La troisième soirée du festival n'a pas attiré la grande foule. Le public semble s’être déplacé plus par curiosité que par véritable passion. Pour preuve, le peu de mains levées quand la tête d'affiche, Mélissa Laveaux, demande qui connaissait son projet. Moins de magie que les deux soirées précédentes mais une programmation éclectique et des artistes heureuses d'être présentes.
La soirée débute par le duo stambouliote Seni Görmem Imkansiz. Deux jeunes filles timides se font face et nous entraînent dans un univers mélancolique oriental. Se servant de deux synthés, une boîte à rythmes et un melodica, elles délivrent une electronica sombre et contemplative. Leurs voix graves s'enlacent et flottent sur les mélodies nostalgiques du melodica. Empruntant parfois des motifs musicaux du folklore turc, elles se marient plutôt bien aux sonorités froides des synthés et les légères rythmiques industrielles. On pourrait penser à une version orientale du groupe islandais Múm. Mais les morceaux sont souvent trop évanescents et finalement pas aussi originaux qu'on l'avait présagé. On a régulièrement une impression d'inabouti. On sera quand même attentif à leur évolution. Un premier album va bientôt sortir.
Changement radical de style chez Mélissa Laveaux. Cette Canadienne d'origine haïtienne vit aujourd’hui à Paris. Ce soir, elle arbore un magnifique boubou et de grosses lunettes de hipster. On lui donnerait sans hésiter le rôle de la gouvernante black sympa dans un soap américain des années 60. Une décennie qui influence d'ailleurs parfois sa musique. On va assister à un concert agréable, sans réel temps mort mais sans moment impérissable non plus. Les morceaux les plus efficaces sont au final les mêmes que sur le long playing : "Postman", "Generous Bones" et Pretty Girls", soit une pop rock fraîche et positive mâtinée d'éléments africains et enrichie de chouettes mélodies au clavier. Et le set se termine juste avant de devenir lassant.
La yourte est bondée pour accueillir Sarah Carlier. La Belge semble même être l'artiste la plus attendue par le public. Les différents morceaux sont d'ailleurs applaudis à tout rompre et la belle Sarah en est ravie. Il faut dire que ce petit band acoustique réunit d’excellents musiciens, et les titres de l'album entre folk et soul se succèdent de manière homogène. L'atmosphère est agréable, détendue, intimiste mais chaleureuse. Une véritable symbiose s’établit entre la formation et les spectateurs. Une petite touche de reggae, une reprise de Sting ("Mad About You") et une fort bonne version de "Goin Back To My Roots", fatalement aux accents disco, confirment tout le talent du groupe. Sarah Carlier n'est pas qu'une créature d'Internet, c'est un vrai talent susceptible de toucher un large public.
Il nous reste à découvrir une autre artiste exilée à Paris : l'Israélienne Riff Cohen. Curieux personnage que cette Riff. Physique et posture de mannequin, un peu ingénue, un peu potiche, elle est finalement assez nature. Les premiers titres ressemblent à des comptines en français récitées sur des compositions largement inspirées par la musique orientale. Si la tentative est intéressante et les touches de luth et de darbouka plutôt réussies, c'est tout de même assez peu convainquant et même légèrement horripilant. Elle se révèle néanmoins plus à l'aise lorsqu'elle chante en hébreu, du rock sombre assez emphatique traversé par un violon oriental. Sa voix grave, à la limite de la justesse, se marie mieux à ces ballades tragiques. L'originalité de la ravissante idiote se manifeste encore dans une détonante reprise du "Bambino" de Dalida, entre punk tragique et guinguette orientale. Mais définitivement, elle me fatigue plus qu'elle m'intrigue, une opinion apparemment partagée par pas mal de spectateurs puisque la salle s'est vidée au fur et à mesure du concert.
Il ne me reste plus qu'à rejoindre mes pénates…
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