste encore REM, Gotan Project et Buscemi, mais pour nous le festival pourrait s’achever là, à genoux, les mains jointes, devant Roisin, notre Madone du week-end, Sainte protectrice des festivaliers à bout de souffle, tannés par le soleil mais contents de cette quasi-fin mémorable.

A peine nos esprits retrouvés, voilà qu’on hallucine devant trois lettres rouges qui semblent clignoter au loin, sur la Main Stage : L.U.V. Mais voilà que déboule Michael Stipe, et l’on finit par comprendre : c’est REM, et tout est AMOUR. Le concert commence par deux vieux morceaux bien remuants, « Get Up » et « Begin the Begin ». C’est la cinquième fois que REM nous rend visite à Werchter (85, 89, 95, 99, 03), cette fois pour promouvoir un best of (1989-2001) qui sort à la rentrée. Stipe, aidé par Peter Buck, se souvient : les Ramones, Jeff Buckley, Lou Reed,… Ils étaient là eux aussi. Quelques années plus tard, il ne reste qu’eux trois, amputés d’un batteur mais encore au top : la marque des grands groupes. « Drive » fait tomber sur la plaine une ambiance religieuse… Mais un nouveau morceau, « Animal », replonge les VU dans le rouge : apparemment, le prochain album sera plus rock (une impression confirmée plus tard par « Bad Day », un deuxième inédit). « The One I Love », « Finest Worksong » (tous les deux de « Document »), « Daysleeper », « What’s the Frequency, Kenneth ? » : il faudrait trois heures au groupe pour jouer tous ses hits…  Mais c’est aux premières notes de « Losing My Religion » que le public s’enflamme vraiment, reprenant les paroles en chœur, le sourire aux lèvres, les yeux fermés pour certains. Ces moments-là, quand tout le monde vibre en même temps, sont souvent inoubliables. C’est le moment pour Stipe, Mills et Buck de calmer le jeu, avec « At My Most Beautiful » et « Electrolite », deux belles chansons qui montrent l’étendue de leur talent… Ces gars-là peuvent aussi bien écrire un hymne pop sans âge qu’une ballade simple et touchante : très fort. Après une brève incursion dans leur dernier album, « Reveal » ( « She Just Wants to Be » et « Imitation of Life »), « Man on the Moon » et « Walk Unafraid » finissent de nous séduire… En rappel, « Everybody Hurts » (interrompu par une fan hystérique) et « Cuyahoga » (de « Lifes Rich Pageant », paru en 87) montrent une dernière fois à quel point REM joue toujours sans filet, étalant une classe impressionnante (et quel talent !). « It’s the End of the World… » clôture le spectacle en beauté, avec un Stipe survolté qui semble rajeuni de 20 ans. Pour une fois la pluie n’aura pas gâché la fête : alors que les trois lettres L., U., V. clignotent et s’éteignent, il est temps pour nous de baisser pavillon et de plier bagage. Quatre jours de décibels, de bières et de coups de soleil, ça fatigue… L’année prochaine, c’est certain, on louera un mobil home. 

Dour festival 2007 : samedi 14 juillet

C’est un pur plaisir d’entamer la soirée dans l’ambiance soul-funk de Nicole Willis et son backing-band The Soul Investigators, des Finlandais funkysants rencontrés dans la patrie de son compagnon Jimi Tenor. Vêtue d’une robe bain de soleil, la peau dorée et envahie par une agitation sensuelle, la diva est irrésistible. Sa voix chaleureuse aux teintes Aretha Franklin glisse fluidement sur les rythmiques efficaces et maîtrisées des Soul Investigators. Dans la lignée des Meters, les instruments à cordes ont des accents sixties, les percussions sont chaloupées, et les instruments à vent (saxophone, trombone, trompette, flute) respirent un blues ensoleillé. Délicieusement anachronique, ce son nous transporte à l’âge d’or de la ‘motown’. Dour a créé la pyramide à remonter le temps, et on l’en remercie de toutes nos oreilles. On y comprend aussi pourquoi Gilles Peterson fait de « Keep Reachin’Up » son album de l’année, tandis que Ninja Tune et le New Musical Express couvre ce troisième opus de louanges. Non, la soul n’est pas révolue.

Ecouter les Two Gallants, c’est aussi pénétrer dans un autre espace-temps. Une guitare et une batterie suffisent aux deux compères de San Francisco pour se créer un univers bien à eux. Le soleil au zénith, la terre craquelée et rocailleuse ; au loin résonne un harmonica vagabond. Mais il en faut peu pour que le ciel se couvre, et que la ballade ébauchée explose d’un coup en riffs orageux. Car c’est là toute la spécialité des Two Gallants : acheminer le caractère brut et roots du folk en nervosité punk ultra contemporaine. Contrairement à leur tournée acoustique (succédant à l’E.P. « The scenery of farewell »), ils ont retrouvé ici leur rage électrique. Leur ‘pulk’ - pour reprendre la contraction de punk et folk qui les hérisse tant depuis que, soustraite d’une plaisanterie en interview, les journalistes en usent et abusent à souhait. Et cette émotion fiévreuse n’est pas hasardeuse. Elle est le ton qui convient pour décrire une Californie érodée par l’oisiveté, l’alcool et la déchéance. L’horizon n’est ni radieux ni désespéré, ce qui rend profondément cohérent leur son à la fois sensible et écorché.

A la tombée de la nuit, la fièvre du samedi soir retombe légèrement ; la programmation est mitigée jusqu’à l’heure de la métamorphose en citrouille. Minuit sonne, et les loups sortent enfin hurler à la lune. Hurlements intériorisés d’abord travers l’électronica déconstruite d’Autechre. Comme d’habitude, le public est plongé dans l’obscurité. Les curieux de passage en viennent à se demander si le concert a déjà commencé. Les autres sont déjà loin ; entraînés par un beat syncopé qui restera en apparence identique du début à la fin. Mais dans les tréfonds de la conscience, tel un kaléidoscope, il se fait, se défait, s’allonge, s’écaille, se dédouble pour finir par exploser en miettes dans un cerveau habité. Une fois encore, et fidèle à sa réputation scénique, le fier disciple du label Warp ne cherchera pas le consensus, encore moins la conciliation. Contrairement à leur set exceptionnellement accessible du Reset festival (mars 2007), Autechre a préféré ici exhiber ses formes sans complexes ; à travers des reliefs parfois ingrats, d’incessants décalages sonores et des rythmes scandés à l’infini. Et si un live est rarement idéal pour découvrir sans initiation les étranges robots d’Autechre, des milliers d’yeux brillent néanmoins dans l’obscurité, fixes, profondément captivés par ce son ultra-expérimental en quête incessante du choc sonore. Niché au creux d’un savant calcul mathématique, leur son alimente ainsi une électro en mode free-jazz, profondément introspective. Autechre se vit en transe, ou ne se vit pas.

Aussi instantanément que s’évanouit l’univers tortueux et fascinant d’Autechre, s’élèvent les beats jouissifs de Justice. Les deux Dj puisent immédiatement dans leur registre  incontournable pour être sûr de saisir tout le public d’un coup de main. Mais pas de maître. On aurait pu faire plus en finesse, mais il est 2h, la soirée a mis du temps à démarrer, alors on se plonge dedans jusqu’au cou, sans réfléchir. On passe juste l’inévitable moment karaoké quand surgit l'hymne tant attendu « You are my friend, you’ll never be alone again ». Come on! Impossible d’échapper au remix de Simian, mais puisque l’ambiance est à son comble… Et profondément communicative vu la proximité des corps. On respire l’air et l’enthousiasme du voisin. Dans cette mare humaine, les réserves et snobismes tombent. Ca fait boumtchak, ça prend, ça ravit. Ca flirte entre la house et le disco, l'électro et le funk. Si on n'y a pas spécialement vu ‘se tenir dans la main les gothiques et les fluo kids’ (comme le promettait le dossier de presse), il faut avouer qu'ils font consensus, crête rose ou pas. Plus de raison de cacher sa joie face au jeune duo anglais qui comble 10 000 personnes de son terrible "Let There Be Light" et son incontournable "D.A.N.C.E.". ; qui remixe autant pour Britney Spears que pour Soulwax, Franz Ferdinand et Daft Punk ; qui remplit le Recyclart, gonfle le Botanique et fait littéralement exploser la Red Frequency à Dour. Respect.

Pas le temps d’oser se montrer exténués, car Vitalic prend la relève sur le même ton. On ne boudera pas son plaisir, sous prétexte que le Français est prévisible et que les mixes ne sont pas toujours impeccables. Dans le brasier, on n'y voit que du feu. Car il pleut des tubes. Et c’est parfaitement jouissif de se laisser transporter par la techno confortable de Pascal Arbez et ses laptops. Surtout sur "Poney part 1","La rock 1" ou "My friend Dario", où la foule en sueur atteint l'extase. Ca danse et ça transpire aussi des sourires. Tout « Ok Cowboy » y passera, et c’est tant mieux pour retrouver ses repères. Judicieux pour un troisième jour de festival, où les oreilles ont déjà goûté aux expériences sonores les plus incongrues, aux visions les plus invraisemblables (merci le coup du parapluie entre les fesses). Vitalic ajuste les esprits dispersés et, de son électronique fédératrice, convainc une fois de plus un public en furie.

Pour ceux qui, de cette électro souriante, avaient conservé l’esprit bon enfant, autant dire sans détour qu’ils le perdront instantanément à l’écoute d’Otto Von Shirach. A mille lieues de la niaiserie candide, l’Américain dispose de tous les instruments de torture pour transformer un set en monstruosité sonore. Mais jamais la folie n’avait été d’aussi bonne facture. Signé sur l’excellent label de Mike Patton (Fantomas, Mister Bungle, etc), Jack l’éventreur ne découpe pas les petits enfants au marteau-piqueur, mais opère un dépeçage soigneux et sélectif de bons morceaux, baignant dans la coupe nette breakcore, la sueur hardcore et le goût du metal. Jamais horreur n’avait été aussi proprement perpétrée, aussi savamment maîtrisée. Pour y parvenir, le possédé viole une guitare électrique, scalpe un punk, égorge un laptop, et fout une grosse fessée à tous ceux qui n’ont pas encore pris assez de psychotropes. Parce qu’il en faut, et en quantité, pour apprécier le meurtre collectif qui, contre toute apparence, est aussi un vrai coup de génie.

C.P.

 

Et qu’ont retenu Sébastien et Bernard de cette journée ?

Tout fan de Fugazi qui se respecte ne peut manquer, sous aucun prétexte, Joe Lally. Si le bassiste reste habituellement en retrait de son groupe, Guy Picciotto et Ian McKaye se partagent le devant de la scène. Mais aujourd’hui, son aisance étonne. Après l’intro a capella, les choses sérieuses commencent. Si la technique de basse est reconnaissable entre mille, le duo guitare-batterie demeure plutôt discret. Par contre un surprenant saxophoniste apporte une touche jazz-rock à la cover de « Morphine ». Les nostalgiques du groupe trop tôt disparu, victime du décès inopiné de Mark Sandman, retrouvaient ainsi ce savant mélange de basse et de saxo.

