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Un second éponyme pour Empty Country…

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Les Nuits Botanique 2004 : du 7 au 15 mai Spécial

Écrit par Grégory Escouflaire, Jérôme Broucke et Bernard Dagnies.
&

Ca y est, c’est fini ! Les Nuits Botanique 2004 auront en tout cas tenu toutes leurs promesses… Et passé avec succès l’examen printanier : ce changement de date qui coïncide avec l’arrivée du beau temps se révéla, en fin de compte, diablement judicieux. Plusieurs sold out (Miossec, Bénabar, Blonde Redhead, les Skatalites, et bien sûr la Sacrée Nuit), une affiche toujours plus éclectique et alléchante, une ambiance conviviale,… Désormais les Nuits Botanique serviront d’excellente mise en jambe pour tous les festivals d’été. Compte-rendu forcément subjectif, forcément personnel, de neuf jours de folie.

Même si Bashung s’est déjà produit au Cirque Royal il y a seulement quelques mois, son retour ne pouvait qu’attiser, une nouvelle fois, les passions. Réduit d’une heure pour des raisons de programmation, le show du poète n’aura laissé personne de marbre. Vêtu de noir et les cheveux grisonnants, Bashung en impose. Le concert débute par " Tel ", premier morceau de " L’Imprudence ". Sur les deux écrans latéraux défilent des paysages arides, ces " grands espaces " qui donnent leur titre à la tournée, et participent à suggérer l’ambiance : sépulcrale, cotonneuse, surréaliste. En plein trip subliminal (ces films, c’est du Wenders, du Tarkovski ?), le public garde son calme, sans doute gagné par l’hypnose de ces textes récités dans un élan fragile, fourbes de sens mais si captivants… Quel est cet homme aux mimiques gainsbourgiennes, qui délie la langue française pour mieux la débaucher ? Que raconte donc ses rimes pleines d’" aqueducs ", de " mercure " et d’" amphores " ? L’a-t-on vraiment vu " dans le Vercors, sauter à l’élastique " ? Mais peu importe qu’on n’y comprenne peau de balle : l’univers de Bashung, heureusement, n’est pas que verbe. C’est aussi l’un des univers sonores les plus atypiques de la chanson française, qui emprunte au rock, mais également à la musique contemporaine, au reggae, au jazz, à la world. Musique d’ambiances lourdes, de gueules d’atmosphère. Autour de lui, en V, sept musiciens s’appliquent à rendre vivante cette palette d’étranges harmonies. Pour l’unité du spectacle, certains titres sont parés d’une électricité nouvelle, d’un manteau de velours aux reflets obscurs (" Fantaisie Militaire ", " Samuel Hall ", " Ma Petite Entreprise "). Le son, moite, parfois sourd, étouffé, donne des sueurs froides. La part sombre est donnée à " L’Imprudence " (" Faites Monter ", " Mes Bras ", " L’Irréel ", " Faisons envie ", duo sensuel avec sa femme Chloé Mons) et à " Fantaisie Militaire " (" Malaxe " en rappel, " La Nuit je mens ", " Aucun Express ", " Sommes-nous ",…). Puis c’est " What’s in a bird ", " Vertige de l’amour ", " Osez Joséphine " : " tel Guillaume Tell ", Bashung décoche ses flèches, remet son chapeau, tourne le dos et disparaît dans l’espace en mouvement. Impressionnant.

