Jacco Gardner est un multi-instrumentiste batave dont la musique a vraiment tout pour plaire ; et pour cause, ses compositions pop contagieuses sont subtilement teintées de délires psychédéliques. Son deuxième opus, « Hypnophobia », vient de paraître. Il fait suite à « Cabinet of Curiosities », gravé en 2013.
Il revenait à The Sunday Charmers d’ouvrir la soirée. Malheureusement, votre serviteur n’est pas parvenu à rejoindre le Botanique, en temps et en heure, pour assister à son set. Ce sera pour une prochaine fois.
Alamo Race Track sert de deuxième supporting act. Les musicos sont également néerlandais. Si sa pop est variée, il termine souvent ses shows par de longues envolées instrumentales. Le combo est venu défendre son dernier LP, "Hawks". Vu la qualité du concert, l’auditoire va plus que probablement se pencher sur l'ensemble de sa discographie. Perso, je ne connaissais ce band amstellodamois que de nom. Mais, franchement, sa prestation m’a littéralement scotché, et tout particulièrement le titre puissant « Young Spruce and Wires »…
Le temps d'aller siroter un rafraîchissement au soleil, et Jacco grimpe sur le podium de l'Orangerie, flanqué de son backing group. Ses longs cheveux et sa timidité me font penser à feu Kurt Cobain. Cependant, le jeune homme est souriant. Il va nous accorder un set d’une bonne heure. Confirmer un excellent premier LP est toujours difficile. Deux ans séparent "Cabinet of Curiosities", une œuvre bien reçue par la critique à travers tout le Vieux Continent, et "Hypnophobia". Et manifestement, cette confirmation est malaisée. On s’en rend compte dès les premières minutes du set. Pourtant le quatuor qui l’accompagne est solide (NDR : petit clin d'oeil adressé au sosie de Freddie Mercury, préposé aux claviers), mais paradoxalement, c’est le leader qui ne trouve pas ses marques…
Jacco Gardner ne parvient tout simplement pas à se décontracter et semble presque surpris qu’un public puisse apprécier ses chansons. Il faudra de nombreuses minutes avant qu’il ne se lâche, et attendre la fin de parcours, pour qu’il paraisse enfin détendu. Manifestement, il manque de charisme. Cependant, il compense cette carence par une extrême gentillesse (NDR : il souhaite, par exemple, une ‘bonne fête’ aux mamans). Musicalement, le set n’a pas réservé de surprise. On a eu droit à un judicieux compromis entre la quintessence de la pop Orange (NDR : pensez aux Nits) et du psychédélisme baroque. Mais pas de moments vraiment forts. Ce qui a laissé un goût de trop peu aux mélomanes.
Jacco doit absolument se décrisper sur les planches et prendre confiance. Car ses nouvelles compos sont excellentes. Quand il en sera persuadé, il pourra alors offrir des prestations bien plus convaincantes. D’ici le 2 août, dans le cadre du festival de Ronquières, il devrait avoir eu le temps de rôder son spectacle.
Personnellement, c'est à ce moment là que j’en tirerai mes conclusions… (voir les photos ici)
Adrien Mouchet
Alamo Race Track + Jacco Garner
C'est la seconde journée des Nuits Botanique, festival qui ouvre officiellement le début des festivals estivaux. Il y a pas mal de monde sur le site. Le temps est propice à écouter de la musique. Sous le chapiteau, se produisent ce soir Asa, Sophie Hunger et Talisco.
D'origine bordelaise, Jérôme Amandi, aka Talisco, est parisien. Un petit génie qui a un don inné pour proposer des chansons contagieuses, nées d’un mélange entre pop, folk et électro. Musicien dans l'âme, il apprend à jouer de la guitare vers 11 ans. Il monte son premier groupe au collège. Aventure qui cesse lorsqu’il a 19 printemps. Encouragé par ses proches, il commence à écrire et chanter ses propres compos. C’était seulement, il y a trois ans. Roy Music le signe en juin 2012. Il publie un premier Ep, « My Home », en 2013, et l'album très prometteur « Run », en 2014. Il est favorablement accueilli par la critique musicale et le public. La voix de Jérôme évoque celle de Lucas Withworth, lead singer de la formation insulaire Spring Offensive.
Sous le chapiteau, le public est conséquent. Jérôme est venu défendre son dernier opus, « My Home », un LP sur lequel figure son hit « Your Wish ». Trempées dans une pop sucrée, légèrement teintées d’électro, les plages de ce disque ont bénéficié d’arrangements précis et brillent par la limpidité des harmonies vocales.