A l’instar de Sick Of It All la veille, Walls of Jericho est parvenu à faire vibrer l’Eastpak tent, tel un château moyenâgeux pris d’assaut par des barbares remontés. Il faut bien dire (et écrire) que le Borinage regorge ( ?!?!?) de groupes hardcore et autres aficionados du style. Si la chanteuse Candace Kucsulain rappelle Shirley Manson pour son dynamisme et son physique (les tatouages en plus), elle possède nettement moins de finesse, et sa voix sonne comme un bûcheron québécois à l’ouvrage. Quoiqu’il en soit, l’énergie est au rendez-vous, et l’on se demande comment le chapiteau tient encore en place alors que la moitié du public s’agite comme des possédés. Les ‘circle pits’ s’étendent d’ailleurs bien au-delà de la table de mixage !

Et cela ne s’arrange pas vraiment lors de la prestation de Punish Yourself. Les Français évoluent dans un registre davantage métal-indus. Leur public est conquis d’avance, et ceux qui ne les connaissent pas sont rapidement impressionnés par leur show toujours aussi sensuel, coloré et énergique.

Michael Gira a dû se demander ce qu’il avait fait au bon Dieu pour jouer devant 200 personnes. Au sein du mythique Swans, formation qui s’est séparée en 1997, il s’est produit régulièrement devant des milliers et parfois même des dizaines de milliers de spectateurs. Son nouveau groupe, Angels of Light, évolue dans la zone crépusculaire de l’underground. Mais en solo, il semble prêcher dans le désert. Et pourtant, c’est lui qui a découvert Devendra Banhart. Alors, allez comprendre ? En fait, il faut croire qu’il paie aujourd’hui son attitude imbuvable vis-à-vis de la presse, attitude qu’il a entretenue jusqu’il y a dix ans. Pourtant le personnage semble avoir changé. A l’issue de son set, il vient à la rencontre du public, en profite pour vendre quelques albums mais signe aussi des autographes et taille une bavette avec quelques fans. Aurait-il changé ou aurait-il enfin un peu plus de plomb dans la tête ? A mon avis, vu sa situation, difficile de faire autrement… Mais venons-en à son concert. Un superbe chapeau blanc (de type Dallas) vissé sur la tête, il joue assis en s’accompagnant à la guitare sèche électrifiée. Une six cordes qu’il réaccorde régulièrement. Son timbre vocal est toujours aussi intense et puissant, même si parfois, on a parfois l’impression qu’il n’est pas tout à fait en phase avec la mélodie. N’empêche, ces ballades obscures, ces mélopées incantatoires et hypnotiques, ces émotions brutes et arides, vous frappent en plein cœur. Et difficile de ne pas être fasciné par cette musique à la fois belle et douloureuse… Gira se produira à plusieurs reprises en Belgique au cours des prochains mois. A mon avis, il aura alors rôdé les chansons de son nouvel opus, « We are him ». Et dans l’ambiance feutrée d’une salle, il est encore capable d’envoûter…

Le prix de la démesure sonore est revenu à Motorpsycho. Sans la moindre contestation ! Impossible de rester à proximité du podium. A moins peut-être de porter des boules Quiès et de ne pas connaître de problèmes cardiaques. A 200 mètres de la scène, le son était encore bien puissant, mais supportable. A croire que le groupe cherche à battre le record de décibels établi par un certain Grand Funk Railroad, début des seventies. C’est vrai que musicalement, le trio s’inspire de plus en plus des seventies. Quelque part entre prog, psychédélisme, métal, krautock et noisy, leurs longs morceaux sont particulièrement élaborés et jouent autant sur les climats que les tempos. Une référence ? Peut-être le chaînon maquant entre Amon Düül et Iron Butterfly ; mais chez Motorpsycho, il n’y a plus de claviériste depuis 2003. Et encore, il n’apportait sa contribution qu’en studio.

Griots & Gods feat. The Young Gods & Dälek : en voilà une idée qui n’était pas bonne. Lorsque les musiciens des Young Gods se lancent dans de longs développements atmosphériques, on prend un plaisir certain à se laisser bercer par ces envolées visionnaires ; mais lorsque Dälek vient poser sa voix de rapper, c’est la cata. Et je me suis tiré, vite fait, bien fait. Quel massacre !

Lorsqu’on évoque Notwist, on ne peut s’empêcher de parler de toute une pléiade de groupes qui gravitent autour d’eux : Console, Lali Puna, Ms John Soda, Tied & Tickled Trio, Couch, des formations ou des projets qui relèvent de ce qu’on appelle l’indietronica, soit un mélange d’indie pop et d’électro (fallait s’en douter). Là, je ne vous apprends rien, toutes les bios consacrées à la formation allemande sont sur la même longueur d’ondes. Sur disque, je dois avouer que leur création se révèle plutôt agréable mais sans grand relief. Live, leur prestation m’a plus qu’agréablement surpris. L’électronique est mise au service d’une musique particulièrement électrique, mais également mélodique. Drivés par les frères Acher, le quintet prend une toute autre dimension sur les planches, évoquant tour à tour Radiohead, House Of Love, Tool et même le Pink Floyd ; et en particulier sur une des plus longues plages interprétées ce soir, furieusement réminiscente du célèbre « Set The Controls For The Heart Of The Sun »… Et comme dirait notre rédacteur en chef néerlandophone Johan, on est vraiment curieux d’entendre leur nouvel opus…

Pour arriver sur la plaine de la Red Frequency, il a fallu près d’une demi-heure. Moralité, je n’ai pu assister qu’aux trente dernières minutes du set de Girls In Hawaii. Une foule incroyable déambulait alors sur le site ; et une grande majorité d’entre elle voulait assister à leur prestation. Il devait d’ailleurs y avoir au moins 20 000 personnes. Juste le temps d’écouter deux ou trois nouvelles chansons. Très pop, très mélodique, très studio. Et puis l’une ou l’autre issue de leur premier opus, dont l’inévitable « Flavor » en rappel. Toujours une belle et solide décharge d’adrénaline libérée dans l’esprit du célèbre « You really got me » des Kinks…

Le big problem, à l’issue de ce concert sera de sortir de la Red frequency. Certains voulaient en sortir, d’autres y entrer pour participer au show du Peuple de l’Herbe. Et pas assez de place pour laisser passer ce flux et ce reflux ressemblant de plus en plus à un goulot d’étranglement. Des impatients et des inconscients se sont mis à pousser exagérément. Et la situation a failli tourner au drame. Des spectateurs ont tout simplement failli être écrasés. Et d’autres étaient au bord de l’évanouissement. J’étais au beau milieu du jeu de quilles, et franchement je n’en menais pas large. Heureusement, dans la nuit, le chemin d’accès a été élargi de 5 mètres. Mais quelle frayeur ! Je ne parvenais même plus à situer où je me trouvais et j’ai bien mis 20 minutes avant de rejoindre la sortie… (B.D.)

S.L. & B.D.

 

Dour Festival 2007 : dimanche 15 juillet

Ce dimanche, le soleil cogne aussi dur sur la Plaine de la ‘Machine à Feu’ que les coups droits assénés par Federer sur le court central de Wimbledon, une semaine auparavant. D'ailleurs, les festivaliers semblent fatigués en début d'après-midi, cherchant le petit coin d'ombre rafraîchissant au pied des arbres ou des tentes. Résultat des courses : le public est plutôt clairsemé face aux podiums…. (S.L.)

Un coup d’œil furtif à The Van Jets, pour comprendre qu’il restera furtif à jamais, à moins d’un terrible retournement de situation. Le son saturé, les paroles désespérément criardes et les mélodies tranchantes heurtent de front nos esprits enveloppés dans la torpeur de fin de festival. Peu importe que les Ostendais se réclament de la descendance de Bowie et des Who, ou que leur album soit né du même producteur que Neil Young et Death Cab For Cutie. Leur glamrock gratuitement anguleux aux indigestes interludes hard rock ne trouvera ici que des oreilles assommées et des pensées déjà envolées vers d’autres horizons.

On s’accommodera bien mieux du reggae arrondi et conciliant de Beenie Man. Sous un ciel sans nuages, une température abrutissante, les corps ne sont plus programmés que pour de tels rythmes chaloupés de la Jamaïque. Les visages sont souriants, surtout à l’écoute de « No mama no cry », sa version personnalisée de « No woman no cry ». Fort de l’héritage de son oncle (percussionniste de Jimmy Cliff), les jambées martèlent à souhait et, presque hypnotiques, il en faut peu pour régner en maître sur un public béat, que les résistances ont depuis longtemps désertées.

Un dernier brin de lucidité pour s’émoustiller de la venue de Midlake. Sous la pyramide, on distingue aisément la poignée de visiteurs de la majorité d’admirateurs. Il suffit de sentir les remous d’excitation et les sourires ébauchés lorsque les Texans barbus entrent en scène. L’ambiance bienveillante et mélodique de leur pop seventies agit comme une enveloppe de douceur. Roscoe illumine nos pensées décharnées. Head Home séduit en profondeur. Young bride désarme littéralement. Rien n’est à jeter sur « The trials of Van Occupanther ». Midlake enfile ses morceaux comme les perles d’un collier et on n’a pas le temps d’en ressentir toute la mélancolie et la profondeur, que c’est déjà fini. Légère frustration que ce live standard pour dépeindre un album qui frise la perfection. Peut-être car les émotions nichées dans la dentelle du songwriting ne se dévoilent pas en tout temps et en tout lieu. Peut-être car la plaine désincarnée de Dour évoque difficilement l’imaginaire charmant et rustique de l’album. On aurait pu en effet rêver plus en finesse pour faire honneur à la révélation 2006. En même temps, aussi instantanément que s’évanouit le mirage, surgit l’envie pressante de retrouver son doux foyer, plonger dans un fauteuil et se fondre sans réserves, cette fois, dans la féerie de « The trials of Van Occupanther ».

C.P

 

Et qu’ont retenu Sébastien et Bernard de cette journée ?

Les Tournaisiens de Skarbone 14 sont en nage sous la Eastpak tent. Il faut dire que la température doit bien avoisiner les 30 degrés et que ce chapiteau ne bénéficie pas d’une aération idéale. Qu’importe, leur fidèle public hennuyer, auquel s’est ajouté de nombreux flamands qui les découvrent, se laisse entraîner dans l’une ou l’autre farandole.