En première partie, la cold wave neurasthénique de Piano Magic et le rock âpre et ténébreux de Mud Flow auront eu le mérite de nous mettre dans l’ambiance. Noire, donc. Pesante. Comme un dimanche d’orage ! Glen Johnson de Piano Magic est sans doute un grand fan des Cure période " Faith " et " Seventeen Seconds " : cette batterie tribale, ces synthés frigorifiques, cette voix traînante, en apesanteur au-dessus des menaçants cumulus. Il s’agit bien de cold wave. Mais d’une cold wave sans les tics romantiques, qui a su retenir les leçons du shoegazing (Slowdive) et laisser ses oripeaux gothiques au placard. En à peine une demi-heure, Piano Magic aura su captiver l’attention, grâce à ce savant mélange d’ambiances pesantes et de rythmiques poisseuses (les excellents " Saint Marie ", " I Am The Teacher’s Son ", " The End Of A Dark, Tired Year ", du dernier album, " The Troubled Sleep Of Piano Magic ", paru il y a quelques mois). Quant au concert de Mud Flow, quelle claque ! Constatation : les cinq Bruxellois assurent comme des bêtes. Sans doute un des meilleurs groupes live du moment, toutes catégories confondues. De " Sacrés Belges " ? De sacrés musiciens et ‘mélodistes’, point barre. Qu’ils aient pris la tangente et préféré jouer seuls, sans devoir être associés à une quelconque ‘fraternité’ communautaire et musicale, c’est leur choix… Cela n’enlève rien à l’excellence des chansons jouées ce soir : en ouverture, " The Sense of ‘Me’ "/ " Chemicals ", 10 minutes de rock tendu et aérien, bien loin des déflagrations noisy de leurs premiers faits d’armes. Puis tout le reste (ou presque) de cet " A Life On Standby ", album miraculeux : " Five Against Six ", " Today ", " Tribal Dance ", " Unfinished Relief ", et pour clôturer ce set de toute beauté, hanté par les fantômes d’And Also The Trees et de Sad Lovers & Giants (cfr l’interview), l’hypnotique " New Eve " et ses cinq bonnes minutes de martèlement rythmique. Du grand art !

Samedi, direction les Grandes Serres pour la totale drum’n’bass, avec Roni Size et sa nouvelle muse, Tali. En première partie, le collectif Ninja Tune Pest, dont l’ébouriffant premier album, " Necessary Measures ", est sorti l’année dernière. Un mélange détonnant d’acid jazz, de funk, de trip hop, de reggae et de hip hop. Trompette, basse, batterie, guitare, platines/samplers, rap. Dommage qu’à 20h00 pétantes, la tente soit encore loin d’être remplie… Mais la bonne humeur de ces Anglais contaminera rapidement les quelques dizaines de spectateurs arrivés à l’heure. Un amuse-gueule pétillant et groovy avant la prestation remarquée de Tali, jeune Néo-zélandaise au physique de mannequin, entourée de deux choristes et de trois musiciens. " Lyrics On My Lip ", son album, renouvelle le genre d’n’b en le frottant au r’n’b le plus salace : chaud comme la braise, et diablement efficace. Des titres comme " Blazin’ ", " Gonna Catch You " et " Lyric On My Lip " n’auront aucun mal à déchaîner une foule de plus en plus nombreuse. De la bombe, bébé ! Facile dès lors pour Roni Size de faire péter l’ambiance, à coups de breakbeats ravageurs : sans doute un des concerts les plus festifs de ces Nuits Botanique, avec celui des Skatalites… Des hits (" Brown Paper Bag ", " Who Told You ", " Railing Pt. 2 ",…), des inédits de haut vol (avec MC Dynamite), et le support de Tali, en remplacement d’Onallee. Dommage que l’Anglais et ses potes n’aient pas joué une demi-heure de plus : une fois lancée la machine, difficile et frustrant pour nos guiboles de ralentir la cadence…

Heureusement qu’il y a DJ Mandrak (des soirées Dirty Dancing) au Witloof Bar : de quoi continuer le fête jusqu’à deux heures du mat’, dans une ambiance elektroklash surchauffée. " Hello, is there anybody in there ? " ! ! !

