Trente années, c’est un âge des plus respectables pour un label, dans la conjoncture numérique de notre siècle hédoniste. L’occasion d’une belle fête déclinée en deux volets. Compte rendu de la seconde partie de ce diptyque.
Le ‘warm up’ de la soirée était confié à Raving George, djette originaire de Gand sans doute fan d'Armin Van Buuren et autres subtilités du style depuis sa plus tendre enfance. Il aurait sans doute été judicieux de lui signaler que faire saigner les tympans de l'assistance est une façon un peu radicale de les mettre dans le bain...
Mais continuons le viol auditif par le live de Toxic Avenger, plus proche d'un concert de Korn sur fond de guerres des étoiles et de chats coincés infiniment dans une essoreuse. L'effort était pourtant beau et louable.
A peine le temps de se reposer en buvant une bière à 3,75€ que le duo allemand de Modeselektor débute son live. Il est 23 heures et les choses sérieuses débutent enfin. A l'exception d'un horrible klaxon bombardé pour une obscure raison à intervalle régulier, la prestation est sérieuse, bien rôdée et agrémentée d'un visuel improbable mais classe. C'est donc avec tristesse que je me dirige vers la seconde salle, après trente petites minutes et ce, pour découvrir en direct, le phénomène de l'année 2011 : M83.
Nul besoin de faire de long discours, il s'agit simplement de la meilleure prestation de la soirée (et de ce début d'année au passage). Orchestré de main de maître par un Anthony Gonzalez survolté, la fête est totale lors du déjà légendaire "Midnight City".
Difficile donc de passer après un tel show, même lorsqu'on s'appelle 2 Many Dj's et qu'on mixe ‘à la maison’. Le principe est le même depuis maintenant 10 ans : une heure trente de mash up incessant, sorte d'énorme blind test programmé pour ravir les foules. La dernière représentation belge du concept "Under The Covers" se déroule donc sous les applaudissements d'un public tout acquis à leur cause. Les frères Dewaele sont contents, ils n'ont même pas dû se fouler pour récolter les lauriers.
Enfin, pour achever la soirée, Laurent Garnier et ses potes de LBS, tout juste revenus d'une tournée japonaise, seront autorisés à proposer un set de cinq heures. A l'instar de leur prestation cet été à Dour, le tout est excellent, bien huilé et parfois, à la limite de l'orgasmique. Laurent Garnier, dans cet exercice où il excelle tant, passe du coq à l'âne sans crier gare, laisse cogiter le spectateur quelques instants avant de le récupérer par on ne sait quel tour divin.
Une belle manière de clôturer ces Pias Nites, et puis surtout de déjà nous mettre l’eau à la bouche pour le trente et unième anniversaire.
A.F.
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La belle histoire de Play It Again Sam (PIAS) a commencé au début des années 80, quand Kenny Gates, un des deux co-fondateurs, se tapait des allers-retours Bruxelles-Londres, en Renault 5, pour importer les disques des groupes new-wave anglais, comme par exemple New Order (« Blue Monday! »), Gary Numan et les Legendary Pink Dots. Aujourd'hui, le label est devenu une véritable multinationale, qui emploie 200 personnes et héberge une palette extrêmement variée de groupes et de styles musicaux, comme en témoigne à nouveau la programmation des PiaS Nites de cette année.
Après une première soirée de jeudi plutôt consacrée aux musiques pop/folk intimistes, la nuit du vendredi est présentée comme la ‘mega party’ du 30ème anniversaire, au cours de laquelle une majorité de concerts et DJ sets electro et/ou techno vont participer. Le public est venu en grand nombre –parfois même on se bouscule ferme– pour suivre les shows prévus dans les deux salles de Tour & Taxis.
Après un set intéressant de la toute jeune (et au demeurant très mignonne) DJ gantoise Raving George, dans la petite salle (Fire Starter), c'est The Toxic Avenger, aka Simon Delacroix, qui accorde le premier show dans la plus grande. Ce Français se construit progressivement une solide réputation à l'échelon international, comme remixer (Ladytron, Peaches) mais aussi en tant qu'artiste à part entière, par le biais, notamment, de son Ep "Angst", publié l'an dernier.
Sur scène, sa musique prend une dimension très puissante, grâce à un batteur et un guitariste ‘live’. Cependant, le mixage manque d'équilibre, à tel point que les synthés et la voix sont parfois difficiles à entendre. On est dans un style techno assez varié, comparable à Vitalic voire Daft Punk et certains morceaux affichent une tonalité plus ‘dark’. Parfois, le passage d'un style à l'autre, à l'intérieur même des morceaux, est déconcertant et empêche le public de ‘décoller’. On regrettera aussi l'absence des titres plus ‘radiophoniques’. "Alien Summer", par exemple. Dans l'ensemble, ce concert est apparu trop bruyant et incohérent ; mais le groupe présente un véritable potentiel. Peut faire mieux!
Dans la Fire Starter Room, Mr Nô, encore un Français, venu d'Auvergne cette fois, a prouvé qu'il est aussi un talent à suivre. Et il possède des références: il a mixé à l'Hacienda de Manchester et c’est un pote à Peter Hook! Au niveau son, c'est une techno très inspirée des années '70 et '80, mais l'ensemble, elle manque encore de personnalité. A suivre!
