Le dernier combat de Malween…

Malween est le projet emmené par Julien Buys, auteur, compositeur et interprète, originaire de Nantes. Julien a quitté le monde de la finance, sans regret, en 2017 pour devenir comédien voix-off le jour et chanteur/guitariste a sein de différents projets…

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Pukkelpop 2002 : vendredi 23 août Spécial

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Après une bonne nuit sans pluie, entamer la journée avec D4 valait bien sa part de caféine : sec et bien tassé, leur punk-rock valait le détour.

Même chose pour Vandal X, duo limbourgeois (une guitare, une batterie) qui n'a pas besoin de davantage pour incendier une Main Stage. Leur album s'appelle « 13 Basic Hate Tracks » : un sacré titre pour une sacrée claque, surtout à cette heure (13h00)… Le chiffre 13 semble donc leur porter bonheur : on espère que leur rock coriace ne sera pas tombé dans l'oreille d'un sourd, contrairement à celui de Trust Company (poussif) et de Cooper Temple Clause, sorte d'Oasis boosté aux champis mais qui aurait tout vomi dans les cuvettes.

Duane Lavold de Custom, du haut de ses deux mètre dix, aime aussi le rock, mais n'hésite pas, lui, à le travestir de sympathique manière, le minant de l'intérieur par l'ajout d'influences pop, folk, voire électro. On pense parfois à Eels et à Beck, pour cette manière de se jouer de tous les clichés et d'en faire un pot-pourri funky et sautillant, à l'image de ce « Hey Mister », single dévastateur rappelant à bien des égards le « Distance » de Cake.

Autre bonne surprise, autre géant (au figuré cette fois) : Gonzales et son électro-cabaret assez décadente (le mot-clé du festival). Son dernier album, « Presidential Suite », est excellent. Ses prestation live le sont encore davantage : cette fois affublé d'un costume rose, le Canadien émigré à Berlin aura mis le feu (toujours au sens figuré), et cela rien qu'avec un piano, un mélodica et une bonne dose de dérision. En débutant son concert par une ballade rétro au clavier puis en enchaînant avec un rap décalé, ce Kurt Weill des années électroniques aura prouvé son éclectisme et son bon goût – l'apanage des plus grands. Ne dira-t-il pas à un moment, avec ironie mais sans vraiment mentir, que sa musique est celle du futur ? A tout bien y réfléchir, on se dit que ce gars, sous ses airs de rigolo en complet flamand rose, a peut-être raison, surtout après qu'on ait vu Nickelback ou Cooper Temple Clause. Et lorsqu'il nous refait son drôle de hit « Take Me To Broadway » après trois-quarts d'heure de déjante jouissive (avec même une reprise de Guesch Patti), on se surprend à en redemander… 2000 € : c'est le montant qu'il recevra sur son compte pour ce concert (il nous l'a dit). Quand on sait que Nickelback a du recevoir au moins le quintuple pour leur live d'artificiers, on se dit qu'il n'y a pas de justice. Gonzales for president !

Au Ministère de l'Emploi, on verrait alors bien Miss Kittin & The Hacker, tant leur électro-pop (ou electroklash) a fait des émules ces derniers mois : combien d'artistes se sont en effet jetés corps et âmes dans le revival eighties après avoir entendu « Frank Sinatra » à la radio ? Un paquet. Evidemment, beaucoup d'entre eux continuent à pointer au chômage, leurs beats discoïdes ressemblant comme deux gouttes d'eau à ceux de Kittin… Sans parler de ces chanteuses au look humide, avec l'accent français à l'identique et ce même débit à la Anne Clark… Pour l'heure, Miss Kittin est la reine de l'électro, une Donna Summer du troisième millénaire. Sauf que ses cheveux sont teints en noir et qu'elle porte des pompes militaires : autrement dit, le look est plus « free partie » que « studio 54 »… Tout le contraire des spectateurs, glamour et tendance, qui répondent au moindre appel de la (re)belle par des cris reconnaissants et des déhanchements suggestifs. On se croirait presque en club, tant l'ambiance est surchauffée. Mais tout cela nous fait oublier une question essentielle en ces années de « revival » toujours plus insistants : quel est le pire, a) Cultiver sa différence en puisant son originalité dans les années quatre-vingts (difficile mais possible, comme ici) ou b) revenir tout droit de cette décennie laide et cliché pour réinvestir le devant de la scène (les Guns) ? A vous de juger, en tout cas, rien n'interdit de danser sur Miss Kittin avec un bandana rouge sur la tête et un T-shirt Guns de la tournée 87 (la grande époque) sur le dos.

Après tant d'interrogations existentielles, un petit Junkie XL aurait bien fait l'affaire : pas de chance, puisque Junkie XL n'est plus - seul reste le DJ (rebaptisé « JXL ») et ses disques, dont celui qu'il a fait avec la voix d'outre-tombe d'Elvis (« A Little Less Conversation »). Un hit d'ailleurs, qu'il balance dès le début de son set : autant dire que le reste n'avait dès lors plus grand intérêt. Quelle décadence, quand même !