Dimanche, lendemain de la veille, se produisaient le Canadien Rufus Wainwright et les floydiens Archive, dont le succès (consensus ?) en Belgique (surtout en Wallonie) ne fait que grandir (attention, quand même, à l’" effet Placebo "). Seul au piano (ou à la guitare) pour des raisons strictement budgétaires (" Achetez mon disque ! Comme ça la prochaine fois je pourrais venir avec mon groupe "), Rufus Wainwright revisitera son répertoire personnel avec l’emphase et l’humour d’un Oscar Wilde pop. Dommage que notre bonhomme, à chaque respiration, chuinte comme un crooner atteint de rhino-pharyngite : un coup de langue baveuse à la fin de chaque syllabe (" chhhhhchhhswwwlurp ! "), ça vous salope un morceau en moins d’une minute. Le temps qu’il nous aura fallu pour enjamber trois rangées de fauteuils, direction le bar pour commander une bière. Mais que cette anomalie buccale ne décourage personne d’aller jeter une oreille aux albums du bonhomme : " Want One ", le dernier en date, malgré d’évidentes boursouflures à la " Bolero " de Ravel (véridique), vaut mieux que toutes ces histoires de salive. A la vôtre !

Dès l’entrée sur scène d’Archive, c’est déjà la folie. Peu importe si leur prog-rock lorgne méchamment du côté de Pink Floyd et de King Crimson : ces mecs sont au point, et le public l’entend bien. Vêtus de noir parce que leur musique n’est pas des plus rêveuses, les sept membres du groupe s’appliquent à rendre au mieux les atmosphères étouffantes de ce " Noise " atrabilaire. Du bruit, ces types en font. Mais avec suffisamment de talent pour laisser l’auditeur pantelant, comme pris en otage par ces rythmiques assourdissantes et ces nappes de synthé ramassées. Craig Walker n’évite pas toujours les mimiques du rocker habitué aux stades (pourtant, Archive est loin d’être prophète en son pays), mais il chante comme un dieu. Pour autant qu’on aime ce genre de gargarises évangéliques à la U2/Coldplay. Le public, lui, adore. Se lève, enfin, lors d’un " Fuck U " magistral. Suivent d’autres perles, tel ce " Waste " dépressif et teigneux, qu’on écoutera en boucle après chaque déception sentimentale. Archive est un groupe facile à aimer, parce que sans surprises ni prise de risques : derrière ces paysages désolés se cache en fait un rock plutôt lisse, qui ressasse à l’envi les mêmes clichés romantiques, empruntant aux plus grands (Radiohead, My Bloody Valentine, Pink Floyd) leurs recettes miracle, pour mieux les copier sans même les pervertir. " Again ", en final gargantuesque, ne nous convaincra pas du contraire, même si Craig Walker casse (méthodiquement) sa guitare. Méthodiquement : c’est bien là le problème.

Tout le contraire de Matthew Herbert, qui lui ne s’embarrasse d’aucun schéma préfabriqué : sa musique n’a rien de prémâché, puisque à chaque moment elle subit les accidents de l’instant, détourne les clichés du jazz en sa faveur, questionne nos attentes ‘spectatorielles’ en jouant sur la surprise. On connaît Matthew Herbert pour ses exercices post-modernes de manipulations électroniques en temps réel : le cri d’un spectateur ravi peut ainsi servir d’armature rythmique à l’un de ses morceaux – comme ce fut le cas ce soir, parmi bien d’autres divertissements sonores. Entouré de 17 ( !) musiciens (un vrai big band, au sens noble du terme), l’Anglais aura donné ainsi sa propre version du jazz Nouvelle-Orléans : une relecture passionnante à l’heure du tout laptop, qui convoque aussi bien les fantômes de Duke Ellington et d’Ella Fitzgerald (Dani Siciliano en vocal guest, qui assurait déjà la première partie) que l’esprit tutélaire de Noam Chomsky et de Jean Baudrillard. Au-delà de l’esbroufe visuelle et sonore, c’est toute une réflexion sur la mémoire, le recyclage musical et les abus de notre société consumériste qui se profile à l’horizon. La suite logique du fameux " Acid Brass " de Jeremy Deller, qui reprenait 10 standards de l’acid house (KLF, 808 State, Derrick May,…) en version fanfare de luxe. Inventif et malin.