Et l’on s’attarde au rayon ska en compagnie Tokyo Ska Paradise, quoique le groupe y ajoute une touche nettement jazzyfiante. Ce collectif japonais sera sans doute le premier à déplacer autant de monde ce dimanche. Vêtus de costards d’un blanc éclatant, ils ne passent évidemment pas inaperçus. Leur set est bien rythmé, et l’on ne tombe jamais dans la lassitude comme c’est parfois le cas chez d’autres ensembles du style. Il faut dire qu’en bénéficiant d’un line up d’une dizaine de musiciens, difficile de laisser l’un ou l’autre temps mort. Une section de cuivres (trompette, trombone, saxo,…) est alignée comme à la belle époque des sixties. Et l’harmonie est parfaite. Parfois la solution sonore dérape dans le rythm’n’blues. Pourtant nous ne sommes pas en présence d’un band issu de la Nouvelle-Orléans mais bien asiatique. A la mine sympathique, en plus ! Et rien que le contraste établi entre leur musique, leur look et leur couleur de peau vaut le détour. Après un premier passage remarqué en 2005 sur la même scène, on les reverrait avec plaisir l’an prochain ; histoire de respecter l’adage : jamais 2 sans 3.

Bref crochet via la Petite Maison dans la prairie où se produisent les Thermals. Un trio issu de l’Oregon. De Portland, très exactement (comme les Dandy Warhols), mais qui pratique un punk pop sauvage et énergique. Hutch Harrison, le chanteur/guitariste, possède un superbe timbre vocal. Redoutable, profond, proche de Peter Murphy. Et la bassiste, Kathy Foster, petite pile électrique, également responsable des backing vocals, tisse des lignes de basse particulièrement toniques. Malheureusement, si les compos sont assez brèves, elles se suivent et se ressemblent. Et un sentiment de lassitude vous envahit après un bon quart d’heure. Il est donc préférable, à cet instant, de s’éclipser…

Grosse surprise pour 65daysofstatic : là où l’on s’attendait à de longues textures atmosphériques proches de Mogwai, leur post-rock dégage une énergie formidable, à la fois libérée et maîtrisée où se mêle sonique et électronique. Une musique primale, mais ni simple ou organique. L’univers sonore de ce quatuor britannique est une porte large ouverte à l’imaginaire. Un univers presque post industriel tour à tour construit et déconstruit traversé par des compos intenses, élaborées, suscitant dans votre esprit des images tantôt belles, malveillantes ou même violentes…

De larges sourires illuminent les visages des musiciens composant les 1990s. Ces Ecossais ont l’air heureux de se produire sur la Last Arena. Responsable d’un premier album début de cette année, le trio joue une power pop mélodique, contagieuse et allègre, comme les Franz Ferdinand. Ce qui n’est pas surprenant, quand on sait qu’Alex Kapranos et Paul Thomson ont sévi chez Yummy Fur, au même titre que le bassiste Jamie McMorrow et le chanteur/guitariste Jackie McKeown, aujourd’hui impliqués chez les 1990s. Un McKeown qui aurait pu (physiquement) être le petit frère de Jane Birkin ! Leur set est sympa, bien fait, mais pour l’originalité, faudra repasser…

Les Ogres de Barback réunissent 4 frères et sœurs (des jumelles, en plus) : la famille Burguière ! Des multi-instrumentistes qui se partagent accordéon, guitare, violoncelle, piano, percussions, épinette des Vosges et une multitude de cuivres dont la trompette, le trombone à coulisse et le tuba. Ils sont manifestement influencés par les grands auteurs de la chanson française et tout particulièrement son cabaret, mais également par les fanfares des pays de l’est (Emir Kusturica, en tête) et puis par le punk rock latino de La Mano Negra. Des tas d’échafaudages, parfois amovibles, permettent aux musiciens de multiplier les situations aussi bien insolites que burlesques (le vélo à percussions !) Et comme chaque membre du groupe est aussi bon instrumentiste que show(wo)man, on ne s’ennuie jamais tout au long d’un spectacle que je vous invite à aller applaudir, dès que vous en aurez l’occasion : vous en aurez plein la vue…

Philippe Katerine avait privilégié l’esprit rock voire punk lors de sa précédente tournée. " Robots après tout ", son nouvel opus, semble marquer un tournant davantage kitsch et électro... Une impression confirmée par son show accordé sur la Red Frequency Stage, au cours duquel il a préféré mettre en exergue des majorettes plus ou moins sexy (nos ‘Vedettes’ belges ont bien failli représenter la France à l'Eurovision. Elles auraient même défendu l’Hexagone en interprétant une chanson écrite par… Katerine) plutôt que de Little Rabbits. Pourtant, j’éprouve d’énormes difficultés à apprécier le spectacle à sa juste valeur. Est-ce parce que le festival touche à sa fin ? Que la fatigue commence à m’envahir ? Est-ce la conséquence d’avoir couru pendant 4 jours d’un podium à l'autre tout en respectant les consignes imposées aux photographes ? Soit dit en passant, des consignes qui diffèrent d'une scène à l'autre ou d'un concert à l'autre. Pourtant, au départ, elles ont été briefées au stand presse. En ce qui concerne ce show, suivant les directives prévues, nous arrivons en front stage avant l’heure prévue. Mais nous devons rebrousser chemin, car de nouvelles dispositions ont été décrétées ; en l’occurrence, l’autorisation de prendre des clichés après seulement 22h30, soit plutôt en fin de parcours… Et quand on coince un tel concert entre 65daysofstatic et Wilco dans le programme, difficile de se plonger dans l'univers déjanté de Katerine. Tout au plus apprécie-t-on le visuel scénique et en particulier l’armada de majorettes qui passent en revue toute leur garde-robe, tenues de mariées y compris. Katerine laisse rapidement tomber la chemise. Et torse nu, il arbore fièrement son torse velu... Il se confie en anecdotes et s’autorise de multiples délires ; mais sans vraiment donner l'impression d'improviser, clôturant par un « Je vous emmerde » et bien entendu « Louxor ». Je laisserais donc à Katerine la palme de la chanson française décalée et déjantée de cette édition de Dour, même si dans le style j’ai davantage apprécié Didier Super, lors d'une édition précédente de Dour, un Super qui manie beaucoup mieux l'improvisation et l'humour cynique.

Après avoir commis un album de folk blues (« Howl »), le Black Rebel Motorcycle Club en est donc revenu à son garage rock ténébreux semi noisy/semi psychédélique directement inspiré par Jesus & Mary Chain, sur son dernier opus (« Baby 81 »). Sur scène le trio californien est parfois rejoint par un quatrième larron qui apporte son concours aux claviers ou à la rythmique. Sans quoi, Peter Hayes, Robert Levon Been et Nick Jago nous ont proposé, tout au long de leur set, des compos extraites de leurs trois elpees  classiques (« B.R.M.C », « Take Them On, On Your Own » et bien sûr le tout dernier). Ils entament cependant les hostilités par « Love burns », la plage qui ouvre l’opus éponyme. Basse palpitante, drums implacables, vocaux nonchalants ainsi que riffs de guitares torturés et bourdonnants entretiennent un climat proche de l’envoûtement. Un concert vraiment chouette auquel la plupart des spectateurs ont réagi par la plus grande indifférence. Manifestement les cerveaux sont saturés… (Setlist : “Love Burns” – “Berlin” – “Stop” – “Spread your love” – “Took out a loan” – “Ain’t no easy way” – “Weapon of choice” – Punk song – “666” – “US Governement” – “Six barrel shotgun” – “All you do is talk”)

Et pour votre serviteur, le festival s’est achevé par Wilco, dont le dernier album, « Sky blue sky », est paru, il y a quelque semaines. Un disque qui baigne dans une quiétude country/folk/rock assez classique ; à la limite réminiscente du Band. Par contre, sur les planches, c’est une toute autre histoire. Les premiers morceaux reflètent parfaitement ce climat de sérénité propre à l’americana dite classique. Mais au fil des plages, l’électricité prend de plus en plus de place. Et balayé par un light show aux teintes dominées par le jaune et l’orange, leur solution sonore s’enfonce de plus en plus dans le psychédélisme. Les ballades de Jeff Tweedy prennent alors une toute autre dimension. Trop longtemps contenus, les drums de Glenn Kotche ne tiennent plus en place. D’une précision chirurgicale au début, les interventions du guitariste, Nels Cline, s’émancipent et s’aventurent dans de savoureux dérapages contrôlés. Et le reste de la formation se met au diapason. Tweedy peut alors poser son timbre vocal déchirant sur ces mélodies empreintes d’une grande passion tout en dessinant ses propres arabesques sur sa six cordes. D’ailleurs, le final « Spiders » constitue à cet égard une véritable apothéose. Onze minutes dignes du meilleur Neil Young flanqué de son Crazy Horse. Quand Wilco revient-il chez nous ? (Setlist : “Shot in the arm” – “Side with the Seeds” – “You are my face” – “I Am Trying To Break Your Heart” – “Handshake drugs” – “Impossible Germany” – “Via Chicago” – “War on  war” – “Jesus Etc” – “Walken” – “I’m the man who loves you”– “Spiders”)

S.L. & B.D.

 

 

 

 

Pukkelpop 2007 : jeudi 16 août

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La vingt-troisième édition d’un des festivals les plus importants de Belgique a réussi à concilier impératifs commerciaux et curiosité musicale. Le temps de déposer deux campeuses à l’entrée et on entre dans le vif du sujet.

Trois jours d’un marathon musical que votre serviteur entamera en allant assister au concert des Bonde Do Rolê. Ce trio brésilien jouit pour l’instant d’un solide intérêt médiatique. Découverte par Diplo, un des dj de Coldcut, la formation vient de sortir un album pour le compte du prestigieux label Domino. Une fille et deux garçons responsables d’un mélange de hip hop old school (les beats d’Afrika Bambaata et les guitares heavy des premiers Beastie Boys) et de rythmes issus du nord du Brésil. Les Bonde commencent peut-être un peu tôt pour que leur musique festive et dansante fasse bouger les popotins. La faute peut-être à l’odeur encore fraîche (et peu agréable) d’engrais envahissant le chapiteau ‘dance hall’ ou alors au son un peu cacophonique dispensé par notre trio d’enfer. Ils se produisent sous une formule hip hop (un dj et deux m.c.’s) et assènent les petites bombes pour les pistes de danse qui parsèment leur album : « Soltan O Frango », « Marina do Bairro » ou encore « Geremia ». Sur le paillard « Divine Gosa », la chanteuse Marina expose son arrière train généreux sanglé dans un collant fuscia qu’un de ses collègues essaiera vainement d’enlever. Après quelques samples de « The final countdown » (« Our favourite song from de eighties ») et de Daft Punk, il est déjà temps de quitter les lieux pour aller voir ce qui se passe ailleurs…

On entend de loin le punk balkanique et clownesque de Gogol Bordello, un des pires noms de groupe jamais entendu. Drivée par l’ukrainien Eugène Hutz, la tribu de bouffons (un hommage à Bérurier Noir ?) essaie d’enflammer les esprits, mais sans grand résultat… Il faut dire aussi que ce punk mâtiné de reggae n’est pas particulièrement inspiré et les déguisements ridicules du groupe n’arrangent pas les choses.

