Le Micro Festival, c’est un îlot atypique perdu quelque part dans un océan où tout se ressemble.
Un point minuscule qui grandit chaque année et brille d’une lumière différente au milieu d’une nuit surchargée de néons criards.
Le Micro Festival, c’est le chemin boisé où il fait bon respirer quand la plupart du temps on cherche son souffle au milieu de ces grandes autoroutes musicales, immenses artères tentaculaires qu’on emprunte, quoiqu’il arrive, toute l’année.
Inscrit dans un contre-courant et fier de sa singularité, le festival imaginé par le label JauneOrange ouvrait ses portes pour la cinquième année consécutive à un public décidément de plus en plus nombreux.
L’Espace Nord 251 (il s’agit du nom du domaine sur lequel le site est implanté depuis 2010 et non des coordonnées géographiques pour votre GPS) a été réaménagé et un nouveau chapiteau y est dressé (on y gagne, puisque les pilonnes disgracieux, plantés au milieu du public, on disparu). Tout est en place sur le coup de dix-huit heures trente, ce premier vendredi aoûtien, pour accueillir votre serviteur bicéphale et les quelques 1 999 autres amis, potes et connaissances Facebook que comptera cette année la cinquième édition de ces noces ardentes.
Une foule qui serpente la rue Vivegnis, ici, à flanc de coteaux, par une belle fin d’après-midi ensoleillée.
Doublement représenté, Musiczine couvre l’intégralité des festivités, allant jusqu’à fusionner ces deux chroniqueurs en un seul être hybride mais néanmoins investi de toutes ses facultés de réflexion.
Ainsi, pas de point de vue double (si ce n’est à une heure avancée où l’alcool impose son diktat sur nos organismes émoussés qui ne nous permet plus de retranscrire nos ressentis), mais un compte-rendu conjugué à la première personne, au travers d’une identité duale.
Mon cortex droit fourmille déjà, alors que le gauche salive à l’idée d’une première rasade de nectar du Dieu Bacchus.
La programmation musicale assurée par Jarby McCoy indique déjà la couleur tandis que le tableau familier s’esquisse sous mes quatre yeux.
Manet et Ionesco, tous deux, main dans la main, redessinant le ‘déjeuner sur l’herbe’ à l’ombre d’un ‘théâtre de l’absurde’. Le décor est planté.
Délicieusement différent.
Les premiers soubresauts sonores résonnent bientôt.
Les trois coups sont frappés.
It It Anita donne la mesure.
Brisées comme un mille feuilles, les structures du quatuor liégeois volent en éclat (un bien bel éclat) et cimentent autour d’elles un mur sonore érigé comme un monument célébrant les glorieuses heures des nineties.
De Nirvana à Sonic Youth comme apostolat, It It Anita nous ferait prendre ces messies pour des lanternes.
C’est une excellente entrée en matière, pleine de fougue, incendiaire, tachée de foutre, et menée de main de maître, dans l’esprit des seigneurs de la Noise.
Mais le danger guette au détour d’une programmation forcément diversifiée ou le bon goût de certains se heurte inévitablement à la moue sceptique des autres.
Ainsi en va-t-il de même pour votre serviteur affligé d’un double pédoncule cérébral.
Suite à l’intermède musical concédé par Barako Bahamas (dont le seul patronyme est tout un programme), Quintron and Miss Pussycat invente en direct l'Euro-Country Lo-Fi.
Fatalement alourdie d’une intro longue et indigeste, proposée sous forme de cours de cuisine psychotropique et animée par d’amusantes marionnettes, la prestation du duo scinde déjà les avis des convives présents sur place.
Pour ma part, mes deux têtes décident de concert que la blague n’est pas à la hauteur de mes attentes, et si les sons multi-affectés des orgues barbares (NDR : de Barbarie ?) dispensés par Robert Rolston et les maracas de sa chère et tendre moitié à la caboche passablement fêlée m’amusent le temps de l’un ou l’autre morceau, il ne me faut pas longtemps pour sortir au grand air humer les parfums estivaux d’une soirée chaude et seulement en devenir.
Quelques temps plus tard, Cosme prend la directive du DJ floor, amenant subtilement l’introduction d’un trublion haut en couleur.
Derrière le pseudonyme Larry Gus, se cache Panagiotis Melidis, responsable d’un délicieux album, publié chez DFA, l'année passée.
Sur le podium, on comprend pourquoi le label de James Murphy a craqué pour le psychédélisme polyrythmique du Grec.
Le garçon sait mouiller le maillot pour attirer la foule dans son monde protéiforme.
Sautant de sa batterie rudimentaire à son rac d'effets, quand il n'improvise pas une danse digne des meilleurs chamans, Panagiotis semble possédé par sa musique ; et sa folie conquiert progressivement une foule au départ un peu interloquée par ses gesticulations épileptiques.
Certes, la posture tient plus du MC que de la rock star. Mais le flow est remplacé par des cris samplés et mis en boucle, sur lesquels il pose des beats lourds, tour à tour hip hop, techno, breakbeat ou ethniques.
Le début est un peu chaotique et fait craindre le pire. Les effets sur la voix ne sont pas toujours harmonieux et on comprend que certains soient rebutés par ses cris stridents. Mais petit à petit, Larry Gus nous emmène sur son tapis volant.
Un groove disco emporte la foule qui commence à se déhancher suivi d'un morceau à la rythmique breakbeat infernale. Mais l'attention du public est détournée par le premier passage d’un drôle de crocodile gonflable surmonté d’une demoiselle tout aussi gonflée.
Larry se lance alors dans deux morceaux plus complexes presque free-jazz, un style qui le passionne. C'est pourtant le moment le plus intéressant du concert. Celui qui est le plus proche des productions de son opus, en tout cas.
Les incursions jazzy sont d'ailleurs nombreuses durant tout le concert, sorte d'intermèdes cérébraux inoculés au milieu du déluge rythmique. Ce qui nuit sans doute à la dynamique ; mais c’est ce qui fait sans doute la véritable originalité de cet artiste.
Le final donne à la foule l'occasion de sautiller.
Un dernier morceau (de l'electro salsa?) conclut dans la joie le set le plus varié de cette première soirée.
Ceux qui sont restés attentifs ne le regrettent pas mais on peut comprendre les autres qui ont fui, rebutés par les incantations étranges du sorcier grec.
Ainsi, sollicités par la prestation dudit Gus, les séances de bisous bisous et les tentatives délicates de transport de pyramides de gobelets réutilisables pleins, mes sens se trouvent quelque peu distraits alors que Nissenenmondai entame son set et divise mon esprit.
Les avis d’autrui seront tout autant partagés après leur show.
Certaines personnes ont vraiment apprécié la transe technoïde de ce trio à la mouture pourtant rock (basse/batterie/guitare) ; mais beaucoup ont rapidement décroché.
Il est vrai que les compositions répétitives des Nippones exigent une attention soutenue, ce qui n'est pas toujours facile quand on connaît la moitié des festivaliers présents.
On retiendra la frénésie de l'incroyable drummeuse, repliée sur ses fûts, comme montée sur ressorts et les adorables chaussures vernies de la guitariste.
Pour le reste, évitant de justesse la lobotomie du cervelet gauche, je regagne mes pénates afin d’être frais et dispos dès le lendemain.
(Organisation : JauneOrange)
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