D’autant qu’en " support act ", on retrouvait avec bonheur Die Anarchistische Abendunterhaltung (DAAU), quatuor néoclassique flamand (clarinette, violon, violoncelle, accordéon) dont le nouvel album, " Tub Gunrnard Goodness ", vient de sortir. Accompagné sur quelques titres par le groupe dub français Ez3chiel (notamment lors de l’impeccable " Piano Dub ", avec Angélique Wilkie de Zap Mama au chant), DAAU a prouvé une fois encore que la " musique classique " peut elle aussi s’improviser pop (voir aussi Boenox). Empruntant autant au folk qu’à la world, DAAU est finalement au classique ce que Matthew Herbert est au jazz : un leurre, qui n’offensera que les puristes (en rappel, le fameux " Gin & Tonic "). Ainsi soit-il !

Le concert sold out de Blonde Redhead était l’un des plus attendus du festival, et pour cause : le dernier album des New-Yorkais, " Misery is a Butterfly ", est un chef-d’œuvre éthéré de chansons mélancoliques, qui lorgne davantage du côté de Gainsbourg période " Melody Nelson " que des zébrures noisy de Sonic Youth. Pas étonnant dès lors que les plus acharnés des fidèles aient été déçus par la prestation vaporeuse de Kazu et des jumeaux Pace… Il fallait pourtant s’y attendre : Blonde Redhead n’est plus ce groupe qui martèle ses guitares en gueulant son mal être. La rage, cette fois, se veut davantage insidieuse, à l’image de morceaux comme " Elephant Woman " ou " Messenger ", plus subtils dans leur inquiétude larvaire que n’importe quel refrain juvénile à base de riffs no wave et de batterie qui claque. Blonde Redhead a mûri. Demande qu’on ne fume pas dans la salle. Tourne le dos au public pour mieux se concentrer sur ces nouveaux arpèges délicats, moins accrocheurs mais en fin de compte plus mémorables. Plus d’inimitié : à la place, de la sérénité. Du moins en apparence. C’est sans doute là tout le nœud du problème… Mais les guitares qui crissent sont-elles forcément synonymes de colère ? Blonde Redhead vaut bien plus que cette image de pseudo Sonic Youth dont se contente le fan indie approchant la trentaine… Y a pas de mal, mais affirmer que " c’était mieux avant " relèverait ici de l’aveuglement pur et simple.

Avant cet excellent concert, une découverte : Cocorosie, duo féminin de Brooklyn adepte d’un folk mutant, plein de bruits campagnards (le cocorico, donc) et de voix de souris cachées dans le foin. Etranges ces comptines, récitées sur un ton d’opéra (pour l’une) ou sans les amygdales (pour l’autre). Parfois, un piano, une harpe, venant rehausser ces histoires de " Maison de rêve "… Drôle de baraque, quand même : un troisième pensionnaire y a d’ailleurs élu domicile. C’est un rappeur, qui joue les beatbox en l’absence de toute structure rythmique. Parfois aussi, il rappe, en français, et on dirait MC Solaar (gasp !)… Portrait d’une petite famille déjantée, mais qui porte la culotte ? Mangent-ils des omelettes en écoutant Vashti Bunyan, Björk et Cat Power ? Drôles de coco, c’est peu dire… En vente au rayon bio de votre épicerie communale, entre la Vache qui Rit et le carton d’œufs de poules élevées en plein air.

Autre donzelle, autre genre : Miss Kittin, dont les cheveux repoussent, venait soi-disant présenter aux Nuits son premier album solo (" I Com "), qui sort fin de ce mois. Sauf que la Française déteste le ‘live’ : c’est mixer qu’elle préfère. Pas de stress, on la sait balèze question pitch et poumtchak. Deux heures durant, la Miss nous aura donc délivré un mix incendiaire ; ponctuant en rappel et pour se faire plaisir, le " Question of Time " de Depeche Mode. Très fort, malgré un public plutôt statique.

