Là où le bât blesse, quand on apprécie les deux albums de Jérôme Deuson alias aMute, c'est d'avoir l'impression, à chacun de ses concerts, de s'être trompé de salle. Mais où est donc passée l'élégante tension qui habite ses disques, remplacée sur scène par un magma sonique plus proche des Smashing Pumpkins période « Gish » (notre homme est fan) que de Tim Hecker ou de Intr_Version ? Epaulé en concert par le Sea Horse Band, Jérôme Deuson préfère appuyer fort sur nos certitudes rock'n'roll qu'opter pour l'émotion à fleur de peau (cette putain !) Et ce n'est ni son batteur à la poigne trop véloce ni son bassiste sans cesse tournicotant (un transfuge de Major Deluxe) qui changeront la donne : aMute en concert déçoit parce qu'il veut trop séduire, alors que sur album tout est dans le non-dit et la quiétude introspective.
S'ils sont huit sur scène, les Canadiens de Do Make Say Think se révèlent a contrario plus condensés dans leurs manies post-rock. Deux batteurs, deux trompettistes, un saxophoniste/claviériste, un guitariste, un bassiste et une violoniste : le barnum, pourtant, n'est ici pas une menace? Qu'on se le dise : après plusieurs années d'absence en nos contrées la clique de Montréal (parmi elle, des membres de Broken Social Scene) n'avait pas intérêt à décevoir ses fans. Promo oblige, le set était centré sur les compos de « You, You're a History in Rust », dernier album sorti il y a quelques semaines. Au rayon des classiques, « Horns of a Rabbit », « Classic Noodlanding » ou encore « The Landlord is Dead », bref du post-rock mâtiné de cuivres vaporeux, mais moins accidenté que celui de leurs potes de Godspeed. `J'espère qu'on est meilleurs que la dernière fois, parce qu'à l'époque on avait dû se taper 20h de voyage pour venir jusqu'ici !' Les `Ouh ouuuuh !!!' du public à chaque nouvelle embardée les auront sans aucun doute rassurés : après quasi deux heures d'un live incandescent malgré quelques temps morts, Do Make Say Think quitte la scène avec un grand sourire. Tabernac' quel panache !
G.E.
aMUTE + Do Make Say Think (Botanique)
C'est devant un Cirque Royal entièrement conquis à sa cause que Saule et les Pleureurs ont enchaîné titres intimistes et rythmés, parfois dans des versions inédites, passant du free style au reggae. Les Pleureurs, tout à tour fanfare, troupe de saltimbanques, et véritable groupe, sont décidément les compléments naturels et indispensables de Saule, qui deux ans après leur premier passage aux Nuits Botanique, y reviennent en tête d'affiche, superbement mis en valeur par le décor et les éclairages signés Dragone. Alternant intelligemment chansons lentes et enlevées, Saule a réussi son pari de faire monter l'assistance sur la scène du Cirque Royal, le temps d'une chanson.
De l'émotion, du rythme, un contact toujours sympathique avec son public : Saule, s'il parvient à poursuivre dans cette voie, risque bien de devenir une nouvelle coqueluche des scènes francophones.
B.H.
Saule et le Pleureurs (Cirque Royal)