On s’arrête un instant pour contempler la sculpture argentée qui trône sur la plaine : des rectangles rappelant les affiches des années précédentes. Le tout tourne au gré du vent grâce à un axe central et votre serviteur aperçoit le nom Ned’s Atomic Dustbin sur l’affiche de 1993… Ceux et celles qui se rappellent, une larme nostalgique à l’œil, de ces victimes de la grande bataille du rock sont autorisés à envoyer une carte postale souvenir à la rédaction.

Avant d’aller voir le résultat des travaux en solo de Baloji, ancien emcee de la formation hip hop liégeoise Starflam, pourquoi ne pas tendre une oreille distraite à la techno minimale du biologiste allemand Dominik Eulberg ? D’autant plus qu’il y propose quelques unes de ses productions dans la ‘Boiler Room’, tente consacrée aux sets de d.j.’s.

Soutenu par un ensemble au grand complet ainsi que deux choristes, Baloji vient présenter « Hôtel Impala ». Un premier album ambitieux concocté avec l’aide précieuse de pointures ; et en particulier Gabriel Rios, les Glimmers, Marc Moulin et Amp Fiddler. Expatrié à Gand, le Liégeois s’est fendu d’un opus autobiographique tout en abordant des sujets comme l’Afrique dont son Congo natal. Vêtu d’un costard beige plutôt classe, Balo ouvre son set par la version musicale d’un slam qu’on avait eu l’occasion d’entendre lorsque notre homme avait ouvert le concert d’Abd Al Malik, au Botanique, l’an dernier. L’ambiance est bonne et le groupe prend un plaisir visible à jouer ces titres fortement teintés de soul, de funk, d’un peu de reggae et même de rumba congolaise. Une prestation empreinte d’une belle énergie positive. Dommage que la voix soit sous-mixée ; car il est parfois difficile de comprendre les rimes conscientes et soignées d’un des m.c’s les plus doués du (défunt ?) collectif hip hop liégeois. On épinglera ainsi une reprise du « Personnal Jesus » de Depeche Mode dédiée à l’Afrique et libellée sous cette forme : ‘En Afrique on croit en Dieu et les traditions avant de croire en nous et c’est pour ça que l’Afrique reste en arrière’. Une remarque qui suscite la réflexion tout en aiguisant la curiosité vis à vis d’un album dont on va sûrement beaucoup parler.

La capricieuse météo belge semble pour l’instant vouloir épargner le festival. On en profite donc pour aller voir et entendre les Eagles of Death Metal sur la grande scène. Les morceaux de rock’n’roll du groupe de Jesse Hughes possèdent, sur disque, un charme très particulier. L’apport artistique de Josh Homme (Queens of the Stone Age) et de Tim Vanhamel (Millionaire) n’y est sûrement pas étranger, tant leur absence se fait ici cruellement ressentir.

Ce rock’n’roll moustachu et un peu lourdaud ne parvient pas vraiment à décoller et nous incite à nous rendre dans la tente baptisée ‘Château’ pour nous gaver du rock bruitiste et cinglé des Liars. Installé à New-York, le quatuor hésite entre transes percussives traversées de vocaux aigus et cavalcades noisy punk du plus bel effet. Une musique sans concession qui leur procure une cohorte de fans transis à travers le monde. On comprend mieux pourquoi à l’écoute de leur musique, car les aficionados de pur bruit rencontrent ici une synthèse furieusement rock’n’roll des travaux des Swans, Spacemen 3, Jesus & the Mary Chain ou encore de Can. Un assaut sonore entretenu par deux guitares grinçantes, un sampler et une batterie tribale qui en laissera plus d’un(e) groggy. En ce début d’après-midi le tracklist est partagé entre morceaux issus d’un nouvel album, dont la sortie est prévue fin août, et anciens titres. Le chanteur assène ses paroles comme des slogans et se démène comme un lion en cage. Il entraîne sa troupe vers une chanson finale apocalyptique. Elle aura certainement fait siffler plus d’une paire d’oreilles et vaudra peut-être aux organisateurs du Pukkelpop quelques plaintes pour acouphènes permanents. Le chanteur prend congé du public tétanisé mais ravi, tout en l’exhortant à aller voir Iggy & the Stooges programmés un peu plus tard sur la grande scène.

Après avoir vécu cette expérience limite, un peu de britpop ne peut que remettre les esprits en place. Précédés d’une réputation favorable, les Pigeon Detectives joueront le rôle de l’habituel groupe anglais persuadé de son importance. Le chanteur se pavane comme un coq. Leur power pop ne suscite pas d’adhésion particulière. Un profond ennui nous envahit rapidement et on décide alors d’aller se verser une bonne rasade de rock pompier.

S’il existait dans le monde une école pour apprendre à pondre du rock héroïque, Bono et Jim Kerr y donneraient sûrement des cours et les Editors feraient partie des élèves les plus assidus. Les jeunes gens de Birmingham prennent d’assaut la grande scène avec l’assurance de battants. Il faut dire que leur single « Smokers Outside The Hospital Doors » trotte dans toutes les oreilles depuis quelques mois et risque de les catapulter au firmament du rock. S’enfonçant dans un grotesque pastiche vocal de Ian Curtis, le chanteur multiplie à l’envi les poses de rocker torturé tandis que le groupe mouline des ballades new wave entendues mille fois auparavant. Au rayon des imitations ridicules de Joy Division, ils arrivent à surpasser Interpol ; mais au vu de l’immense degré de satisfaction manifesté par le public présent, on risque de se coltiner ces gaillards pendant toute l’année prochaine. Courage !

Histoire d’oublier ces tristes sires, The Go ! Team semble représenter la meilleure solution. En cours de route, on résout un débat concernant l’achat d’un t-shirt des Liars en y renversant par inadvertance une bière et on aperçoit le début du concert d’I’m From Barcelona.

Une poignée de gros ballons roses flotte dans la tente ‘Marquee’ et la grande confrérie entonne ses chansons chorales. Etrange groupe que les Go ! Team. Ce rassemblement de personnalités à priori antinomiques a produit une musique totalement intrigante. Un mélange d’exhortations hip hop old school, d’indie pop sautillante et de soul des années soixante. Un mur du son emmené par une chanteuse survitaminée, qui malgré son bandage au genou gigote comme une enseignante d’aérobic sous l’emprise de psychotropes. On suit le concert le sourire aux lèvres. On apprécie les morceaux déjà classiques du dernier opus et on découvre en même temps les titres du prochain, conçus dans le même esprit.

Nous demeurons dans les parages pour assister à un autre des événements marquants de cette première journée. Le rimeur anglais Dizzee Rascal s’est fendu d’une belle prestation en alignant les nombreuses tueries figurant sur son nouvel elpee « Maths+English ». De « Excuse Me Please » à « Pussyole » en passant par la drum and bass de « Da feelin’ » ou encore « Temptation » qui sample les Arctic Monkeys. Sans oublier le plus mercantile « Bubbles » qui vante les pompes récemment ‘designées’ par Dizzee pour le compte d’une multinationale du sport... Accompagné d’un M.C. et d’un d.j. hallucinant qui scratche de la main gauche et bouge le crossfader avec son menton, l’ami Dizzee a confirmé son grand talent de conteur urbain et d’entertainer. Bref un bon moment caractérisé par la grande clarté du son et surtout des voix, des propriétés importantes pour le bon déroulement d’un concert hip hop.

Rock’n’roll now ! Car c’est l’ami Iggy Pop et ses vieux compère des Stooges (plus Mike Watt des Minutemen à la basse) qui se produisent ensuite sur la grande scène. Authentiques légendes du rock, ces messieurs commencent à afficher un âge respectable. Une situation qui se ressent sur quelques titres plus faibles ; mais dans l’ensemble le band fournira un set de bonne facture. Une soirée peut-être spéciale puisque c’était l’anniversaire du batteur Scott Asheton. Il n’avait cependant pas l’air d’afficher une forme olympique. Les jambes écartées tout au long du concert, Mike Watt constitue un remplaçant de luxe au défunt bassiste Dave Alexander. Plus cabotin que jamais, Iggy passe en revue les morceaux des deux premiers albums des Stooges ainsi que quelques autres issus du dernier opus. Une belle prestation ‘best of’ parachevée par une invasion assez amusante du public invité à monter sur les planches, lors de « No Fun ». Un stage manager vêtu d’une chemise mauve essaie tant bien que mal de contenir l’anarchie produite par une centaine de personnes gesticulant comme des singes sur scène. Après que le dernier envahisseur ait été bouté hors de scène, les Stooges rappellent qu’ils sont des rockers fans de jazz puisqu’ils s’autorisent une version très ‘free’ et bruitiste de « Funhouse ». Un saxophoniste y participe même. James Osterberg hésite quelques secondes à nous montrer ses fesses avant de renoncer à ses desseins. Le groupe a déjà vidé les lieux et l’Iguane minaude encore quelques minutes sur le podium avant de prendre congé du public.

Après cette bombance de décibels, l’envie nous prend d’aller nous relaxer à l’écoute des doux accords de guitare de Devendra Banhart. Car en concert, le Vénézuélien cosmopolite a un don indéniable pour nous charmer. Hélas, on a dû vite déchanter. Venu interpréter les titres de son nouveau disque, l’homme (avec un  petit air de Charles Manson ce soir là) paraissait un peu désorienté sur scène. Il a passé pas mal de temps à essayer de faire fonctionner une guitare qui refusait de sortir le moindre son. Ensuite le tracklisting s’est limité à ses nouvelles compos. Difficile d’émettre un avis sur ces primeurs oscillant entre rock psychédélique et rythmes latins... Une chose est sûre, elles ont été alignées sans grand entrain et au sein d’une atmosphère tristounette... Arrive ensuite le moment habituel au cours duquel Devendra Banhart invite un spectateur à venir chanter un morceau sur le podium. Une espèce de clone débarque alors pour chanter un titre d’une banalité affligeante. Pas fou pour un sou, il balance au micro son adresse MySpace pour que le bon peuple aille écouter ses œuvres musicales. C’est à peu près à ce moment là qu’on décide d’oublier ce concert navrant en procédant à une petite séance de zapping de scènes, le festival constituant le lieu rêvé pour ce genre de pratiques.

Un petit tour au ‘dancehall’ nous permet de jauger la Sri-lankaise M.I.A.. Elle beugle, d’une voix pâteuse, être à la recherche de compagnie pour la soirée : ‘hey Belgian boys, I’m single !’ Juste avant d’enchaîner sur un titre qui sample une vieille chanson des Clash. C’était la fin du set.

On échoue au ‘Château’ où les Balkan Beat Box s’apprêtent à entamer les hostilités. Ce collectif newyorkais opère un vigoureux mélange des genres : musique des Balkans, reggae, ragga, électro. Un emcee/percussioniste (il chante en arabe et anglais) chauffe le public. Le début des opérations est plutôt convaincant ; mais au fil du temps, l’expression sonore s’enfonce de plus en plus dans une lounge sans saveur, abusant de samples et de notre patience. Elle commence d’ailleurs à payer les neuf heures de musique ininterrompues de la journée.