Et puis vient " la " Nuit. La " Sacrée Nuit ". Sold out depuis des plombes. Rendez-vous incontournable de toute la scène rock wallonne et bruxelloise. Plate-forme musicale éclectique (rock, pop, électro, mais pas de hip hop) dont l’objectif est de mettre en lumière les nombreux talents que compte notre communauté française. Evénement-locomotive dont le principal mérite est de fédérer un public francophone autour d’une multitude de groupes (dix-sept au programme) qui n’ont pas à rougir face à leurs homologues flamands. Preuve que le rock en Wallonie peut lui aussi remplir des salles (amorcé par le sold out de Girls In Hawaii, Sharko et Ghinzu à l’AB en hiver dernier). Sorte de label déposé qui met tout le monde d’accord (maisons de disques, associations professionnelles, musiciens, public, presse, politiques), malgré le danger d’une ‘ghettoïsation’. Car il ne faudrait pas que ce genre de manifestation, aussi essentielle soit-elle, ne rogne les ailes de groupes qui ramènent du peuple lorsqu’ils se mettent ensemble, mais peinent encore à trouver leur public en solitaire… C’est le revers de la médaille, mais loin de nous l’idée de croire qu’ils n’y arriveront pas. Il suffit de voir l’engouement que suscitent des groupes comme Girls In Hawaii, Jeronimo ou Ghinzu, d’abord en Wallonie mais aussi en Flandre et en France… Belle Nuit que celle-ci. Convainquante par son affiche. Moins dans la pratique : des files incessantes à l’entrée et aux bars, des bouchons entre les salles, et puis cet horaire plutôt mal foutu (impossible de tout voir, forcément). D’où une certaine frustration, malgré l’ambiance de " fête nationale ". Premier concert auquel on assiste, après une heure de surplace à la pompe à bière et devant la rotonde : celui d’Austin Lace, de " band van Nijvel ", dont le deuxième album est prévu pour la rentrée. Ambiance sympathique. Aux samplers, Marieke de John Wayne Shot Me, en remplacement d’Enzo Porta, qui s’est pris un ampli sur le doigt (le pauvre). Mais il en faut plus aux Nivellois (émigrés depuis lors à Bruxelles) pour se laisser abattre. Et c’est parti pour une grosse demi-heure de pop survitaminée, entre Pavement, Gorky’s Zygotic Mincy et Tom et Jerry (la voix de puceau de Fabrice Detry). Des tubes comme " Wax ", " Kill the Bee " et " Menagerie " prouvent que le groupe a gagné en vigueur ce qu’il a perdu en nonchalance. Tant mieux ! Même que la section de cuivres d’Hank Harry viendra les rejoindre sur " Accidentally Yours " : une grande famille, qu’on vous dit… Confirmation lors de la reprise de leur " Deserve " quelques dizaine de minutes plus tard par… Hank Harry, accompagné comme toujours de son Lovely Cowboy Orchestra. Sans doute l’un des ‘sacrés’ groupes les plus explosifs sur scène : difficile en effet de résister aux tubesques " Anyway ", " Hot Summer " et " Turnaround ", ici revu à la sauce Pet Shop Boys/Elvis (" Always on My Mind ", avec en guest les membres… d’Austin Lace). Que du bonheur ! A noter également une nouvelle version (‘orchestre’ oblige) de " Scary Movie"  (de l’album " Rodeo "), et la cover du " Drop Out " d’Urge Overkill… Après un tel moment de fête, Ghinzu avait tout intérêt à ne pas nous décevoir. " Blow " met directement les pendules à l’heure : voilà bien l’un des singles les plus épatants de ces derniers mois, plein de tiroirs et de virages en épingle. Dommage que Ghinzu se lance parfois dans d’interminables digressions prog-rock, parce que c’est dans la concision qu’on les préfère (" Jet Sex ", " Do You Read Me " et l’insoutenable " ‘Til You Faint ", en final). Il n’empêche que ces types sont de vrais entertainers, à l’instar d’Hank Harry et de ses cow-boys mais en plus rock’n’roll. Il est presque 1h00, et le Bota commence enfin petit à petit à se désemplir. Mais la fête continue au Witloof Bar avec aux platines DJ de Pierpont, vieux briscard de la cause AC/DC. Y a plus de jeunesse ! Rendez-vous l’année prochaine, en compagnie de nouveaux groupes ? D’ici là, espérons que tous ceux présents ce soir auront connu d’autres succès mérités, en solo et sans ce ‘sacré’ épithète…

