Chaque fois que je me rends au festival Cactus, je tombe sous le charme du site : le Minnewaterpark. Canaux et espaces verts balisent ce festival encore très familial. Des enfants, pour lesquels de multiples activités ont été organisées –mais qui passent aussi des heures à ramasser les gobelets abandonnés par les consommateurs–, des parents et des grands-parents côtoient les festivaliers dans la plus grande convivialité. Et quand le soleil est de la partie –surtout que depuis le début de l’été, il ne nous a pas vraiment gâtés– on se dit que les organisateurs sont bénis des dieux…
Drôle d’idée de faire commencer Archie Bronson Outfit à 13h20! D’autant plus que ce trio britannique jouit déjà d’une réputation de groupe ‘live’ particulièrement flatteuse. Et ma foi il la mérite, car son set est franchement excellent. La barbe bien fournie (en broussaille, celle de Sam Windett est digne de Bonnie Prince Billy !), les trois compères dispensent une musique à la fois âpre et mélodique. Un style qui oscille du blues et surtout du boogie (imaginez un Canned Heat sous hélium) à la country (Johnny Cash est une influence reconnue par le groupe) en passant par le funk/pop/rock (celui de Talking Heads, en particulier). D’ailleurs, le falsetto de Sam est très proche de celui de David Byrne. C’est également le guitariste ; encore que Dorian Hobday troque parfois sa basse contre une six cordes, rendant le son encore plus acéré. Légèrement en retrait, mais au milieu du podium Mark Cleveland siège derrière sa batterie minimaliste (et même réduite au strict minimum). De son drumming spasmodique, entrecoupé de breaks enchaînés à la perfection, il semble jouer le rôle de fédérateur dans la solution sonore. La formation achève son set par un « It’s only love » très percutant. Le public est ravi et réclame un rappel. Que le combo lui accordera. Ce qui est plutôt rare lorsqu’un groupe entame la journée d’un festival.
Cinq types montent sur les planches habillés de la même manière : un pantalon noir, une chemise blanche, une cravate noire et un crêpe autour du bras gauche. Ce ne sont pas les croque-morts du coin, mais iLiKETRAiNS… Et manifestement, ils ont la nostalgie de Joy Division. Même que le chanteur, Dave Martin, possède un baryton aussi médiocre que celui de feu Ian Curtis. Mais dans le style, ça passe. Un style inspiré par la cold wave, vous vous en doutez. Et il faut avouer que les morceaux les plus calmes me laissent froids (évidemment !) Pourtant, lorsque la guitare de Guy Banister (c’est aussi le claviériste et accessoirement le percussionniste) commence à entrer en osmose avec celle de Dave, alors leur musique prend une toute autre dimension : belle, émouvante, douloureuse, tellement proche d’And Also The Trees, et en particulier des elpees « The Millpond years » (1988) et « Farewell to the shade » (1989), deux albums incontournables (faut arrêter de croire que Mogwai a tout inventé !) A cause de ses sonorités de guitares croustillantes, proches de la mandoline. Et lorsque ces grattes s’aventurent dans l’univers psychédélique, le résultat est aussi concluant. On ne vous apprendra rien en vous signalant que le bassiste, Alistair Bowis, dessine de lignes ténébreuses et que le drummer, Simon Fogal, accentue de frappes lourdes le climat menaçant. Originalité, la présence d’un joueur de cornet, Ashley Dean. C’est lui qui se charge de donner davantage de densité à la solution sonore. (Tracklist : “25 sins”, “Terra nova”, “We go hurting”, “We all fall down”, “Deception”, “Rock house for Bobby”, “Voice of Reason”, “Spencer”)
Le deuxième album des Rakes, « Ten New Messages » ne casse pas des briques. Enfin, il est surtout moins percutant que le premier « Capture/Release ». Et la différence entre les compos des deux opus est aussi manifeste sur les planches. Derrière les musiciens, une immense banderole affiche le nom du groupe. Des fois qu’on les confondrait avec Pulp… Filiforme, Alan Donohoe porte des lunettes de soleil à la monture rouge. Son show épileptique, robotique, évoque immédiatement Jarvis Cocker. Il lui emprunte même certaines inflexions vocales. Le guitariste porte une chemise à carreaux digne des anciens adeptes du grunge. Le début du set est un peu terne, malgré la présence épisodique d’un claviériste, venu renforcer le line up. Après une vingtaine de minutes, Alan décide enfin d’empoigner une six cordes. Et la prestation de la formation londonienne commence enfin à sortir de l’ennui. Faut dire que Donohoe marche constamment sur un fil instable entre le charisme et l’embarras et que ses nouvelles chansons, quoique mélodiquement bien troussées, manquent singulièrement de punch. A ce régime, le groupe va se prendre un râteau… (Tracklist : “Intro” - “Retreat” - “We danced together” - “We are all animals” - “Down With Moonlight” - “When Tom Cruise Cries” - “All too human” - “Suspicious eyes” - “22 grand job” - “Violent” - “Strasbourg” - “Little superstitions” - “Work Work Work” - “Open book” - “World Was A Mess But His Hair Was Perfect”)
