Károly Gerendai, cofondateur du Sziget, nous confie, une pointe de nostalgie dans la voix, ses ambitions pour la vingtième édition du désormais célèbre festival hongrois : ‘Il y a 20 ans, nous formions un groupe de jeunes enthousiastes ayant envie d’une semaine non-stop de fun, ensemble dans un endroit où tout est possible et rien n’est obligatoire. C’est ainsi que l’île de la Liberté est née, en 1993. Cette année nous aimerions accentuer ces souhaits et libérer l’imagination de nos festivaliers plus que jamais’. Un projet qui marque une intime volonté de se ressourcer dans le passé pour saisir le présent et s’ouvrir à la modernité, de préserver le souffle, si libertaire et dru, des origines et le canaliser vers les Arts contemporains… Un vent d’anarchie qui ne serait pas révolu et suivrait les courants incessants du Danube pour vivifier tous les méandres et embrasser toutes les cultures. Une belle utopie qui se matérialise et à laquelle communient plus de 362 000 festivaliers (szitizens) affluant de 69 pays différents (outre d’Europe, ils nous viennent d’Australie, d’Argentine, d’Aruba, du Bahreïn, d’Ethiopie, de Gambie, d’Inde, du Kenya, du Mali, du Pakistan, de Singapour, d’Afrique du Sud, d’Uruguay…). Cet Island of Freedom, ‘endroit où tout est possible et rien n’est obligatoire’, prend corps sur la magnifique île d’Óbuda, située au centre de Budapest. 78 hectares de pur bonheur où les musiques du monde se croisent et s’entrecroisent, se jettent vers l’estuaire mouvant d’une pléthore d’activités culturelles issues de tous les horizons : arts de la scène (danse, théâtre, cirque…), arts graphiques (peinture, sculpture, photo…), architecture… Une organisation titanesque qui s’articule autour de 50 scènes sur lesquelles vont se dérouler plus de 400 concerts à raison de 12 heures de live quotidien et accueillir 200 spectacles pendant une semaine. Le Sziget n’est pas seulement un événement musical, c’est également un rassemblement d’artistes venus du monde entier. Un voyage culturel unique qui a d’ailleurs été élu Meilleur Grand Festival d’Europe par les prestigieux European Festival Awards, en 2012. Et c’est franchement pas volé !
Un statut légitime que les organisateurs devaient confirmer pour fêter dignement le 20ème anniversaire du plus grand festival ‘open air’ d’Europe. Ainsi, l’édition 2013 s’est parée encore de plusieurs nouveautés inédites et originales et a acquis le statut officiel d’île de la Liberté. Une organisation qui a décidé d’accentuer encore cette notion originelle de liberté tant sur le plan artistique qu’individuel. Le nouveau concept du Sziget 2013 est une redéfinition de ces souhaits originaux : l’île de la Liberté est née, elle devient une république le temps d’une semaine, imposant ses propres règles et arborant son propre drapeau. D’ailleurs, dès son arrivée, chaque visiteur reçoit la copie exacte d’un vrai passeport faisant de lui un authentique ‘Szitizen Of The Island Of Freedom’. Un document précieux comprenant toutes les informations permettant à chaque festivalier de passer un excellent séjour (line up, plan, activités, animations, soirées…) Une fois complété et estampillé au Sziget Immigration Office, on vous remet une Sziget Green Card faisant de vous un membre officiel de l’île de la Liberté (une opération totalement symbolique et facultative). Plus que jamais, cette année, la nouvelle République indépendante constitue une expérience multiculturelle qui met l’accent sur la défense des droits de l’Homme et la justice sociale. Un objectif commun : ‘L’île de la Liberté est une république démocratique sans leader où chaque membre, aborigène ou immigrant, a les mêmes droits et les mêmes devoirs’.
Alors que les discriminations ne cessent de grandir et frappent, chaque jour, de plus en plus fort à nos portes, deux podiums présents sur le site sont à saluer :
La ‘Yenki Raki Roma Tent’ existe depuis 11 ans et reste certainement l’une des scènes les plus festives et les plus conviviales. Lieu incontournable du festival, cet espace pluriculturel fait danser, s’enlacer et suer des dizaines de nationalités différentes sur les plus belles musiques tziganes jusqu’au bout de la nuit. Bras dessus, bras dessous, la foule fait corps et se laisse emporter, comme un seul homme, dans un voyage exceptionnel aux rythmes envoûtants de ce monde magique de la culture gitane venus des quatre coins de l’Europe (Lituanie, France, Bulgarie, Espagne, Roumanie, Pologne, Serbie, Pays-Bas…) Un espace exceptionnel totalement réservé aux musiques tziganes dont le sol ne s’arrête jamais de vibrer et transcende âme et corps. Une expérience et un moment de fraternité uniques. Ici encore, les Szitizens nous confirment que l’événement est plus qu’un festival : un véritable concentré de cultures !
Intolérance zéro ! Alors que l’homophobie fait rage dans de trop nombreux pays du monde, l’espace ‘Magic Mirror’ nous offre sans complexe un bel éventail de la culture gay et lesbienne européenne. Au programme : cabarets, débats, projections de la Berlinale, films du festival international de Berlin, talk-shows thématiques, soirées disco-funky-beat et spectacles de danse jusqu’au petit matin. Le lieu le plus gay et le plus haut en couleurs du Sziget !
