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Rock Werchter 2006 : samedi 1er juillet Spécial

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On ne pèse pas grand-chose dans ce bas monde, à voir le peuple qui vous submerge de tous côtés, sous un soleil de plomb, sur une plaine perdue près de Leuven, à regarder Brian Molko chanter ses simagrées. Il en faut du courage pour braver la fatigue, la déshydratation, les décibels, la file d'attente pour boire une douche, et 1h30 de Muse. Oui, se taper quatre jours de Rock Werchter s'avère un sacré challenge. Météo : 30 degrés en moyenne. Et 80000 personnes par jour, assises, couchées, debout, partout. Ajoutez à cela la somme d'argent exorbitante à dépenser pour y participer, et 'l'événement rock de l'année' ressemble de plus en plus à un élevage en batterie de poules pondeuses. Heureusement, il n'y a pas eu de morts à Werchter, et ce grâce à la générosité des organisateurs qui ont bien voulu mettre cinq (…) robinets d'eau à disposition de leur très cher public. 'Eat your money and die !' : voilà qui ferait un bon T-shirt de festival, en taille « Girly », XS, S, M, L, XL et XXL. Espérons que Live Nation y pense pour l'année prochaine, et d'ici là…

… Bon vent à toi, en français dans le texte ! Le groupe lounge-world-pop Arsenal cartonne en Flandre, moins en Wallonie et à Bruxelles. Une autre aberration. Il y a pourtant ce titre fort efficace, « Personne ne Bouge », featuring Balo (ex-Starflam). La preuve que ces histoires de communautarisme n'ont pas (ne devraient pas avoir ?) leur place en musique. Hendrik Willemyns et John Roan s'abreuvent ainsi à toutes les sources musicales, en plein fantasme babylonien. Le chant est en portugais, anglais, chinois, français : 'Van Afrika tot in Amerika, ja wij zijn zoveel mooier als we samen zijn'. Dit comme ça, sur de jolis airs chaloupés (« Longee », « Mr. Doorman », « The Coming »,…), on ne peut s'empêcher de sourire. De plaisir, méwéééé.

… Bon vent à toi, Bernanos ! Si le titre d'un de ses romans (« Sous le soleil de Satan ») pourrait quasi coller à l'ensemble de ce festival, il a sorti un jour cette belle phrase, que les Arctic Monkeys symbolisent en affichant une belle morgue : 'Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents'. Et il n'est pas prêt d'enfiler son chandail, à voir ces quatre jeunots chanter le rock'n'roll comme si demain n'avait pas d'importance (et on ne citera pas les Who). Ils ont vingt ans à peine, la classe et les chansons : les Arctic Monkeys méritent d'être les stars d'un énième revival rock, tant leur musique transpire d'une énergie vitale. Le public, d'ailleurs, ne s'y trompe pas, réservant à ses nouveaux héros les vivats de rigueur. Joué pied au plancher, avec une insouciance pleine d'émotion, le rock de ces gamins vaut bien qu'on gueule dessus en sautillant gaiement. Des tubes aux mélodies cagnardes, voilà ce qui manquait au 'rock' de 'Rock Werchter' : en balançant les furibards « The View From the Afternoon », « When The Sun Goes Down » et « Cigarette Smoker Fiona », les Arctic Monkeys réveillent en nous le rockeur de seize ans. Wassup !!!

… Bon vent à toi, et 'na na na na naa' ! C'est même le titre de la première chanson qu'ont joué sur la Main Stage les joyeux Kaiser Chiefs, fiers descendants d'un rock briton à la Madness/Blur/Dexys Midnight Runners. Cinq mecs à la gâchette mélodique facile, qui troussent des hits à la pelle comme certains vont à la mine. Pas de quoi crier au génie, mais crier quand même, à tue-tête (et au choix) : 'And my girlfriend loooooves meeee !!!' (« Everyday I Love You Less and Less »), 'Oh my God I can't believe it I've never been this far away from home !!!' (« Oh My God »), 'In my liiiiife !!!' (bras en l'air, « Caroline, Yes »), etc. C'est amusant, comme un tour de carrousel à la Foire du Midi. Kaiser Chiefs : le groupe parfait pour vos festivals rock, vos mariages et vos anniversaires.