On a beau ne pas être un grand aficionado de reggae, il faut reconnaître qu’Horace Andy jouit d’une fameuse carte de visite. Né le 19 février 1951 à Kingston, en Jamaïque, il enregistre son premier single à l’âge de 16 ans : « This is a Black Man’s Country ». Mais sous son véritable nom, Horace Hinds. A partir de cette époque, il va bien sûr privilégier le reggae et le dub, mais pas seulement, n’hésitant pas à s’ouvrir à des tas de styles musicaux différents. Bref, on ne va pas ici retracer sa biographie ; mais il faut savoir que parmi la multitude de projets opérés au cours de sa carrière, on retiendra surtout sa collaboration active à trois elpees de Massive Attack, fin des années 80. Il tourne depuis peu en compagnie d’un nouveau groupe : The Dub Asante Band. Et vous vous en doutez, c’est du dub et du reggae…
A l’instar de Gospeed You ! Black Emperor outre-Atlantique, Mogwai, c’est l’archétype du post rock en Grande-Bretagne. Fondée en 1995 par le guitariste Stuart Braithwaite et le bassiste Dominic Aitchison, la formation écossaise a fait des émules, depuis : Explosions in The Sky (qui devaient d’ailleurs se produire au Cactus, mais ont annulé toute leur tournée européenne, l’épouse d’un des musiciens souffrant d’un cancer en phase terminale), Do Make Say Think, God Is an Astronaut, A Silver Mt. Zion, etc. Enfin, pour les formations qui privilégient les guitares. Pull-over vert, la calvitie naissante, Stuart Braithwaite se tient à la droite de la scène. Il n’est déjà pas grand, mais il lui arrive régulièrement de disparaître du champ de vision pour triturer ses pédales à quatre pattes. Collaborateur épisodique, le claviériste Graeme Ronald semble prendre de plus en plus d’importance au sein du line up. Enfin, en live. Il vocalise même des mélopées à travers un vocodeur. Et son concours apporte davantage de raffinement et d’onirisme. Encore que je l’ai toujours affirmé, le post rock prendrait une toute autre dimension sur les planches s’il était soutenu par des projections. Sous sa forme la plus atmosphérique, la musique de Mogwai me fait de plus en plus penser à celle de Sigur Ros, voire même à la musique dite classique. Le début du set demeure pourtant laborieux. Un morceau doit même être recommencé après une trentaine de secondes. Mais au fil du temps, la magie commence enfin à opérer. Les crescendos se font plus tranchants. Les guitares plus dominatrices, torturées, intenses. Les éruptions ‘noisy’ ou psychédéliques sont de plus en plus savoureuses. Et le final somptueux! (Tracklist : “3super heroes of BMX” - “Friends of the night” - “I know UR”, “Ratts” - “7.25” - “Hunted” - “Skeletons” - “Travel is dangerous” - “Stop coming 2 my house” - “ 2 rights” + “Glasgow mega snake” - “Were no here”)
Le Gotan Project est une formation cosmopolite qui réunit Christop H. Müller (ex membre du groupe Touch El Arab), le guitariste argentin Eduardo Makaroff, et un large contingent de Français dont Philippe Cohen Solal (Boys from Brazil). Dix personnes en tout ! En tenue de soirée. Les filles en robes blanches très élégantes et les hommes en costard/cravate. Sa musique mêle tango et électronique. Pas difficile de le comprendre quand on sait que le mot ‘Gotan’ est la traduction verlan du ‘Tango’. Un orchestre dont les membres se partagent une multitude d'instruments : du violon au bandonéon, en passant par le violoncelle, la guitare espagnole et le piano. Sans oublier le concours d'un dj et d'un bidouilleur, préposés aux 'beats'. Et puis la présence de leur chanteuse attitrée, Cristina Villonga. A ce jour, le collectif compte deux opus à son actif « La revancha del tango » et « Lunático ». Ce dernier est paru en mai 2006. Et le titre de cet album est inspiré du cheval de course de Carlos Gardel. C'est la raison pour laquelle l'univers graphique de cet album est celui de l'hippodrome de Buenos Aires. Tout un contexte favorable à leur musique à la fois loungy, chaude, contagieuse et dansante. L’an dernier ils avaient accordé deux sets ‘live’ fort intéressant à l’AB de Bruxelles. A l’arrière de la scène, défilent de nombreuses projections auxquelles ont participé Calexico (« Amor Porteno ») et les rappers de Koxmoz (« Mi confesion »). Au fil du set, l’électronique s’impose de plus en plus et des compos comme « Santa Maria », « Criminal » ou encore le final « Triptico » sont davantage marquées par les beats. On aura quand même droit, à une lueur afro sur « El Norte », la présence d’une double percussion n’y étant pas étrangère. Bref, un set groovy et de très bon goût. (Johan Meurisse. Adaptation B.D.)
Ozark Henry a clôturé la deuxième journée du festival Cactus. Depuis 2001, c'est-à-dire lors de la sortie de l’album « Birthmarks », Piet Goddaer a rompu définitivement avec la musique totalement expérimentale pour embrasser un style plus électro-pop. L’an dernier son troisième opus, « The soft la machine », a confirmé cette nouvelle orientation. En toute grande forme, forme, il nous a plongé au sein d’une solution sonore bourrée de swing, fruit de son mélange de musique beat et d'électronique, sur l'ouvre-boîte instrumental « Echo as metaphor » ainsi que tout au long de « Sun dance ». Dynamisé par les percussions fouettantes, « Rescue me » a poursuivi dans ce type d’électronique. Goddaer s’est même autorisé quelques pas de danse. La formation a aligné les inévitables « Sweet instigator », « Vespertine » et « Weekenders » avant d’élever le tempo à travers « These days » et « Indian summer ». Elle a immergé « Intersexual » et « At sea » dans des grooves nightclubbiens. Goddaer a atteint le point culminant de la soirée lors de l’interprétation de « La donna é mobile ». Même les technobeats étaient dignes d’Underworld. Et ce set rafraîchissant s’est clôturé par "Word up". (Johan Meurisse. Adaptation B.D.)