Le lendemain, moins de monde, forcément : Minimal Compact aura d’ailleurs eu bien du mal à remplir les Grandes Serres, tout comme Luke, Deportivo et Kaolin au Musée. Mais c’est bien normal, puisqu’il y avait les Liars et McLusky à l’Orangerie (rires). Les trois Gallois de McLusky viennent de sortir un album dantesque (interview dans ses pages), " The Difference Between You and Me Is That I’m Not In Fire ", encore une fois produit par Steve Albini. Leur punk-rock tendu et tranchant comme le fil d’un rasoir aurait certes mérité une demi-heure de plus, mais bon, c’est déjà bien comme ça. D’autant qu’ils débutent par " Lightsabre Cocksucking Blues ", morceau d’une rage absolue. McLusky est sans doute ce qui est arrivé de mieux au punk-rock depuis ces trois dernières années. " Collagen Rock ", " What We’ve Learned " et " To Hell With Good Intentions " sont des tueries (de l’album " McLusky Do Dallas ", 2002). Le reste vaut lui aussi son pesant de larsens (notamment ce " Slay " d’anthologie en final, très Shellac – tu m’étonnes). On adore.

Les Blood Brothers, eux, font encore moins dans la dentelle : voilà du punk-hardcore des plus agaçants. Les deux chanteurs hurlent comme des chats qu’on étrangle. Mais des petits chats, qui miaulent leur maman de façon plutôt crispante. Une claque, et ils la ferment. Traduction : ça gueule dans l’aigu, et c’est assez casse-couilles. D’autant qu’aux instrus (guitares, basse, batterie, synthés), ça tronçonne pas mal entre deux ruptures de rythmes. Traduction : ça se veut très couillu, et c’est assez casse-tête. Mais à force de nous saouler ainsi, les Blood Brothers, bizarrement, nous captivent. Paradoxal ? Certes.

Mais pas davantage que le live de leurs amis les Liars : alors qu’on attendait d’eux un trip punk funk somme toute abordable, voilà qu’on se prend dans la tronche une heure de no wave tribale, dont l’effet sur le cerveau s’apparente à l’ingestion de mescaline. Castaneda, es-tu là ? Mais que se passe-t-il ? Les gens se barrent. Ne restent que les plus défoncés, voire les plus masos, qui se demandent encore si une bière, en fin de compte, ne les sortirait pas de cette torpeur abyssale. On n’est pas loin des prestations d’Oneida, voire de Noxagt (combo scandinave pratiquant un punk-rock instrumental et famélique, totalement hypnotique). On voudrait bien comprendre, mais notre cortex semble anesthésié par une puissance vaudou. " On est entré dans une zone de chocs. Phénomène des foules, mais infimes, infiniment houleuses. Les yeux fermés, on a des visions intérieures. Des milliers et des milliers de points microscopiques fulgurants, d’éblouissants diamants, des éclairs pour microbes. (…) De l’extrémisme dans la lumière qui, éclatante, vous vrille les nerfs, de l’extrémisme dans des couleurs qui vous mordent, vous assaillent, et brutales, blessantes, leurs associations ". L’infini turbulent (Henri Michaux).

Le marathon prend fin. Vendredi 14. Iron and Wine, alias Sam Beam, nous délivre enfin du sortilège de la veille avec ses chansons country-folk d’une apaisante sagesse. Secondé par un guitariste à l’allure taciturne, le barbu enchaîne les perles dans un calme admiratif. Après le superbe " The Creek Drank The Cradle " sorti il y a deux ans, le voilà donc de retour avec un nouveau disque, le tout aussi magique " Our Endless Numbered Days ". On écoute. On savoure ce bref moment de langueur acoustique. Une cover de l’excellent " Such Great Heights " de Postal Service nous ramène à la vie.