… Bon vent à toi, le rock seventies ! The Who, Robert Plant, The Raconteurs : Rock Werchter avait des airs de TW Classic cette année, tant certains refrains entendus ça et là sentaient la naphtaline et le vieux Deep Purple. Si Jack White n'était pas de ce monde, sans doute qu'on ne perdrait pas notre temps à deviser sur l'avenir du rock'n'roll et de la guitare à deux manches. On ne devrait pas non plus se taper une heure de juke-box à la Mark Ysaye : les covers de Led Zeppelin (« Broken Toy Soldier »), de Nancy Sinatra (« Bang Bang »), des Beatles (« Hands », « Together »), de Ron Davies (« It Ain't Easy »), de Shocking Blue (« Send Me A Postcard ») et de Danko Jones (« Samuel Sin »), et se promener à Werchter comme si c'était Woodstock. Bref il y a perpète, à une époque où Bob Dylan était le summum de la rébellion et de la révolution sonore. Eh ouais, c'était bien avant le hip hop, la techno, le shoegazing, l'ambient, que sais-je ? En résumé pour Jack White et ses trois faire-valoir (deux Greenhornes, et Brendan Benson) 'c'était mieux avant', et là on n'est pas trop d'accord. The Raconteurs ? The Conservateurs, ouais !

… Bon vent à toi, l'équipe d'Angleterre ! Si on ne vient pas à Werchter pour regarder la coupe du monde, on aime être au courant des derniers résultats. 'Do you know the score of England-Portugal ?', ironise Alex Kapranos à l'entame de « Walk Away »… Si les Franz Ferdinand étaient une équipe de foot, ils seraient sans aucun doute champions du monde : quel groupe aujourd'hui peut se targuer d'avoir autant de force mélodique, d'élégance dans son jeu et de dextérité devant le but adverse ? Quoi qu'ils balancent comme refrains, c'est à chaque fois en pleine lucarne : 'Tuuuuuube !!!', et tout le monde lève les mains en plein délire collectif, c'est la fête, la grande messe pop-rock. Enfin un groupe de qualité qui squatte les charts FM sans tackler et donner des coups de boule. Si les titres du deuxième album peinent quand même à nous faire oublier les hymnes à la « Take Me Out » et « Matinee », difficile de bouder notre plaisir : ces types en chemise rouge assurent le show sur scène, l'air d'assumer pleinement leur statut de rock stars millionnaires. Classe.

… Bon vent à toi, le disco frigidaire ! Les cheveux flottant sous l'impulsion d'un gros ventilateur, Alison Goldfrapp entame ses vocalises sur « Utopia », le premier titre qui fit connaître son groupe en l'an 2000. Depuis lors, la blonde se la joue « Material Girl », disco pouet pouet et bottes en caoutchouc : si « Train », « Strict Machine » et « Ooh la la » s'avèrent de sacrés tubes taillés pour le dancefloor, la sueur qui s'en dégage se révèle quant à elle un peu froide. Pas la peine donc de chercher l'émotion dans ces ritournelles 'morodoriennes' : il suffit de danser, l'esprit ailleurs et le sourire figé.

… Bon vent à toi, la kosmische muzik ! Et si l'on comprenait enfin l'influence prépondérante du krautrock (etc) sur le rock contemporain ? Ecouter Sigur Ros, c'est comme entendre du Amon Düül au milieu du Pôle Nord, avec des baleines qui chantent dans une langue inconnue de la race humaine. Un voile immense dissimule le groupe, qui entame son trip naturaliste par « Glosoli », un machin bien pompier qui fend le ciel de zébrures électriques. Si « Takk », le dernier album des Islandais, pêche par excès de guitares lourdingues, il reste ce zeste de tendresse qui fait qu'on aime Sigur Ros, un peu, voire beaucoup, mais plus vraiment passionnément. Dévote l'ambiance, voire soporifique, c'est selon, et c'est bien là le problème… D'autant que sur la Main Stage, dEUS a décidé de faire péter le son, et donc le rock'n'roll : « Turnpike » vs. « Hoppipolla », « Via » vs. « Popplagid », etc. La bataille fait rage dans nos tympans, qui ne savent où donner du marteau et de la trompe. A la fin le voile redescend, et Sigur Ros gémit en prenant ses guitares pour des violoncelles. Tom Barman, lui, profite de la tribune qu'on lui offre (une tête d'affiche) pour exhorter le public à 'colorer sa ville', bref à combattre le racisme et la xénophobie lors des prochaines élections communales. Pour rappel, un Anversois sur deux vote Vlaams Belang (Vlaamse Blok). Le rock peut-il inverser la tendance ? Réponse le 1er octobre à Anvers, Gand et Bruxelles, en compagnie de dEUS, Arno, Axelle Red, Adamo, Daan, Starflam et co. (etc.), parce que 'la Belgique mérite mieux que l'extrême droite' (www.0110.be). Message bien reçu !

Informations supplémentaires

  • Date: 2006-07-01
  • Festival Name: Werchter
  • Festival City: Werchter
  • Rating: 0
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