On décide d’aller se détendre en écoutant la musique contemplative de Low. Fondé par le couple chantant Alan Sparhawk et Mimi Parker, respectivement à guitariste et drummeuse, le trio américain est responsable d’une musique empreinte de désespoir. Le groupe est venu défendre l’album « Drums and guns », sorti il y a peu pour le compte de Sub Pop ; une œuvre qui couronne treize ans d’existence de la formation. Mimi chante et joue de la batterie debout et l’impassible bassiste prend une pose qu’il ne changera plus jusqu’à la fin du concert. Alan Sparhawk égrène des notes graves de guitare et chante son spleen d’une belle voix claire. Malgré une certaine froideur initiale (‘Thanks for coming, I hope you won’t fall asleep’), on ne s’ennuie pas et une ambiance particulière et recueillie nous enveloppe. La musique de Low touche des territoires sonores connus mais explorés d’une façon inhabituelle de nos jours. Elle met le doigt sur un certain malaise contemporain (et occidental) mais sans l’emballer dans les poses adolescentes. Après un titre dédié à Iggy Pop, le concert prend sa vitesse de croisière, privilégiant, hormis quelques incursions plus rock et bruitistes, le registre intimiste. Mais en imprimant toujours aux compos un tempo particulièrement indolent ; ce qui a valu au groupe d’être taxé de ‘slowcore’. Mais au delà des étiquettes, c’est la découverte musicale qui compte et ce concert en fût une très belle.

Et on termine cette copieuse première journée par la prestation des Australiens d’Architecture in Helsinki. Cette formation à géométrie variable pratique une sorte d’humour pince sans rire à la Monty Python et semble parodier différents courants de la musique pop des années 80. Tout y passe, de l’électro funk à la pop kitsch. Même si les titres ne sont pas toujours mémorables, le groupe peut se transformer en vrai machine à danser et est parvenu à rallier à sa cause la foule qui peuplait alors le ‘Château’.

Pukkelpop 2007 : vendredi 17 août

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Le programme de cette deuxième journée semble moins intéressant. Nous arrivons cependant sur la plaine de Kiewit assez tôt pour y voir les Anglais d’Art Brut balancer la sauce. Leur punk rock ironique n’ayant jamais suscité un intérêt profond chez votre serviteur, une nouvelle séance de zapping s’impose.

Malgré l’heure matinale, les Shameboy parviennent à bien remplir la ‘dance hall’. Faut dire que leur électro est saturée de lignes tracées au cœur de synth-bass funky. Mais ce n’est pas encore le pied.

En déambulant sur le site, on perçoit les accords rock’n’roll des Gantois Van Jets qui essaient d’enflammer la grande scène. Tâche ardue pour ce début de journée plutôt calme.

On finit par se décider à aller voir ce que les Bedouin Soundclash ont à proposer. Leur single, « Beautiful Day » est une sympathique comptine reggae rappelant Toots & the Maytals. Mais le trio basse-batterie-guitare est décevant. Influencé par The Police et The Clash, ces jeunes gens issus de Toronto pratiquent du mauvais reggae comme seuls les punk rockers peuvent en faire. On a l’impression d’entendre des chutes de studio de l’album « Sandinista » et on s’ennuie ferme. On voudrait cependant leur laisser une chance, mais après une bonne moitié de concert, les Bedouin n’ont toujours pas joué le moindre morceau digne de ce nom.

On quitte donc les lieux pour aller zieuter la fin du set des Anglais de Reverend and the Makers, groupe en odeur de hype de l’autre côté de la Manche. Le peu qu’on en verra est effectivement intéressant. Leur disco lente et psychédélique bénéficie de la présence d’un chanteur à l’attitude arrogante, dont le timbre plutôt chouette rappelle un peu Ian Brown et l’allure celle de Richard Ashcroft. Il s’inquiète même des éternels problèmes linguistiques vécus en Belgique. Aurait-il pris des cours de rock pompier chez Bono ??

Le premier bon moment de la journée procédera des Anglais de Fujiya & Miyagi (‘lustrer, frotter’, rappelez-vous de Karate Kid). Trois gaillards assez simples et au look passe-partout. Le trio a sorti, il y a peu, un opus qui touille dans le krautrock, l’indus (Krafwerk ?) mais surtout l’électro-funk. Chant susurré, guitare funky, rythmiques programmées, basse métronomique et une nuée de claviers vintage s’unissent pour créer une musique dansante et hypnotique. Elle agitera les têtes et les bassins de l’assistance. Malgré une présence scénique presque inconsistante leur musique libère un haut potentiel explosif. Et elle est plutôt drôle. Surtout quand on voit le claviériste au look de programmeur COBOL exhorter la foule en chuchotant « Sock It To Me ! ».

C’est sous le chapiteau ‘Wablief ‘ que se déroule le très bon concert des Prima Donkey, super groupe flamand emmené par l’ex-dEUS Rudy Trouvé à la guitare et Gunter Nagels à l’accordéon, moitié vocale de Donkey Diesel. Impliquant des membres de DAAU, Laïs et des Seatsniffers, ce projet musical est très intéressant. Leur musique est très filmique et richement orchestrée : theremin, guitare, accordéon, cuivres, claviers. Le tout enrichi par les voix très country de deux charmantes choristes. Sans oublier celle de Rudy Trouvé (il a l’air très déprimé) et de Gunter Nagels, dont le timbre est très proche de Tom Waits. Et c’est précisément aux territoires hantés de ce dernier que l’on pense à l’écoute des Donkeys. Différence ; quoique l’approche est peut-être un peu plus légère (toutes proportions gardées). Au delà de très bons morceaux originaux du groupe, deux reprises sortent du lot. Une superbe version du « Ghost Rider » de Suicide et une cover country & western de « Jesus Built My Hot Rod », le morceau le plus connu de Ministry chanté par Gibby Haynes des Butthole Surfers.

Sorti du chapiteau, on entend le public de la ‘Boiler room’ scander ‘Master ! Master !’ On se croirait presque en Allemagne sous le régime hitlérien. Ce n’est heureusement pas le cas. En fait, il s’agit simplement de la manifestation de satisfaction de la foule consécutive au dj-set de MSTRKRFT.

Direction la ‘Dance Hall’ pour arriver au début du concert de Cansei de Ser Sexy. Ce groupe a bénéficié d’une certaine hystérie médiatique sans qu’on sache vraiment pourquoi. Un combo disco de plus emmené par une chanteuse dont la voix insignifiante éprouve toutes les difficultés du monde à passer au-dessus de la musique.

En passant devant le ‘Château’, Skream balance son dub électro pour hooligans. Pas le temps de s’arrêter car, car il est judicieux de se placer idéalement pour bien profiter de la furie rock’n’rollienne des Hives. Les Suédois viennent présenter leur album « Black and White ». Un concept appliqué à la lettre puisque tous les instruments sur scène sont en noir et blanc, à commencer par la superbe batterie ‘Premier’ qui trône au milieu de la scène. Authentique machine de guerre, les Hives balancent leur rock’n’roll jouissif. Quarante-cinq minutes qui s’écouleront en un instant. Alternant tubes et morceaux de leur nouvel opus, ils récoltent l’adhésion totale de la foule et préviennent que ‘there wil be other bands tonight, but it doesn’t matter !’ Le pire, c’est que la prophétie se réalisera presque, tant le reste de la soirée rivalisera d’insipidité.

Après une telle claque, c’est comme passer directement de la vision de ‘Pulp Fiction’ au nouveau James Bond : tout à l’air un peu fade et moins drôle. C’est un peu le cas des Noisettes, trio anglais précédé d’une bonne réputation et auteur du très chouette single « Don’t Give Up ». On a du mal à entrer dans le concert, mais il faut reconnaître la charge charismatique de la très sexy Shinga Shoniwa. Coiffée de plumes d’Iroquois, elle bouge dans tous les sens et donne du relief au garage rock sans concession pratiqué par la formation insulaire…

On prend une petite pause en contemplant un vieil homme éponger une impressionnante plaie au genou : un trou béant d’où s’échappe une quantité inouïe de pus. On espère pour lui qu’il ne fera pas de septicémie. Chris Cornell s’époumone au loin sur « Rusty Cage »…

Mais on a opté pour Patrick Wolf. Il arbore une cape argentée en guise de tenue de scène. Une de ses violonistes ressemble furieusement à la Castafiore. Mais on a bien du mal à entrer dans son univers baroque et pompeux, né d’un croisement hypothétique entre Lord Byron et la Gay Pride.

Tentative d’incursion sous la tente où le Dj Jazzy Jeff passe ses disques. Certains d’entre vous se rappelleront du bonhomme pour avoir tenu le rôle du meilleur pote de Will Smith dans la série le Prince de Bel Air. C’était le type qui se faisait toujours éjecter par l’oncle Phil… Au delà de cette image de pitre, l’homme est en fait un producteur notoire (Jill Scott notamment) dans la nu-soul et le hip hop. On aurait aimé écouter les galettes qu’il allait mixer ; mais c’était peine perdue : la foule débordait de partout et rendait impossible l’entrée dans la surchauffée ‘Boiler Room’. Même chose pour Laurent Garnier : accès impossible à la ‘Dance Hall’ pour cause de surpeuplement.

Mieux valait donc rejoindre la grande scène où Arcade Fire prépare son spectacle. Le combo canadien est passé en peu de temps du statut underground à celui de gros vendeur. Une transition qui doit être difficile à négocier. Le line up de l’ensemble implique une petite section de cuivres, trois violons, un orgue d’église, sans oublier la formation de base rock. Les neuf membres attaquent le concert de manière énergique. Mais le chanteur est en petite forme. En outre, il semble rencontrer d’incessants problèmes de retour. Le collectif possède une armada de chansons déjà bien entrées dans l’inconscient. Une preuve ? Votre serviteur ne possède aucun disque d’Arcade Fire ; et pourtant une bonne partie de ces morceaux m’étaient familiers aux oreilles. Arcade Fire possède tous les atouts pour devenir un groupe capable de remplir les stades ; mais cette réussite fulgurante est à double tranchant. En fait, Arcade Fire risque fort de passer chez les stars pompeuses. Lors de ce set, le manque d’humour était patent et le lyrisme exacerbé des chansons flirtait dangereusement avec le mauvais goût. Néanmoins, (et c’est l’essentiel), le public a repris en chœur ces mélodies quasi celtiques qui évoquent des mondes mythiques et des forêts enchantées où des farfadets idéalistes préparent une révolution marxiste.

On passe rapidement par le Marquee où Dinosaur Jr se produit sous son line up originel. Mais son rock est gâché par les solos de guitare indigestes de Jay Mascis. Il faut dire qu’on a mieux à voir puisque notre curiosité a été aiguisée par une horde de jeunes gens habillés de la même manière.