Jérôme se charge de la gratte et du chant. Il est soutenu par une section rythmique. Un drummer qui se plante à gauche et un bassiste/percussionniste, à droite. Il s’agit de leur premier passage en Belgique. Talisco chante dans la langue de Shakespeare, mais entre les morceaux, il s’exprime dans celle Voltaire. Et à plusieurs reprises, il remercie le public de sa présence.
Entêtant et lent, « So Hold » est sculpté dans le folk. La voix mélodieuse de Jérôme est hantée par Matthew Irons (Puggy) voire Matthew Bellamy (Muse), tout au long de « Sorrow ». Même montée en puissance jouissive. Malgré le son pas vraiment performant, sous le chapiteau (NDR : à l’instar des années précédentes), Talisco nous a accordé un superbe show. Un peu trop court à mon goût, mais superbe quand même…
Didier se rend au stand merchandising de Sophie Hunger. Il demande à la matrone, chargée de tenir l’échoppe, si l'artiste a l’intention de venir à la rencontre de ses fans. Réponse sèche et négative de sa part. Elle tente néanmoins de me vendre ses albums, mais vu l’accueil, je lui brûle la politesse.
J'avais découvert Sophie Hunger, il y a trois ans, lors de la sortie de son long playing « The Danger Of Light ». Je me réjouissais donc de la voir sur les planches. Sophie se charge à la fois du chant, du piano, de la guitare, des percus et du bugle. Elle est épaulée par son backing group (guitariste, bassiste, drummer et préposé aux synthés). Véritable bourlingueuse, Sophie est partie en tournée pour présenter son nouvel et cinquième LP, « Supermoon ». Enregistré entre Bruxelles et San Francisco, il a été coproduit par Hunger et John Vanderslice, puis mixé par Mark Lawson (Arcade Fire, Timber Timbre). Il fait suite à « The Danger Of Light », paru en 2012, « 1983 », en 2010, « Monday's Ghost », en 2008 et « Sketches On Sea », en 2007.
Malgré un départ abordé au piano, le set sera plus rock. Un concert au cours duquel elle va nous réserver quatre titres issus de son dernier essai ; en l’occurrence le titre maître, « Made Miles », « Love Is Not The Answer » ainsi que « Lavender », lors du rappel. Pour la défense d’un nouvel album, c’est un peu sommaire.
Sa reprise de Noir Desir, « Le Vent Nous Portera », tient la route. Sophie Hunger chante trois morceaux en allemand : « Heharum », « Spaghetti Mit Spinat » et « Da Neue ». Des compos qui lui vont comme un gand. Elle y joue de la gratte et elle y excelle. Tout comme lorsqu’elle teinte sa pop de folk ou de jazz. Son rappel, elle l’achève par un « Superman Women » très électrique. Le set devait durer 50 minutes. Il a été solidement écourté. Probablement parce que son était médiocre. Malgré les bouchons enfoncés dans les oreilles, le résultat est resté pénible. A cause de ces infra-basses, agressives et insupportables… (voir les photos là)
Sous le chapiteau, c’est la fournaise pour accueillir la belle Franco-nigériane Asa (NDR : prononcez Asha). Elle a gravé son dernier opus, « Bed Of Stone », l’an dernier. Il faisait suite à un elpee éponyme, paru en 2007 (NDR : récompensé par le Prix Constantin, l’année suivante), « Live In Paris », en 2009, et « Beautiful Imperfection » en 2012. Sa soul/pop est colorée de jazz et d'afro-funk.
C'est la troisième fois qu'Asa se produit dans notre capitale européenne. Toute de noire vêtue, chaussées de lunettes fumées à bords blancs, elle porte sur les épaules, un long châle vert. Elle est soutenue par un backing group, dont une jolie choriste black, plantée à droite du podium. Il y a un fameux contingent de fans agglutinés de ce côté. Et il va chauffer l’ambiance. L'artiste va d’ailleurs rapidement le remarquer. Le voyage au plus profond de l’Afrique mystérieuse peut commencer. Et il débute par le hit « Fire On The Mountain », un extrait du premier LP, au cours duquel elle se sert du ukulélé. Les spectres de Macy Gray, Ayo, Tracey Chapman et même Bob Marley se mettent à planer.