Il est évidemment impossible de décrire chaque endroit tant la diversité des activités proposées est importante. Soulignons toutefois quelques dernières initiatives intéressantes comme la présence de nombreuses ONG, le Sziget Civil, traitant de façon ludique et informative des thèmes majeurs tels l’écologie, la santé, la prévention drogue ou SIDA, l’HANDIPARC, parc d’aventure interactif. Un environnement ludique ouvert à tous contribuant à faire évoluer l'attitude sociale des gens à travers des expériences qui font appel à l'odorat, à l'ouïe et au toucher... Et, finalement, le ‘Culture Zone’, un cadre extraordinaire pour la scène polyvalente, la Fête Foraine d’Europe de l'Est, le Quartier des Musées, le Labyrinthe, le Parc de Lecture, les installations ‘Bonjour le Bois’ et le workshop beaux-arts de l'Agora. On rencontre ici du théâtre contemporain, de la danse contemporaine, des projets d'art appliqué, du design, de la musique classique, du jazz de nuit, du slam, du stand-up, des acrobates, des jongleurs, mais aussi des stages de recycling design, des tables rondes, des workshops, des flashmobs, du yoga, du tai-chi, des ateliers de massage… Une zone qui va occuper sans relâche les journées et les nuits des festivaliers hyperactifs.
Parmi les nouveautés majeures, les organisateurs ont également fait la part belle à l’univers magique du cirque, du théâtre et de la lumière, l’un des grands acteurs de cette dernière édition. Sans oublier l’aménagement d’une plage artificielle installée sur les rives du Danube.
Le monde du cirque est l’invité d’honneur de la vingtième édition du Sziget Festival. Onirisme et poésie sont les hôtes quotidiens de la Cirque Sziget, une nouvelle scène spécialement dédiée à la fine fleur des saltimbanques.
Ainsi, on pourra se régaler les sens, en avant-première, sur ‘Recirquel’, la dernière création époustouflante de Vági Bence qui met en scène une troupe exceptionnelle dont les acteurs principaux sont issus du célèbre Cirque du Soleil. Un spectacle à vous couper le souffle qui s’amuse à mixer les atmosphères uniques des théâtres ambulants typiques des représentations de la fin du XIXème siècle à l’aide d’une musique et une mise en scène résolument modernes. Ajoutez-y le talent de la costumière Kasza Emese qui réinvente avec bonheur l’imaginaire rêveur de Tim Burton et le spectateur est emporté pour un long moment de pure poésie en mouvement. Extrait : http://www.youtube.com/watch?v=ExRC7BPeRzk
Outre ces représentations exceptionnelles, le nouvel espace mêle structure hors-normes, haute-voltige, acrobaties et trapèze : https://www.youtube.com/watch?v=ccNFxsd467E
Day 0
Un jour avant l’ouverture officielle du festival, la mécanique infernale du Sziget est finement rôdée pour accueillir les premiers festivaliers. Et quel accueil !
Dès l'entrée du pont-K, et jusqu'à la Main Stage, les visiteurs sont plongés dans le monde fantastique de Lewis Carroll. En immersion totale dans le pays des merveilles du Sziget, ils sont invités à louvoyer entre cirque, acrobaties, théâtre visuel, littérature, concerts acoustiques, musiques du monde, danses folkloriques et poésie avant de rejoindre la Main Stage où les attend leur premier rendez-vous musical. Une première journée spécialement dédiée à la musique hongroise et, principalement, aux deux groupes nationaux cultes : Quimby et Muzsikás.
Après la thématique Carroll, la première performance scénique se déroule sur la Pop-Rock Main Stage et met en exergue les stars du rock alternatif hongrois. Quimby, les Noir Désir locaux (NDR : comparaison reposant sans doute sur la légère ressemblance physique des deux chanteurs), accompagnés d’un combo de cuivres et de deux danseuses à tutu rouge, vont transmettre effectivement une énergie digne d’une fanfare affolée dont, personnellement, je ne possède pas tous les codes.
Par contre, la musique traditionnelle magyare de Muzsikás qui résonne plus tard sur la World Music Main Stage surprend l’ouïe dès les premières notes et vous plonge spontanément dans les contrées d’Europe centrale. Célébrant les 40 ans d’existence du groupe en signe de bienvenue ce concert d’ouverture invite l’âme au voyage et nous oriente, nous aimante vers le cœur même de la Hongrie. En effet, Muzsikás est soutenu par des virtuoses tels Alexander Balanescu au violon ou le groupe Amadinda aux percussions, mais aussi de musiciens et de chanteurs amateurs originaires de petits villages indigènes qui insufflent une authenticité touchante aux mélodies colorées. Soulignons également la générosité du groupe rock américain Wovenhand venu tout droit des Etats-Unis souffler la chansonnette et les 40 bougies de ce groupe légendaire hongrois.
Ce premier bref aperçu est une parfaite indication de ce qui nous attend pendant cinq jours consécutifs. Aussi nous vous donnons d’ores et déjà rendez-vous demain pour l’ouverture officielle du vingtième anniversaire du Sziget qui s’annonce totalement déjanté…
(Voir aussi notre section photos ici)