Les Francos, c’est une énorme machine, un programme d’une richesse inouïe, une foule très nombreuse (deuxième meilleure affluence en 18 ans malgré le mauvais temps) et un public qui s’étale sur plusieurs générations : trois, voire quatre...
Le souci, c’est de faire son choix parmi la pléiade de concerts simultanés qui sont proposés. Suite des festivités ce vendredi, puisque votre serviteur et Barbara, préposée aux photos, avons couvert le festival pendant deux jours, soit les 21 et 22 juillet.
Francos – le 22 juillet
La pluie commence à tomber lorsque Moriarty monte sur la scène où s’amoncelle une pile de valises anciennes, comme une invitation au voyage. Mais après les premières mesures, l’averse va cesser et même laisser poindre un rayon de soleil. Ce dont Thomas Puéchavy, l’harmoniciste à l’attitude très inspirée, ne pourra s’empêcher, avec une pointe d’humour, de s’attribuer. Ce qui incitera aussi Rosemary Standley, la chanteuse à la voix si particulière, aigüe et légèrement nasillarde, de troquer sa tenue des trois premiers morceaux pour une robe fourreau rouge très décolletée et très sexy !
Mais j’ai du mal à me plonger dans l’atmosphère. Est-ce parce que nous sommes dans la lumière d’une après-midi et que la performance trouve plus son univers si particulier dans une salle ? La musique folk-country épicée de guitare Dobro, de contrebasse, d’harmonica et même d’une assiette en étain dont se sert Vincent Talpaert, le percussionniste, a du mal à fédérer le public.
Nous sommes aux Francos. Tout le public apprécie-t-il les paroles des chansons qui racontent chaque fois une petite histoire… en anglais ? Ecouter « Private Lily », superbe chanson, sans en saisir le sens fait perdre une part essentielle de sa séduction. Rosemary introduit chaque titre en français, mais c’est souvent inaudible. C’est un peu le paradoxe de la direction que prennent les Francos. Accueillir des groupes francophones qui s’expriment en anglais, est-ce faire preuve d’ouverture ou perdre un peu de son âme ?
Passage devant la salle du Dôme où Jacques Duvall, coiffé de son chapeau de cow-boy comme ses six acolytes, déprime une assemblée assise et qui semble résignée. J’adore le parolier et je préfère ne pas l’entendre chanter pour rejoindre la scène où se préparent les Brabançons de Lucy Lucy !. Formation à quatre guitares et batterie, le style folk-rock fait inévitablement penser à ce qui se fait beaucoup en ce moment en Belgique : Sharko, The Tellers ou encore Girls in Hawaï. Rien de vraiment neuf donc. A noter l’excellente qualité des harmonies vocales qui fait référence aux Seachers (dont ils reprennent avec talent Love Potion N°9) ou même aux Beatles. Une pêche d’enfer sur les planches qui emmène un public d’ados ravis de faire la fête en leur compagnie.
Mais LE rendez-vous du jour pour les amateurs de rock, c’est bien le concert de Louis Bertignac. La foule est plus dense que jamais pour accueillir comme il se doit celui à qui les fées ont offert une guitare le jour où elles se sont penchées sur son berceau. Son concert sera à l’image de son dernier album : énergique et électrique. Du rock 100% pur jus ! Il en interprète « 22M² » pour commencer. On voit qu’il est heureux d’être là, Bertignac, et qu’il compte bien partager cette jubilation. Accompagné d’une formation minimaliste, une basse lourde (Marco Bravin) et une batterie agressive (Julien Orscheck), il nous fait décoller et planer au fil des envolées de sa légendaire Gibson SG 1959! Authentique guitar-hero, il a hérité de Jimmy Page, à qui il rend hommage en reprenant « Whole Lotta Love », des Who, dont il nous fait cadeau du « Won’t get fooled again » et d’Hendrix, à qui il envoie un clin d’œil en jouant de la guitare avec la langue. Il ne manque pas d’humour, Louis B. Au cri ‘A poil !’ que lance un(e ?) fan quand il ôte sa veste noire, il répond qu’il veut bien à condition que cinq filles, jolies, en fassent de même ! On aura droit à quelques coups de Téléphone, bien sûr. Il donne de la voix pour Cendrillon, laisse son bassiste interpréter « Ça c’est vraiment toi » (qui deviendra « Ça c’est vraiment Spa ») et laisse le public chanter seul presque toute la chanson « Un autre monde ». Il est vrai qu’au niveau de la voix, si elle est chaude au début, elle devient vite rocailleuse puis a tendance à s’éteindre... Il le sait et s’en moque lui-même. Bertignac finit le concert à genoux, devant son public, comme pour le remercier. Mais c’est lui qui nous a envoûtés, le diable !
Sur la scène Pierre Rapsat, c’est l’heure de Hooverphonic. Un groupe flamand qui chante en anglais aux Francos. Si ça, ce n’est pas un signe d’ouverture… Mais le groupe est avant tout ‘belge’ et Alex Callier, le bassiste fondateur du groupe ne cessera de le répéter, en français, tout au long du concert. Il précise aussi que l’ingénieur du son est wallon ! Il propose même que l’on re-célèbre en leur compagnie la Fête nationale ce 22 juillet, le groupe se produisant en Italie, la veille. C’est surtout Alex qui nous réserve des commentaires humoristiques. Apparemment très préoccupé par la situation politique actuelle, il va ainsi dédier « The last think I need is you » et « How can you sleep? » à un Flamand devenu célèbre qu’il ne nommera pas tout de suite mais que tout le monde aura reconnu. Autre note d’humour : une version plus ‘Clo-clo tu meurs’ de « Comme d’habitude » par le claviériste.
Mais l’essentiel n’est pas là. Le groupe, classieux, propose une performance tirée à quatre épingles dans des couleurs noires et blanches. Les tubes défilent, tous interprétés avec brio par leur nouvelle chanteuse Noémie Wolfs. Une voix juste, sensuelle, gracieuse, parfaitement posée. Mais un charisme encore faible. Elle semble aussi trop préoccupée par la justesse de sa performance vocale. Les interprétations ne diffèrent pas beaucoup de la version album, excepté pour « Mad about you ». Un concert calme, comme leur musique jusqu’au final. Alors, Alex Callier et Raymond Geerts se déchaînent tout à coup. Ils s’agitent dans tous les sens, lancent des riffs de guitare détonants. Et on se met presque à regretter qu’ils ne s’y soient pas mis plus tôt…
Se mettent en place les Français d’AaRON. Absent pour les 15 ans des Francos, la formation occupe pour la première fois la scène spadoise. Un album de plus sorti entretemps enrichit donc leur répertoire initial. Loin, très loin du style éthéré et mélancolique de « Lilli », le groupe de Simon Buret et Olivier Coursier a proposé un concert énergique très rock. Je ne m’attendais pas à cette performance du chanteur ni à sa maitrise de la scène où il s’éclate visiblement. AaRON arrive à faire danser et même hurler la place en alignant des titres qui ne sont pourtant pas familiers et auxquels j’ai du mal à accrocher. Mais l’ambiance club créée par le fantastique jeu de lumière a pour effet de faire se lâcher le public ! Et il y a pris bien du plaisir.
(Voir aussi notre section photos)