Vous êtes un nada mort marchant autour du visible
Revenu d’une hallucinante nuit psychotique où l’alcool se diluait encore dans leurs veines molles à l’heure de pénétrer le site de l’Espace Nord, les corps tremblants de vos deux serviteurs se sont échoués lamentablement sur un coin improbable de table suintant déjà la bière frelatée du terroir, alors que les premiers émois de la journée s’articulaient déjà en une constellation poudreuse de souvenirs alanguis. Ecume aux lèvres et psalmodiant le chant du déclin, nous avons bravé toutes les lois physiques pour tenir debout jusqu’à ce que nos esprits étiolés ne rendent les armes dans un écrin satiné. Observation derrière quatre yeux vitreux d’une journée syncopée…
Le marchand du temps nous allouant un laissez-passer tardif, les échos compulsifs des Kerbcrawlers se sont malheureusement déjà immiscés dans une faille spatio-temporelle à l’heure où nous avons pénétré les lieux emplis d’une douce légèreté bucolique.
Réduites à un minuscule point se perdant dans l’horizon céleste, leurs envolées bruitistes ont explosé dans le firmament des constellations burnées où les relents décadents d’un Rock poisseux et pisseux se mêlent aux effluves d’un cuir moulant les entre-jambes les plus sexys. Tentant vaguement de nous maintenir dans une position à peu près verticale, nos pauvres jambes nous ont lâchés au moment où le chanteur (ou celui qui se définissait comme tel) a entrepris de reprendre « Radio Gaga ». C’en était trop pour un premier concert. Nous avons donc opté pour la dissolution éthylique au son d’un DJ set en plein air, tout en tentant vaillamment de retrouver nos esprits hagards et ensevelis sous une montagne d’hébétude. La bouche pâteuse et l’estomac s’étalant en une coulée de lave acide à contre-courant.
Une poignée de minutes errantes plus tard, Marble Sounds embrassait l’air d’un bouquet de mélodies fraîches et désinvoltes, empreintes d’un subtil parfum de nostalgie que mon cortex en décomposition avait repeint de vives couleurs infantiles. Les douces mélodies, accompagnées tantôt au banjo tantôt à la guitare folk, nous ont même offert une courte évasion lunatique, allant même jusqu’à panser nos plaies béantes de la veille. C’était malheureusement sans compter sur la dernière ballade, interprétée par une invitée du groupe. La voix, mal posée, trop discrète et assommante à souhait nous a permis de repartir dans nos vieux travers de dipsomane en vadrouille. Dommage, la montée était belle, mais la chute d’autant plus cruelle.
M’encourageant à m’accrocher au bastingage, le fantôme de Mark Linkous m’indiquait le chemin, tandis que « Time to sleep » m’a invité à m’éclipser pour me fondre dans les draps soyeux d’un de ses enfants du sommeil.
Quelques apartés couverts de mousse blanche plus tard, I Love Sarah se découvre en première réelle bonne surprise du jour. L’équation est simple. Prenez un batteur complètement barge et passablement éméché. Additionnez lui un guitariste naviguant aux frontières de l’autisme et multipliez le tout par une boîte à rythmes. La seule inconnue ? Le résultat improbable de cette scabreuse équation. La surprise était bonne voire même très bonne, des rythmiques fracassantes aux influences diverses, une alchimie prenante vous bousillant sans relâche votre système nerveux déjà éreinté et un humour à la limite du mauvais goût entre les morceaux. Bref, un pur moment de jouissance primaire.
Alors que j’entretenais la conversation avec le singe vert squattant l’arrière de mon cerveau depuis la veille et que je lui demandais gentiment de cesser de fracasser ses cymbales à intervalles répétés, ma progéniture spirituelle s’égarait un peu plus dans les travers du droit chemin et s’en revenait en emportant le flacon et l’ivresse, le tout joyeusement brassé en n’oubliant pas le savoir-faire avant d’être dégusté avec modération
Mais déjà, la frêle coupe de la barque supposée nous mener vers Antilles se profilait à l’horizon. Dans un hypothétique état de latence frénétique se joue alors devant mes oreilles ‘endorphinées’, le ballet d’une ode aux syncopes sismiques en mode répétitives. Complètement éclaboussé par l’écume de drones bruitistes savamment orchestrés par des boucles d’or intelligemment rebondies, mon radeau d’infortune se perdait en d’amères contrées ‘circonvolutiennes’. Rejetés sur le rivage, mes sens s’abimaient dans un rictus malin.
Left Lane Cruiser décide alors de massacrer ce bel équilibre et de le noyer dans les bayous retors de son Blues Country Punk vénéneux. Mes viscères se sont cabrées, tel un pur sang pris de panique et mon corps a oscillé maladroitement vers l’extrémité de la tente, où une pluie salvatrice m’a accueilli. Inondé de béatitude léthargique et l’œil frétillant, j’observais le va-et-vient continu de mes frères et sœurs autochtones arpentant la peine.
Empli de nourriture céleste et rempli de bile terrestre, mais encore trop attaché à la dépendance narcotique des plaisirs sulfureux, ma mémoire est entrée dans un état second, alors que les Hollandais d’Alamo Race Track s’articulaient autour d’un nuage poussiéreux grésillant d’émotions contenues dans un écrin de platitude nacré. Sympathiques comme un testicule échappé d’un slip trop serré, leurs chansons étiraient longuement leur monotone spleen sur la corde sensible de mon ennui latent.
Le moment paraissait donc bien choisi pour amorcer une résurrection optimiste et sous le couvert d’une bâche gorgée d’eau de pluie, vos deux compagnons immolèrent cigarettes sur cigarettes en attendant que le temps soit tué. La bête morte, fallait-il encore s’occuper de sa carcasse.
The Thermals s’en sont chargé. Commémorant l’art de la vie en brûlant la chandelle par tous les bouts, le trio américain aux résonances faussement Punk et vraiment débonnaires est parvenu à atomiser gaiement les humeurs réfractaires et soulevé la pilosité sourcilière des plus sceptiques, dans une ode aux plaisirs directs et résolument érectiles.
Supputant une anachronique connivence fallacieuse avec feu Superchunk, mon esprit schizophrène a pris le parti de rester sur le qui vive, mais au final, l’absolue évidence de ses refrains décérébrés a fini par convaincre le dernier de mes neurones encore actif.
Dans les méandres apocalyptiques d’une échappée de ma mémoire, j’ai saisi au vol, un couple de bourbons et laisser l’élasticité tentaculaire de Civil Civic m’égratigner un peu plus dans le sens du poil, par la force d’un set sans faille ni temps mort.
Le duo Austral assénant une dernière salve d’adrénaline à mon organisme prêt à s’écrouler. Pixelisant l’espace sonore d’algébriques montées en puissance, le combo a fini de mettre tout le monde d’accord lors d’un rappel moite.
La nuit ne devait finir en si bon chemin. Car The Publicist devait assurer la reproduction des équidés échaudés par la beauté irradiante de ces heures teintées d’un crépuscule naissant. Mais déjà le singe vert me promettait son retour, fort d’une armée de congénères plus hargneux les uns que les autres, et votre paire bien balancée s’est fondue dans l’oubli.
Organisation : JauneOrange.