Il s’agit déjà de la sixième édition du festival Roots & Roses, et votre serviteur, ainsi que Ludo, préposé aux photos, débarquons vers 16 heures. Bonne nouvelle, il y a du soleil. Le temps deviendra un peu frisquet en soirée ; mais au moins, on ne pataugera pas, comme l’an dernier, dans la gadoue. L’affiche épingle trois groupes qui n’entrent pas vraiment dans le contexte du festival. Tout d’abord Romano Nervoso, dont le métal spaghetti tire carrément sur le métal, puis Mudhoney, un mythe du grunge ; et en finale Wovenhand, un combo plutôt alt country, nonobstant des influences qui oscillent du neo folk au punk, en passant par la musique gothique. Jusque 16 heures, les commentaires nous ont été rapportés par notre correspondant néerlandophone, David Van Hee, et il ont été adaptés suivant la sensibilité linguistique francophone…
Le duo belge The Glücks ouvre donc le festival. Un couple qui pratique une sorte de rock’n’roll/garage/psyché/trash/punk crade et énergique qui doit autant à Sonics et Meteors qu’aux Cramps. Il est préposé aux drums. Elle se consacre à la guitare et ses cordes sont constamment chargées de fuzz. Une belle entrée en matière.
Encore des Belges. Des Limbourgeois ! Boogie Beasts met immédiatement la gomme à l’aide de son mélange de delta primaire et de garage. La figure de proue ? Lord Benardo, qui dans son style, est à sa musique à bouche ce que Honey White était au saxophone, chez Morphine.
Louis Barabbas & The Bedlam Six sont insulaires. Bedlam se réfère à l’institution psychiatrique londonienne Bethlem Royal, notoire pour ses pratiques cruelles et inhumaines. Fruit d’un cocktail de gipsy, de rock et de soul, leur expression sonore –non dénuée d’humour– évolue sur un tempo élevé. Elle est aussi très cuivrée (trombone et trompette) et met en exergue le talent de showman de Barabbas, dont les mimiques sont impayables…
The Hackensaw Boys nous vient de Virginie, aux States. Un groupe qui a de la bouteille. David Sickmen, Ferd Moyse, Jimmy Stelling, Brian Gorby et Jon Goff se partagent judicieusement les vocaux ; et ils savent tous quand il faut la fermer. Pour laisser la place à l’instru : banjo, guitare, violon, harmo, basse et percus insolites qui alimentent alors leur bluegrass à la sensibilité punk/rock.
Daddy Long Legs est un trio qui s’inscrit dans le renouveau du blues roots, institué, il y a déjà deux décennies, par Jon Spencer. Murat Aktürk se charge de la six cordes et Josh Styles des fûts –sans cymbales– qu’il attaque à l’aide de maracas ou de ses poings. Daddy Long Legs, c’est également le pseudonyme du chanteur/harmoniciste et donc du leader ce cette formation new-yorkaise au look vintage sixties, mais surtout dont la musique libère une énergie phénoménale. Elle a même été considérée comme la révélation du SXSW, en 2015 ! Un regret, le souffleur ne nous accordera pas son exercice de style, qu’il exécute, l’harmo dans la bouche…
Issue de Princeton dans le New Jersey, Rory Block est considérée comme une figure emblématique du country/blues aux States. Ses maîtres ? Mississippi John Hurt, Reverend Gary Davis, Son House et Robert Johnson, dont elle adapte le « Crossroad blues ». 50 ans qu’elle foule les planches des concerts et festivals. Responsable d’une trentaine d’albums à ce jour, elle a décidé de mettre la pédale douce et de ne plus se produire sur le Vieux Continent.
Les musiciens de The Computers montent sur l’estrade. Ils sont vêtus de noir. Costards et fines cravates nouées sur leurs chemises blanches. Trois gratteurs, dont le chanteur et showman, Alex Kershaw ; et Fred Ansell qui se charge également des claviers. Sans oublier la section rythmique. Leur musique n’est pas particulièrement originale, mais elle est dynamique. Du set, on épinglera cependant la reprise du célèbre « Tutti Frutti », une compo popularisée par Little Richard. Mais c’est surtout le show qui est épatant. Alex monte sur les pylônes du chapiteau, descend dans la fosse et est rejoint par un autre gratteur qui se laisse porter par la foule, tout en jouant sur son instrument. Kershaw se prend parfois pour feu Steve Marriott, quand il propulse ses crachats sur l’estrade. Et il jette même sa Rickenbacker dans la foule, avant de la récupérer. Of course… Un régal pour les photographes !