Bien balisée par la section rythmique, « Satan Be Gone » est une nouvelle compo dont les lyrics évoquent les origines africaines de l’artiste. Titre récent également, le délicat « Eyo » se mue en hymne fédérateur. Plus funky, « New Year » vous incite à rejoindre le dancefloor. Et c’est la ligne de basse qui stimule l’ensemble. « Situation » nous propulse à Kingston. Irrésistible, « Bed Of Stone », titre maître du dernier LP, frôle l’univers de Norah Jones. Asa souffle dans un bugle sur « The Way I Feel », une plage issue de « Beautiful Imperfection ». Plus pop, « Maybe » est imprimé sur un tempo reggae. Les fans concentrés à droite du podium dansent comme un seul homme (ou femme, selon). Soul, « Society » est un titre qui vous ensorcelle. Depuis la pop sucrée galvanisée par des rythmes africains au funk qui vous remue les tripes, en passant par la soul qui vous transperce l’âme et les ballades langoureuses, les compos sont toutes propices à la danse. Une danse africaine qui devient carrément endiablée lorsque Asa se déleste de ses ballerines dorées. Et ce show a bénéficié d’un son correct, nonobstant ce problème récurrent dû aux infra-basses. (Voir les photos ici)
Didier Deroissart
(Organisation: Botanique)
Asa + Sophie Hunger + Talisco
Le Botanique nous proposait deux formations du label français Enterprise : Bagarre et Grand Blanc. Elles surfent sur une vague qui déferle en France, suite au phénomène ‘Fauve’. Aux côtés de La Femme et de Blind Digital Citizen, ces groupes incarnent un certain renouveau, caractérisé par un souffle épique, une esthétique punk et une musique qui pille sans vergogne (et pour notre plus grand bonheur) les trésors de la musique électronique, post punk et/ou cold wave des années 80.
Alors que la Rotonde commence timidement à se remplir, Bagarre entame déjà son set. Le line up réunit Emma Le Masne (claviers, chant), Cyril Brossard (boîte à rythmes), Thom Loup (chant, claviers), Arthur Vayssie (chant, guitare, claviers) et Mus Bruiere (batterie). A noter que la plupart des musiciens vont changer d'instrument en cours de route.
On est immédiatement frappés par l'énergie libérée par ‘la bête hybride’ sur les planches. Les titres de leur Ep, « Bonsoir Nous Sommes Bagarre », sorti l'année dernière, font mouche à tous les coups. Caractérisé par ses accents clairement new wave, « L'Etrange Triangle » est une compo qui me botte particulièrement bien. Dans l'ensemble, cette musique protéiforme emprunte également à la house, au disco et au hip-hop pour le côté scandé des paroles. (Voir les photos ici)
Après la pause, c'est au tour de Grand Blanc, les chouchous des Inrocks, d'investir la Rotonde. Originaires de Metz, ils sont passés du jour au lendemain du statut de groupe inconnu à celui d'icônes branchées grâce à un seul titre, une véritable bombe parue l'année dernière: « Samedi, La Nuit ».
Mais c'est en douceur que le grand requin blanc entame sa danse mortelle. La jolie Camille Delvecchio chante « Degré Zéro ». Immédiatement, on pense à La Femme et à son élégance mélodique. La formation maîtrise à la perfection les variations de dynamique, calmant le jeu avant de repartir de plus belle. « Nord » accentue la pression, une compo au cours de laquelle, les accents très ‘Bashungiens’ du chanteur Benoît David sont tout à fait distincts. Hubert-Félix Thiéfaine n'est pas loin non plus. Retour vers la douceur pour « L'Homme Serpent », tel un bonbon, il est susurré par Camille à la manière de Lio.
« Montparnasse » est entamé dans l’esprit de Dominique A : juste la voix bouleversante de Benoît et la guitare minimaliste. De quoi vous flanquer les premiers frissons dans le dos. Il y en aura d'autres ! Hypnotiques, les drums montent en régime, et on attend l’inévitable explosion. Lors de ce long instrumental, on s'envole très loin, portés par les cris et les vagues de synthés. Un grand moment de communion ; d’ailleurs, autour de nous, tous les yeux brillent de bonheur.
Après « Au revoir chevaux », une reprise du classique « Goodbye Horses » de Q Lazzarus, place au brûlant « Feu De Joie ». Le spectre de Noir Désir plane. « Braise-moi ! », crient Benoît et Camille. La température monte encore de quelques degrés grâce à « Petites Frappes » ; et on devine que le paroxysme est proche.
Et il arrive enfin. C’est « Samedi, La Nuit ». Une intro électro onirique, la voix incantatoire et puis tout explose : rythme frénétique, synthés cinglants et guitares envoûtantes. Sorte de croisement entre New Order, M83 et Bashung, la musique est parfaite. Le final est jouissif au plus haut point, le public est au septième ciel. Un superbe concert, un peu trop court peut-être, mais ce Grand Blanc a une grande carrière devant lui…
Philippe Blackmarquis
Grand Blanc + Bagarre
(Organisation : Les Nuits Botanique)