La quatrième soirée musicale des Nuits Botanique s’illustrait une nouvelle fois par sa programmation qualitative (The Dodos) et audacieuse (The Luyas). Une volonté délibérée du centre culturel de la Communauté française de réunir les talents d’hier et de demain, d’ici et de là-bas (NDR : dix-huit nationalités sont représentées lors de cette édition 2011). Un paysage interculturel qu’accueillait l’écrin surchauffé de la Rotonde ce samedi soir. Drapeaux portés par les Etasuniens des Dodos, des Canadiens de The Luyas et notre national Rodolphe Coster (Flexa Lyndo).
Venu nous présenter son dernier opus, sorti le 4 mars dernier (« Too Beautiful To Work), le cinq pièces de Montréal, dirigé par la chanteuse/guitariste Jessie Stein, nous a littéralement submergés de sortilèges jetés dans son univers onirico-mécanique. Un univers où chaque protagoniste use de sa lyre –Jessie Stein au chant et à la guitare, Pietro Amato préposé au cor français, au cloches, au melodica ainsi qu’au clavier, et drums réservés à Stefan Schneider– afin de bâtir une pop orchestrale frénétique et hypnotique. Un décor, parfois psychédélique, équipé de lampes vintage oranges et imprimé d’un unique moodswinger (une cithare électrique douze cordes conçue par un luthier expérimental hollandais nommé Yuri). Cette fresque étrange se meuble d’une cascade de cordes, de sons distordus et de percussions éclatantes. Luyas constitue manifestement une expérience brillante pour les amateurs d’une autre pop.
La réputation des Dodos en concert est solidement établie et l’éloge de leur nouvel opus, « No Color », sorti cette année (NDR : album bénéficiant de la précieuse production John Askew, responsable de l’excellent premier album du groupe « Visiter »), n’est certes plus à faire.
Déjà responsable d’une nuit Botanique électrique, en compagnie des excellentissimes Géorgiens de Deerhunter sous le chapiteau en 2010, le trio californien nous revient cette année sous une configuration différente et en proposant un son légèrement modifié. En effet, Keaton Snyder et son vibraphone ‘king size’ laissent place à un nouveau guitariste qui s’efface singulièrement. Ce dernier restera d’ailleurs la grande énigme de ce concert. Qui est-il ? Que fait-il sur scène ? Hormis l’apport de quelques fonds ambiants, les impressions majeures laissées par ce musicien viendront essentiellement de l’expressivité inexistante de son regard bovin. C’est un peu comme s’il traversait l’un des moments les plus pénibles de son existence. Tel est le sentiment que suscite sa présence. La quantité incalculable de bière ingurgitée lors de sa ‘prestation scénique’ explique certainement l’expression de ce regard. Rien de comparable par rapport au volume sonore libéré par le vibraphone de Snyder, lors des concerts précédents.
Quant au son, Long laisse tomber la guitare acoustique et décroche une guitare électrique qui émet des sonorités rock plus abruptes. Une musicalité extrêmement physique dont le volume serait capable d’affoler les sismographes du Botanique. Une performance en montagnes russes qui vacille entre des morceaux orageux aux drums hyper puissants et des mélodies à fendre les cœurs de pierre. La batterie introduit la majorité des titres et impose souvent le ton. Elle demeure, incontestablement, le nerf central de cette formation. Une musique bipolaire qui coupe le souffle du spectateur et le surprend souvent par son défi constant de toute loi de la logique folk ou rock.
Le binôme rompt constamment tout équilibre mélodique et privilégie les percussions frénétiques de Kroeber. Une énergie brutale dont les mélodies rageuses finissent régulièrement dans d’interminables envolées noise ingénieusement contrôlées.
Ce soir, les arabesques alambiquées des trois Américains se font sensiblement sentir sur des titres d’une impressionnante précision comme “Two Medecines”. Un morceau répétitif où tous les éléments guitare/batterie/chant s’agencent merveilleusement. L’autre versant du groupe s’éclaire de morceaux plus mélodieux tel “Companions”. Un titre vibrant d’émotion au tempo ralenti, aux arpèges qui se déroulent... Une première partie de concert qui nous dévoile « No Color » avant de clôturer sur le romantico-folk « Winter » et le délicieux « Fools ». Deux morceaux changeant néanmoins de visage et dont l’interprétation se veut plus brutale.
Ces instants de frissons nous offrent globalement un délicieux moment de pure énergie brute. The Dodos, une expérience live fascinante !
The Dodos + The Luyas + Rodolphe Coster