Veste en jeans et rouflaquettes rock’n’roll, ils relèvent de la confrérie des Turbojugend. Fans absolus du groupe norvégien de glam métal Turbonegro, ils se déplacent en groupe pour aller voir les concerts de leurs artistes favoris. Il existe, à travers le monde, plusieurs sections locales de Turbojugend, garantissant ainsi à Turbonegro une énorme base de fans acharnés. Le terme ‘turbonegro’ fait référence à une pratique sexuelle qui consiste à mettre son poing dans l’anus de quelqu’un pour aller y chercher de la matière fécale… La ‘shock value’ semble être l’arme absolue du groupe qui pratique un punk-métal rappelant un peu Judas Priest. L’autre originalité du groupe consiste à s’amuser de l’imagerie homosexuelle dans un milieu connu pour son homophobie. C’est un peu pour toutes ces raisons qu’on se rend à la ‘Skate stage’ pour voir si le spectacle peut être drôle. Fréquentée par un public plus jeune, cette scène est caractérisée par le nombre élevés de verres de bière qui s’élèvent dans les airs. Alors que statistiquement l’objectif soit impossible à atteindre, une quantité anormalement élevée de ce liquide atterrit sur la tête du rédacteur de cette chronique qui se retourne comme un vieux plouc pour tenter de déceler le coupable de cette vilenie. Les Turbonegro finissent par arriver et le contraste est frappant entre le frêle guitariste (50 kilos tout mouillé) et Hans Erik Dyvik Husby, l’énorme chanteur. Une sorte de gros Viking décadent qui se ballade torse nu, en tenant à la main une canne surmontée d’une pomme argentée. Il porte un gilet court aux couleurs du drapeau américain et se démène comme un beau diable. C’est assez drôle et pas sérieux pour un sou, même si musicalement le résultat n’est guère mémorable. A propos, si vous êtes intéressé, sachez qu’il existe en Belgique des sections locales des Turbojugend…

 

Pukkelpop 2007 : samedi 18 août

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La dernière journée du Pukkelpop commence en douceur par The Bony King Of Nowhere. Derrière cet étrange nom, se profile le jeune Gantois Bram Vanparys, grande promesse qui s’est révélée au public lors d’un concert de Devendra Banhart. Le jeune homme est ainsi sorti d’un relatif anonymat et a, par la suite, remporté un concours rock (De Beloften), joué à l’occasion des défricheuses soirées Rock&Brol et figure à l’affiche du prestigieux festival Domino à l’Ancienne Belgique. Et croyez-nous, ce garçon ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Sa musique épouse la douceur de Nick Drake qu’il mélange aux inquiétudes de Thom Yorke. Mais Bram Vanparys possède son propre style et a d’ailleurs reformé un combo pour se produire sur scène. Une formule qui fonctionne très bien, surtout que tous les musiciens possèdent de bonnes voix et solidifient le timbre fragile de Vanparys. Même si le set rencontre une baisse de régime au cours de sa deuxième partie, la qualité des vocaux et des mélodies impressionne. Si la formation passe près de chez vous, ne les manquez surtout pas.

Après une écoute distraite de l’électro-rock de Home Video, on décide d’imprimer une saveur pop et mélodique à ce début d’après-midi. C’est ce qui nous incite à fendre une foule de plus en plus importante pour aller écouter Albert Hammond Jr. Le guitariste des Strokes vient de sortir un album solo empli de mélodies pop-rock subtiles et sans prétention. Un disque à l’image de ce concert tout simple où l’homme vêtu de jeans blanc enchaîne de manière décontractée des ballades pop-rock suscitant la sympathie. L’homme ne tente pas de révolutionner la musique et se contente de nous faire passer un bon moment. Ce qui est déjà très bien. On aura même droit à « Old Black Dawning », une reprise d’un titre du premier (et excellent) premier opus solo de Franck Black, (ex) chanteur des Pixies.

Toujours plongé dans un univers pop, on se laisse conseiller par le programme du jour. Il mentionne la présence de Soapstarter, groupe formé par d’anciens membres de dEUS, Soulwax et Vive La Fête. La scène est envahie de plantes vertes. Une riche idée pour illustrer la pop ensoleillée de ces gaillards. Leur musique est assez proche de celle des Français de Tahiti 80. Une solution sonore très mélodique puisant son inspiration dans la soul et le funk le tout saupoudré d’un zeste de reggae. Vraiment très intéressant ! On attend impatiemment leur album « Naked Wheelz » pour se forger une meilleure idée de leur potentiel.

Toujours dans le rayon belge et pop, on décide d’aller assister à la prestation des Tellers. Ce duo pop folk wallon a connu une ascension très rapide. Remarqués par le label bruxellois 62TV, lors du concours radio hebdomadaire Pure Demo, les Tellers sont invités à enregistrer quelques maquettes de leurs titres dans un local de répétition. Le résultat est tellement probant qu’il est publié illico sur un huit titres dont le succès rencontré est plus qu’honorable. « More » tourne beaucoup sur la bande FM et une multinationale photographique décide d’utiliser « Second Category » pour son spot publicitaire européen. La suite logique se traduit par la sortie d’un premier album dont la sortie est imminente : « Hands full of Ink » sera distribué dans toute l’Europe par COOP, filiale alternative de V2. Une ‘success story’ qui a déjà fait jaser les esprits chagrins ; et pourtant leur réussite est totalement méritée. La voix est excellente et les compos très mélodiques rappellent parfois Bob Dylan dans ses moments les plus pop. Le tout abordé avec un esprit plus rock’n’roll qui doit beaucoup aux Anglais. Le charme opère aussi au Pukkelpop : après de multiples essais non concluants, les gaillards semblent avoir trouvé un line up qui tient la route. Leur set totalement rafraîchissant accentue l’ambiance pop empruntée par le festival, en ce début d’après-midi.

Vu la dose de bruit et de fureur prévue pour la fin de soirée, on évite The Streets qui enchaîne tubes et reprises (« I Love Rock’n’Roll », « Goin’ Out Of Space ») sur la grande scène.

Et on se rabat sur une session acoustique des rockers liégeois Hollywood P$$$ Stars. Installés dans une tente sponsorisée par un géant du monde bancaire, ils nous proposent les titres de leur nouvel opus « Satellites », dont la sortie est également toute proche. Les titres accrochent moins instantanément que ceux de leur précédent elpee. Cependant, au fil des écoutes, on recèle des qualités qu’on n’avait pas soupçonnées après une première écoute rapide du disque. Les Liégeois joueront ces mêmes morceaux et quelques autres un peu plus tard dans la soirée. Minés par quelques problèmes techniques, ils proposeront un set très rock, limite métal au cours duquel le single « Andy » se détache du lot, dans un style très proche de Millionaire.

Après avoir zappé le space rock bancal des norvégiens de 120 Days, on décide d’aller admirer CocoRosie. Admirer parce que les photos de presse des sœurs Cassidy ne laissaient pas imaginer que l’une d’elles (celle qui porte de longs cheveux noirs) était fichtrement sexy dans sa tenue blanche, à cheval entre le bikini et le pyjama d’été. L’autre sœur (la moustachue) tape moins dans l’œil, même si elle a revêtu un gilet fluorescent de la sécurité routière. CocoRosie vient de concocter un album très inspiré par le hip hop, et cette coloration se ressent aussi beaucoup sur scène. Une basse, des claviers et des jouets. Sans oublier un ‘human beat boxer’ aux hallucinantes capacités techniques qui balance des beats hip hop avec sa bouche tandis qu’une des sœurs Cassidy rappe dessus. En contrepoint, l’autre frangine se lance dans des vocalises évanescentes proches de l’opéra. Une musique aussi agaçante que fascinante et qu’on a bien du mal à appréhender. Un subtil sentiment de malaise émane de ces mélodies faussement enfantines mais vraiment désespérées… comme un mauvais rêve qui n’en finit pas. Très original et osé en tout cas ; dommage cependant que parfois on frise le grand n’importe quoi.

Il est temps de relater le meilleur set de ce festival : celui des New-yorkais de LCD Soundsystem. On ne se lancera pas dans de vains discours ; il suffit de savoir que ce concert dynamisé par les basses tonitruantes nous a enthousiasmés. Une énergie énorme et constante a transporté la foule dans l’extase. Les morceaux des deux albums ont souvent été interprétés sous leurs versions longues. Des versions qui doivent autant à l’électro (Krafwerk ?) qu’au punk goguenard (The Fall ?) A l’issue du concert on en est encore tout fébrile, et on va se préparer une petite camomille pour se remettre des vibrations basses, coupables de nous avoir retourné l’estomac et fait claquer les dents.

On terminera ce compte rendu marathon (je félicite et remercie celles et ceux qui les auront lu jusqu’au bout) par la prestation des Sonic Youth. Toujours intègres, les vétérans du noise rock viennent jouer l’intégralité de « Daydream Nation ». Un double album sans concession, paru en 1988 et devenu culte pour les nombreux fans qui s’entassent sous la tente ‘Marquee’. Thurstoon Moore et Lee Ranaldo nous font la version rock de la ‘Guerre de Etoiles’ en organisant une lutte de manches de guitares avant de mettre à mal nos oreilles pendant une heure et demie. Un délire de larsens et de distorsion où les mélodies délavées et les paroles étranges tentent d’émerger du magma sonore. Un concert complètement fou, d’autant plus respectable que ces Yankees pratiquent ces joyeusetés depuis bientôt trente ans. Prenez-en de la graine et rendez-vous l’année prochaine pour un bon entretien général des acouphènes !

Amicalement

Enzo

Esperanzah 2007 : du 3 au 5 août

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Une fois de plus, les organisateurs d’Esperanzah ont eu de la chance. Avec le temps, d’abord, puisque le soleil a élu domicile dans le ciel de l’abbaye de Floreffe durant les trois jours, réveillant les sourires de toux ceux qui avaient cessé de placer le moindre espoir en ce mois de juillet grisâtre. S’il y a bien un festival qui doit sentir bon le soleil pour faire passer ses messages et entretenir sa sacro-sainte bonne humeur générale, c’est bien celui-là. Bingo, donc. Autre coup de bol : Manu Chao qui, à quelques jours de l’événement, fait part aux organisateurs de son envie de venir faire un petit tour dans le coin. Et hop, une super tête d’affiche inattendue qui titille quelques oreilles supplémentaires, même si les 8 000 places disponibles pour le lundi (une date ajoutée en dernière minute ‘pour l’occase’) s’écouleront en très peu de d’heures.

La machine est huilée. Il ne reste plus qu’à la faire carburer à plein tube. Et là, pas question de chance, ni de don des cieux. Il faut assurer. Dès le vendredi, les campings se remplissent avec frénésie et chaque festivalier dresse sa Quechua en un minimum de temps (c’est d’ailleurs conçu pour ça… le plus dur, c’est de la replier) afin de gagner le site de l’abbaye au plus vite. Après quelques concerts de mise en bouche d’une qualité irréprochable, le sommet est déjà atteint par Sidestepper et sa drum’n bass latino, qui mélange la salsa, les rythmes afro-colombiens et l’électronique sans le moindre temps mou. Juste après ce set, en guise de clôture d’une première journée prometteuse, le Shantel & Bukovina Club Orkestar réalise le pari de faire encore mieux, en obligeant nos jambes à s’exciter sur ses beats balkans et sa disco russe. Un concert enflammé, sautillant, fiévreux… Bref, fatiguant. Il est où, déjà, ce camping ?