Et voilà qu'en plus, on nous refourgue Within Temptation et son gothique de femmelettes ! D'accord, la belle Sharon avait mis l'ambiance à Werchter (« De sensatie van Werchter 2002 », pour reprendre les mots du Humo Pukkelpop ABC), alors pourquoi se plaindre ? Tout simplement parce que leur succès (un disque d'or chez nous, qu'ils recevront sur scène) est le signe d'une DECADENCE profonde de notre société, occupée à dérouler le tapis rouge pour des gens qui vouent un culte à SATAN et ne vont donc pas à l'église… Tout cela présage d'un retour plus que certain à une sorte de barbarie moyenâgeuse, où l'on verrait d'honnêtes jeunes gens se déguiser en bagnards affublés de costumes à code barre, et tout cela pour ressembler à leurs idoles. Sommes-nous tous devenus fous ? Du metal gothique ? A quand le revival Poison et Motley Crüe, tant qu'on y est, avec ses shorts cyclistes, ses permanentes roses et ses singlets cloutés ?

Prong, au moins, c'est du métal sans fard, qui n'a pas besoin de tralala pour emporter notre adhésion, même s'il est vrai qu'ils ne sont plus tout jeunes non plus…

Aaargh, ce festival sent la mort, voilà tout ! Le retour de Mr. C de The Shamen : encore un fantôme qui sort de sa tombe, alors que tant de jeunes talents aimeraient eux aussi monter sur le devant de la scène ! Sus aux vieilles stars sur le retour, même à Elvis! Tout cela sonne peut-être très réac, mais la terre tourne et la musique évolue : déjà que le surplace est agaçant, alors la régression !

Korn, justement, joue à merveille sur nos régressions et nos pensées les plus obscures : dommage que la voix de Jonathan Davis ait été noyée pendant tout le concert dans un déluge d'infra-basses particulièrement pénibles. Véritable best of pour les fans venus en nombre, Korn ne jouera que deux morceaux de son petit dernier, « Untouchables » (les deux singles en fait). En tout cas, à l'écoute des « Blind », « Freak On A Leach », « Falling Away From Me », « A.D.I.D.A.S. », etc., on se dit que le groupe a déjà pas mal de classiques à son actif, et cela après seulement six années d'existence (du moins depuis la sortie de leur premier album en 1994). Dommage que ces chansons aient été le déclencheur de toute cette vague de nu-métal pour midinettes, qui ne vaut, pour l'essentiel, pas tripette…

L'antidote à ces boys bands qui se veulent méchants mais font aussi peur qu'une meute de yorkshires ? Le hard rock poilu d'Andrew WK, certes un peu beauf et sentant la bière, la sueur (« I Get Wet ») et le vomi (« Party Till I Puke », d'une poésie évidente), mais au moins, ici, on ne se prend pas au sérieux. Andrew accompagné d'un groupe de chevelus à la hauteur de ses hymnes festifs (« Party Hard », déjà un classique), c'est comme si l'on regardait un match de foot entre copains, assis sur un bac de pintes et gueulant des grossièretés à l'arbitre. Au concours des ambiances les plus éthyliques de ce festival, sûr qu'Andrew remporterait la médaille d'or.

Autre champion, mais cette fois-ci toutes catégories : DJ Shadow et son hip hop instrumental de luxe. Seul aux commandes de quatre platines, l'Américain livrera un set magnifique, entremêlant avec doigté les compositions de ses deux excellents albums (le séminal « Endtroducing » et son petit dernier, « The Private Press »). Pas avare en commentaires (pour une fois qu'un DJ sort de son mutisme), Josh Davis (c'est son nom) n'oubliera pas de remercier le public, sans lequel il avouera n'être rien (« J'ai la chance de faire ce que j'aime, et toute la journée je n'attends que le moment du concert […] La musique est toute ma vie », etc.). Set grandiose, projections démentes, musique intemporelle : DJ Shadow est décidément l'un des artistes les plus importants de ces dernières années. Après un mix ultime de « You Can't Go Home Again », « Midnight In A Perfect World » et « High Noon », le jeune homme s'en ira sous des tonnerres d'applaudissements, satisfait et souriant. Le paradis existe, nous l'avons côtoyé.

Mais il faut bien redescendre sur terre, d'autant que nous attendent, sur la Main Stage, les deux Anglais d'Underworld – on sait leurs concerts de véritables marathons hyperkinétiques, à ne surtout pas rater. Rappelez-vous il y a deux ans : le Dance Hall (et son extérieur) transformé en immense club sous les coups de boutoir de leur techno quatre étoiles, le duo avait été (encore une fois) à l'origine d'un des grands moments du festival. 2002, rebelote : malgré un début en douceur (des nouveaux morceaux assez « downtempo », préfigurant un  « Hundred Days Off », leur album à sortir ce mois-ci, plutôt détendu), Smith accélérera rapidement la cadence, et Karl Hyde de gesticuler comme un épileptique en récitant ses litanies sur un débit de chaman. Décidément, Underworld reste cette furieuse machine à danser, et ce malgré le départ de Darren Emerson. Le clou du concert : la dernière demi-heure, toute en montée orgasmique, de ce « Born Slippy » toujours aussi fédérateur à ce « Moaner » en clôture, véritable climax de beats déchaînés, à rendre dingues les plus coincés des guiboles. Au tapis, à genoux, c'est le sourire béat aux lèvres et la tête dans les étoiles que l'on quitte le site, en espérant qu'il ne pleuve pas pendant la nuit…

 

Informations supplémentaires

  • Date: 2002-08-23
  • Festival Name: Pukkelpop
  • Festival Place: Kiewit
  • Festival City: Hasselt
  • Rating: 0
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