Eclatant, osé et euphorique, Animal collective triomphe ce soir sur les planches du Cirque Royal lors du concert le plus arty de cette édition 2011. Un show chaotique de plus d’une heure trente rendant hommage à la planète geek.
Le quatuor de Brooklyn (originaire de Baltimore) est réputé, cependant, pour la fâcheuse habitude de présenter une setlist expérimentale lors de ses prestations scéniques. Un spectacle hermétique de construction high tech truffé d’innovations, créations inédites dont l’essence s’adresse fondamentalement à un public averti. Pas d’album en vue pour les New-yorkais qui utilisent la scène comme champ expérimental à leurs futures compositions. Hormis « Brothersport » et « Summertimes Clothes », moments où le public exulte réellement, le concert est laissé à la découverte. Un Crash test musical, utilisé de plus en plus souvent par de nouvelles formations, visant à mesurer l’interactivité du public avant de construire le tracklisting de leur prochain opus (NDR : procédé partiellement utilisé par Moriarty, ce mardi 17 mai, aux Nuits Botanique).
Comment décrire un chaos artistique en quelques lignes ? Tâche ardue s’il en est. Que nous allons tenter de démêler…
Techniquement, rien à dire, Animal Collective est une merveille. Un véritable défi à toute forme de gravité sonique. Un brouillon chaotique sous haute surveillance et merveilleusement maîtrisé. Si le quatuor nous suggère l’impression d’écouter quatre morceaux à la fois, il sait précisément vers quel espace sonore tout ce bruit se dirige. Il érige des perspectives multiples dont les lignes de son fusionnent peu à peu et convergent finalement. Une musique ancrée dans son époque et copieusement inspirante.
Malgré des artifices visuels plutôt faibles, quatre hommes plantés en rang d’oignons dans un décor minimaliste, un écran géant projetant des images psychédéliques plutôt ordinaires et un jeu de lumière quasi inexistant, le quatuor parvient pourtant à créer des mondes parallèles et à porter le public vers la lévitation.
Côté salle, rien à dire, la fosse du Cirque est conquise. Difficile de lutter contre les transes électro-chamaniques du groupe. Lorsque le batteur-chaman Panda Bear lance un chant indien d’une voix énigmatique, l’audience, le diable au corps, se laisse emporter sur des danses tribales hypnotiques. Une deuxième partie de set truffée de morceaux délicieux accompagnés parfois de rythmes vocaux afro transcendants. Animal Collective accélère alors la dérive des continents et invite l’oreille à se heurter à des sonorités surprenantes venant d’Inde ou d’Afrique. Un psychélectro étonnant mélangeant les cultures et les époques et parfaitement apte à passer aisément de rythmes tribaux compulsifs à une musique psyché-rock plus classique.
La mécanique des ‘Animal’ n’est pas toujours évidente à déchiffrer. Un mélange d’arythmie logique et de précision chirurgicale qui fait souvent mouche. Une musique qui interroge le futur et bouscule le présent. Une recette qui atteint sa cible depuis plus de dix ans et régale régulièrement le public. Pourtant, ce soir, Animal Collective n’a pas vraiment convaincu la masse. Le piège du succès du phénomène trendy, dont le rock expérimental, ne se refermerait-il pas inexorablement sur la vague qui le porte mais l’érode peu à peu ? A suivre.
Animal Collective