On est prêt pour Timesbold. Instants magiques. La voix fragile de Jason Merrit rappelle celle de Will Oldham. A cinq, ces types de Brooklyn parent l’americana de ses plus beaux atouts : banjo, harpe, harmonium,… On reste pantois face à la beauté lumineuse de ses hymnes du bayou (" Bone Song ", " Sometimes The Water, " Wings on a Girl ", " Gini Win ",…), interprétés avec la grâce et la générosité d’un groupe qui vit sa musique à l’abri des modes. Le public ne s’y trompe pas, et lui réserve un accueil chaleureux…

Même si Timesbold n’a rien à voir avec Explosions in the Sky, quatuor texan spécialisé dans le post-rock épique, dont ce concert est le dernier avant le retour au pays. D’où la promesse d’un live furieux, pendant lequel, promettent-ils, " ils donneront toutes leurs tripes ". Et c’est vrai que ces types savent y faire question post-rock cyclothymique : on est proche ici de GY !BE et de Mogwai, sans l’emphase intello des premiers ni la frime des seconds. Explosions in the Sky se veut plus terre à terre, en somme, et ce n’est pas plus mal – en privilégiant l’évidence, les Texans nous évitent d’attendre vingt minutes avant… l’explosion, justement. Pas très original ni très subtil, mais redoutablement mélodieux. Un parfait épilogue à ces Nuits Botanique de haut vol, qui nous aura réservé pas mal de surprises, et surtout très peu de déceptions. Mais qu’allons nous faire, maintenant, durant le mois de septembre ?

G.E.

 

Controverse…

Rien ne traîne chez Blonde Redhead. Aucune nouvelle pendant 4 ans. Puis un album éblouissant débarque. Embrayant dans la foulée par une tournée. La magie n’est pas encore retombée que cette date programmée dans le cadre des Nuits du Botanique de Bruxelles nous est brutalement lâchée en pâture. Concert affichant complet depuis belle lurette, le bouche à oreille a manifestement fait ressortir le groupe des discothèques et tous se sont retrouvés, avides de confronter la ‘simplissime’ beauté du dernier bébé à son homologue scénique. Consentants et conscients d’assister à un moment unique, entassés dans la salle la moins originale du festival. Bande de petits privilégiés, va... Evidemment lors de l’entrée du trio sur scène, le public est acquis à sa cause. Tout le monde les attend. A la limite, le groupe n’aurait pas joué, que l’unique possession du sésame d’entrée suffisait à rendre béat les ¾ du public présent dans la salle. A l’entame, Blonde Redhead pioche 4 titres de "Misery is a butterfly". Et là, stupéfaction : la sauce ne prend pas... Indulgent au départ, j’attends patiemment que le groupe reprenne ses esprits et fasse s’envoler ces merveilleuses chansons. Rien n’y fait ! Après cette parenthèse, qui aurait dû être enchantée ou tout au moins sensée nous redonner espoir dans l’énergie que le groupe peut encore dégager, je suis brutalement plaqué au sol par un titre plus noisy, mal dégrossi et mal joué. S’ensuit une nouvelle fournée, au cours de laquelle la plage titulaire du dernier cd est littéralement sabordée. Ecœuré, je pense vider les lieux après 25 petites minutes... Je vous passe la suite qui ne fait que dupliquer ce schéma jusqu’au rappel. Un mauvais concert ne donnant jamais un bon rappel, je me décide donc à quitter la salle. Que s’est-il donc passé ? Les arrangements brillent par leur absence. Livrées brut de décoffrage, les chansons du dernier album perdent toute leur finesse et leur émotion, même si Kazu insuffle suffisamment de vie dans ses titres chantés. Amédéo, par contre, n’est pas dans le ton, livre une interprétation plate et sans nuances. Il faut dire que les cordes emmenaient très haut les envolées lyriques et musicales, pour ensuite faire flotter dans l’air le bien être jusqu’à la remontée suivante. En clair, vous êtes en apesanteur et à aucun moment vous ne touchez le sol. Une vraie bulle de savon. En ce 13 mai, vous étiez écrasés constamment, les semelles plantées dans la plancher. Et on se met à rêver d’une prestation plus intime, où les cordes auraient leur place sur scène. A la sortie, les avis étaient presque unanimes : une grosse désillusion...

J.B. et Céline.

