Le ciel a (enfin) retrouvé sa couleur bleue. Et il plane comme un air de vacances sur la Plaine de la Machine à Feu. La foule est plus nombreuse, mais pas forcément devant les scènes. L’atmosphère est plus à la guindaille, aux rencontres ou à la fête un peu partout. La bière coule à flots. Et j’avoue même me laisser embarquer dans quelques ‘guet-à-pintes’ ; ce qui explique ce compte-rendu un peu plus concis que les autres jours…
Ma journée commence par Papa Roach. Le soleil cogne dur, ce qui est rare en ce mois de juillet. Et pas seulement l’astre céleste, mais aussi les Ricains. Leurs riffs sont aussi assommants. Ils alignent leurs tubes, dans l’esprit de Green Day ou autre Sum 41. Ce qui a l’air de plaire à la génération des 15-25 ans massés devant le grand podium. Les pogos et autres slams s’enchaînent. Ce punk yankee plutôt basique donc, destiné aux ados, n’est pourtant pas dérangeant.
Plus intéressante : la prestation de The Qemists. Une référence dans le drum’n’bass. Pas étonnant que ce combo soit signé chez Ninja Tune. Et ces Anglais savent s’entourer, puisque pour concocter leur premier opus, « Join The Q », ils ont bénéficié d’un featuring de Mike Patton. D’ailleurs, malgré les nuances jazzy et dubstep, l’expression sonore est beaucoup plus rock, voir carrément hardcore. De quoi, remuer la foule sous le Dance Hall, mais suivant une méthode bien plus raffinée que celle de Papa Roach.
Un raffinement qui ne guide toujours pas Stupeflip. Leurs titres slogans (« Je fume pu d’shit », « A bas la hiérarchie », etc.) et quelques coups médiatiques (NDR : chez Thierry Ardisson, par exemple) avaient permis au groupe de se forger une certaine notoriété. C’était en 2003. Après avoir perdu un procès face à leur label (BMG), ces Français étaient quelque peu retombés dans l’anonymat. Et autant qu’ils y restent encore un peu, car la prestation de ce soir ne m’a pas vraiment convaincu. Tragicomiques, les deux chanteurs portent toujours les mêmes déguisements de films série B et continuent de se complaire dans les revendications à deux balles. En bref, la formation n’a toujours pas évolué…
Bien plus intéressant : The Dø. Une Finnoise (la chanteuse Olivia Merilahti) et un Parisien (le multi-instrumentiste) Dan Levy. Soutenu par un drummer de tournée. Elle capture d’ailleurs instantanément l’attention sur scène. A cause de sa voix fragile. Et puis de son physique (NDR : allez-donc jeter un coup d’œil dans notre rubrique photos). Elancée, très jolie, elle a enfilé des bas, ma foi, forts originaux. Il faut cependant attendre le milieu de set, et l’un de leurs tubes « On my shoulders », pour que le public commence réellement à s’enthousiasmer. A partir de cet instant le set va déménager. Il est vrai que le début du concert est dispensé en mode semi-acoustique, pour ensuite embrayer dans un style bien plus percutant. L’ambiance ne va alors plus baisser d’un cran. Le set va même paraître trop court. Un groupe à voir et à revoir donc. Et ça tombe bien, puisqu’ils sont à l’affiche de l’AB, le 12 octobre 2011. Ah oui, et comme le précisait Pompon dans sa présentation, leur patronyme se prononce ‘do’ comme la note de musique, et pas à l’anglaise.
Changement de podium et de genre, puisque Mogwai se produit sur la Last Arena. Un choix de scène un peu curieux, quand on sait que leur musique est particulièrement introspective ; ou alors, c’était exigé par les musiciens du groupe. Car devant l’estrade, l’auditoire est clairsemé. Leurs longues envolées post-rock (NDR : que j’adore pourtant) s’évaporent dans l’atmosphère et ne parviennent pas à accrocher…
D’autant plus que je ne veux surtout pas manquer Neurosis ! Leurs concerts se font beaucoup plus rares. Il se murmure d’ailleurs que les organisateurs faisaient le forcing depuis quelques années pour les programmer. Mais là aussi le choix de la scène laisse perplexe. La Petite Maison dans la Prairie est vite comble (NDR : ce sera également le cas, pour CocoRosie, le surlendemain), pour ne pas dire à saturation. D’entrée, on a droit à « A sun that never sets » puis « End of the harvest ». Une belle manière de pénétrer dans l’univers de Neurosis. A l’instar de Mogwai, la construction des compos s’opère en couches ; mais rapidement une belle chape de plomb vient couvrir le tout. Car Neurosis c’est du lourd, du costaud, de l’intense, à mi-chemin entre Cult of Luna et Isis. Néanmoins, les montées en puissance et les déflagrations sont parfaitement maîtrisées. Un savant équilibre qui permet à l’expression sonore de ne pas sombrer dans un métal cacophonique. Et en apothéose, Neurosis va nous livrer un « Through Silver In Blood » de toute beauté. Une longue progression avant que l’intensité n’atteigne son paroxysme et transcende littéralement l’auditoire. Incontestablement un des grands moments de cette édition.
On reste dans le métal en compagnie d’Anthrax. Un peu plus ‘has been’, quand même. Il embraie juste à côté, sur la Cannibal stage. Dans le style, ce podium va s’en gaver. Madball va ainsi également fouler ses planches. C’est le genre de formation que j’appréciais, il y a 15 voire 20 ans. Mais elles n’ont guère évolué depuis. D’ailleurs une réflexion me traverse l’esprit. Je ne suis pas du genre à brûler ce que j’ai adoré ; mais il faut reconnaître, que cette année, l’affiche de Dour a réservé une (trop) grande place aux come-backs, et en particulier à des groupes ou des artistes qui ont surtout recueilli du succès, au cours des nineties. Alors que la scène pop/rock regorge de découvertes. Vous voyez ce que je veux dire ?
Car de 90’s il en sera encore question en compagnie de Pulp. Le set s’ouvre par « Do You Remember The First Time ? ». Et Jarvis d’ajouter ‘Vous étiez présents en 1994 ? Etiez-vous-même seulement nés ?’ Ben oui, Jarvis, je m’en souviens comme si c’était hier. Sous un soleil de plomb, au beau milieu de l’après-midi, tu avais le teint bien pâle. Et un look de dandy. Ta formation avait dispensé un set très britpop. Finalement assez proche de celui de Blur, qui se produisait également le même jour, sur la Plaine de la Machine à Feu. Entretemps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Pulp n’est plus considéré comme une hype, mais un combo sur le retour. D’ailleurs, leur dernier opus, date quand même de dix ans. Pour mettre tous les atouts dans son jeu, leur spectacle est soutenu par un superbe light-show. Et puis, les compos proposées sont particulièrement énergiques, dans l’esprit de Kaisers Chiefs. Jarvis se dandine, et s’autorise même quelques solos de guitare. Avant d’attaquer le titre final, « Common People », il nous rappelle deux règles de base qu’il a toujours observées dans sa carrière. La première : ne pas faire confiance à son groupe. La seconde : réserver le titre préféré du public, pour la fin. Un discours qui ne change pas mon point de vue. Le concert de Pulp était celui d’une réunion. Ni plus, ni moins.
Et Vitalic, programmé plus tard, va démontrer qu’il serait temps que certaines vieillies gloires laissent la place à la nouvelle génération. Surtout s’ils ne sont plus capables de se remettre en question. Perso, je vais laisser la place aux clubbers. Surtout que la journée de samedi s’annonce bien chargée.