Chez Hell’s Kitchen, le drummer se sert de percus insolites, comme un ramassette, une poêle ou encore un tambour de machine à laver. Et même d’un kazoo en fin de parcours. Ce qui explique sans doute leur patronyme. Encore que ce soit également le nom d’un quartier situé dans l'arrondissement de Manhattan à New York. Et également le titre d’une émission de téléréalité yankee consacrée à la cuisine. Un trio au sein duquel milite un contrebassiste/bassiste et un chanteur/guitariste particulièrement doué au bottleneck. Il joue tour à tour assis ou accroupi. Le style pratiqué par le combo semble né d’une rencontre hypothétique entre Bo Diddley et Tom Waits. Et la voix de Bernard Monney y est sans doute aussi pour quelque chose…
Romano Nervoso a ramené son contingent d’aficionados. Vêtus de noir, les deux gratteurs et le bassiste ont la boule à zéro. Le batteur porte un nœud papillon. Giacomo, le chanteur, est chaussé de grosses lunettes fumées à bords blancs et a enfilé un pantalon moulant de couleur jaune à paillettes. Sans doute pour rappeler son goût pour le glam. Je m’attendais du western spaghetti. On a plutôt eu droit à une première grosse dose de décibels. Un peu comme si Sweet, Trust et Black Sabbath avaient voulu faire une jam dans un hangar. « Glam Rock Christmas », « Mangia Spaghetti », une version italo-wallonne d’« Aline » de Christophe et une autre du « Roots & Roses » de Fred Lani figurent dans la set list. Mais le son est trop brouillon, et on éprouve énormément de difficultés à comprendre ce que Giac raconte ou chante. Il descend bien dans la fosse rejoindre ses fans, qui ponctueront le show de vives acclamations. Mais perso, il y a un bout de temps que je me suis sauvé pour aller déguster des nouilles chinoises au poulet… J’aurais d’ailleurs pu tout aussi bien pu opter pour un mets mexicain, japonais, italien, mauricien ou simplement me contenter de frites belges voire d’un rootsburger, tant il y avait du choix…
The Excitements est un collectif espagnol. Issu de Barcelone, très exactement. Les musicos sont balaises : un guitariste soliste et un rythmique, un drummer, un bassiste, un sax baryton et un ténor. Qui dispensent un cocktail de soul et de r&b aussi efficace que précis. Une musique destinée à mettre en exergue la voix de Koko-Jean Davis. De petite taille, de couleur noire (NDR : elle est née au Mozambique) et très sexy dans sa minirobe, elle s’agite à la manière de Tina Turner, mais elle n’en a pas le timbre. En fait, elle a une jolie voix, mais pas vraiment transcendante pour le style. Peut-être qu’au fil du temps…
Place ensuite à un monstre sacré du grunge : Mudhoney. Fondé en 1988, le quatuor compte toujours trois membres fondateurs, soit le chanteur Mark Arm, le guitariste Steve Turner et le batteur Dan Peters. Guy Maddison a cédé sa basse à Matt Lukin, au début de ce siècle. Le son est inévitablement imposant. Mark Arm chante d’une voix proche de Jerry Roslie (The Sonics), tout en se contorsionnant à la manière d’Iggy Pop. Enfin, presque. Et face à cette deuxième volée de décibels, les bouchons sont indispensables. Dans ces conditions, difficile d’apprécier totalement un set au cours duquel le combo ne manquera pas de nous réserver son hit « Touch me I'm Sick ». (Set list : Into the drink / I like it small / You got it/ Where is the Future / FDK / 1995/ Judgement, Rage, Retribution en Tyme / Flat out Fucked/ Sweet young thing/ Touch Me I’m Sick/ Neutral/ I’m now/ The final course/ The Money will roll right in / Chardonnay/ The Only Son of the Widow From Nain.)
Il revient donc à Wovenhand de clore le festival. La scène baigne au sein d’une luminosité blafarde, presque brumeuse. Son éternel chapeau à plumes vissé sur la tête, les yeux et le visage grimés, David Eugene Edwards chante ses litanies nord amérindiennes, en s’accompagnant à la guitare. Mais debout. Il est épaulé par un second gratteur et une section rythmique basse/batterie. Le son est puissant, mais limpide. Les guitares sont tranchantes, écorchées. Les drums tribaux. Le climat est empreint de mysticisme. Normal, c’est du dark folk. Bref, le concert est vraiment excellent, mais un détail me chiffonne. Pourquoi chanter constamment sous reverb, quand on a une aussi belle voix. Chez 16 Horsepower et au début de l’aventure de Wovenhand, Edwards n’avait pas besoin de cet artifice. Et en abuser finit par lasser. Sans quoi, on peut créditer le band américain d’une prestation quatre étoiles.
(Organisation : Roots & Roses)
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