Beaucoup de monde attendait Modeselektor, les petits préférés de Thom Yorke (Radiohead), qui avaient triomphé lors des ‘bozar nights’, en octobre dernier. Dès les premières séquences, on se rend compte qu'on se trouve face à du ‘lourd’. La musique des ces Berlinois est sauvagement diversifiée, remplie d'exubérance et foncièrement intelligente. Une sorte de chaos sonique contrôlé. Ils passent du hip-hop à l'électro avec une aisance déconcertante, le tout en adoptant une démarche très ‘punk’. Malgré quelques petits problèmes techniques, entre autres pendant "Evil Twins" et un klaxon intempestif, les deux comparses ont réussi à enflammer la Main Room, surtout sur "Black Block" et "2000007" (un rap en français). Regardez ici la vidéo filmée pendant "German Clap". > link : http://www.youtube.com/watch?v=cPvGHhmP4M0
Je le dis franchement: M83 était le groupe que j'attendais le plus. Il faut dire que le combo de l'Antibois Anthony Gonzalez a véritablement explosé en 2011, notamment grâce au hit mondial "Midnight City" et au très ambitieux et aussi réussi double LP "Hurry Up, We'Re Dreaming". Sur scène, Gonzalez est entouré de la chanteuse Morgan Kibby, mais aussi d'un guitariste et d'un batteur et pour la première fois de la soirée, on est en face d'un véritable ‘groupe’. Le décor et les lumières sont stellaires, quasi oniriques, un cadre idéal pour l'univers sonique puissant et aérien de la ‘galaxie M83’. La setlist fait la part belle au dernier opus, mais aussi à "Saturday = Youth". Le public reste étonnamment calme, captivé par le mélodique "Steve McQueen" ou le planant "We Own The Sky". La tension monte cependant de plus en plus, pour culminer lors du hit "Midnight City", qui est accueilli par des cris de joie... et un lâcher de ballons. Le groupe clôture son set par "A Guitar And A Heart", un instrumental très ‘prog’, que ne renieraient ni Porcupine Tree, ni Anathema. Gonzalez y abandonne ses claviers et sa console pour se déchaîner à la guitare. Un grand moment. En rappel, M83 proposera un voyage hypnotique dans le superbe "Couleurs", un morceau caractérisé par sa longue construction électronique. En un mot, un concert totalement convaincant, qui confirme le groupe comme une des valeurs sûres de l'electro-pop. Regardez les extraits vidéo du concert sur Youtube (Midnight City, Steve McQueen et Couleurs). > link http://www.youtube.com/philblackmarquis
En vitesse une petite chope, et hop, et on fonce pour assister à la prestation des rois du ‘mashup’: 2ManyDJs. La grande salle est comble pour vivre un set qui est en fait le premier du duo à Bruxelles et en même temps, le dernier de la tournée ‘Under The Covers’. Les frères Dewael ont conçu ce show comme un mashup audio-visuel: les musiques sont découpées et assemblées comme des samples et, sur les écrans géants, les animations basées sur les pochettes des disques suivent la musique en parfaite synchronisation: impressionnant! Tous les styles de musique sont passés à la moulinette electro, de Depeche Mode à Motörhead en passant par Front 242 et New Order, pour le plus grand bonheur d'un public en transe.
Mais, le ‘boss’, le grand maître de cette cérémonie, aura été, sans nul doute, Laurent Garnier. Si j'ai bien compté, c'est la 4ème fois que ce père de la techno rend visite à notre beau pays en un an! Le show "LBS" de Laurent propose un DJ set marathonien de 5 heures où sont revisités les moments forts de la –déjà– longue carrière du Français. La première partie suit un tempo downbeat, assez lounge. Une mise-en-bouche, en quelque sorte. Chaque plage est rallongée, adaptée, remixée en ‘live’ avec l'aide de Benjamin Ripper aux synthés et de Scan X aux machines (d'où l'acronyme LBS - Laurent+Ben+ScanX). Au fur et à mesure, le son monte en crescendo, s'amplifie et mélange judicieusement techno et influences jazz, house, dub, breakbeat et expérimentales. Laurent joue alors ses hits les plus connus, tels que "Crispy Bacon" et "The Man with The Red Face". Il affiche une maîtrise remarquable et une concentration sans faille. Traversée par des éclairs de pure adrénaline, l'atmosphère finit par devenir électrique. Aux anges, les spectateurs hurlent et dansent les bras en l'air. (Extrait video: http://www.youtube.com/watch?v=oAoEyDwLw70&list=UU0gR4Mo7HXdVqQoUz8_7Frg&index=5&feature=plcp)
Ce sont Etienne De Crecy et ATTAR! qui ont clôturé cette nuit d'anniversaire. Etienne De Crecy est un autre monument français des platines. Son mélange de techno minimale et de house a fait de lui un des leaders de la ‘French Touch’. Son show est très pro, soutenu par des vidéos de très bonne qualité, même si le style l’est moins à mon goût. Quant à ATTAR! (prononcez ‘Attari’) c'est le second projet solo de Renaud (Mustang) et il s’est révélé tout aussi convaincant.
On ne peut que féliciter PiaS pour ces deux nuits riches en découvertes et en sensations fortes, rassemblant sous une même bannière des artistes expérimentés et des jeunes pousses qui construisent la musique de demain. Happy Birthday, PiaS!
P.B.
(Organisation : PiaS)