Samedi, on a chaud et on est… fatigué. Certes, on aurait pu dormir la nuit. Mais où ? Dans le camping ? C’est cela, oui… Bonne nouvelle pour les organisateurs et les associations présentes sur place : la journée est sold out. On s’en doutait : ça grouille de monde. D’ailleurs, entre parenthèse, il faudrait parfois qu’on fasse des ‘sold out’ avec un peu moins de monde. Mais ce n’est qu’un avis. La musique ? Ah oui, la musique… Une fois n’est pas coutume, on se prélasse tranquillement côté gazon quand les musiciens d’Afro Yambi Jazz émettent leurs premiers accords. Et là, tout de suite, on comprend pourquoi on a choisi de venir à Esperanzah. Pour l’ambiance (j’ai déjà dit ça, non ?), mais aussi pour l’armada de bons musiciens qui s’y délectent. C’est doux, sophistiqué, enjoué… C’est excellent. Les gars d’Atomic Leaf, pareils à eux-mêmes, ne font que confirmer notre sentiment : ces libertaires aux revendications ska-punk-guinguette ont du tempérament à revendre. Et du coup, nous aussi. Bien sûr, plus tard, vers 22h, c’est Salif Keita que tout le monde attend. Et il ne décevra personne. Tantôt bouleversant, tantôt éclairant, cet infatigable prêcheur de la fraternité et de l’amour livre une prestation exemplaire, devant un public qui n’oublie pas que la musique peut à la fois être faite de… fête et de réflexion. Lors du dernier morceau, le Prince de l’Empire Mandingue invite les corps enivrés à le rejoindre sur scène, histoire de clôturer ce rassemblent humain dans la joie la plus sincère. Waow ! Ce coup-ci, on n’a pas envie de rentrer au camping. Et si on s’embrassait tous ?

Après une nuit aussi courte que très courte (est-ce que ça ferme parfois les yeux, un joueur de djembé ?), la dernière journée se profile déjà sur un horizon toujours aussi bleuté. Inutile d’y aller par quatre chemins : direction la ‘cour’ pour applaudir ces inimitables chauffeurs de salle que sont les gars de Peas Project. Fou, décalé, déglingué, arrogant et frais : le show est évidemment efficace et, comme d’habitude, on en ressort les orteils écrabouillés. Et comme il fait de plus en plus chaud, il ne reste plus qu’à aller se ravitailler. Une bière ? Non, allez, soyons fous, c’est le dernier jour : va pour un enchaînement et… une sieste. Au réveil, c’est l’angoisse. La musique de fond était agréable, mais impossible de se souvenir qui la délivrait. Et je vais raconter quoi, moi, dans mon compte-rendu ? ‘Ben que la musique était géniale’, me suggère-t-on. Pas mal. En plus, c’est sûrement vrai, puisque jusque là, tout était parfait. La Troba Kung-Fu et leur mélange inédit de dub, de reggae, de tango, de salsa et de… plein de bonnes choses libèrent tous les sens des festivaliers. Désormais, c’est clair, il ne peut plus rien nous arriver de mal. Vers 22h, Groundation nous emporte carrément dans un autre monde, là où il semble faire encore plus chaud et où personne ne peut déranger la quiétude du lieu. Du reggae. Du putain de bon reggae, même. Des rythmes authentiques, apaisants et enivrants se jettent dans notre cerveau comme des merveilles à la mer. Une apothéose grandiose. Un final exaltant qui, curieusement, ne nous fait même pas regretter de devoir repartir sans avoir vu Manu Chao. De toute façon, Manu Chao, ce sera sûrement nul. Et il pleuvra, c’est évident. Bon, les gars, on rentre ? Une dernière bière équitable ? Allez, d’accord… Mais après, on va dormir, hein… Jusqu’à l’année prochaine, d’ailleurs.           


Nuits du Soir : mercredi 26 septembre 2007

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La sixième édition des Nuits du Soir se déroulait, à nouveau, au Cirque Royal de Bruxelles. Organisé conjointement par le quotidien Le Soir et le Botanique, cet événement est destiné à mettre en avant le talent d’artistes ou de groupes belges. Et il était à nouveau sold out !

Lourde tâche d’ouvrir ces ‘Nuits du’ Soir devant une salle encore à moitié vide. Début de programme, donc, face à un public clairsemé ; mais il en faut plus pour impressionner les dIPLOMAT. Distribution de flyers de présentation, ouverture remarquée par une bande de petites hôtesses habillées tout en blanc. Les dIPLOMAT proposent un rock brut et énergique pimenté d’une voix aux accents pop ; et même si le set est ‘un peu court’ -aux dires de Fabrice, leur chanteur- il ravit le public du Cirque Royal. La salle finit quand même par se remplir, et les retardataires accrochent immédiatement. Groupe à suivre pour la qualité de ses prestations scéniques, et sur album, puisque la rumeur colporte qu’ils ont désormais signé un contrat chez un label.

Après l’excellent accueil réservé à leur premier album, les Tellers continuent à tourner. Sur scène, les deux guitaristes sont rejoints par un drummer et un bassiste pour donner plus de rythme à leurs compos, et par Fabrice, le ‘grand frère’ ; sans oublier la chorale de potes conviée lors du morceau qui clôt le concert. Attitudes de jeunes stars Rock ‘n’ Roll ce soir pour Charles et Ben, qui nous avaient habitués à plus de désinvolture. Le public est constitué, en majorité, d’adolescents. Profitant du congé du lendemain, celui-ci étonnamment calme par rapport à la réaction suscitée par certaines prestations précédentes du combo. Le nouvel album « Hands Full Of Ink » complète cependant très bien les titres de l’EP qui a fait connaître les Tellers : les chansons « More » et « Second Category » sont déjà des classiques de la formation.

Depuis la sortie de ”Music and chocolates”, un large public commence à s’intéresser à Joshua. Présentant leur spectacle comme une invitation à danser (mais ils devraient davantage montrer l’exemple…), leur prestation programmée à la suite des Tellers ne peut que faire bouger le Cirque Royal, maintenant plein comme un œuf. Un show enlevé, comme toujours, ponctué d’une reprise du « Riders on The Storm » des Doors, et qui s’achève, comme il se doit, par le hit « Kill Your Own Army » scandé devant une foule de bras levés. Les sons funky et hip-hop de Joshua ne renient jamais le caractère rock qui est à la base de leur musique.

Arid se trouve, aujourd'hui, à la veille d'une nouvelle aventure : après une séparation et la reformation suite au concert 0110 de Gand, le premier single « Words » vient d'être édité, et il précède la sortie prochaine d’un nouvel elpee. Ensemble à la croisée des chemins, Arid propose un tracklisting composé de nombreux tubes. Leur énergie et les envolées vocales de Jasper Steverlinck sont maîtrisées de bout en bout, et le public ne s’y trompe pas : il est conquis par le groupe ‘belge’ de la soirée. Et il se surprend même à danser au son de leur pop-rock, qui par moments évoque Keane. Surtout en ‘live’ ; ce qui, pour ceux qui ont pu les voir, signifie un compliment…)

Hollywood P$$$ Stars constituait manifestement le clou de cette Nuit du Soir. Comme ils le définissent eux-mêmes, leur style passe du ‘pop-indie’ au ‘rock guitare’. Il capture immédiatement l’audience. Forts de leur dernier album « Sattelittes », les Liégeois ouvrent dans une relative douceur avant d’asséner leurs hits les plus énergiques. Puis ils laissent retomber la pression, le temps que le public reprenne son souffle ; mais ce calme augure la tempête, car ils terminent en force. Excellents sur disque, les Hollywood P$$$ Stars n’en demeurent pas moins des bêtes de scène. A voir absolument en ‘live’.

Org: Botanique et Le Soir, Bruxelles

Festival Les Inrocks 2007 : vendredi 9 novembre

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La vingtième édition du festival des Inrocks passait donc par Lille ces 9 et 10 novembre. Comme d’hab’ me direz-vous. Ben non, puisque l’an dernier elle s’étalait sur quatre jours et impliquait également la Maison des folies de Wazemmes. Gros embouteillage sur Lille en soirée ; ce qui explique sans doute pourquoi, lors de l’ouverture des hostilités, à 19h30, le public était plus que clairsemé. Et que votre serviteur est arrivé un bon quart d’heure en retard. Mais si la salle se remplira au fil du temps, il faut reconnaître qu’il n’y a jamais eu la grande foule pour applaudir les quatre groupes programmés ce soir (New Young Pony Club, Yelle, Jack Peñate et The Go Team !), à l’Aéronef.

Le set de New Young Pony Club est déjà commencé depuis 15 bonnes minutes, lorsque je rejoins un parterre de spectateurs plus que clairsemé. La formation londonienne semble ne guère se soucier de cette situation et manifeste un enthousiasme qui fait plaisir à voir et à entendre. Un quintet réunissant trois filles et deux garçons. Une chanteuse de petite taille habillée de rose bonbon (Tahita Bulmer), une claviériste dont les sonorités ‘vintage’ semblent avoir été empruntées aux B52’s et une drummeuse qui a la pêche. La basse (tenue par Igor Volk, elle dessine des lignes ténébreuses, probablement inspirées de Peter Hook) et la guitare -souvent funkysante- sont dévolues aux mecs. Musicalement, leur expression sonore oscille entre le punk funk et la ‘new rave’. Des références ? Les B52’s (je l’ai signalé ci-dessus,) Talking Heads, Blondie et Salt’n Pepa. Hormis un petit problème de basse, plus du tout en harmonie avec la mélodie en fin de parcours, le NYPC peut être crédité d’une prestation ensoleillée, pétillante et très excitante. A revoir, c’est une certitude…

De son véritable nom Julie Budet, Yelle est française. Elle est née à Saint-Brieuc en Côtes-d'Armor, et a été découverte par le biais de MySpace. Pour ce set, elle est accompagnée d’un drummer et d’un programmateur/bidouilleur/claviériste. Ils sont vêtus de vêtements identiques. Et notamment de chemises sur lesquelles sont reproduits des dessins d’os. Yelle joue la carte de la féminité décomplexée. C’est ce qu’elle déclare. Mais franchement, manifester cet engagement sur ce type d’électro basique est totalement ridicule. Je me suis même demandé si on n’avait pas transféré le Club Dorothée à la ‘Bush’ d’Esquelmes (NDR : si vous ne connaissez pas, c’est que nous ne sortez jamais en boîte). Oser comparer ce groupe de bal à Lio ou à Air serait même faire injure à ces derniers. En plus, je n’ai jamais trop aimé les chansons d’Alain Chamfort. Alors pensez, une reprise d’« A cause des garçons » dans la set list… D’autant plus que, comble de l’infantilisation, le trio nous a offert en finale, une démonstration de langage des signes. Mais on n’a rien compris…

Franchement, en le voyant accoutré ainsi, on pourrait imaginer que Jack Peñate est un Yankee issu de l’Amérique profonde. Imaginez un type plutôt trapu portant une casquette de base-ball et une chemise à carreaux. Un article de presse insulaire le comparait même à un pasteur branché. Pourtant, c’est un Londonien de descendance britannique et espagnole. Deux musiciens l’accompagnent sur les planches : le drummer Alex Robins, placé à la gauche de la scène et le bassiste Joel Porter. Et dès le premier morceau, « Spit at stars », auquel il joint l’expectoration à la parole, Peñate entame une danse aussi excentrique que spasmodique. Un titre imprimé sur une sorte de tempo skiffle. Il ne l’interrompra que lors de l’interprétation d’un titre un peu plus lent, intitulé « Run for your life ». Jack sourit constamment, comme si un rictus était figé sur son faciès. Il s’adresse au public entre les chansons et semble heureux d’être là, alignant les « Second, minute or hour », « Torn on the platform » ou encore la cover de « Dub be good to me » du Beats International, pour le plus grand plaisir de l’audience enchantée d’une telle prestation. Swing, rockabilly, groove et funk blanc semblent faire bon ménage au sein du trio qui me rappelle quand même parfois Orange Juice (NDR : oui, oui, celui d’Edwyn Collins), surtout dans l’approche la plus postcard de ses compos.

