Plus de mille personnes avaient rallié la Maison de la Culture pour assister à la première journée de cette cinquième édition du D'Hiver Rock. Un festival placé sous le thème de l'aéroport. Plusieurs plasticiens avaient ainsi été invités à structurer les espaces publics du festival, histoire de faire le lien entre la musique, l'image et le lieu, à travers le thème générique… Tout comme l'an dernier, le vendredi a attiré de très très jeunes festivalie(è)r(e)s.
Il revenait à Wash Out Test la délicate mission d'ouvrir les hostilités. Une formation lessinoise au sein de laquelle on retrouve exactement les mêmes musiciens que chez Poulyroc. Mais le W.O.T teinte son punk de ska plutôt que de rock. En s'inspirant davantage de groupes comme Less Than Jake, No Use For a Name, Reel Big Fish, NOFX ou encore Mad Caddies. Ce qui explique le rôle plus important des deux cuivres communiquant une ambiance assez chaleureuse aux compos. En résumé si leur set fut correct, il ne m'a pas laissé un souvenir impérissable…
Les Fils De Sammy adorent mélanger les styles. Dans leur musique on retrouve ainsi, à des degrés divers, du reggae-dub, du jazz, de la musique mizrahi, flamenco et slave ainsi que de la chanson française et du cabaret. Les textes sont d'ailleurs interprétés dans la langue de Molière, des textes à l'humour décalé, susceptibles de passer de la bonne humeur à l'engagement social. Le chanteur se réserve également la clarinette accentuant cette impression d'éclectisme à tout crin. On a d'ailleurs ainsi l'impression, même furtive, de retrouver des traces des Fils de Teuhpu, de Gainsbourg, de la Mano Negra et même des Négresses Vertes, dans leur expression sonore. Outre-Quiévrain ce style doit certainement attirer des adeptes. Malheureusement, le résultat est un peu trop franchouillard à mon goût…
Premier moment fort de la soirée lorsque La Réplik monte sur les planches. La présence d'un joueur de banjo et d'un violoniste donne immédiatement le ton. Tout comme celle d'une drummeuse/percussionniste. Pas parce qu'elle est particulièrement svelte, mais parce qu'elle joue debout ; ce qui lui permet de muscler ses mollets tout au long du set. Rustre comme un marin, le guitariste partage les vocaux (son timbre rappelle le Renaud des débuts) avec Vigie, une punkette au look pas possible : imaginez un croisement entre Siouxsie Sioux, Poison Ivy et Nina Hagen. En outre, elle ne tient pas en place une seule seconde. Et puis possède une superbe voix. Bien que leur accent trahisse leurs origines du Sud-ouest de la France (Bordeaux), La Réplik va nous plonger dans une ambiance celtique digne des pubs irlandais ou nous inciter au pas de danse sur un air de polka. Le jeu de scène n'est pas sans rappeler un plus vieux groupe hexagonal : les Rosemary's Babys. Tout au long de leur show, les références vers les anciennes formations de rock alternatif français, de façon anecdotique ou explicite, vont se bousculer. Le groupe va d'ailleurs reprendre un standard de Bérurier Noir, en fin de parcours. Les moins jeunes chantent même en chœur et auront, l'espace de 45 minutes, l'impression de revenir 15 ans en arrière, lorsque le mariage entre le punk français et les sonorités festives était monnaie courante.