 

Epilogue…

Les Delays ayant déclaré forfait, c’est la formation belge Atticus qui avait été chargée d’ouvrir le denier volet des Nuits à l’Orangerie ce samedi 15 mai. Vu les énormes problèmes de parking rencontrés à Bruxelles au cours de cette soirée, il ne m’a été possible d’assister qu’aux applaudissements nourris auxquels ils ont eu droit.

Issus du Nord de l’Angleterre, les Cribs viennent de commettre un premier album. Un disque pour lequel ils ont reçu le concours de Bobby Conn aux manettes. Sur plusieurs titres. Ce qui leur a valu une étiquette de garage pop sixties comparable à celle des Strokes. Sur les planches, le moteur du combo ne carbure pas au garage (NDR : déjà qu’il était déjà difficile de trouver un emplacement de parking !), mais à la power pop. Une power pop spontanée, furieuse, frénétique, rafraîchissante, mélodique, contagieuse et naïve qui doit autant aux Buzzcocks qu’à Ash. Et si le set du trio n’est pas toujours léché, il a au moins le mérite de déménager. En outre le guitariste et le bassiste, frères par ailleurs, possèdent des voix très complémentaires. Dommage qu’ils ne chantent pas plus souvent en duo et que leurs compos soient un peu trop linéaires. Accoutré d’une parure glamour, le batteur n’hésite pas à monter sur ses caisses pour marteler ses peaux, sur un tempo tribal. Au fil du set, le groupe semble pris d’une frénésie. On a parfois l’impression que les deux gratteurs sont complètement éclatés. Le soliste joue même du botleneck à l’aide d’une bouteille de bière ou lime sensuellement ses six cordes contre l’ampli. Bref, on s’est bien amusé… à les voir prendre leur pied…

Taxés de formation néo britpop, les Veils viennent également de commettre leur premier opus. Intitulé " Runaway found ", il a reçu des critiques plus que controversées. Certains prétendent que le groupe aurait dû naître voici une bonne dizaine d’années. Et qu’ils auraient alors récolté un franc succès. Dans une division au sein de laquelle militaient Strangelove, Marion et Geneva. D’autres estiment que leur emphase lyrique est laxative. Mais les plus optimistes voient en eux de futures stars. Une chose est sûre, ce quatuor insulaire aime Bowie et les Smiths. Et puis, il est drivé par un chanteur/compositeur/guitariste charismatique : Finn Andrews. Il possède une belle voix. Une très belle voix. Dont le timbre évoque tantôt Morrissey, tantôt Thom Yorke, tantôt Brett Anderson (Suede). Mais surtout affiche une présence incroyable sur scène. Qui me fait penser à celle de Jeff Buckey. Physiquement, on dirait un étudiant longiligne, les cheveux en bataille. Lorsqu’il chante, son âme semble possédée. Il tremble de tout son être. Parfois, il se met à chuchoter, puis soudainement emprunte des inflexions éraillées. Il est dans un autre monde… Une bande sonore diffusant de l’opéra introduit le band sur les planches. Qui entame son set en dispensant des ballades semi-acoustiques, de manière indolente. Puis l’intensité électrique monte d’un cran. Et Olly Drake, le guitariste, commence à lâcher ses impulsions électriques. Dans un style fort proche de l’ex Verve, Nick Mc Cabe. L’énergie devient incendiaire. Elle éclate même en fin de parcours. Sur la composition " More heat than light ". Le fil du micro enroulé autour du cou, Finn ne tient plus en place. La section rythmique fait le ménage et le soliste se lâche dans un trip psyché/torturé totalement dévastateur. En 45 minutes, les Veils ont totalement convaincu. C’était quand même un peu court, même si Finn revient chanter en solitaire, armé d’une guitare électrique, en guise de rappel ; puis prend congé du public en nous donnant rendez-vous au cours de cet été. Probablement au Pukkelpop.

B.D.

 

Informations supplémentaires

  • Date: 2004-05-07
  • Festival Name: Les Nuits Botanique
  • Festival Place: Botanique et Cirque Royal
  • Festival City: Bruxelles
  • Rating: 0
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