The Go ! Team s’était déjà produit dans le cadre du festival des Inrocks. En 2005. A cette époque, Nicolas avait beaucoup apprécié. Moi pas. C’est donc avec beaucoup de méfiance, que j’ai assisté à leur retour sur les planches de l’Aéronef. Le groupe se présente toujours sous la forme d’un sextet. Mais avec deux batteurs. Enfin un drummer et une drummeuse. Tout un petit monde, dont trois anglo-japonaises, qui se partage une foule d’instruments : les guitares, le banjo, la basse, les claviers, le mélodica, la flûte, l’harmonica, les samplers et bien sûr les drums. Même la chanteuse attitrée, Ninja, siège parfois derrière les fûts. C’est d’ailleurs à cet endroit que je la préfère, car elle a beau gigoter dans tous les sens et mettre l’ambiance, sa voix de rappeuse old school fait un peu tache d’huile dans l’ensemble. Par contre, le timbre vocal de Kaori Tsuchida est absolument superbe et d’une précision chirurgicale. Et puis, lorsque les interventions aux six cordes de Ian Parton (c’est le leader, et il est partagé entre cet instrument et la batterie) décollent, on frôle l’univers de My Bloody Valentine. Cette formation issue de Brighton est bourrée d’idées ; en outre elle, a fait d’énormes progrès. Mais son cocktail d'électro, de jazz, de psychédélisme, de rock et de je ne sais tout quoi est encore trop bordélique pour faire la différence. Un peu plus de discipline et surtout une meilleure attribution des rôles devrait leur permettre de faire la différence. Tout en continuant de faire la fête. C’est très important pour The Go ! Team…

Organisation FLP et Aéronef

 

Festival Les Inrocks 2007 : samedi 10 novembre

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Il y a déjà bien du peuple pour assister au premier set programmé lors de la deuxième soirée des Inrocks à Lille. Un public qui va gonfler au fil du temps, pour finir par remplir (NDR : ça rime !) complètement la salle, lors de la prestation des très attendus Editors. Mais auparavant, place à Elvis Perkins, Los Campesinos et The Noisettes.

Elvis Perkins n’est pas un rigolo. C’est le moins qu’on puisse dire. Faut dire qu’atteint du SIDA, son père (Anthony Perkins, célèbre acteur américain) est décédé d’une pneumonie, alors que sa mère est disparue tragiquement lors des attentats du 11 septembre 2001, à New-York. Photographe, Berry Berenson était à bord du deuxième avion qui s’est précipité sur les Twin Towers. On peut donc le comprendre. Physiquement, il ressemble à un Mark Oliver Everett (NDR : alias E, c’est le chanteur d’Eels), mais barbu et en plus négligé. Il monte seul sur le podium et interprète sa première compo, en s’accompagnant à la guitare acoustique et à l’harmonica, qu’il a posé sur un rack. Une connaissance, derrière moi, lance un ‘Encore un clone de Bob Dylan’. Puis un trio de musiciens le rejoint sur les planches : The Dearland. C'est-à-dire Brigham Brough à la contrebasse, Wyndham Boylan-Garnett à la guitare et aux claviers ainsi que Nicholas Kinsey, un sosie de Régis Laspalès (mais portant des lunettes épaisses), aux drums. Toute une équipe qui va prendre un malin plaisir à changer d’instruments tout au long du set et même à en ajouter : l’harmonium, l’orgue, le piano, les cloches, la trompette et les percus. Ils sont même tous capables d’assurer des backing vocaux. Mais le boute-en-train du spectacle est assurément le batteur. Il vient régulièrement jouer du tambour en bandoulière, arpentant toute la largeur de la scène, tout en agitant des percussions qu’il a enfilées autour du cou, comme un collier, lorsqu’il ne cumule pas fûts et harmonica en même temps. Et sans jamais esquisser le moindre sourire, à la manière d’un Buster Keaton. Un véritable pince-sans-rire doué pour mettre une ambiance de feu. En fin de set, on n’était d’ailleurs pas loin d’entamer une farandole, à la manière des Pogues. C’est dire ! Et la musique alors ? Chouette, très chouette même. Pourtant, malgré son talent, Elvis a tendance, à refroidir l’ambiance, en intercalant des chansons introspectives et mélancoliques. Une chose est sûre, si sur disque (l’album « Ash Wednesday »), la musique de Perkins évoque Nick Drake, Dylan ou encore Vic Chesnutt, en ‘live’ le cocktail de styles est totalement explosif. Le répertoire glisse ainsi indifféremment du folk au jazz, en passant par le rock, la country, le dixieland et même le flamenco. Et on a même eu droit à un rappel. La meilleure surprise du festival !

Los Campesinos n’est pas une formation issue de la péninsule ibérique, mais du Pays de Galles. De Cardiff, très exactement. Sept jeunes qui semblent sortir tout droit de l’université. Mais qui ont probablement troqué leurs bouquins contre des instruments. Le premier album sortira début 2008 et un EP 6 titres, produit par Dave Nefeld de Broken Social Scene (« Don’t tell me to do the math(s) », est paru en avril dernier. Le line up implique un chanteur (Gareth) et une chanteuse (Aleksandra). Le premier (il porte un t-shirt à la gloire de Sleater-Kinney) possède une voix proche de Jarvis Cocker. La seconde (NDR : sa chevelure est d’un roux flamboyant !), un timbre d’une limpidité bouleversante. Les deux se partagent également claviers et xylophone. A droite de la scène, Harriet se charge du violon, parfois des claviers. Deux guitaristes, un drummer (torse nu !) et une très jolie bassiste vêtue d’une robe rouge à pois blanc (elle pourrait poser pour les magazines de mode !) complètent le line up. Leur set est allègre, contagieux, amusant, très rafraîchissant, mais un peu brouillon ; à la croisée des chemins de Magic Numbers, Pavement, Yeah Yeah Noh et New Model Army (la touche gaëlique !). Bref, si la prestation est plus qu’encourageante, le groupe doit encore bosser pour passer en première division…  

Avant que The Noisettes ne monte sur scène, un roadie prépare le terrain. Montage du matos, soundcheck et câblage : il fait tout absolument seul. Un véritable homme-orchestre. Et durant le show, il est attentif au moindre détail. Un homme très précieux, assurément. The Noisettes ? Un trio constitué d’un drummer (NDR : ce n’et pas Hagrid, dans Harry Potter, mais Jamie Morrison), un guitariste (Dan Smith) et une chanteuse (Shingai Shoniva). De peau noire et de petite taille, vêtue d’une robe échancrée (NDR : en cuir et de couleur jais) et de collants jaune, la tête surmontée par un chapeau de plumes (brésilien ? maya ?), elle joue aussi de la basse (souvent) et de la guitare (parfois), mais surtout se révèle une showwoman d’exception. Mélange de sensualité et de sauvagerie, elle bondit d’un côté à l’autre de la scène. Et chante, hurle, gémit, d’un timbre qui peut rappeler tantôt Billie Holiday, tantôt Siouxsie Six. Le guitariste est techniquement très doué. Il a manifestement bien assimilé la technique des Hendrix, Page et consorts. De temps à autre, il participe aux backing vocaux. Enfin, le drummer pilonne ses fûts avec une dextérité et une violence inouïes. Il doit casser une vingtaine de baguettes par set. Le show est très physique et impressionnant et la musique rappelle quelque part les White Stripes, mais en plus frénétique. Pas la voix, bien sûr. The Noisettes récolte un franc succès, mais on n’entre jamais dans un véritable climat, parce que trop absorbé par les prestations individuelles de chaque musicien.

La tête d’affiche était bien sûr les Editors, et la salle était pleine à craquer lorsque le quatuor de Birmingham monte sur les planches. Tom Smith, le leader, possède un baryton (peut-être proche du leader de Tea Party, Jeff Martin) à vous flanquer des frissons partout. Il présente très souvent ses chansons dans la langue de Molière. Parfois, il s’assied derrière son piano (NDR : pour les chansons les plus romantiques), tournant même autour de cet instrument, tout en entraînant son micro avec lui, sur « When anger shows ». Le guitariste, Chris Urbanovicz, déchire l’univers sonore de ses notes tintinnabulantes à la manière de Mark Burgess (The Chameleons) ou de Simon Huw Jones (And Also The Trees), pendant que la section rythmique impose ce tempo ténébreux et manifestement cold wave. Et les dénégations du groupe à ce sujet, ne changeront pas mon point de vue. Le light show composé de lasers jaune et bleu colle parfaitement leur musique dont les mélodies mélancoliques et contagieuses entraînent très souvent les spectateurs à fredonner ou à chanter en même temps que Smith. Lors du rappel, Tom, monte sur son piano tout en brandissant sa râpe comme une arme. Puis, la formation quitte la salle complètement conquise. Et votre serviteur également, même si ce que les Editors proposent n’est pas vraiment neuf, leur manière de le dispenser est tout à fait convaincante. Ils reviennent le 25 novembre au Rockhall de Luxembourg, le 9 mars au Hof ter Lo d’Anvers, et le 10 du même mois au Vooruit de Gand.   Setlist : Lights – Bones – Bullets – An end has a start – The weight of the world – Blood – Escape the nest – All sparks – When anger shows – The Racing rats – Munich
Rappel : You are fading – Smokers outside the hospital door – Fingers in factories

Organisation FLP et Aéronef

 

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