Mouvement de foule vers 21h30 : les aficionados s'entassent dans la première salle pour ce qui reste le plus grand succès d'audience de cette journée de festival : le set de Skarbone 14. Les régionaux de l'étape peuvent compter sur un public conquis d'avance et rapidement la salle s'enflamme. Leur ska/punk bénéficie du concours d'une solide section de cuivres. Et puis il y a le chanteur, Sim, toujours très à l'aise pour assumer le show, une recette qui plait particulièrement aux ados, aux boy-scouts, mais également à un public de plus en plus large. Depuis son premier concert en 2001, accordé dans le cadre de la fête de la musique à Tournai, Skarbone 14 s'est nettement amélioré, raffinant son jeu de scène, et enchaînant les concerts en Belgique et à l'étranger ; se produisant même en première partie de leurs propres références, comme La Ruda ou les 100 Grammes de Tête. Enregistré au sein du prestigieux studio bruxellois Rising Sun (le repaire de Mud Flow), leur nouvel opus sortira le 6 avril et sera inauguré lors d'un showcase programmé au foyer Saint-Brice, rue Duquesnoy, à Tournai (qu'on se le dise…)
Les Blaireaux réunit sans doute le line up le plus professionnel de la soirée. Leur prestation est théâtrale. Rappelant parfois l'attitude des Frères Jacques, les différents musiciens semblent beaucoup apprécier le music-hall des années 50. Un côté décalé parfaitement géré par la bande qui occupe bien la scène. Paradoxalement, malgré la qualité de la prestation, la sauce prend difficilement et de nombreux spectateurs (dont vos rédacteurs) finissent par se lasser et quitter la salle. Sans doute Les Blaireaux parviendraient mieux à faire apprécier l'étendue de leur talent dans d'autres conditions scéniques ou lors d'un festival de musique de rue…
La présence de René Binamé était manifestement bien plus en phase avec la première journée de ce d'Hiver Rock. Après avoir vécu de nombreux changements de line up, dont le plus dommageable reste bien évidemment le départ du claviériste et boute-en-train, Es Gibt, le groupe est plus que jamais dépendant de son fidèle batteur/chanteur, Olivier Binam'. J'avoue assister, pour la 15ème fois, en autant d'années, à un concert des René Binamé (S.L.) ; et si leurs fans sont moins nombreux qu'au cours des nineties, le band est demeuré intègre et fidèle à ses convictions. Autoproduit, auto-distribué, le groupe prône le DYI. Ainsi, avant le concert, Olivier se charge personnellement du stand réservé à son groupe. Pourtant, leur musique a évolué. Et la plus belle démonstration procède de la remise au goût du jour de sa cover du « Le courage des oiseaux » de Dominique A, rebaptisée depuis cinq années en « Le courage des avions… qui rentrent dans les Tours glacées ! » La provocation et les revendications font toujours partie de l'univers de René Binamé qui n'a jamais pratiqué la langue de bois. « Le pape immobile », le chant traditionnel « La chanson du Père Duchesne », concédé sur fond de guitare saturée et minimaliste et dans une ambiance punk/trash, provoquent de nombreux pogos : tel est le décor destroy que nous réserve le trio. Mais à une époque où les groupes de rock belge mielleux pullulent, et où la pop aseptisée occupe une large place sur nos radios, les lyrics engagés de René (en wallon, en flamand ou en français) constituent un excellent antidote à cette déprime créative. La sortie toute proche de leur nouvel opus, « Le temps payé ne revient plus », relancera-t-il la machine ? On leur souhaite ; d'autant plus qu'à l'instar de leurs amis les Wampas, ils possèdent suffisamment de talent pour rester sur le devant de la scène, belge ou du moins wallonne.
Kaophonic Tribu clôturait donc la partie concerts du festival. Huit musiciens issus de l'Hexagone (Nièvre) qui pratiquent une sorte de drum'n bass tribale : des tas de percus (dont un djembé), de la flûte, une basse (of course !) et un digeridoo (joué par un véritable virtuose !). Sans oublier les machines et les harmonies vocales célestes. En quelque sorte une rencontre entre sonorités ethniques et électroniques propice à la transe et à l'envoûtement. Leur set est irréprochable, mais il devient rapidement ennuyeux. Si bien qu'après vingt minutes, on a déjà envie de s'éclipser. Manque un instrument comme le violon, la harpe ou pourquoi pas un xylophone pour donner du relief à l'expression sonore.
La longue soirée ne peut s'achever que par un dernier passage… au bar, qui contribue à la bonne ambiance du festival. Tout au long de la soirée le millier de spectateurs s'est d'ailleurs dispersé entre cet endroit stratégique, les deux scènes et le hall d'entrée illuminé de différents jeux de lumières ; mais malheureusement envahi par un DJ set un peu trop bruyant (interférant par ailleurs régulièrement sur les autres concerts !). Anecdote : à l'extérieur de la Maison de la Culture, les nombreux fumeurs étaient priés de suivre la nouvelle réglementation. En l'occurrence s'oxygéner à la belle étoile. Les oreilles et l'estomac bien remplis, il est temps de battre en retraite pour mieux remettre le couvert le lendemain.